Les sens: l'essence de toutes interactionspar Julia Lazzetta BUC Ressources - Educateur spécialisé 2020 |
Domaine de Compétence 2.2 Conception et conduite du projet éducatif spécialisé Mémoire professionnel Les sens : L'essence de toutes interactions Dossier écrit en vue de l'obtention du Diplôme d'Etat d'Educateur Spécialisé Session 2020 Remerciements Je remercie Murielle pour son temps, son soutien inépuisable et son intérêt pour les sujets abordés, Merlin pour ses conseils et sa très grande disponibilité, Emmanuelle, pour son temps, les jeunes des Didgé pour leur joie de vivre et leurs sourires inoubliables, Alexandra pour sa simplicité et son honnêteté, Anne-Laure pour sa sympathie, sa bonne humeur, ses connaissances, sa bienveillance pour les jeunes et son travail auprès d'eux, Dominique Depenne pour sa compréhension fine qui m'a permis d'être reconnue, entendue et éclairée, et Anastasia pour ses observations bienveillantes. I. L'Établissement Pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés 4 1. Son contexte historique et juridique 4 b. Son cadre légal et son financement 5 2. Ses missions et le public accueilli 6 3. Son équipe et ses partenaires 7 b. Ses modalités d'admission 9 d. L'organisation des journées 10 II. Deux jeunes en recherche d'interactions sociales avec leur environnement 11 III. Les besoins spécifiques d'Angel et de Zadkiel 16 1. Questionnements initiaux 16 2. Toutes les occasions sont bonnes pour entrer en relation 16 3. A la recherche d'objets de stimulations et de dynamisme 17 4. Le besoin de stimulations sensorielles, s'ajoutant aux cinq besoins de base 18 5. Le besoin de participation, soit le besoin d'humanité 19 1. Naissance du projet, pour qui et... 22 3. Annonce du projet à l'équipe 26 c. L'annonce de l'activité aux jeunes 30 f. Des participants attentifs et réactifs lors des séances 34 g. L'atterrissage après le voyage par les sens 35 2. Qu'en est-il des objectifs ? 38 3. Le sentiment continu d'exister 42 VI La suite au prochain épisode ? 43 IntroductionLors de mes trois expériences professionnelles, j'ai été amenée à m'interroger sur la participation des usagers et sur leurs capacités à tirer parti des activités et de l'accompagnement proposé. Lors de mon premier stage auprès d'adultes en situation de handicap mental, j'ai diminué mes consignes pour laisser aux usagers la possibilité d'agir, de proposer ou de choisir. A titre d'exemple, à travers une activité créative, j'accompagnais la personne à réaliser un projet de création en l'encourageant à trouver des idées à partir de ses envies. En fonction des capacités du résident, l'oeuvre pouvait prendre la forme d'une peinture, d'un dessin, d'un bracelet ou de toute autre création. J'ai travaillé sur l'expression de leurs désirs afin de les éveiller au plaisir de s'investir dans une activité mais également pour stimuler leurs capacités cognitives. J'ai pu constater une certaine attente ou dépendance envers les consignes de l'éducateur. Or, je pense qu'il est nécessaire de veiller à ne pas décider à la place de la personne mais de les accompagner, et les stimuler afin que ceux-ci restent des sujets pensants et désirants, et non des objets. La participation permet donc de reconnaître le statut des personnes accompagnées. Par la suite, j'ai effectué mon deuxième stage auprès de jeunes adultes au service de l'Aide Sociale à l'Enfance. Lors de suivis dans le cadre de contrats jeunes majeurs1(*), j'ai noté qu'un manque de complicité entre moi et «l'usager» pouvait entraver son implication. C'est pourquoi, au long de mon troisième stage à responsabilités au sein d'un Établissement pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés (EEAP), j'ai veillé à développer un lien de confiance avec les jeunes accueillis, notamment lors des soins. De plus, au quotidien j'ai pu encourager et rechercher les moindres réactions, ou tentatives de participation lors des douches, d'activités ou lors des choix de vêture ou de nourriture. Ainsi, mon travail effectué sur la participation m'a amené à valoriser et intensifier les tentatives d'actions et d'interactions de la personne accompagnée. La participation des personnes accompagnées s'envisage tant dans le quotidien de leur prise en charge ou accompagnement, que pour favoriser l'évolution des pratiques et des structures comme l'inscrit durablement la Loi 2002-2 rénovant l'Action Sociale et Médico-sociale. Ainsi la participation de « l'usager » est un droit qui est garant de sa dignité en tant que sujet et doit donc rester un axe de travail central et essentiel. Ainsi, tout au long de mon stage j'ai pu repérer le besoin des jeunes de participer à une conversation, une activité ou en d'autres termes à participer à la vie de leur environnement, afin de se mettre en lien avec ces mouvements de vie et de dynamisme. La problématique de mon mémoire s'inscrit donc de la façon suivante, elle interroge ma place auprès de deux résidents : je me suis interrogée sur ce que devrait être la meilleure réponse à apporter dans leurs divers besoins d'interactions sociales et de stimulations sensorielles. En premier lieu, les questions à aborder sont les suivantes : quels sont les besoins des résidents polyhandicapés ? Est-ce que l'équipe de professionnels y répond déjà dans le quotidien ? A partir de mes observations, comment vais-je pouvoir m'inscrire dans une démarche éducative avec ces deux résidents, tout en veillant à répondre à leurs besoins respectifs, dans le respect de chacun ? Mon stage s'est déroulé en deux temps. D'une part, je me suis attachée à accompagner les jeunes au quotidien à travers les soins et les activités de loisirs. Puis, d'autre part, j'ai pu me montrer présente au sein de l'unité d'enseignement auprès de l'enseignante spécialisée deux jours par semaine. Cette unité prend en charge une quinzaine de jeunes. L'EEAP a fait le choix d'un partenariat avec le personnel éducatif, c'est-à-dire les salariés et les stagiaires, afin de permettre un accompagnement individuel, et de répondre aux spécificités liées aux apprentissages et à la diversité des jeunes. Ceux-ci y travaillent la capacité à se repérer dans le temps (date, météo, évènements), à reconnaître les chiffres et certains mots, et à réaliser des travaux manuels. L'expérience au sein de l'unité d'accompagnement éducatif m'a permis de connaître les potentialités cognitives et manuelles de certains jeunes. En outre, j'ai pu soutenir les jeunes dans leur travaux, bien que leur participation s'envisageait sous forme de petites tâches car tel que le spécifie Danièle WOLF«Toute activité, du moment qu'elle est minutieusement décomposée, peut présenter des segments auxquels une personne polyhandicapée peut être associée activement. Cela peut être partiellement, brièvement, et si l'accomplissement de la tâche le requiert, en guidance»2(*). Je vous propose donc d'aborder mon mémoire comme suit. Tout d'abord, je présenterai l'établissement qui a en charge les deux jeunes résidents. Puis, je vous les présenterai et j'exposerai un diagnostic de leurs besoins. Ensuite, je tâcherai de détailler l'activité, s'intitulant «contes sensoriels» que j'ai eu l'opportunité de mettre en place en réponse aux besoins repérés. J'évaluerai cette activité en reprenant les objectifs initiaux. Enfin, j'analyserai le déroulement des séances afin de conclure sur des préconisations quant au futur de l'accompagnement des résidents. Les prénoms des sujets figurant dans ce dossier ont été modifiés pour conserver l'anonymat de chacun. I. L'Établissement Pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés1. Son contexte historique et juridiquea. Son contexte historiqueL'EEAP est un établissement médico-social créé en 1994 et géré par La Croix-Rouge Française. Il est situé à l'endroit d'un ancien sanatorium où étaient hébergées et soignées, dans les années 50, des personnes atteintes de la tuberculose et plus tard des enfants hémophiles. Aujourd'hui, les professionnels de l'établissement accueillent des enfants et adolescents polyhandicapés et porte son nom en mémoire d'un déporté, mort en 1943 dont la famille a légué le terrain à la Croix Rouge pour la construction d'un lieu de soins. La Croix-Rouge Française est une association humanitaire d'action médico-sociale. Le 24 juin 1859, Henry Dunant organise des secours aux victimes de la bataille de Solférino. L'aide humaniste apportée aux soldats des deux camps sans discrimination est l'acte fondateur de la Croix-Rouge. En 1863, le Comité international de la Croix-Rouge pour le droit international humanitaire est signé par seize nations. La Croix-Rouge Française prend naissance le 25 mai 1864. En août 1940 les trois sociétés : la Société Française de Secours aux Blessés Militaires, l'Association des Dames de France et l'Union des Femmes de France se sont réunies sous la dénomination Croix-Rouge Française. Puis, l'ordonnance du 27 avril 1945 confirme la nouvelle organisation de la Croix-Rouge Française ainsi que sa reconnaissance d'utilité publique. Enfin, en mai 1946, la Croix-Rouge Française est nommée à l'Ordre de la légion d'honneur, et s'est vue attribuée la croix de guerre avec palme pour ses actes. La Croix-Rouge Française est régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, reconnue d'utilité publique par décret du 7 août 1940 et validée par l'ordonnance du 27 avril 1945. Son action humanitaire s'articule autour de trois axes : - secourir - développer les solidarités - soulager, prévenir et apaiser les souffrances. Son action sanitaire et médico-sociale consiste à soigner et éduquer. L'EEAP s'inscrit dans ce dispositif et se réfère aux sept principes de la Croix-Rouge Française : - humanité : «ce principe tend à protéger la vie et la santé ainsi qu'à faire respecter la personne humaine. Il favorise la compréhension mutuelle, l'amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples ;» - impartialité : «il ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de religion, de condition sociale et d'appartenance politique» 3(*) ; - neutralité : «le mouvement s'abstient de prendre part aux hostilités et, en tout temps, aux controverses d'ordre politique, racial, religieux et idéologique»4(*) ; - indépendance : «le mouvement est indépendant » ; - volontariat : «il est un mouvement de secours volontaire et désintéressé» ; - unité : «il ne peut y avoir qu'une seule société de la Croix-Rouge. Elle doit être ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire entier» ; - universalité : «le Mouvement international de la Croix-Rouge est universel». Le siège de la Croix-Rouge, situé à PARIS (14ème arrondissement), se décline de manière déconcentrée sur le territoire national par le biais des directions régionales et des pôles de services régionaux. * 1 Dispositif permettant d'apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux majeurs âgés de moins de 21 ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. * 2 WOLF Danièle, Polyhandicap, le nouveau défi: l'accompagnement éducatif des adultes, Revue suisse de pédagogie spécialisée, page 25 * 3 https://www.croix-rouge.fr/La-Croix-Rouge/Un-mouvement-international/7-principes-fondateurs * 4 https://www.croix-rouge.fr/La-Croix-Rouge/Un-mouvement-international/7-principes-fondateurs |
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