Les sens: l'essence de toutes interactionspar Julia Lazzetta BUC Ressources - Educateur spécialisé 2020 |
2. ZadkielZadkiel est un jeune homme, âgé de 21 ans. Il est arrivé à l'EEAP en 2008. Il est l'aîné d'une fratrie de deux enfants. Il rentre le week-end chez ses parents mais il lui arrive quelque fois dans l'année de rester à l'EEAP, le week-end. Il rentre chez lui lors de périodes de fermeture de l'EEAP. Le jeune est installé en fauteuil dans un siège moulé. Ce dernier ne peut se déplacer seul en raison d'un handicap moteur global. Cependant, il est capable de pointer du doigt. C'est un jeune qui est né prématurément à 38 semaines, présentant une microcéphalie avec cerveau lisse, maladie qui désigne un aspect inhabituel du cortex cérébral. Ce diagnostic médical me fait comprendre d'où provient son handicap et notamment son niveau mental et ce qui fait qu'il ne peut pas avoir accès au langage. Ceci me fait écho au passage de Saulus, cité dans un livre: "Le polyhandicap n'est pas un accident qui affecte un individu par ailleurs indemne. Par la précocité et la massivité des liaisons responsables, des déficiences et des incapacités directement induites, le polyhandicap engendre véritablement une manière d'être au monde, une et originale. L'être humain polyhandicapé est, pourrait-on dire, tout entier handicapé ; non pas pour insister de manière péjorative sur la gravité de son état, mais pour nous engager résolument sur la voie de la reconnaissance de son droit à une existence originale.»9(*) Je pense qu'au long des accompagnements avec des personnes polyhandicapées, il est important de se souvenir du diagnostic médical afin de rester réaliste et ainsi être le plus proche possible de la réalité de la personne. De plus, par sa condition hors norme, il n'est pas exclu d'envisager un accompagnement qui soit pareillement hors norme. Zadkiel est épileptique et doit prendre des médicaments. Le jeune a également des troubles digestifs, qui peuvent générer des douleurs. L'équipe doit rester attentive à tout changement de comportement, qui pourrait révéler une douleur ou un problème de santé. Enfin, son audition et sa vue sont normales. Zadkiel a subi de nombreuses opérations chirurgicales pour des raisons orthopédiques au niveau des hanches, des pieds et du dos (2003 à 2014) Nous sommes particulièrement interpellés par l'équipe médicale pour être très vigilants lors des transferts avec le lève-personne. Zadkiel est suivi deux fois par semaine par une ergothérapeute et une kinésithérapeute. Le jeune participe à deux séances d'orthophonie hebdomadaire, pour des séances de commande oculaire. Il s'agit d'une technologie permettant de capter le regard dont le but est d'effectuer des exercices sous forme de jeux afin d'entraîner le jeune au suivi du regard, au comptage ainsi qu'à la relation de cause à effet. Zadkiel présente une compréhension simple des situations et actes de la vie quotidienne. Il est très sensible aux intonations du message verbal. C'est pourquoi, j'accentue l'intonation de ma voix lorsque je lui adresse la parole. Ceci permet de l'aider à la compréhension du message, ce qui le fait beaucoup rire. Le jeune utilise une communication non verbale, il apprécie et recherche l'interaction avec l'adulte, il aime plaisanter et se moquer. Il est très observateur et curieux de tout ce qui l'entoure. Zadkiel exprime son ressenti par des regards, qui sont très expressifs, des mouvements de bras ainsi que par des vocalises. Ainsi, il m'interpelle fréquemment de cette manière, lorsqu'il ressent le besoin d'interagir avec moi. Zadkiel étant en capacité de pointer du doigt, il semble éprouver beaucoup de plaisir à étendre son bras pour toucher un objet. En effet, il s'agit de son principal moyen d'action sur son environnement. Ainsi, je n'hésite pas à lui faire toucher des matières, par exemple, des plantes lorsque nous sommes sur le balcon de l'unité ou à l'extérieur. Zadkiel est en capacité d'utiliser des pictogrammes,10(*) que nous utilisons pour l'aider à choisir ou pour renforcer la compréhension du message verbal lui permettant d'anticiper une prise en charge ou un atelier. Il n'est parfois pas aisé de comprendre ce dont il souhaite parler car le oui/non n'est pas toujours fiable, les réponses diffèrent en fonction de son interlocuteur. C'est pourquoi, je me focalise sur l'expression de son visage pour connaître son avis sur quelque chose. De plus, il peut refuser catégoriquement d'utiliser les pictogrammes en fonction de l'interlocuteur,et cela semble l'amuser. Il m'arrive alors de devoir choisir à sa place lorsqu'il refuse de me donner une réponse. Je l'informe par conséquent que je choisis pour lui. Je lui explique alors que l'absence de réponse entraîne en conséquence la décision d'une tierce personne. Zadkiel est toujours très enjoué de se rendre aux divers ateliers proposés par l'EEAP tels que l'atelier peinture et les sorties en extérieur. Le jeune participe au «groupe communication» avec Angel tous les mardis. Enfin, Zadkiel se rend deux fois par semaine en classe adaptée, il travaille entre autre le repérage dans le temps, la date, la météo et est amené à réaliser des travaux manuels (collages, découpages etc.). Ce dernier apprécie se rendre en classe et notamment retrouver sa camarade de classe. Pour soutenir ses liens d'amitié, l'enseignante et moi rapprochons les sièges, les deux jeunes peuvent alors se toucher les mains. * 9 DALLA PIAZZA Serge, GODFROID Bénédicte, La personne polyhandicapée: son évaluation et son suivi, De Boeck, Bruxelles, 2010, page 17 * 10 Utilisation d'images représentant des objets, personnes connues de la personne dans le but de communiquer. |
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