Les sens: l'essence de toutes interactionspar Julia Lazzetta BUC Ressources - Educateur spécialisé 2020 |
2. ...Pourquoi ?Premièrement, tels que vu plus haut, et selon Cécile VISSCHER et Père TORAS, la personne atteinte de polyhandicap arrive au monde avec un manque d'expériences sensorielles durant la vie-utérine ce qui a provoqué une difficulté à développer une idée du corps propre, la peau étant l'organe de contact et de délimitation. Ainsi, d'après ces auteurs, l'enfant a tendance à renoncer à «utiliser son corps comme moyen d'exploration, de recherche et de satisfaction de sa curiosité, mais aussi comme moyen d'approche et de communication.»17(*) J'en déduis qu'il est nécessaire d'apporter ces objets de stimulations à la personne porteuse de polyhandicap afin de l'aider à explorer avec son corps, lui permettant d'entrer en relation avec l'objet ou l'environnement. Ainsi, les éléments sensoriels de l'histoire pourraient créer l'opportunité de découverte et d'ouverture vers l'environnement extérieur. Par ailleurs, comme le soulignent Messieurs Dalla Piazza et GODFROID «pour une personne polyhandicapée, les moyens de communication concernent surtout la modification des rythmes de la vie quotidienne, l'amplitude respiratoire, des émissions vocales diverses, des mouvements, le toucher. Nous sommes au niveau de l'émission de comportements de base issus des premières étapes du développement. Le premier outil pour communiquer, pour créer une relation est le corps.»18(*) Or, nous utilisons principalement une communication verbale. De même, pour beaucoup les mots simples sont très complexes à aborder et à comprendre. Il faut alors les aider à appréhender les mots en passant par l'éveil des sens, c'est-à-dire en adaptant le ton au contexte, en utilisant des mots qu'ils connaissent et qui leur font écho. En suivant cette logique, il est alors question de leur faire vivre les phrases dans leur corps lorsqu'elles sont prononcées. Il s'agit de traduire les mots afin qu'ils deviennent plus accessibles. Il se peut que certains mots ne fassent pas sens pour certains jeunes. Ainsi, théâtraliser est important lorsque l'on souhaite raconter une histoire ou faire passer un message. C'est pourquoi, je pense qu'il est nécessaire de jouer les phrases, au contact des personnes porteuses de polyhandicap qui appréhendent leur environnement à travers leurs sens. Pour ce faire, l'histoire choisie devra être jouée, voire de manière exagérée, théâtralisée et amenée de façon à permettre un vécu par le jeune. Je peux porter mon attention sur le verbe interagir c'est à dire «agir, jouer un rôle dans quelque chose»19(*) ainsi, je comprends que l'interaction va de pair avec la participation puisque participer c'est «prendre part à une action, à un sentiment, etc.»20(*) Et que prendre part correspond au «fait d'intervenir ou de participer à quelque chose qui est en train de se passer.»21(*) Interagir c'est participer. A ce propos, FELCE et MANSELL ont développé une approche : l'Active Support. Cette approche encourage la participation de la personne par des offres de soutien appropriées dans l'intention de garantir l'accomplissement de la tâche. «Mieux vaut un engagement, même partiel ou de courte durée, [...], qu'une participation plus longue et moins étayée mais susceptible de s'achever sur un échec ou un abandon».22(*) Cette méthode met en avant l'importance des participations au quotidien, même si elles sont de courtes durées ou nécessitant une guidance. Par ses participations, le jeune va pouvoir «expérimenter son emprise sur l'environnement.»23(*). Puis, selon Félicie AFFOLTER, psychologue, l'enfant se construit avec le toucher et le mouvement ; ce que la personne polyhandicapée dans son enfance, n'a pas pu expérimenter. C'est pourquoi, «solliciter le toucher et l'accompagner dans ses mouvements servent à enrichir ses expériences sensorielles et lui permettent d'agir sur son environnement.»24(*) Il faut donc apporter un aspect participatif et tactile afin que le jeune prenne part aux stimulations de l'activité proposée. L'humain est un être social et «les fortes limitations de relation et de communication entre la personne et son entourage [...] freinent son développement personnel et les apprentissages, limitent considérablement toute action possible de la personne sur son environnement, compromettant ainsi son épanouissement personnel et sa place de sujet.»25(*) Ainsi, limité dans sa communication, il va s'adapter et compenser sa condition d'une manière ou d'une autre. En outre, les personnes en situation de polyhandicap communiquent sans cesse, avec leur propre mode de communication. En effet, les personnes en situation de polyhandicap «expriment surtout leurs désirs et leurs ressentis dans le cadre d'une communication pré ou proto symbolique, comme les expressions faciales, les mouvements, les bruits, la posture, la tension musculaire.»26(*) Alors, malgré de grandes difficultés pour la personne polyhandicapée à se faire comprendre, le professionnel peut intercepter les tentatives de la personne, soit devenir facilitateur de la parole de l'autre, en veillant «à ne pas appliquer ses propres schémas de pensée mais de trouver le bon rythme, être attentif à tous les modes de communication - regard, langage, toucher, odorat, mouvements, mimiques, silence, attitudes, rythmes.»27(*) Il est donc nécessaire de connaître les modes de communication et les habitudes réactionnelles de la personne pour pouvoir comprendre et intercepter les signaux, ce qui permettra à la personne d'être encouragée à entrer en communication et, d'être reconnue comme une personne qui agit sur son environnement. Je repère donc l'importance de connaître les modes de communication des personnes qui participent à la séance. C'est pourquoi, les personnes qui collaboreront avec moi lors des séances devront connaître suffisamment les jeunes, afin d'être attentifs à leurs réactions durant la séance. Cette attention portée aux réactions des jeunes permettra d'une part, l'évaluation de l'activité, mais également d'échanger avec les jeunes. De plus, mentionner auprès des jeunes leurs réactions, à l'issue de la séance leur permettra de donner corps à cet événement vécu comme particulier. * 17 VISSCHER Cécile, TORAS Pere, Activité groupales et découverte du corps avec des enfants polyhandicapés, dans une crèche spécialisée, La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation, n°50, 2010 page 61 * 18 Dalla Piazza, S., Godfroid, B., La personne polyhandicapée: son évaluation et son suivi, De Boeck, Bruxelles, 2010, page 112 * 19 Interagir, dans le dictionnaire Larousse en ligne, consulté le 14 décembre 2019 sur https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/interagir/43600 * 20 Participer, dans le dictionnaire Larousse en ligne, consulté le 14 décembre 2019 sur https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/participer/58375 * 21 Prendre part à, dans le dictionnaire linternaute en ligne, consulté le 14 décembre 2019 sur https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/prendre-part-a/ * 22 WOLF Danièle, Polyhandicap, le nouveau défi: l'accompagnement éducatif des adultes, Revue suisse de pédagogie spécialisée, page 26 * 23 WOLF Danièle, Polyhandicap, le nouveau défi: l'accompagnement éducatif des adultes, Revue suisse de pédagogie spécialisée, page 26 * 24 DALLA PIAZZA Serge, GODFROID Bénédicte, La personne polyhandicapée: son évaluation et son suivi, De Boeck, Bruxelles, 2010, page 117 * 25 ASENCIO Anne-Marie, FIACRE Patricia, PEINTRE Carole, Les situations de handicap complexe: besoins, attentes et modes d'accompagnement des personnes avec altération des capacités de décision et d'action dans les actes essentiels de la vie quotidienne, CEDIA-CREAHI, Paris, 2013, page 46, consulté sur http://www.cedias.org/index.php?lvl=notice_display&id=78756 * 26 ASENCIO Anne-Marie, FIACRE Patricia, PEINTRE Carole, Les situations de handicap complexe: besoins, attentes et modes d'accompagnement des personnes avec altération des capacités de décision et d'action dans les actes essentiels de la vie quotidienne, CEDIA-CREAHI, Paris, 2013, page 48, consulté sur http://www.cedias.org/index.php?lvl=notice_display&id=78756 * 27 ASENCIO Anne-Marie, FIACRE Patricia, PEINTRE Carole, Les situations de handicap complexe: besoins, attentes et modes d'accompagnement des personnes avec altération des capacités de décision et d'action dans les actes essentiels de la vie quotidienne, CEDIA-CREAHI, Paris, 2013, page 38, consulté sur h ttp://www.cedias.org/index.php?lvl=notice_display&id=78756 |
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