Les sens: l'essence de toutes interactionspar Julia Lazzetta BUC Ressources - Educateur spécialisé 2020 |
g. L'atterrissage après le voyage par les sensLes jeunes se sont montrés très attentifs, curieux et captivés, ils me suivaient du regard. Cependant, la séance terminée ils semblaient déconcertés ; Zadkiel ne vocalisait pas et Angel ne commentait pas la séance. Ils semblaient dans l'expectative. J'ai noté qu'ils paraissaient imprégnés par l'histoire. A la fin de la séance, ils semblent donc dans l'attente, peut-être se demandent-ils si l'histoire a pris fin ? Effectivement, ils font partie intégrante des personnages, ils sont englobés dans le conte, ils la vivent. Ainsi, ils ne savent plus comment réagir après coup, puisque ceux-ci sont encore dans l'histoire, impliqués et imprégnés par celle-ci. Je pense alors qu'ils ont reçu de «plein fouet» toutes les stimulations qui leur ont été amenées, ils se sont entraînés à les recevoir, c'est pourquoi ils demeurent dans l'expectative. Ayant changé d'unité au cours de mon stage, j'ai pris pour habitude de me rendre à l'unité pour rencontrer les jeunes les jours suivant la séance, dans le but de discuter de l'activité et de prendre de leurs nouvelles. Durant ces moments d'échanges, j'en profite pour noter chacune de leurs réactions, et les comparer aux réactions initiales repérées le jour des «contes sensoriels.» De cette manière, en évoquant l'activité à Zadkiel, j'ai pu constater qu'il vocalisait davantage qu'en fin de séance. Quant à Angel, en confrontant avec les échanges d'après séance, je comprends qu'elle répond plus aisément. J'en conclus que les jeunes ont besoin de temps pour assimiler l'activité et pour se remettre de leurs émotions. Faut-il adoucir l'histoire pour que les jeunes soient moins déstabilisés ? Je ne pense pas qu'être déstabilisé soit contraire à l'épanouissement des jeunes puisque dans chaque conte se trouve un personnage incarnant le méchant et un héros qui rencontre des difficultés, du moins au début de l'histoire. Bruno BETTELHEIM cite à ce propos «la majorité des parents croient que l'enfant doit être mis à l'abri de ce qui le trouble le plus : ses angoisses informes et sans nom, ses fantasmes chaotiques, colériques et même violents. [...] Mais ce régime à sens unique ne peut nourrir l'esprit qu'à sens unique, et la vie réelle n'est pas que soleil...»36(*) De plus, la personne séduite par le personnage, s'identifie à lui et ce dernier lui apporte un message qui lui apprend ou lui rappelle «que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable [...] mais si au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves [...], on finit par remporter la victoire.»37(*)Même si dans son livre Bruno BETTELHEIM écrit au sujet des enfants, je pense que cela peut s'appliquer aux adultes également. En effet, selon moi l'enfant intérieur peut être touché lors de l'écoute d'une histoire, en d'autres termes, je pense que pour tout individu les histoires ou le visionnage de films peuvent être une source de stimulations et aide à la gestion des émotions, narrées par l'histoire. Je pense donc que les adultes peuvent également apprécier une histoire qui ne soit pas adoucie mais qui reprend les difficultés de la vie. En revanche, il se peut que le sujet de l'histoire ne soit pas à l'origine de ce qui provoque l'étonnement des jeunes, cela peut concerner un autre aspect. Il peut s'agir de l'activité dans sa globalité, l'histoire et l'éveil des sens. En effet, au regard de leur réactions, j'ai pu conclure qu'il y avait, pour les jeunes, une nécessité de procéder à un «atterrissage». Je pense que l'histoire a stimulé une circulation de l'esprit. Elle a peut-être permis de ré-ouvrir des possibles et solliciter l'imaginaire. L'imaginaire les a amené à expérimenter un voyage dans l'histoire. Après la séance, il faut donc amortir «l'atterrissage.» Mon but n'était pas de les illusionner. C'est pourquoi après les séances, nous prenions le temps de ralentir, ce moment de pause nous permettait d'échanger. * 36 BETTELHEIM Bruno, CARLIER Théo, Psychanalyse des contes de fées, Éditions Robert Laffont, Paris, 2016, page 19 * 37 BETTELHEIM Bruno, CARLIER Théo, Psychanalyse des contes de fées, Éditions Robert Laffont, Paris, 2016, page 20 |
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