Les sens: l'essence de toutes interactionspar Julia Lazzetta BUC Ressources - Educateur spécialisé 2020 |
3. A la recherche d'objets de stimulations et de dynamismeEn revanche, malgré l'inertie qui peut apparaître, je pense que, par ces demandes d'interactions, les deux jeunes sont, malgré tout, à la recherche d'objets de stimulations Par ces objets de stimulations, j'entends notamment tout ce qui est de l'ordre du nouveau, les événements, les mouvements en somme... Les jeunes souhaitent capter ces mouvements, symboles de vie. «La vie est mouvement : la marche mais aussi la respiration, la circulation des fluides corporels, le mouvement des yeux, des mains. Ces mouvements, petits ou grands, nous donnent des informations sur notre corps et sur le monde qui nous entoure [...] Nous savons tous que le développement des enfants, cognitif et émotionnel, est fondé sur les échanges avec l'environnement par le mouvement et les sens. Ce mode de connaissance propre aux jeunes enfants reste d'ailleurs prépondérant chez la personne polyhandicapée, tout au long de sa vie. La diminution ou l'absence de mouvements, absence de leur perception sont sources de monotonie et d'isolement, peut même conduire à la folie. [...] Les troubles moteurs limitent considérablement les mouvements spontanés de l'enfant polyhandicapé et donc la possibilité d'explorer son corps et de l'utiliser comme un moyen de relation avec le monde qui l'entoure.»12(*) Il est vrai que les deux jeunes réagissent fréquemment avec beaucoup d'enthousiasme, lorsqu'un professionnel les emmène vers un lieu différent dans le but de participer à une activité ou un soin. D'ailleurs, dès lors qu'un professionnel se met à danser, ne serait-ce que brièvement, cela ne passe jamais inaperçu, les jeunes répondent et réagissent vigoureusement. En outre, l'équipe et moi donnons de l'importance à entrer quotidiennement en relation avec les jeunes et, à créer un environnement dynamique. Il nous arrive fréquemment de mettre de la musique au sein de l'unité, de danser avec les jeunes. Les moments de soin sont également des moments où nous pouvons créer une relation puisqu'il s'agit d'un moment privilégié, durant lesquels nous sommes seuls avec le jeune. Il est important de créer une ambiance joyeuse et propice lors de ces moments, afin que celui-ci soit d'une manière ou d'une autre, encouragé, porté à participer ou à coopérer avec le professionnel. Il me semble donc que ce besoin de dynamisme est déjà investi par les professionnels. 4. Le besoin de stimulations sensorielles, s'ajoutant aux cinq besoins de baseLors de mon stage j'ai pu discuter avec les professionnels de l'institution sur leur métier auprès des jeunes polyhandicapés. Je me suis entretenue notamment avec la psychologue au sujet des besoins des jeunes polyhandicapés. Je lui ai fait part de mon questionnement sur la place du domaine éducatif dans le quotidien des jeunes accueillis. En effet, notre travail a tendance à être centré sur les moments de soins, de repas, de changes. Néanmoins, d'après Abraham MASLOW, psychologue, cinq types de besoins sont hiérarchisés, les besoins : physiologique, de sécurité, d'appartenance, d'estime et d'accomplissement. Bien que l'accompagnement quotidien tourne essentiellement autour du besoin physiologique, il ne faut pas oublier que les personnes polyhandicapées ont les mêmes besoins que toute autre personne. Je pense qu'il faut toujours se souvenir de cette pyramide de hiérarchisation des besoins, peu importe le public abordé. La psychologue a pu me préciser que le besoin d'estime trouve sa place dans la valorisation par eux-mêmes, à titre d'exemple « tu te trouves beau ? » ; cette formulation sollicitera alors le jeune à envisager sa propre valorisation pour ensuite l'intérioriser. Par ailleurs, le besoin d'estime de soi peut être reconnu simplement par des félicitations ou des valorisations telles que «tu as fait un dessin, c'est génial». Lors de cet entretien, j'ai pu apprendre que les personnes porteuses de polyhandicap ont un besoin de stimulations sensorielles car ces dernières vivent à travers leur sensorialité. N'ayant pas la représentation mentale de ce qui se passe dans leur environnement, elles ont recours au sens pour l'appréhender et le comprendre. Pour nous représenter le monde, notre vue nous donne des informations sur l'espace, notre ouïe nous aide à être averti d'une agitation dans notre espace etc. Les personnes polyhandicapées ont besoin d'un environnement stimulant. Ainsi, à leur contact, il ne faut pas faire l'économie de mots. Celles-ci ont besoin de baigner dans un monde de langage et de sensations afin d'être en immersion dans un monde vivant. Ce besoin de stimulations sensorielles est dû au fait que, par leur handicap, les personnes atteintes de polyhandicap n'ont que peu de moyen d'explorer leur environnement. «Cela (les troubles moteurs) limite également les expériences sensorielles avec comme résultat le ralentissement du développement cognitif de la personne, privée des apprentissages nécessaires. Chaque enfant, quand il apprend à se déplacer (ramper, marcher) s'individualise, devient autonome par rapport à sa mère, il explore son environnement. Il expérimente son corps, agit sur son environnement et développe ainsi de nouvelles conduites, mais aussi des schèmes cognitifs.»13(*)Ainsi, mon interrogation est la suivante : Puis-je aider la personne à explorer son environnement dans le but de lui permettre de répondre à ses besoins de stimulations sensorielles ? * 12 VISSCHER Cécile, TORAS Pere, Activité groupales et découverte du corps avec des enfants polyhandicapés, dans une crèche spécialisée, La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation, n°50, 2010, page 64 * 13 Dalla Piazza, S., Godfroid, B., La personne polyhandicapée: son évaluation et son suivi, De Boeck, Bruxelles, 2010, page 29 |
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