De quoi l'auto-gynécologie est-elle le nom ?par Lolane Dentand Université Lumière Lyon 2 - Master Psychologie Sociale 2017 |
UNIVERSITE LUMIERE LYON II - Institut de Psychologie Note de recherche Psychologie Sociale, du Travail et des Organisations - Juin 2018 _____________________________________ DE QUOI L'AUTO·GYNECOLOGIE Le regard des représentations sociales _____________________________________ Lolane DENTAND DUCROT - 2101781 Sous la direction de Marie Préau, professeure de psychologie sociale de la santé Soutenu le 22 juin 2018, TB Membres du jury : Marie Préau, professeure et Christine Morin-Messabel, maîtresse de conférences.
Note de rédaction - de l'utilisation de l'écriture inclusive. A des fins d'égalité (Houdebine, 1998, Viennot, 2008) et au vu du sujet choisi, cette note de recherche a été rédigée en écriture inclusive.Certaines règles1(*)ont été retenues: -lorsque le sujet concerne exclusivement ou presque des femmes, le féminin est utilisé. -lorsque le sujet ne concerne pas seulement les femmes, trois formes ont été sélectionnées : -pour les formes simples, le point médian est utilisé (ex : patient·e·s) -pour les formes plus complexes, les noms sont dédoublés (ex : chercheurs et chercheuses) -pour les pronoms, l'écriture de « ils et elles » est retenue. Par ailleurs, la règle de proximité, selon laquelle l'accord de l'adjectif ou du participe passé se fait avec le nom le plus proche, a été appliquée. I. LA SANTÉ À L'AUNE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE, UNE APPROCHE HOLISTE 3 A. La santé, de la médecine aux sciences sociales 3 B. L'ancrage social de l'objet santé en psychologie : l'intégration de la culture 5 C. La théorie des représentations sociales appliquée aux phénomènes et comportements de santé 7 II. LE REGARD DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES 9 A. Les représentations sociales, une théorie, des approches 9 B. L'ancrage et l'objectivation, deux mécanismes de formation des représentations sociales 11 C. Les représentations sociales, lien entre pensée et pratique sociales 12 III. DE LA GYNÉCOLOGIE À L'AUTO·GYNÉCOLOGIE 14 A. La femme, un patient comme les autres ? 14 B. La crise de la gynécologie et l'auto-gynécologie 14 I. DE LA MÉTHODOLOGIE QUALITATIVE 19 II. L'OUTIL MÉTHODOLOGIQUE DE L'ENTRETIEN 19 A. La méthode de l'entretien 19 III. L'APPROCHE DU TERRAIN DE L'AUTO-GYNÉCOLOGIE 21 A. Prise de contact et recrutement 21 B. Caractéristiques et rencontre de la population 22 I. PRÉSENTATION DE L'ÉCHANTILLON 23 II. CONSTRUCTION DE LA GRILLE D'ANALYSE 24 III. PRÉSENTATION ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS 26 A. Le regard des RS sur l'auto-gynécologie, les rapports de l'individu au social 26 1. Rapports à l'institution médicale 27 2. Rapports à la gynécologie 27 5. Rapports à la communauté auto-gynécologique 31 6. Rapports au corps, à l'intimité et à la féminité 32 B. L'inscription des représentations autour de l'auto-gynécologie dans des cadres psychosociaux préexistants : la pensée et la pratique 34 L'auto-gynécologie, une pratique cristallisée par un ancrage dans un système de valeurs 35 L'auto-gynécologie comme pratique sanitaire alternative naturelle 35 L'auto-gynécologie comme outil militant féministe 36 L'auto-gynécologie comme remise en question de l'institution médicale 37 C. Interprétation au regard des mécanismes d'ancrage et d'objectivation 38 1. Le savoir gynécologique représenté autour de la consultation gynécologique ; un protocole observation-diagnostic-soin, et une figure experte 38 2. Le savoir gynécologique comme attention portée à l'appareil génital féminin. 39 3. Le savoir gynécologique comme sagesse populaire féminine 41 SYNTHÈSE ET LIENS ENTRE LES RÉSULTATS 43 Une compétence des patientes 43 Une mise en pratique de la théorie 43 Une instrumentalisation du savoir scientifique gynécologique 43 Un rapport à l'ordre social établi 44 RETOURS ET OUVERTURES SUR LA THÉORIE 45 L'auto-gynécologie, une forme d'automédication 45 Internet, outil privilégié de diffusion du savoir auto-gynécologique 46 L'auto-gynécologie à l'aune de l'empowerment 46
IntroductionDepuis les années 1970, et grâce aux impulsions des organisations militantes de malades, le champ de la santé est profondément marqué par l'émergence de la « démocratie sanitaire ». Alors que la médecine était jusqu'alors centrée sur la maladie et le symptôme et appliquée dans une relation asymétrique où le malade est incapable, on reconnaît désormais auxpatient·e·s des droits, mais aussi des compétences. Elles et ils deviennent à la fois acteurs du système de santé, à travers l'arrivée des représentant·e·s des usager·e·s dans les instances, mais aussi acteurs de leur santé, à travers la participation à leurs propres soins. D'un point de vue juridique, les lois du 4 mars 2002 -avec la reconnaissance de la notion de consentement éclairé, du 9 août 2004 -avec la participation des usager·e·s aux politiques publiques de santé, du 21 juillet 2009, HPST -relative à de nouveaux droits pour les patient·e·s, ou la loi de modernisation du système de santé de janvier 2016 témoignent de ces évolutions.Parmi les différentes sciences humaines et sociales de la santé, la psychologie critique de la santé propose notamment de faire l'évaluation de l'impact réel de ces perspectives théoriques. Les interrogations quant à la mise en application de la démocratie sanitaire et plus généralement de la place des patient·e·s dans la relation médecin-patient·e continuent de se poser au sein des diverses disciplines médicales. L'une d'elles, la gynécologie, est depuis quelques années invitée sur le devant de la scène par des actualités polémiques. Les associations de patientes se multiplient pour dénoncer les « violences obstétricales et gynécologiques » comme l'épisiotomie, acte chirurgical consistant à ouvrir le périnée au moment de l'accouchement, qui serait pratiquée à outrance et en l'absence de consentement. La controverse fait tant de bruit que la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, en fait son cheval de bataille lors de son entrée au gouvernement. Ellecommande un rapport au Haut conseil à l'égalité à propos des violences obstétricales en dénonçant « un taux d'épisiotomie de 75% en France alors que l'OMS préconise 20 à 25 % », ce que dément aussitôt le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) en évoquant 20 %. Enjeu politique et médical, donc, les controverses autour de la gynécologie sont également un enjeu social, en ce qu'elles traduisent un malaise des patientes et un possible défaut du système de santé. A l'heure où l'autonomie est érigée en norme sociale (Ehrenberg, 2005) et valorisée dans la prise en charge de la maladie dans le domaine de la santé (au sein de l'éducation thérapeutique par exemple), la conception du rôle des patientes en gynécologie est un élément clé. Le comportement sanitaire de l'auto-gynécologie, en ce qu'il mêle participation aux soins, autonomie et changement de place des patientes, parait particulièrement adapté à l'étude de cette conception. Encore peu explorée, cette pratique de soin ne peut être clairement définie mais se présente comme un investissement fort et une attention toute particulière portée à sa santé gynécologique en parallèle de la médecine institutionnalisée. L'objet de cette recherche porte donc sur l'auto-gynécologie, non pas en tant que pratique médicale thérapeutique, mais en tant que conduite sociale. Il s'agira de tenter de s'en saisir à l'aide la psychologie sociale de la santé et des approches qu'elle propose, notamment la théorie des représentations sociales. De quoi l'auto-gynécologie est-elle le nom ? I. La santé à l'aune de la psychologie sociale, une approche holisteDans un premier temps sera abordé l'objet santé à travers le prisme des sciences humaines et sociales ; il s'agira de le situer dans un contexte et une histoire (A), dans une discipline et ses paradigmes (B), puis dans une approche théorique et épistémologique (C). * 1 Les règles d'écriture inclusive sont disponibles dans le Manuel d'écriture inclusive proposé par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCE), notamment consultable sur le site du gouvernement. |
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