De quoi l'auto-gynécologie est-elle le nom ?par Lolane Dentand Université Lumière Lyon 2 - Master Psychologie Sociale 2017 |
B. L'ancrage social de l'objet santé en psychologie : l'intégration de la cultureLa simple mention de la psychologie sociale de la santé ne suffit pas seule à délimiter l'ancrage théorique dans lequel s'inscrit cette recherche. En effet, cette discipline couvre des épistémologies variées et des enjeux différents. Il s'agira ici de tenter de présenter le cadre conceptuel retenu et son développement. Bien qu'il soit envisageable -voire tentant- de s'intéresser à la santé à travers la psychologie sociale pour développer des modèles prédictifs, nous faisons ici un autre choix épistémologique. A l'instar de nombreux·sesauteur·e·s, nous pensons qu'une telle approche comporte des limites qui risqueraient de nuire à une appréhension globale de l'objet.Ainsi, Apostolidis et Dany déplorent l'aporie des conceptualisations des modèles de comportements de santé issus de la psychologie sociale comme le HealthBelief Model ou la Theory of PlannedBehavior (2012). Ils arguent d'une part de la nécessité de la prise en compte de la dimension symbolique et partagée de la connaissance humaine pour pallier les incohérences de ces modèles, et proposent d'autre part de développer une problématisation plus holistique des comportements de santé. De même, Santiago Delefosse regrette l'insuffisance des approches unidimensionnelles, et l'illusion d'un individu solipsiste (2002). Elle propose un paradigme « subjectiviste-constructiviste » en opposition au « positiviste et néopositiviste », qui se distinguent à travers huit caractéristiques, la nature de la réalité des faits, le but de la recherche, la position du chercheur, l'observateur et les phénomènes observés, la nature du savoir produit, les méthodes de mise en évidence du savoir, les valeurs du chercheur et les conflits de paradigme2(*) (2017). Les premiers courants paradigmatiques subjectiviste et constructiviste conçoivent notamment une co-construction de la réalité par l'expérience et la culture, un objectif compréhensif de la recherche, une approche phénoménologique de la réalité du sujet et du savoir co-construit, ainsi qu'une utilisation majoritaire d'outils méthodologiques qualitatifs. Ces différents éléments permettent alors de considérer que tout sujet concret est toujours situé à la fois dans son histoire et dans un monde social, et ainsi d'éviter le solipsisme redouté par l'auteure. De la même manière, Jodelet s'est attachée à proposer une posture critique de la psychologie de la santé en relevant sa curieuse cécité aux dimensions collectives pourtant déterminantes dans la gestion de la santé et de la maladie (2006). Pour elle, le rapport à la santé recouvre une complexité de processus et une diversité d'expériences que seule une approche multidimensionnelle permet d'appréhender. Cette approche pluridimensionnelle permet alors d'intégrer la culture comme prisme d'analyse des phénomènes sanitaires et de l'ériger en garde-fou d'un réductionnisme tentant. Néanmoins, il reste important de préciser que l'intégration de la culture et du social ne peut se satisfaire d'une seule approche sociologique. « La culture devrait être intégrée dans une telle approche, mais dans des conditions qui préservent la subjectivité, donc le psychologique. » Jodelet, 2006, p. 225 Ces premières réflexions quant à la posture à adopter pour étudier la gestion de la santé et de la maladie nous renseignent également sur la manière de concevoir les pratiques sanitaires. Pour Jodelet (2013), elles sont le fruit de la culture et des représentations, qui s'articulent à travers l'expérience, elle-même définie comme la rencontre des différentes dimensions sociales, interactives, cognitives, psychiques et émotionnelles (voir figure 2). CULTURE EXPERIENCE PRATIQUES SANITAIRES REPRESENTATIONS Figure 2. Appréhension des pratiques sanitaires d'après Jodelet, 2013 Ces premières réflexions quant à la posture En définitive, la présente étude tentera de s'inscrire dans ce paradigme et cette approche pluridimensionnelle compréhensive des phénomènes de santé, où les pratiques et comportements sanitaires sont envisagés comme la rencontre de l'individu et du social. Ces aspects de l'approche théorico-méthodologique choisie ne sont pas sans rappeler ceux du regard psychosocial de Moscovici (1984) et de la théorie des représentations sociales qu'il a mis en application pour la première fois lors de son ouvrage sur La psychanalyse, son image et son public (1961). * 2 Le tableau comparatif récapitulatif complet est disponible en annexe I.1. |
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