A. La santé, de la médecine
aux sciences sociales
Premièrement, il conviendra de présenter l'objet
santé à travers les apports des sciences sociales ; leur
intérêt pour la santé a permis de faire évoluer son
appréhension et sa définition ainsi que de proposer de nouveaux
objets de recherche.
L'apparition de la médecine expérimentale, le
développement des sciences et des techniques médicales font
naître jusqu'au XXème siècle une tendance à la
réification du corps, réduit à une somme de
symptômes. Cette conception s'accompagne d'un modèle
biomédical, où la prise en charge n'est dirigée que vers
la maladie et efface la personne malade derrière elle. Un mouvement
d'humanisation se dessine à partir des années 1970 (Jodelet,
2013) et le modèle bio-psycho-social, prenant en compte l'individu dans
son environnement global, pallie le réductionnisme de l'approche
purement biomédicale. Ce modèle, officialisé par le
psychiatre Engel (1977) peut être représenté par
l'imbrication des systèmes sociaux, psychologiques et biologiques (voir
figure 1) impliqués dans la santé et la maladie.
Figure 1.Les systèmes du monde et de l'individu pris
en compte dans l'approche de la santé (Morin, 2004, p.13)
En outre, cette approche davantage holiste permet
d'appréhender plus justement la santé comme la définit
l'OMS, à savoir, plus qu'une simple absence de maladie, un état
complet de bien-être physique, mental, social. De même, la
psychologie de la santé pense une conception élargie de la notion
de santé. Elle ne connait pas seulement un contenu biologique, mais
aussi un bien-être et une qualité de vie influencée par les
différents systèmes psychosociaux dont fait partie l'individu.
Elle est système et processus, état mesurable ou
expérience sensible et vécue, mais aussi construction, devenir et
projet. Plus qu'une absence de maladie, la santé se définit
d'après la psychologie de la santé sur un continuum entre
bien-être et mal-être (Morin, 2004).
Par ailleurs, l'invitation des sciences humaines et sociales
dans ces domaines a permis l'amélioration des conceptions autour de la
santé et de la maladie, mais a également ouvert les perspectives
de recherches. De ce fait, de nouveaux objets comme les
inégalités sociales de santé, le soutien social face
à la maladie, la prévention des risques sanitaires, la
qualité de vie oula relation médecin-patient·evoient le
jour. Ainsi, pour Morin et Apostolidis, « les variations
biomédicalement inexpliquées par les indicateurs de
mortalité, de morbidité, d'insatisfaction, de dysfonctionnements
organisationnels, d'inefficacité thérapeutique que
décrivent démographes, épidémiologistes,
économistes et sociologues renvoient de manière convergente
à des hypothèses de détermination sociale »
(2002, p. 473).
Enfin, parmi les différentes disciplines
s'intéressant à la santé, la psychologie se distingue par
l'intégration des facteurs contextuels (milieu socioculturel,
caractéristiques sociodémographiques...), des
antécédents dispositionnels (représentations,
personnalité...), des caractéristiques physiques et de
santé antérieure, et des processus transactionnels
« actuels » (perceptions, cognitions, émotions...)
(Bruchon-Schweitzer, Siksou, 2008). Depuis quelques années, une
psychologie sociale de la santé rejoint le champ des sciences
sociales de la santé (Morin, Apostolidis, 2002). Appliquée
à la santé, il s'agit d'une « pratique de recherche
et d'intervention dans le domaine de la santé qui se caractérise
par l'utilisation de concepts et d'outils relevant de la psychologie
sociale » (Morin, Apostolidis, 2002, p. 488-489).
Petrillodépasse la neutralité de cette définition et
propose d'en définir le social comme « un
système d'interprétation général du
monde » (Petrillo, 2000, p. 14) au-delà de la simple
intégration de l'environnement comme déterminant des
comportements. Il s'agit ici de considérer cette appréhension du
social dans la psychologie sociale de la santé comme pertinente et
déterminante dans la construction de cette étude.
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