Retours et ouvertures sur
la théorie
Bien que le phénomène de
l'auto-gynécologie soit un objet peu exploré, d'autres concepts
théoriques peuvent être mis en lien avec la présente
étude. Il s'agira notamment de la situer au regard de
l'automédication, de la diffusion du savoir sur internet, et de
l'empowerment.
L'auto-gynécologie,
une forme d'automédication
Premièrement, l'auto-gynécologie peut être
appréhendée au regard de l'automédication -ce que
rappellent d'ailleurs la majorité des personnes interrogées.Dans
son ouvrage l'automédication ou les mirages de l'autonomie,
Fainzang (2012) définit ce concept comme l'attitude qui consiste
à faire, devant la perception d'un trouble de santé, un
auto-diagnostic et à se traiter sans avis médical. D'après
une enquête CSA-CECOP de 2006, 55% des personnes interrogées
voient l'automédication comme une gestion autonome de sa santé,
qui serait un moyen d'éviter de passer par la médiation
d'un·epraticien·ne ou de s'émanciper de son autorité.
Les résultats de son étude montrent quatre modèles de
raisons et raisonnements de l'automédication ; on retrouve le
modèle empirique, où face à des symptômes familiers,
l'individu répète le diagnostic professionnel, le modèle
moral, où le rapport intime au corps (comme des hémorroïdes
ou de l'herpès) entraine une préférence pour un auto-soin,
le modèle substitutif, où l'automédication se
présente comme un choix défensif face à des consultations
infructueuses ou décevantes, et le modèle cognitif, où le
symptôme va être non reconnu par les médecins,
interprété ou connu personnellement par le sujet.
L'auto-gynécologie peut tout à fait être
appréhendée à travers ces quatre modèles,
puisqu'elle relève d'un rapport au corps et à l'intime, à
l'institution gynécologique et au soin. Alors que Fainzangfait
état d'un « mirage de l'autonomie » dans le
système de santé, qui serait confondue avec un simple
consentement et donc réduite au choix d'accepter ou non un traitement,
l'automédication, et ici l'auto-gynécologie, se présentent
comme des phénomènes traduisant une contestation de
l'autorité médicale mais aussi et surtout de la compétence
médicale. Ils conduisent inévitablement à repenser le
rôle des (non-)patient·e·s et à envisager un
développement des partenariats de soin.
Internet, outil
privilégié de diffusion du savoir auto-gynécologique
Cité comme principale source d'informations et de
savoir, le média Internet occupe une place stratégique dans
l'auto-gynécologie. La diffusion du savoir autour de la santé sur
Internet permet une forme de réappropriation des connaissances et de
l'expertise par les profanes ;
« Cet outil contribue à libérer le
patient de la domination biomédicale, parce qu'il démocratise
l'accès au savoir, permet l'émergence d'une expertise
individuelle et collective et surtout basée sur un savoir
expérientiel, différente de celles des cliniciens, et l'ouvre
à des modalités alternatives de soins favorisant
l'empowerment des individus à l'égard de leur
santé»
Thoër et al.,2008, p. 39
Les personnes concernées par l'auto-gynécologie
semblent en effet utiliser Internet comme outil de démocratisation du
savoir. Son utilisation recouvre des pratiques variées, comme le suivi
ou la publication sur des groupes spécialisés sur les
réseaux sociaux, la consultation de sites scientifiques médicaux
ou vulgarisés, de promotion de la santé ou de recommandations.
Ces sources sont diversifiées afin de pouvoir permettre un cumul et une
confrontation des informations pour se donner la possibilité -ou le
pouvoir- de critiquer et de choisir.
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