2. Le savoir
gynécologique comme attention portée à l'appareil
génital féminin.
Par ailleurs, le savoir gynécologique semble
pénétrer le sens commun des femmes concernées par
l'auto-gynécologie en se construisant autour de l'appareil
génital féminin. Il est objectivé sous l'image du
vagin et de la vulve, se trouvant ainsi décontextualisé
des facteurs de risques, des pathologies, des liens entre les organes de
l'appareil génital. L'ancrage se fait alors autour des valeurs
antinomiquesassociées au sexe féminin, le tabou, le
caché, l'intime, la honte, l'inconnu, l'interdit en opposition à
ce qu'il faut assumer, voir, autoriser, jouir, revendiquer (voir figure 7).
Caroline : « Oui, par exemple les
auto-prélèvements, et... ouais les
auto-prélèvements, et pour les glaires, bah ça m'a permis
de mieux me connaitre, et aussi avoir moins honte de mon corps, de me dire en
fait c'est nat..., `fin de me le dire tous les jours c'est naturel, c'est
normal de le faire, c'est ton corps, c'est pour voir comment il fonctionne, au
fur et à mesure c'est rentré, pour contrer justement le «
ooh le sexe des femmes c'est sale », voilà »
Alice : « ça a plus ou moins un rapport
avec l'auto-gynéco, mais un peu, j`avais trop envie de faire une
exposition de... de vulves en fait, mais des nôtres ! et qu'on s'auto
prenne en photo, de faire des autoportraits de vulves, parce que je me suis
rendue compte déjà qu'on était un peu, qu'on avait toutes
un peu honte, déjà, de notre sexe, on l'avait jamais trop
regardé, voilà pour moi c'était un peu ça, ce truc
d'oser se regarder, oser se prendre en photo, oser l'exposer
aussi »
Ici, l'opérationnalisation de l'auto-gynécologie
se fait dans la nouvelle relation construite avec son sexe, de
manière matérielle ou symbolique. Il semble par ailleurs
intéressant de relever que cette manière de former une
représentation de l'objet scientifique rappelle la fonction de
l'auto-gynécologie explicitée à travers la figure5 p 34.
Ici, la représentation du savoir gynécologique autour du sexe
féminin permet de tisser cette nouvelle relation à soi et
à son corps.
Eve : « c'est aussi avoir un rapport à
soi dans la non culpabilité plaisir, donc c'est voilà, c'est
lâcher de ce côté-là, et s'autoriser à bah
à se masturber, et à être ok avec ça, voilà,
par exemple »
Figure 7. L'ancrage et l'objectivation du savoir
gynécologique autour de l'appareil génital féminin
3. Le savoir
gynécologique comme sagesse populaire féminine
Enfin, le savoir gynécologique est
représenté comme un savoir autrefois
possédé et transmis entre femmes, volé ensuite
par l'institution médicale. L'objectivation de ce savoir se
matérialise à travers des figures de femmes savantes comme la
guérisseuse, la sorcière ou la sage-femme au Moyen-Âge.
Magali : « y avait l'utilisation des plantes, y
avait aussi, plus une transmission, de, mettons la guérisseuse ou la
sorcière comme on peut dire, qui existe plus, en fait. »
Mélissa : « c'est un savoir en fait, qui
avant était détenu par les sages-femmes, les sorcières
quoi, et qu'on a perdu »
L'ancrage se fait quant à lui dans la
légitimation à savoir, et à se servir de
ce savoir. Le savoir gynécologique est la propriété des
femmes et des profanes, donc en tant que profane mais en tant que femme, je
deviens experte. Les conclusions tirées de cette intégration du
savoir gynécologique dans le sens commun se rassemblent autour de cet
adage : qui mieux que moi peut me connaître et connaître mes
besoins ?
Charlotte : « Je trouve que dans les
avancées scientifiques et médicales, on est arrivé.es
où c'était vachement bien [...] ça a facilité la
vie à plein de gens c'est super chouette, je dirais que du coup la
contrepartie de ces avancées, c'est qu'on s'est un petit peu perdu.es
sur euh... nos connaissances profondes, et je trouve que, alors, c'est un
discours un peu ciscentré, mais sur la connaissance de la femme qui peut
mieux maitriser le savoir de la femme, que des femmes ? »
En pratique, l'auto-gynécologie née de cette
représentation du savoir gynécologique se matérialise
à travers un intérêt pour le savoir
gynécologique comme une fin en soi, et une volonté de
transmission entre profanes.
Figure 8. L'ancrage et l'objectivation du savoir
gynécologique comme sagesse populaire féminine
Discussion
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