Limites
Malgré l'attention portée à la
réalisation de cette recherche, certains points auraient permis d'en
améliorer la qualité. D'une part, il aurait été
intéressant de profiter des perspectives de la triangulation, comme le
rappellent la théorie des représentations sociales et notamment
l'approche socio-génétique. Au-delà d'une
vérification empirique de validité, la triangulation se propose
comme véritable « stratégie alternative de
recherche pour fonder une démarche épistémologique et
empirique contextualisée dans les études en
psychologie » (Apostolidis, 2005, p.17). Ainsi, il aurait
été intéressant de mettre en place d'autres
méthodologies de recueil de données et d'envisager des
outils interdisciplinaires ; l'analyse de presse, l'analyse d'un corpus
documentaire ou la méthode de l'observationlors d'un atelier
auto-gynécologique permettraient de s'intéresser à
l'évolution de la pensée sociale autour de
l'auto-gynécologie, ainsi que de se saisir davantage du rôle de la
communication sociale, essentiel dans la théorie des RS.
D'autre part, outre l'intérêt de la triangulation
pour le perfectionnement de l'étude de l'auto-gynécologie en tant
que phénomène social, cette recherche aurait pu être
améliorée au sein de deux points. Premièrement, il est
à noter que le recrutement des participantes s'est principalement fait
au travers de groupes ou pages Facebook consacrées. Or, l'implication
dans des mouvements d'auto-gynécologie sur les réseaux sociaux
témoigne déjà d'un intérêt et d'un
investissement particuliers. Il est possible d'imaginer une pratique de
l'auto-gynécologie plus personnelle et moins militante, en dehors de ces
réseaux explorés. Par ailleurs, les conditions de
réalisation des entretiens n'ont pas été les
mêmes ; en dehors du fantasme de neutralité et de parfaite
reproduction du contexte entre les différents entretiens, ils ont ici
été réalisés via deux canaux, Skype ou en face
à face. Cela n'a semble-t-il pas impactéle fond du discours des
interrogées, mais une particularité naît quant à la
forme, puisque les entretiens réalisés virtuellement ont
duré en moyenne plus longtemps que les autres, et les participantes ont
évoqué plus aisément des sujets parfois très
sensibles.
Conclusion
En définitive, cette recherche sur
l'auto-gynécologie s'est proposée de se pencher sur la pratique
sanitaire de l'auto-gynécologie grâce au regard holiste des
représentations sociales. Ce dernier a permis de mettre en
lumière les manières dont pénètre le savoir
gynécologique dans le sens commun, les façons sont se
mêlent pratiques de l'auto-gynécologie et pensée sociale
autour de la santé, du féminisme ou de l'institution
médicale. Au-delà de la finalité sanitaire, le
comportement auto-gynécologique, en ce qu'il représente une
émancipation de l'ordre social établi, nous renseigne sur un
rapport au monde.
Ces différents éléments nous permettent
de proposer une définition de l'auto-gynécologie. Il s'agit d'une
pratique sanitaire qui consiste à promouvoir la santé
gynécologique de manière plus naturelle, plus active et
émancipée. Au-delà de la dimension de la santé,
cette pratique trouve sa pérennité dans sa fonction de nourrir
une relation à soi positive.
Par ailleurs, le phénomène de
l'auto-gynécologie semble traduire un malaise dans la relation
médecin-patient·e et propose d'élargir les perspectives de
coopérations en santé gynécologique. Démarche
d'empowerment et pratique d'auto-gestion, il redéfinit le
rôle des patientes et ouvre la voie à la reconnaissance de leur
parole et de leurs compétences. Ces considérations invitent
à réfléchir, au-delà des constatations empiriques,
aux possibilités de mise en application de ces compétences ;
comment imaginer un partenariat de soin, nécessaire à
l'évolution vers une réelle démocratie sanitaire ?
Comment valoriser la réflexivité, essentielle dans un
modèle de promotion de la santé pensé comme un ensemble de
coopérations entre personnes capables de réfléchir et
disposant de leur libre arbitre (Jouet, Las Vergnas& Noël-Hureaux,
2014) ?
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