5. Rapports à la communauté
auto-gynécologique
Le rapport à la « communauté
auto-gynécologique », virtuelle au sein de groupes
consacrés, ou réelle à l'occasion de rencontres
ponctuelles, rend compte de ses apports et des liens entretenus avec elle,
ainsi que des figures de références évoquées.
Premièrement, certains noms de personnes ou de collectifs sont
systématiquement cités, comme les sitesGynandco et Paye ton
Gyneco, le collectif Gynepunk, la naturopathe et écrivaine Rina Nissim,
le médecin et écrivain Martin Winckler, ou
l'autodésignée alter-gynécologue PoussyDraama. Cela montre
qu'une certaine culture se construit autour de
l'auto-gynécologie, et que les bases de
références sont communes.
Deuxièmement, la communauté
auto-gynécologique constitue un ensemble d'apports pour les
interrogées. Elles évoquent ainsi un regard
déculpabilisant, de la bienveillance, du respect, une liberté de
parole, du réconfort, du soutien face aux pratiques abusives, une
solidarité voire une sororité, une démystification du
savoir gynécologique. En fait, les apports de la communauté
auto-gynécologique semblent se construire comme les
qualités faisant défaut à la gynécologie
institutionnalisée.
Charlotte : « tes choix sont pas remis en
question en fait, et tu trouves justement dans ces groupes
d'auto-gynécologie, on prend le package, quoi. On te prend tout entier
toute entière avec ce que tu es qui tu es avec tes aspirations tes
croyances ce que tu veux, ce que tu veux pas etc. Or en médecine tu
deviens un vagin, tu deviens une vulve, t'es pas toi »
Les liens avec cette communauté dépendent
principalement de la source de l'auto-gynécologie ; si la personne
concernée a découvert les pratiques de l'auto-gynécologie
et continue de s'instruire au sein de groupes consacrés, le lien avec la
communauté auto-gynécologique sera de toute évidence plus
fort qu'une personne qui fait vivre sa pratique de l'auto-gynécologie de
manière plus personnelle ou parmi des groupes de proches réunis
par autre chose que l'auto-gynécologie.
6. Rapports au corps, à
l'intimité et à la féminité
Le rapport au corps, à l'intimité, à la
féminité est une thématique particulièrement
importante pour les personnes interrogées. En effet, il semble
être la fonction même de l'auto-gynécologie :
renouer une relation positive avec soi (voir figure 5page 34).
De fait, bon nombre de participantes racontent pratiquer
l'auto-gynécologie alors qu'elles ne sont jamais malades, donc en dehors
de tout soin (Prune, Eve, Lola, Clara, Caroline, Amandine), ou pratiquer la
symptothermie en dehors de toute volonté contraceptive (Caroline, Prune,
Amandine, Florence). Ce qui peut sembler a priori incohérent trouve en
en fait son explication dans la dimension symbolique du
soin : prendre soin de soi, de son corps, y être attentive
et l'aider.
Le discours est construit autour de deux pôles
antagonistes, le positif et le négatif, l'amour de son corps et le rejet
de son corps. Ainsi, les participantes décrivent des relations parfois
problématiques avec leur corps, leur sexe ou leur
féminité, dues à des violences concrètes, comme des
violences sexuelles, ou des violences symboliques, comme le poids des normes et
des stéréotypes. Elles évoquent la difficulté
d'être une femme dans une société patriarcale, les
complexes, les tabous autour du corps, du sexe féminin. Ces
difficultés rencontrées sont combattues à travers une
démarche d'empowerment présente chez
l'ensemble des participantes, pour lesquelles il s'agit d'oser se regarder,
d'être curieuse de soi, de démystifier son corps et son sexe, de
ne plus être dans la culpabilité, la honte ou le dégout,
pour avoir confiance en soi et apprendre à se connaître et
à s'aimer.
Caroline : « Oui, par exemple les
auto-prélèvements, et... ouais les
auto-prélèvements, et pour les glaires, bah ça m'a permis
de mieux me connaitre, et aussi avoir moins honte de mon corps, de me dire en
fait c'est nat..., `fin de me le dire tous les jours c'est naturel, c'est
normal de le faire, c'est ton corps, c'est pour voir comment il fonctionne, au
fur et à mesure c'est rentré, pour contrer justement le «
ooh le sexe des femmes c'est sale », voilà »
Prune : « Euh, ça m'apporte un regard
bienveillant sur moi-même, une meilleure compréhension de mes
humeurs, des choses qui fluctuent, que je comprenais pas avant, vraiment. Donc
ça m'apporte ça, je sais pas si c'est une force, une
fierté, une fierté, ouais, je suis assez fière en
fait »
Ainsi, l'auto-gynécologie est une pratique qui permet
de mettre en application cette volonté d'instaurer une relation positive
à soi, au regard de ce qu'elle constitue une manière de prendre
soin de soi et particulièrement des parties les plus intimes de son
corps.
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