Fêtes de village et nouvelles appartenances. Les fêtes rurales en Hainaut occidental (Belgique)( Télécharger le fichier original )par Etienne Doyen Université Catholique de Louvain - Licence en Sociologie 2007 |
Université Catholique de Louvain DEPARTEMENT DES SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES Fêtes de village et nouvelles appartenances Les fêtes rurales en Hainaut occidental par Etienne Doyen Directeur : Prof. Daniel Bodson Mémoire présenté en vue de Rapporteur : Prof. Jean-Pierre Hiernaux l'obtention du grade de Licencié en Sociologie Session de septembre 2007 Mots-clés : fête - village - rural - appartenance - Hainaut occidental À Bon-Papa, qui affectionnait tant ce monde rural. Nous tenons à remercier notre promoteur, Daniel Bodson, pour son suivi et ses conseils avisés tout au long de ce travail. Si ce dernier a pu devenir ce qu'il est, c'est grâce aux échanges que nous avons eus au cours d'un véritable processus de formation. Merci de nous avoir initié, avec brio, à la sociologie rurale, dont nous ne soupçonnions pas l'existence il y a encore peu. Après avoir suivi votre enseignement, notre choix de thématique et de promoteur s'est imposé comme une évidence. Nous remercions également Sten Hagberg, du Département d'Anthropologie Culturelle de l'Université d'Uppsala, et Mathieu Hilgers, de l'Unité d'Anthropologie et de Sociologie de l'UCL, pour leur accueil et les remarques précieuses qu'ils ont formulées à l'égard de notre réflexion. Merci à Daniel Rochat pour les démarches entreprises pour nous permettre d'accéder à un article de Laurent-Sébastien Fournier à paraître dans Recherches Sociologiques et Anthropologiques. Merci à ce dernier de nous avoir autorisé à consulter son article, qui s'est révélé être une contribution essentielle pour notre travail. Merci à nos parents, pour leur présence et leur soutien durant ces quatre ans d'études. Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à ce mémoire. Merci particulièrement à ceux que nous sommes parvenus à mettre à contribution, pour des retranscriptions ou pour la relecture de notre document. Ils se reconnaîtront ; qu'ils sachent que leur aide nous a été précieuse. Merci, enfin, à tous ceux qui, sur le terrain, nous ont raconté leurs fêtes, parfois spontanément, ainsi qu'à tous ceux qui nous ont fourni gracieusement des contacts et des informations. Merci à tous les villageois qui ont accepté de nous livrer leur parole au travers d'un entretien. Un merci tout particulier à l'ASBL « Moulin à Vent » de Thimougies, pour nous avoir ouvert ses portes et nous permettre ainsi d'observer la fête « en train de se faire » ; merci à son président, Eric Braquenier, pour son accueil et sa grande disponibilité. Table des matières 1.2. ÉTAT DES LIEUX DE NOTRE OBJET 15 1.2.1. Le rural wallon en 2007 15 La fin de la paysannerie, le règne de l'agriculture 15 Le phénomène de résidentialisation 16 Le village, délié des enjeux de la production 17 Le village, lieu de différentes sociabilités 18 Contre une idéalisation des villages d'antan 22 1.2.2. Le Hainaut occidental 26 La croissance démographique des villages 30 L'existence d'un sentiment d'appartenance à la région 32 2.1. LES DIFFÉRENTES THÉORIES DES FÊTES RURALES 35 La fête sous l'oeil de la science 35 La fête rurale classique : la ducasse 37 L'analyse de Champagne : les nouvelles fêtes de village comme lieu de domination de l'urbain sur un rural ouvert 38 Réflexion intermédiaire : la fête et le rural, aux destins liés 41 Les nouvelles fêtes de village dans un contexte de rurbanité : l'apport de Bodson et Dibie 42 Fournier et les fêtes thématiques 42 Des fêtes vivaces... dans un espace mort ? 47 Notre problématique : dégager les dynamiques d'appartenance au travers des fêtes 49 III. LES FÊTES RURALES EN HAINAUT OCCIDENTAL 55 Une démarche ethnographique et ethnologique 55 3.2.1. Du général... : Typologie des fêtes rurales dans le Hainaut occidental 63 3.2.1.1. Les chapiteaux, extension des fêtes votives 64 Le vendredi, premier jour de fête et première soirée 64 Le samedi, la grande soirée du week-end 65 Le dimanche, gros véhicules et autres animations pour un public familial 66 La forme des fêtes chapiteaux 66 3.2.1.2. Les fêtes à l'ancienne 75 3.2.1.3. Les fêtes thématiques et nouvelles fêtes rurales 77 La forme des fêtes thématiques : la fête, ce loisir, le rural, ce produit 80 3.2.1.4. La fonction interne et externe des fêtes 83 3.2.2. ... au particulier : Trois fêtes, trois villages, trois histoires 85 3.2.2.1. Le carnaval de Willaupuis 86 Présentation du village et de la fête 86 Analyse : un carnaval raté ? 89 3.2.2.2. Le carnaval de Basècles 94 Présentation du village et de la fête 94 Analyse : un carnaval réussi dans un village qui fait sens 98 3.2.2.3. La fête d'« Art's Thimougies » 104 Présentation du village et de la fête 104 La ducasse du mois de juin, fête thématique par excellence : programme hétéroclite, public diversifié, rapport de consommation à l'espace 107 Une fonction sociale toujours exercée 113 Analyse : une fête-loisir préfigurant une nouvelle forme d'appartenance 115 3.2.2.4. Trois fêtes, trois stratégies 119
INTRODUCTION« Sur les fêtes de village ? Ton mémoire ? Non, vraiment ? Eh bien, c'est... c'est original ! C'est marrant, pour un mémoire... c'est un sujet... drôle ! » Voilà la réaction type à laquelle nous avons eu régulièrement droit suite à l'annonce de notre sujet de recherche. Le dédain ou l'étonnement étaient parfois masqués avec moins de tact... À croire que pour tout un chacun, une fête, rurale de surcroît, est l'objet de tout et de tous, sauf de la science. Les fêtes de village représenteraient ainsi des moments anodins et a-problématiques, hors de tout enjeu. À écouter nos pairs, il semblerait que « fête de village » et « mémoire » soient des termes résolument antinomiques et que leur association soit incohérente. À l'origine de cette représentation se trouve en réalité une conception du familier comme anodin. Ces villages que l'on connaît, notre rural, notre quotidien, tout cela ne mérite pas grande attention ni grand discours. L'ailleurs, au contraire, est comme par magie investi d'une aura, qui le rend digne d'intérêt. C'est en voyage que l'on prend des photos, que l'on s'intéresse à l'histoire et aux manières de vivre. Mais une fois de retour, la curiosité se rendort et l'on range l'appareil photo. On ne photographie pas sa rue, ses voisins, ses collines, sa nourriture, parce que ces éléments connus nous semblent évidents. Pourtant, le familier n'a rien de banal. Il est tout aussi exotique que l'ailleurs. C'est la démarche que nous entendons adopter au long de ce travail. Les fêtes de village, nos fêtes de village, toutes aussi familières qu'elles puissent paraître, sont dignes d'intérêt. Elles constituent un objet de science aussi valable qu'un autre. En les considérant de la sorte, nous voulons redonner de la noblesse à l'observation de l'apparemment trivial. « Apparemment », car il faut considérer que les carnavals de nos villages sont tout aussi exotiques que celui de Bahia. Le familier n'est pas anodin, de même en est-il pour la fête. Est-ce à cause de la licence qu'elle constitue, parce qu'elle est ce temps permissif où l'on joue avec les codes sociaux, qu'elle est considérée comme un moment hors jeu, aux antipodes de toute dynamique intéressante pour la science ? Quelle que soit l'origine de cette représentation, celle-ci est erronée. La fête est un moment-clé pour comprendre une société1(*). Parce qu'elle est cette parenthèse pendant laquelle le groupe se donne à voir différemment, elle agit comme un révélateur, portant à nos yeux des dynamiques invisibles. La fête et notre rural sont tous deux, assurément, dignes de science. Pourtant, il y a fort à parier que l'individu lambda aurait réagi avec moins d'étonnement si nous avions annoncé que notre sujet de mémoire était : « Cuisson du pain et rapports sociaux de sexe chez les indiens Kwakiutl ». Loin de renier l'intérêt d'une telle problématique, nous avons préféré, comme Dibie2(*), rester en terrain connu et travailler sur ce que nous maîtrisons le mieux. Par ailleurs, le rapport que nous entretenons à notre objet, les fêtes, n'est pas celui d'une forte familiarité, comme nous l'expliquerons dans notre partie méthodologique. Elles revêtent déjà, pour nous, un caractère exotique, car nous ne sommes pas initié à tous leurs « secrets », comme le formule Dibie. C'est cette distance relative qui nous aide à poser un regard neuf sur le familier. * * * Ce travail comportera trois grandes parties. La première d'entre elles aura pour titre « Le village ». Nous y développerons successivement une réflexion autour de la notion de rural, un état des lieux du rural wallon, et enfin, une présentation de la région sur laquelle nous avons travaillé, le Hainaut occidental. Au terme de cette première partie, nous disposerons d'une bonne connaissance des villages sur lesquels nous allons travailler. Cette mise en contexte sera poursuivie dans la deuxième partie, intitulée « La fête au village ». Nous y effectuerons une synthèse des productions liées aux fêtes rurales, ce qui nous permettra, dans un deuxième temps, de formuler notre problématique. Après avoir présenté « Le village » et « La fête au village » d'une manière théorique, nous aborderons notre partie empirique, « Les fêtes rurales en Hainaut occidental ». Dans cette dernière, après avoir détaillé notre méthodologie, nous procéderons à l'analyse du matériau récolté sur notre terrain. Cette analyse s'effectuera en deux temps : nous proposerons d'abord une typologie des fêtes rurales en Hainaut occidental, pour ensuite présenter trois festivités précises. Nous terminerons avec une conclusion générale, dans laquelle nous examinerons, au terme de notre volet empirique, les hypothèses posées en problématique. * 1 Les multiples théories qui ont été produites sur la fête soutiennent cet argument. Agier, par exemple, le rappelle dans l'introduction de son étude sur le carnaval de Bahia. Agier M., Anthropologie du carnaval. La ville, la fête et l'Afrique à Bahia, Marseille, Parenthèses, 2000, p. 7. * 2 Dibie P., Le village retrouvé. Essai d'ethnologie de l'intérieur, Paris, Grasset, 1979. |
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