Fêtes de village et nouvelles appartenances. Les fêtes rurales en Hainaut occidental (Belgique)( Télécharger le fichier original )par Etienne Doyen Université Catholique de Louvain - Licence en Sociologie 2007 |
1.2. État des lieux de notre objetSi nous voulons prendre le rural comme objet, nous ne pouvons faire l'économie d'un état des lieux du rural. L'enjeu consistera ici à aborder les principaux traits du monde rural wallon, et plus précisément en Hainaut occidental, sans pour autant verser dans une analyse exhaustive : celle-ci n'est pas l'objet de notre travail, et du reste, elle a déjà été effectuée18(*). Nous effectuerons dans un premier temps une présentation globale du rural wallon, pour ensuite procéder à une rapide description des traits majeurs du Hainaut occidental ; l'ensemble aura pour but de contextualiser notre propos et de dégager les principales caractéristiques de notre objet, le rural en Hainaut occidental, caractéristiques que nous pourrons mobiliser par la suite pour appréhender les fêtes. 1.2.1. Le rural wallon en 2007Les villages wallons ont subi d'importantes mutations durant ces dernières décennies. De l'industrialisation de l'agriculture à l'installation de néo-ruraux porteurs d'un nouveau rapport à l'espace rural, nous allons présenter successivement ces différents changements. La fin de la paysannerie, le règne de l'agricultureL'agriculture wallonne est en pleine transformation : la même surface agricole utile est travaillée par un nombre de plus en plus réduit d'exploitants. Pour être rentable aujourd'hui, un agriculteur ne peut plus se contenter de quelques hectares, mais bien de dizaines d'hectares. Plusieurs auteurs ont diagnostiqué ce changement19(*), en montrant qu'au paysan a succédé l'agriculteur. Être paysan était un état, qui débordait du simple exercice du « travail » pour conditionner véritablement toutes les dimensions de l'existence. À l'inverse, être agriculteur est avant tout un métier, comme on peut être maçon ou fonctionnaire. Les termes pour qualifier cette activité ont également changé : le paysan qui élevait des vaches dans une ferme est maintenant un agriculteur qui gère des Unités Gros Bétail dans une exploitation agricole. Si on ne peut placer tous ces termes dans deux groupes exclusifs « passé » et « présent »20(*), il faut néanmoins y voir un glissement sémantique qui n'est pas anodin. Une différence majeure entre le paysan et l'agriculteur est le marché concurrentiel dans lequel ils s'inscrivent et les contraintes auxquelles ils doivent faire face : quand le premier était relativement autonome et dépendait d'un marché très local pour obtenir ses terres et vendre ses produits, le second doit désormais s'adapter à un marché mondialisé et composer avec une marge de manoeuvre relativement étroite, entre les contrats pour obtenir graines et machines, les subsides et les primes, les quotas de production, et les normes d'hygiène et de bien-être animal. À cela doivent être ajoutés les permis de bâtir, plus ou moins difficiles à obtenir selon le voisinage... Ceci renvoie à une caractéristique nouvelle de l'agriculture : elle n'est plus en position de force dans les villages. La mécanisation, et plus globalement, l'amélioration des techniques de production ont décuplé sa productivité, amenant ainsi à une diminution constante du nombre d'agriculteurs nécessaires pour nourrir une population donnée21(*). En Belgique, le recensement agricole et horticole effectué au mois de mai confirme chaque année une concentration croissante de la production, qui se traduit par une diminution du nombre d'exploitations et du nombre de personnes qui y sont employées. Ainsi, en 2006, la Belgique comptait 49 850 exploitations, soit une perte de 1 690 exploitations par rapport à 2005. La Wallonie suit ce mouvement dans les mêmes proportions, passant sur la même période de 17 109 exploitations à 16 55722(*). On assiste donc à une diminution conséquente des agriculteurs dans les campagnes ; pour autant, les villages ne se vident pas, puisqu'ils attirent de nouveaux habitants, comme nous allons le voir dans le point suivant. * 18 En ce qui concerne une analyse du rural français, voyons la récente monographie de Chichery réalisée par P. Dibie, dans Le village métamorphosé. Le terme « monographie » semble inadéquat, car cette réflexion dépasse largement le cadre purement local de Chichery. Pour une présentation du rural wallon, voyons Bodson, op. cit., 1999. * 19 Voyons par exemple Champagne P., « La restructuration de l'espace villageois », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 3, 1975, pp. 43-67, et Bodson D., « Un sérieux coup de vache », La revue nouvelle, 4, 2001, pp. 8-17. * 20 Ainsi, si le mot « paysan » n'est plus utilisé pour qualifier un agriculteur (sauf peut-être d'une manière péjorative), le mot « ferme » n'est pas tombé en désuétude, de même que dans l'autre sens, l'appellation « UGB », dont Dibie décrit l'apparition dans Le village métamorphosé, n'a pas encore remplacé le mot « vache ». * 21 Hervieu nous donne ainsi en 1989 les chiffres suivants : « en 1960, un agriculteur français nourrissait 7 personnes, en 1983, il en nourrit plus de 30 ». Bien que ces données ne soient pas récentes et concernent la France, elles n'en donnent pas moins une idée des améliorations de productivité que l'agriculture a connu durant les dernières décennies. Hervieu B., « De la fin des paysans au renouveau des sociétés rurales françaises », Recherches Sociologiques, XX, 3, 1989, p. 357. * 22 La main d'oeuvre agricole suit la même évolution : elle passe de 95 009 à 92 405 personnes entre 2005 et 2006 pour la Belgique, de 28 007 à 27 365 en Wallonie. Tous les résultats du recensement agricole sont disponibles sur le site internet de l'Institut National de Statistiques, à l'adresse http://www.statbel.fgov.be, consulté le 1/05/07. |
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