Fêtes de village et nouvelles appartenances. Les fêtes rurales en Hainaut occidental (Belgique)( Télécharger le fichier original )par Etienne Doyen Université Catholique de Louvain - Licence en Sociologie 2007 |
Le phénomène de résidentialisationLe temps de l'exode rural, où une partie importante de la population quittait les villages pour les villes prometteuses, est bien révolu. Aujourd'hui, ce mouvement s'est renversé, et de nombreuses personnes viennent s'installer à la campagne. Cela n'est pas dû au fait que les villages seraient (re)devenus des pôles d'attraction économique procurant des emplois ; mais, moyennant une mobilité importante, de nouveaux habitants s'installent dans un village tout en travaillant en dehors de celui-ci. Cette population nouvelle, qui n'a pas nécessairement de lien particulier avec le village dans lequel elle s'installe (n'ayant pas de famille ni d'amis y habitant), développe un rapport à l'espace rural en tant que cadre23(*). Habiter dans un village signifie pour eux pouvoir bénéficier d'un environnement naturel et calme. Ils opposent ce choix de résidence à la ville bruyante, sale, polluée, stressante. Ces néo-ruraux ont choisi d'habiter dans un village, sans pour autant développer un fort sentiment d'appartenance à ce dernier : ils ont choisi un village particulier en raisons de critères pratiques comme la distance par rapport au lieu de travail et l'offre immobilière, et considèrent ce village comme un village, et non pas le village24(*). Le village, délié des enjeux de la productionParallèlement à la diminution du nombre d'agriculteurs, l'implantation d'un certain nombre de néo-ruraux dans les villages remet en question la conception du rural comme un espace de production. Dans un passé encore récent, les agriculteurs constituaient un groupe dominant dans les villages. Il était acquis que le rural était un espace où l'on travaillait et l'agriculture rythmait fortement la vie des villages. Aujourd'hui, les ruraux travaillent majoritairement en dehors de leur village. De nombreux auteurs ont souligné cette mutation25(*) qui voit l'espace rural se délier progressivement des contraintes du travail, pour devenir « un lieu de résidence, un espace de reproduction, de distraction, de spectacle, et non plus un espace de production »26(*). Cette mutation n'est pas sans conséquence. Pour les néo-ruraux qui développent un rapport à l'espace rural en tant que cadre, le village doit désormais s'apparenter à un décor de carte postale, beau, silencieux, et épuré de toute odeur, autant de critères étrangers à une logique de production. Il y a pourtant encore des agriculteurs qui travaillent dans cet espace ; la diversité des définitions et des usages de l'espace rural peut ainsi être à l'origine de conflits autour de l'utilisation légitime de celui-ci27(*). * 23 Bodson, op. cit., 1999. * 24 Bodson, op. cit., 1993. * 25 Voyons par exemple Mormont, op. cit., 1989, p. 245 ; Bodson D., « Les enjeux de la ruralité », Cahiers de l'éducation permanente, 10, 2000, pp. 9-19 ; Chamboredon J.-C., « Nouvelles formes de l'opposition ville-campagne », in Duby G., Roncayolo M. (dir.), Histoire de la France urbaine, Paris, Seuil, 1985, tome V, pp. 557-573. * 26 Chamboredon, op. cit., p. 562. * 27 Mormont, op. cit., 1978 ; Bodson, op. cit., 1999, p. 56. |
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