Fêtes de village et nouvelles appartenances. Les fêtes rurales en Hainaut occidental (Belgique)( Télécharger le fichier original )par Etienne Doyen Université Catholique de Louvain - Licence en Sociologie 2007 |
3.2.1.2. Les fêtes à l'anciennePlus marginales dans la région128(*), ces fêtes sont généralement des « fêtes de la moisson » qui tentent de faire revivre, pour un temps, le monde paysan disparu. Alors que nous avions pu faire correspondre les fêtes chapiteaux avec les fêtes votives, premier terme de la typologie de Fournier, nous devons ici prendre distance par rapport à cette classification. Les fêtes à l'ancienne ne sont en effet pas assimilables à des fêtes de confréries : si elles se construisent en référence au passé et à la tradition, elles ne présentent pas le caractère ritualisé des processions décrites par Fournier, dans le sens où les organisateurs ne sont pas enfermés dans un programme rigide à réitérer lors de chaque édition. Ces fêtes de la moisson correspondent plutôt aux « fêtes à l'ancienne » décrites par Champagne. Elles sont avant tout des spectacles qui attirent un public important, en grande partie extérieur au village, et pendant lesquels le monde paysan passé, à travers ses outils, ses machines et ses gestes, est érigé en folklore. Pour les organisateurs, il s'agit d'un « patrimoine qui doit être préservé et transmis aux générations futures »129(*). Bien souvent, ces fêtes sont porteuses d'une représentation idyllique du passé, considérant le travail d'antan comme « authentique » et « vrai ». Il ne faut pas considérer que ces fêtes ne sont que des mises en scènes du passé, et n'ont plus aucune fonction sociale130(*). Comme les fêtes chapiteaux, elles attirent un public extérieur, mais elles rassemblent également un certain nombre de personnes du village. Comme toute fête, ce moment constitue une occasion pour ces personnes de se retrouver et d'entretenir des liens. Il y a donc encore des dynamiques sociales qui se jouent dans ces fêtes, elles permettent à une population locale de se regrouper et de percevoir qu'elle partage un même espace villageois. Pour se retrouver, quoi de mieux que de se livrer ensemble à l'excès d'alcool ? Certains villageois formulent ainsi ce jeu de mot ironique selon lequel il ne s'agit pas de « la fête de la moisson », mais de la... boisson. Le public présent à ces fêtes est plus âgé que celui des fêtes chapiteaux. Ceci s'explique par le type d'animations proposées : mettant en scène un passé lointain, ces dernières ne permettent pas aux jeunes de « se retrouver » dans ce type de fête. À ce sujet, nous avons observé une dynamique intéressante dans un village de notre région : parallèlement à la fête des moissons, une fête des jeunes « classique » (une fête chapiteau) est organisée chaque année, à un autre moment de l'été. À notre sens, ces deux fêtes ne doivent pas être considérées comme antinomiques mais complémentaires : elles rassemblent sur le territoire du village, à des moments différents, des publics spécifiques selon des logiques distinctes (d'un côté, une population jeune sur le mode d'une fête chapiteau ; de l'autre, un public plus âgé autour de la mise en spectacle du passé). Ce faisant, elles renvoient une fois de plus au statut du rural comme espace d'hétérogénéité, au sein duquel plusieurs rapports à l'espace cohabitent. * 128 Nous avons recensé trois de ces fêtes dans la région. Ce chiffre n'engage que nous, puisque la forme « fête à l'ancienne » et les festivités que nous rattachons à cette forme sont issues de notre réflexion, et ne découlent pas nécessairement des appellations que les acteurs, sur le terrain, donnent à leurs festivités. * 129 Propos recueilli lors de la fête de la moisson de La Glanerie, le 15 août 2006. * 130 Bodson, op. cit., 1999, p. 54. |
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