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Couverture des attentes du contrat psychologique et socialisation organisationnelle des salariés.


par Guidkaya ZAMBA
Université de Ngaoundéré - Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion 2019
  

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Elaboration du contrat psychologique dans la relation d'emploi 4

Figure 2: Pyramide des besoins de Maslow 40

Figure 3 : Eléments de compréhension de la théorie des attentes de Vroom 43

Figure 4 : Motivation par la prise en compte de la personnalité et du rôle au travail 44

Figure 5 : Conditions de réussite de la motivation au travail 45

Figure 6 : Processus de renforcement des comportements par la motivation 46

Figure 7 : Représentation de l'encastrement des caractéristiques des parties prenantes à l'emploi 52

Figure 8 : Contrat psychologique en tant que schéma mental 54

Figure 9 : Perception des réalisations du contrat psychologique 60

Figure 10 : Présentation des différents domaines et objets de la socialisation 76

Figure 11 : Processus cognitif d'attribution de sens sur les réalités du travail 80

Figure 12 :Formes de reconnaissanceorganisationnelledes salariés 87

Figure 13 : Modèle théorique de la recherche 125

Figure 14 : Récapitulatif des deux positionnements épistémologiques 134

Figure 15 : Démarche méthodologique de la recherche 137

Figure 16 : Schéma du cheminement empirique de la recherche 138

Figure 17 : Diagramme des priorités dans les attentes des salariés 158

Figure 18 : Diagramme des priorités dans les attentes des responsables 158

Figure 19 : Fréquence d'expression des attentes du contrat psychologique 195

Figure 20 : Fréquence d'expression de la couverture des attentes du contrat psychologique 199

Figure 21 : Modèle empirique de la recherche 246

INTRODUCTION GENERALE

CONTEXTE DE RECHERCHE

Le contexte de travail toujours en mutation, les évolutions technologiques et une forte prise en compte des désirs personnels des salariés marquent de nos jours les préoccupations prononcées et ressenties de part et d'autre de la relation d'emploi entre l'entreprise et le salarié. Autant de situations qui mettent en évidence la reconsidération du lien tacite entre le salarié et l'entreprise à travers le contrat de travail. Les prescriptions de l'école classique des organisations qui mettaient en relief l'organisation du travail comme une science comparative à toutes les autres sciences sont dans cette aire de management des pensées à l'arrière-plan de l'agir dans le sens du progrès1(*). Dans ce sens, nul n'a l'audace d'ignorer que l'individu est au centre des performances de l'organisation par ses capacités à innover, à prendre des initiatives et à avoir une dynamique individuelle au-delà du travail prescrit. 

La réussite d'une entreprise nécessite l'union et la force de travail des personnes qui forment un tout organisationnel. En effet, il ne s'agit pas de recruter des salariés parce que le travail en a besoin, mais il s'agit tout au moins de le faire en prenant des personnes dont les aspirations sont parfaitement en adéquation avec la philosophie même de l'entreprise. Philosophie au centre de laquelle se trouve en premier point un besoin pressant de motivation, d'implication, de fidélisation et de socialisation organisationnelle durable des salariés afin de construire (avec eux) une famille organisationnelle. Ce désir de socialisation est dans ce sens le souhait de tous les dirigeants et managers d'entreprise qui reconnaissent effectivement que l'entreprise a besoin de la contribution efficace de tous pour aller au bout de son parcours (Boukar et al., 2018). Grande comme petite, les entreprises de notre aire sont dans un réel défi d'assurer à tous les salariés y travaillant des conditions d'une rétention durable. Ces conditions ne font qu'augmenter la sensibilité de la question de l'intégration et de la socialisation organisationnelle des salariés. Si aujourd'hui travailler pour assurer son existence est une norme, les travaux de Méda (2010) montrent que pour la plupart des salariés, le travail est un moyen de se procurer de quoi subvenir à ses besoins, mais que c'est aussi une manière de montrer ses capacités professionnelles et de s'inscrire dans un collectif de travail qu'on peut appeler famille organisationnelle. Il s'agit bien de la socialisation organisationnelle des salariés.

La question de l'intégration et de la socialisation organisationnelle des salariés est un domaine qui a suscité de nombreuses recherches pour identifier les facteurs qui permettent sa réussite ou son échec. S'il est clair que les organisations reconnaissent les enjeux de l'intégration et de la fidélisation, elles ne mettent pas pour autant en oeuvre de réelles politiques de gestion de la socialisation organisationnelle des salariés. Dès lors, peuvent-elles chercher à recruter les meilleurs salariés si elles ne s'attachent pas à gérer leur « entrée organisationnelle », selon l'expression de Perrot (2000), pour en assurer la réussite ou leur socialisation continue dans l'organisation ? Ce paradoxe nous semble s'expliquer par la relative jeunesse de cette problématique dans le champ de la gestion, et donc par l'insuffisance de connaissances et des outils de gestion organisationnelle de l'intégration et de la socialisation. Insuffisance pratiquement marquée par les licenciements et les démissions volontaires qui ne se justifient que par un manque de cohérences entre les promesses faites à l'entrée et les réalités organisationnelles. Sachant que les mises à pied relèvent d'une décision de l'employeur, les démissions sont des cessationspermanentes d'emploi décidées par l'employé lui-même par perception d'une contradiction entre ce qu'il aurait exprimé comme attente et les réalités vécues. Les démissions engendrent un roulement de personnel pouvant s'avérer onéreux pour l'employeur, qui doit alors embaucher et former de nouveaux employés. Ces coûts de remplacement peuvent être particulièrement importants pour les entreprises qui emploient une maind'oeuvre qualifiée possédant un niveau d'instruction assez élevé. En enregistrant des taux de démissions excessifs, la réduction de la productivité est éminente. En revanche, il est possible, surtout pour une entreprise consciencieuse, qu'en mettant l'accent sur le contrat psychologique par les attentes, l'employé se trouve enraciné dans les principes et les normes que véhicule l'entreprise.

La théorie de l'échange social, à travers principalement la notion de contrat psychologique offre un champ de compréhension à ce besoin pressant de socialisation organisationnelle des salariés. Sa raison principale se justifie par sa capacité à offrir un champ théorique qui apporte des réponses aux questions sur les nouvelles relations d'emploi (de façon explicite, sur la perception des réalités de l'emploi par l'une ou l'autre partie prenante). La deuxième raison d'avoir choisi ce cadre théorique dans cette recherche tient compte de la multitude des travaux empiriques ayant démontré que le contrat psychologique, aussi bien par son contenu que par son processus, joue un rôle très capital sur la mobilisation et la fidélisation du personnel. Nous savons clairement que l'objectif du management est de gérer le groupe en vue d'atteindre des objectifs prédéterminés. Mais le groupe est la réunion deplusieurs individus aux préoccupations, comportements et attentes différents et se préoccuper de sa socialisation est très important dans le cadre de la relation d'emploi.

Partant du constat que la socialisation organisationnelle conditionne l'action de l'individu dans l'entreprise, l'idée principale serait de trouver dans l'ensemble des secteurs d'activité de tous les pays, un nombre suffisant de travaux y relatifs. Cependant, les pays occidentaux peuvent s'en réjouir d'autant plus que les investigations empiriques y sont effectuées, mais concernant le contexte africain, peu de recherches s'y trouvent, encore moins en contexte camerounais où les investigations restent encore très maigres, exception faite des rares travaux consultés à l'instar de ceux de Boukar et Guidkaya (2017) qui ont consisté à analyser l'apprentissage organisationnel des salariés via la circulation de l'information à l'intérieur de l'entreprise, une étude totalement partielle des variables de socialisation organisationnelle (l'apprentissage étant une première étape de la socialisation organisationnelle). Cette réalité vient en contradiction avec le désir d'une économie en plein essor et en constante mutation qui se veut émergente dans un horizon proche (DSCE, 2009). Il semble impératif d'étudier dans ce sens les différentes dimensions de la relation d'emploi afin de mieux comprendre les attitudes et comportements des salariés au sein de l'organisation. Arriver à cela revient à identifier clairement les représentations du monde de l'emploi dans l'esprit des salariés d'une part, les attentes dans la relation d'emploi d'autre part. Attentes et représentations diffuses qui ne sont couvertes qu'après une reconsidération des obligations à couvrir dans la relation d'emploi. C'est dans ce sens que nous avons figé notre recherche sur le thème : Couverture des attentes du contrat psychologique et socialisation organisationnelle des salariés dans les entreprises.

PROBLEMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

Les théoriciens du management des entreprises ont émis l'hypothèse que la réussite ou l'échec que connaissent les entreprises relèverait d'une manipulation des facteurs financiers, structurels et stratégiques. Cependant, avant d'être une relation économique et formelle ou une juxtaposition d'objet ou de mouvement, l'entreprise est d'abord un ensemble structuré de groupes et d'individus aux attentes et aspirations diffuses et multiples dont les interactions dynamiques conditionnent non seulement son fonctionnement, mais également les relations d'emploi en son sein. Dans ce sens et depuis les travaux pionniers d'Argyris (1960) et de Rousseau (1989, 2000), l'accroissement du nombre d'investigations en gestion des ressources humaines sur la relation d'emploi relativement aux concepts de contrat psychologique et de socialisation organisationnelle (aussi bien dans le contexte francophone qu'anglo-saxon) démontre avec pertinence l'utilisation de ces notions en tant que cadre théorique opérationnel d'étude et d'analyse de l'ajustement de l'individu aux préceptes de l'organisation (Ashforth et al., 2007 ; Lacaze, 2007 ; Eisenbeiss et al., 2008 ; Bauer et Erdogan, 2010).

En effet, dans l'étude de la socialisation organisationnelle, l'on remarque (comme les travaux en psychologie sociale) une opposition sur le traitement de la dialectique organisation/salarié, une nette transposition gestionnaire de la dialectique sociologique société/individu. Les chercheurs dans cette lignée présentent la socialisation organisationnelle comme un ensemble de procédures mises en place par l'organisation ayant pour but d'influencer, voire d'endoctriner les salariés (Van Maanen et Schein, 1979). L'accent est mis à ce niveau sur les comportements mis en oeuvre par les salariés pour se connecter aux enseignements et normes organisationnelles. Il s'agit de l'ajustement à la culture de l'entreprise (Findler et al.,2007 ; Zhang et al., 2008). Si la socialisation organisationnelle et l'étude des comportements sociaux sont des maîtres mots dans un système social, il en demeure tout aussi évident que le travail en « organisation » s'est imposé dans la relation d'emploi (Livian, 2001) constatant ainsi une articulation des individus autour de vaste ensemble partageant des caractères communs avec un champ de problèmes similaires à résoudre. C'est dire que le désir de socialisation ne se limite pas seulement à l'entrée dans l'organisation comme le signalent un nombre conséquent de travaux y relatifs même comme les auteurs en font une clarification selon laquelle il existe certes un besoin pressant de socialisation organisationnelle des salariés pendant les premiers mois de travail (Perrot, 2008 ; Perrot et Campoy, 2009), mais que les situations de socialisation ont lieu durant toute la vie des salariés (vie professionnelle en revanche), tenant compte de la modification des attentes à l'entrée dans l'entreprise en fonction de l'évolution des postes et de la reconfiguration organisationnelle de l'entreprise au cours du temps (Saks et Ashforth, 1997).Ces travaux se sont intéressés dans la majeure partie des cas à l'aspect dynamique de la socialisation organisationnelle.

C'est avec les travaux de Louis (1980) qu'un changement dans la compréhension et la conceptualisation de la notion de socialisation organisationnelle est apparu prenant en compte le point de vue du salarié lui-même dans la relation d'échange. En effet, au départ de la théorisation de l'organisation (vision classique de l'organisation du travail), les questionnements résidaient, dans la plupart des travaux, sur la considération de la productivité et de la croissance de l'entreprise, mettant de côté l'idée principale que les sentiments personnels lors de l'exécution des tâches, le ressenti sur la conception du travail à faire et bien d'autres éléments encore, jouent un rôle on ne peut plus capitale dans l'acheminement des buts et objectifs de l'entreprise en terme de productivité et de croissance. Les travaux de Louis (1980) viennent donc combler ces manquements en mettant en avant les processus cognitifs, les mécanismes mentaux, le niveau d'attribution de sens dans le conditionnement de la contribution ou non de l'individu à la performance attendue par l'organisation. L'idée d'un rôle non seulement actif mais proactif de l'individu dans le suivi des tâches assignées fait donc son chemin sous la houlette de cet auteur, mais de façon très lente. Delobbe (2000), sous l'impulsion des travaux de Louis (1980), signale que l'individu doit être représenté au coeur de la relation sociale d'autant plus que par le schéma de la construction de sens, le salarié cherchera à rendre son environnement plus prévisible, compréhensible et en fin de compte, contrôlable (Miller et Jablin, 1991) par les mécanismes d'auto-information personnelle. Il ne s'agit pas d'une simple considération de l'homme en tant que salarié de l'entreprise, mais comme un « Homme » avec des attentes bien connues de lui-même qui conditionnent son agir organisationnel. Les attentes, c'est très simple à comprendre mais toutefois difficiles à identifier dans le cadre de la relation d'emploi.

De nombreux travaux ont confirmé l'existence des attentes vis-à-vis de l'emploi et l'effet de leur correspondance à la réalité organisationnelle sur l'ajustement comportemental des individus à l'entreprise (on peut citer les travaux des premiers déclencheurs, plus particulièrement les travaux sur la méta-analyse des situations de travail de Wanous et al., 1992). Dans la suite de ces travaux, les chercheurs interviennent pour signaler que les attentes sont inscrites dans un contexte d'échange social bien défini au coeur duquel s'installe le concept de contrat psychologique qui représente un outil permettant d'appréhender les attitudes et les comportements des employés par l'étude de la représentation exprimée de part et d'autre de la relation d'emploi et plus principalement, l'analyse de la part « non exprimée » et non formalisée des attentes et des engagements des deux parties à l'emploi (Riant, 2010). A cette base et selon les travaux antérieurs de Delobbe (2006), le contrat psychologique jette la fondation d'une conceptualisation précise de la construction du lien futur entre l'individu et l'entreprise à travers la modélisation des attentes qui conditionnent les interactions quotidiennes dans l'entreprise. Ces travaux complètent la compréhension des propositions de Rousseau (1989) selon lesquelles, la nature, le contenu et le mode de gestion du contrat psychologique peuvent avoir un impact considérable sur les résultats de l'entreprise dans la mesure où ils conditionnent les comportements de citoyenneté à l'entreprise, gage d'une socialisation organisationnelle durable. Si la socialisation est un agent de performance et que le contrat psychologique est un acteur de développement de comportements désirables (si les parties connaissent au moins les attentes), force est de constater une rareté des travaux y afférents et une préoccupation trop floue en ce qui concerne les dispositifs de socialisation organisationnelle. D'un autre côté, l'on retrace des incompréhensions quant au champ de l'étude de la socialisation organisationnelle (Lalonde et Jacob, 2007) et des insuffisances dans l'approche des attentes liées au contrat psychologique (Dulac, 2005 ; Campoy et al., 2005) puisque ne mettant pas clairement en évidence les attentes et les obligations diffuses de la relation d'emploi.

En définissant le contrat psychologique comme « les croyances d'un individu concernant les termes et les conditions d'un accord d'échange réciproque entre lui-même et une autre partie », Rousseau (1998) démontre que les attentes relatives à la relation d'emploi définissent la qualité de l'intervention au travail des salariés, mais malheureusement, son approche d'analyse est située au niveau individuel, perceptuel et subjectif substituant ainsi au terme « attentes » la notion de « promesses », de « croyances et d'obligations ». Cette hypothèse fait des attentes, seulement ce que le salarié compte percevoir de la part de son employeur sans se soucier du feedback. C'est l'apanage de plusieurs travaux complémentaires qui supposent qu'il n'est pas toujours nécessaire que les attentes soient formellement connues et acceptées par les parties prenantes (Jafri, 2011) sachant déjà que la relation d'emploi elle-même est régie par le contrat psychologique qui est informellement défini. Cette conception est donc à notre sens une vision très réductrice de la relation d'emploi. Du côté de l'approche classique de l'étude du contrat psychologique dite « approche duale », il est nécessaire de prendre en compte aussi bien la perspective de l'employé que de l'employeur en tant que parties impliquées dans la relation d'emploi (la mutualité entre les attentes de l'employé et celles de l'employeur est donc analysée en profondeur)2(*), on référencera ici les travaux de Coyle-Shapiro et Kessler (2000). Un autre aspect des manquements théoriques dans la littérature réside sur la peine à identifier les attentes et obligations de part et d'autre de la relation d'emploi, car elles diffèrent ou du moins, ne sont pas traduites de la même manière selon le contexte étudié et on note une absence de consensus à propos du contrat psychologique (Guerrero, 2004 ; Campoy et al., 2006). Faisant un tour sur les travaux de Rousseau (1998), puis de Guerrero (2004) et de Campoy et al. (2006), on retrouve un recensement des attentes et obligations de la relation d'emploi en deux dimensions, celle liée à l'aspect transactionnel du contrat psychologique et celle liée à la dimension relationnelle du contrat psychologique. Une omission est ici faite pour la dimension idéologique qui relate en effet qu'un travail qui a de l'intérêt, qui donne du sens et de la responsabilité et qui permet de se développer est ce qui est attendu de tous (Thompson et Bunderson, 2003 ; Dulac, 2005). Basée sur une compréhension des attentes et obligations réciproques de la relation d'emploi et de l'attitude du salarié par rapport à la couverture de ces attentes, notre recherche a pour objet d'étudier la socialisation organisationnelle des salariés (autour d'un ensemble de variables construites) au travers des dimensions du contrat psychologique entre le salarié et l'entreprise.

Partant de cette problématique, plusieurs interrogations sont à élucider pour comprendre l'organisation interne de notre investigation. Il s'agit principalement des questions suivantes :

Quelle est la représentation du monde de travail qu'ont les employés avant même l'entrée dans une organisation (il s'agit ici de la question de définition du schéma anticipatoire de la relation d'emploi avec l'entreprise)3(*) ?

Comment se présente la structuration de ce schéma anticipatoire du contrat psychologique dans la relation d'emploi ?

Quel est le niveau de compatibilité (compatibilité organisationnelle et compatibilité à l'emploi) de ce schéma anticipatoire du contrat psychologique aux promesses évoquées dans la relation d'emploi ?

A quel niveau est perçue la couverture des attentes relatives à ce schéma anticipatoire du contrat psychologique ?

Quel est le lien entre la perception d'une couverture des attentes du schéma anticipatoire du contrat psychologique et la socialisation organisationnelle des salariés ?

OBJECTIFS DE LA RECHERCHE

Une attention particulière mérite d'être entreprise pour accorder à ce sujet toute sa pertinence. Le problème posé met en évidence l'idée a priori selon laquelle les attentes qui fondent le contrat psychologique dans la relation d'emploi, si elles sont couvertes, déterminent l'alignement comportemental des salariés. Cette problématique isolée à elle seule ne permet pas de comprendre de façon précise les éléments phares de l'ordonnancement de cette recherche. Ce qui nous conduit à l'étayer en cinq (05) objectifs suivants pour constituer nos axes de recherche :

Déterminer la représentation du monde de l'emploi qu'ont les employés avant même leur entrée dans une organisation;

Proposer une structuration de ce schéma anticipatoire des attentes du contrat psychologique dans la relation d'emploi ;

Examiner le niveau de compatibilité (compatibilité organisationnelle et compatibilité à l'emploi) du schéma anticipatoire des attentes du contrat psychologique aux réalités vécues dans la relation d'emploi ;

Déterminer le niveau de couverture des attentes exprimées dans le schéma anticipatoire du contrat psychologique dans la relation d'emploi ;

Examiner le lien entre la perception d'une couverture des attentes du schéma anticipatoire du contrat psychologique et la socialisation organisationnelle des salariés.

INTERET DE LA RECHERCHE

De nos jours, la socialisation organisationnelle des salariés connaît un développement sans précédent et impose un autre système de management des entreprises qui s'entendent prospérer et se faire une place de choix dans le contexte actuel de mondialisation des échanges. L'idée de cette recherche est née d'une part, d'un besoin personnel de vouloir mieux comprendre comment les individus s'intègrent dans une organisation et s'y socialisent avec une multitude d'individus ayant des convictions, des caractéristiques, des cultures et compétences différentes et d'autre part, comment s'organisent les attentes de part et d'autre des parties prenantes dans la relation d'emploi qui contribuent à la socialisation organisationnelle des salariés. Notre thèse, s'inscrivant dans la continuation des travaux effectués par Sekiguchi (2007) sur l'intégration des théories du fitet du contrat psychologique pour améliorer la sélection du personnel ainsi qu'à la suite des études menées par Scholarios et al. (2003) sur la considération du schéma anticipatoire dans la relation d'emploi,définit un intérêt sur deux plans.

Sur le plan théorique, en sus de nombreux écrits sur la socialisation organisationnelle des salariés et les pratiques y relatives, une étude et prise en compte des attentes des salariés dans la relation d'emploi d'une part et de son effet sur la socialisation organisationnelle des salariés d'autre part est très importante pour enrichir la littérature et les réflexions des futurs chercheurs relativement à l'intégration des salariés au travail et aux préceptes de l'organisation. De plus, la modélisation proposée des attentes de la relation d'emploi dans une approche duale conduit naturellement à une conception de la socialisation organisationnelle comme un processus dépendant de l'adéquation entre les attentes de l'entreprise et des salariés (particulièrement diffuses) et dont l'évolution est guidée,au fil du temps, par la perception d'une couverture et l'acceptation du traitement reçu en fonction de l'évolution de l'entreprise. Cette conception de la relation d'emploi va totalement à l'encontre des premières considérations qui se basaient uniquement sur une perspective individuelle et rarement par la prise en compte d'un besoin d'adéquation entre pratiques organisationnelles et attentes des salariés (Coyle-Shapiro et Kessler, 2000). C'est donc un axe de recherche très important que de prendre en considération le schéma anticipatoire des attentes de la relation d'emploi relevant du contrat psychologique puisqu'il offre à la littérature des repères contextuels d'aide à la recherche dans le domaine de la Gestion Stratégique des Ressources Humaines (GSRH). Toujours sur ce même plan théorique, cette recherche met en éveil les chercheurs en Sciences de Gestion sur les considérations psychiques (relevant de la psychologie) à prendre en compte dans les travaux sur les variables d'attitude des salariés (domaine de la Gestion des Ressources Humaines).

Cette recherche offre également une contribution sur le plan managérial. En apportant un éclairage sur le contenu du schéma anticipatoire des attentes fondant le contrat psychologique entre l'entreprise et l'employé, ainsi que sur la compatibilité de ces attentes aux réalités organisationnelles, nous espérons offrir aux managers (que ce soit dans le secteur politique ou économique) des clés de compréhension complémentaires de la relation d'emploi par le biais du contrat psychologique. Il s'agira d'abord de mettre à jour un corps théorique renfermant l'ensemble des facteurs qui entrent dans la structuration du contrat psychologique en termes d'attentes réciproques dans la relation d'emploi afin que les praticiens aient une vue globale des actions qui peuvent être effectuées dès l'entame du processus de recrutement des salariés. Il faut noter que la connaissance d'un corps de variables développées autour des notions phares d'attentes relatives au contrat psychologique dans la relation d'emploi ne contribuerait en rien dans la poursuite des objectifs de l'entreprise s'il n'y a pas une nécessaire prise en compte de l'organisation réciproque de ces attentes tant du côté de l'entreprise (représentée ici par l'employeur) que du côté du salarié (Coyle-Shapiro et Kessler, 2000). Nous ambitionnons aussi dans cette recherche de montrer que la mise en oeuvre des pratiques de Gestion desRessources Humaines (aussi bien dans le recrutement que dans la gestion de l'évolution des carrières) doit être réfléchie au regard de la catégorie socioprofessionnelle des salariés à l'emploi. Nous pensons également montrer dans cette recherche qu'il est illusoire d'avoir une connaissance totale sur les attentes qui alimentent la relation d'emploi entre les salariés et l'entreprise d'autant plus qu'à chaque individu en présence, les attentes diffèrent. Les responsables auront donc une latitude à relativiser les attentes qui sont classifiées dans cette recherche en fonction de la catégorie du salarié en présence.

RESUME DES BASES D'HYPOTHESES ET HYPOTHESES

L'appréciation, par un individu,de l'équité du traitement reçu en général au sein de son organisation, l'appréciation de la manière dont l'employeur rend compte des logiques de reconnaissance des salariés et l'amélioration des conditions du travail détermine de façon plus effective la socialisation organisationnelle des salariés (Ambrose et Schminke, 2009) si seulement ces notions définissent bien les attentes des salariés. De récentes recherches suggèrent que cette perception a des effets allant au-delà de ceux des dimensions de l'intégration organisationnelle et que la saillance du sentiment de justice par exemple en contexte de socialisation est en effet justifiée par le fait qu'il reflète une évaluation globale des entités organisationnelles (Jones et Martens, 2009 ; Priesemuth et al., 2013) reflétant les attentes transactionnelles du salarié à l'emploi.

Selon Cropanzano et al. (2001), l'intégration et la socialisation organisationnelle des salariés par le sentiment de justice organisationnelle s'expliquent logiquement par le fait que le sentiment d'être traité justement répond à différents besoins fondamentaux de l'individu, tels que le sentiment d'appartenance, l'estime de soi ou le sentiment que son existence a du sens et qu'il a vraiment de la place dans l'évolution de l'entreprise. La justice organisationnelle correspond de ce fait à des signaux organisationnels qui concordent avec la bienveillance du supérieur hiérarchique, rendant ainsi les salariés plus réceptifs aux bienfaits des pratiques organisationnelles. En actionnant le passage au « mode groupe », le sentiment de justice globale renforce ainsi les effets socialisants des facteurs relationnels, notamment du soutien perçu du supérieur. La justice globale, de plus, produit un climat de sécurité qui contribue à réduire le sentiment d'incertitude des individus, favorise leur initiative (Harris et al., 2013) et suscite chez eux des émotions et des évaluations de soi positives (Barclay et Kiefer, 2013 ; Colquitt et al., 2013), sans doute complétant leur perception de la réalisation du schéma anticipatoire de la relation d'emploi. Une autre analyse est que les individus forment une appréciation de la logique de reconnaissance organisationnelle de leur entreprise et ceux d'entre-eux qui ont le sentiment que l'entreprise traite ses salariés équitablement selon la contribution qu'ils ont par rapport aux objectifs de l'entreprise seront plus susceptibles de s'engager dans une démarche collaborative qui leur permet de profiter pleinement des interactions positives avec les autres membres de l'organisation, et en particulier avec leurs supérieurs hiérarchiques directs. Ceux, au contraire, qui percevront leur entreprise comme injuste et comme ne prenant pas en compte les attentes de reconnaissance qu'ils ont en relation avec l'emploi, seront moins confiantes et tireront probablement moins de bénéfices de leur entourage relationnel (El Akremi et al., 2014). Pour Lind (2001), la perception de justice organisationnelle et le sentiment d'être reconnu personnellement que ce soit dans le travail ou dans les autres dimensions du travail guide l'attitude de l'individu à l'égard de son environnement. Plus spécifiquement, le sentiment de reconnaissance agit comme une « cognition pivot » actionnant le passage d'un « mode individu » (où la personne est centrée sur ses intérêts à court terme et est réticente à collaborer avec les autres par peur d'être rejetée ou exploitée) à un « mode groupe » (où elle accorde volontiers sa confiance, collabore et accepte de s'exposer aux risques des interactions sociales, pour profiter de leurs avantages).

En outre, les propos recueillis lors de la phase qualitative vont également dans ce même sens. « On va faire comment ? Ça ne va pas ici je vous assure et moi ce sentiment me donne la peine et j'ai même hâte à trouver une autre préoccupation plus noble. C'est si difficile et parfois même ça me décourage d'aller au travail. Ce qui est sûre, le constat de ce manquement dans la rémunération et même dans le traitement me donne trop à réfléchir, surtout par rapport au travail que j'effectue au jour le jour dans le cadre de mon emploi et particulièrement hors du cadre prédéfini au départ dans cette entreprise » déclare l'interviewé n° 1 (2019). Ce dernier se prononce en fait par rapport au traitement reçu depuis son entrée dans cette organisation.L'intérêt de concilier le discours prononcé et la réalité qui est vécue pratiquement à l'entrée des employés dans une entreprise est de rigueur si les responsables souhaitent que ces derniers se sentent d'ici quelque temps dans une famille organisationnelle. Cet interviewé signale au terme de ses propos que « les réalités de l'emploi sont si complexes » surtout pour un employé qui n'avait pas fait des prévisions et qui se retrouve complexé dans la mise en adéquation du discours prononcé et de la réalité vécue.

Les analyses que nous venons de développer démontrent avec véhémence le rôle de la dimension transactionnelle du contrat psychologique sur le comportement de socialisation organisationnelle des salariés. En effet, un salarié qui a le sentiment que ses attentes relativement à la dimension transactionnelle du contrat de travail sont réalisées aura une tendance à s'intégrer de façon autonome dans son travail et à y donner tout son potentiel. L'ensemble de ces arguments nous conduit à présupposer l'hypothèse suivante :

H1 : Il existe une relation positive entre la perception par le salarié d'une couverture des attentes transactionnelles du contrat psychologique et sa socialisation organisationnelle.

Le concept de soutien organisationnel ainsi que la notion de climat de travail sont des aspects également importants pour comprendre la contribution des attitudes du salarié par rapport à sa socialisation. Cette considération a animé les recherches antérieures en relation avec le contrat psychologique et on la retrouve encore dans l'expression des attentes au quotidien des employés dans l'entreprise4(*). Les travaux en la matière (dont nous ferons le point dans les lignes qui suivent) mettent l'accent sur le rôle central des supérieurs hiérarchiques directs dans le processus de socialisation, à la fois comme source d'informationet comme garant de la qualité du climat social (Weiss, 1977 ; Jokisaari et Nurmi, 2009 ; Sluss et Thompson, 2012 ; Kammeyer-Mueller et al., 2013).

Le soutien social, défini comme l'apport d'un soutien émotionnel, instrumental et informationnel (Vinokur et Van Ryn, 1993), offre un éclairage intéressant pour comprendre le processus de socialisation organisationnelle des salariés. La perception de soutien du supérieur (Eisenberger et al., 2002) est en effet susceptible d'influencer différentes facettes de la socialisation en réduisant l'incertitude éprouvée par les nouvelles recrues (Falcione et Wilson, 1988). Pour Harris et al. (2013) ainsi que Liden et al. (2004), un niveau élevé de soutien perçu donne aux salariés un accès privilégié et autonome aux informations techniques et normatives dont ils ont besoin pour apprendre et réaliser leur travail. Il s'accompagne donc d'un sentiment d'efficacité personnelle des nouveaux employés (qui ont le sentiment de maîtriser leurs nouvelles tâches) et d'un accroissement de leur motivation intrinsèque. Bauer et Green (1998) ainsi que Jokisaari et Nurmi (2009) pensent quant à eux qu'en soutenant leurs collaborateurs, les supérieurs hiérarchiques peuvent leur transmettre des clés d'interprétation pertinentes pour comprendre les décisions et les politiques organisationnelles, les attentes en termes de comportements et de performance, ainsi que les liens fonctionnels et hiérarchiques entre leurs postes et ceux des autres membres de l'entreprise. Ce faisant, ils les aident à faire sens de responsabilité et à s'approprier leurs rôles. Toujours dans la même lancée, la théorie des évènements affectifs (Weiss et Cropanzano, 1996) suggère que les relations interpersonnelles positives, telles que celles caractérisant la perception élevée d'un soutien de la part du supérieur hiérarchique, peuvent produire un état émotionnel positif et une satisfaction accrue au travail. Ceci est d'autant plus vrai que les interactions avec les supérieurs sont souvent perçues comme nouvelles et significatives et donc comme un déclencheur affectif saillant pour des employés (Kammeyer-Mueller et al., 2013).

D'un autre côté, des études sur le comportement organisationnel des salariés (Vandenberghe, 2008) souligne toute l'importance qui doit être accordée à la relation de qualité en mettant en évidence le fait que « le superviseur occupe un rôle important, car il est le représentant de l'entrepriseavec lequel les employés sont le plus en contact ». PourStringer(2006), les relations de qualité entre superviseurs et employés conduisent à une satisfaction intrinsèque et extrinsèque du travailleur et favoriseraient l'émergence d'unsentiment d'habilitation (Migneault et al.,2009). De Zanet (2010) de son côté met l'accent sur l'attention particulière qui doit être accordée à la notion de confiance pour une généralisation de la socialisation organisationnelle en ce sens que la confiance que l'employé ressens de la part de son supérieur hiérarchique est un aspect fondamental qui caractérise le comportement de bienveillance de ce dernier dans la relation d'emploi. La bienveillance étant analysée par ce dernier comme le fait d'agir en tenant compte de l'intérêt de tous les employés. Toujours dans ce même ordre d'idées, Migneault (2009) montre que les relations avec les collègues font partie des facteurs pouvant occasionner un impact sur la socialisation organisationnelle de l'employé. Migneault (2009) continu dans ses propos en précisant que cette socialisation s'avère de plus en plus positive lorsque les employés eux-mêmes se sentent impliqués dans les décisions collectives, partagent avec lui des façons de mieux faire le travail, reçoivent un retour d'informations nécessaires par rapport aux normes comportementales, sentent que leur contribution au travail est valorisée. L'employeur devrait donc en principe promouvoir et favoriser la qualité des relations interpersonnelles au sein de son entreprise.

L'interviewé n° 3 (2019) pour sa part fait comprendre que « dans toutes les entreprises, il y a les obligations qu'il faut à tout prix respecter pour avoir au moins à parler qu'on doit couvrir nos attentes. Les dirigeants sont très sensibles dans le côté de la couverture de vos obligations d'emploi ». L'évolution du contrat de travail dans un climat favorable est une arme de construction de l'apprentissage organisationnel et par là même occasion, la socialisation organisationnelle de tous les salariés. Ce constat ressort des travaux de Boukar et Guidkaya (2017) selon lesquels il n'y a pas de croyance « au fait qu'on puisse évoluer, construire une organisation, faire connaître la structure à un ensemble de personnes si entre ces personnes même il n'y a pas d'harmonie ». C'est donc cette harmonie qui génère la confiance dans le coeur des salariés et qui fait en sorte que l'entreprise devienne une famille organisationnelle aux yeux de ses parties prenantes.

La conclusion que nous pouvons donner aux développements précédents est que le soutien organisationnel perçu et la perception de par le salarié d'une bonne qualité du climat social apparaissent comme une des ressourcescritiques pour la socialisation des employés et comme un canal important d'informations, de modèles comportementaux et d'expériences émotionnelles conditionnant l'apprentissage des nouvelles tâches et du nouveau rôle, ainsi que la socialisation au travail. Ces deux dimensions relèvent de la notion de contrat psychologique relationnel dans la relation d'emploi.Nous pouvons donc formulerl'hypothèse suivante :

H2 : Il existe une relation positive entre la perception par le salarié d'une couverture des attentes relationnelles du contrat psychologique et sa socialisation organisationnelle.

Lorsqu'on se réfère à des organisations flexibles et proactives et à de bonnes politiques de management des ressources humaines, on ne peut passer outre les notions d'employabilité et de sens accordé par l'individu dans la relation d'emploi. Ces éléments relèvent de la dimension idéologique du contrat psychologique. Plusieurs études ont été menées dans ce sens et ont prouvé que la prise en compte de l'employabilité, du développement des carrières et du sens accordé par l'individu au travail améliore sa conception de l'atteinte de ses attentes par rapport à la relation d'emploi et détermine ainsi son niveau de socialisation organisationnelle.

Des travaux de recherches en contexte du secteur informel au Cameroun (Guidkaya et Boukar, 2018) montrent que les acteurs qui perçoivent une forte rectitude morale du travail, qui mettent un accent particulier sur les relations qu'ils entretiennent dans le cadre de leur travail, qui mettent de l'intérêt sur l'autonomie que revêt leur travail sont ceux dont le niveau de socialisation au travail est plus élevé s'ils sentent que ces attentes sont couvertes.En effet, la socialisation organisationnelle des salariés, qui est définie comme l'apprentissage et l'acceptation des préceptes de l'organisation dans le cadre de cette recherche, est confirméeen présence de la rectitude morale que prévaut le travail (Isaksen, 2000). Dans ce sens, plus un travail est loyal et équitable, plus l'acteur adhère au travail même s'il ne l'a pas encore appris (Dejours, 1993 ; Davezies, 1999). Leurs travaux ont montré que si l'individu est affectif aux considérations morales et aux conditions régissant les normes sociales dans lesquelles son travail est effectué, la probabilité d'être intégré totalement dans le travail est plus élevée lorsque ce dernier valide cette réalité.Dans le contexte de La Poste, les travaux de Mikkelsen et Gundersen (2003) ainsi que de Morin (1997) démontrent qu'il existe une relation positive entre l'utilité perçue du travail par le salarié et sa socialisation organisationnelle.Chacun de ces auteurs a pu démontrer le rôle majeur de l'utilité du travail que l'individu réalise ou qu'on lui demande de réaliser à la volonté d'accepter et de s'intégrer de façon significative dans le travail à accomplir. Mettre en avant l'utilité du travail est donc très importante pour assurer une intégration durable des individus.

Dans la même perspective, Camps et Majocchi (2010) se sont intéressés à étudier l'impact de la capacité d'apprentissage organisationnel (organizational learning capability - OLC) sur le comportement éthique des salariés. Le comportement éthique renvoie à l'étude des comportements individuels (Trevino et al., 2006,) et pour vérifier cette relation, les auteurs ont cherché à analyser le rôle médiateur que peuvent jouer l'employabilité et les pratiques de développement de carrière. Les auteurs justifient le lien entre l'employabilité et la socialisationorganisationnelle en s'appuyant sur les travaux qui ont trouvé des relations claires entre la perception des salariés du soutien organisationnel et la socialisation organisationnelle. Dans la même veine, les travaux de Van Dam (2004),Benson, (2006) et Arocena et al. (2007)montrent que l'implication et part la même occasion la socialisation organisationnelle des salariés envers leur organisation est plus forte quand l'organisation développe leur employabilité. Camps etMajocchi (2010) ont retenu dans leur étude la conceptualisation de l'employabilité centrée sur les compétences (Van der Heijde and Van der Heijden, 2006).

Nos descentes dans le cadre de l'enquête exploratoire nous ont permis de clarifier l'intérêt de la dimension sociale du management dans le cadre de la gestion globale de l'entreprise. Selon les propos de l'interviewé n° 2 (2019), « c'est vraiment important de comprendre que la réussite de l'entreprise est le fruit du travail de tous et qu'au fond, il n'y a pas de réussite à proprement parler au moment où l'ensemble du personnel n'est pas intégré dans la politique générale de l'entreprise ». Ce dernier continue plus loin dans ses propos : « Je comptais sur l'évolution des carrières et un plan de travail efficace et l'entreprise a répondu par l'acte, trois postes en quatre années seulement d'expériences, je trouve que c'est vraiment de la magie visuelle. L'entreprise m'a promis que j'exécuterais mon travail librement, je constate que c'est le cas et ça me rassure de jour en jour. » Pratiquement, pour toute entreprise qui met en avant les variables telles que le développement de l'employabilité (en faisant appel à plus d'autonomie de la part des salariés) et l'évolution des carrières dans son mode de management, évolution de carrière qui doit se faire par la mise en place d'une bonne politique de reconnaissance organisationnelle (Boukar et al., 2018), « autant elle met en place un système de rétention des talents à ne point douter ». Ces considérations nous conduisent à présupposer l'hypothèse suivante :

H3 : Il existe une relation positive entre la perception par le salarié d'une couverture des attentes idéologiques du contrat psychologique et sa socialisation organisationnelle.

DEMARCHE METHODOLOGIQUE

Toute recherche repose sur une vision du monde, suit une méthodologie et propose des éléments de réponse (Giordano et Jolibert, 2008). Notre positionnement épistémologique (centrée sur le positivisme) guide inéluctablement l'orientation et l'articulation de notre problématique et des objectifs de notre recherche. En effet, l'objet de cette étude portant sur l'analyse et l'explication d'un processus que l'on peut observer en milieu organisationnel, nous avons, en quelque sorte, figé une réalité afin de détecter, par une démarche hypothético-déductive, les mécanismes par lesquels la couverture des attentes du contrat psychologique serait un élément moteur de génération de la socialisation organisationnelle des salariés. En développant un modèle de recherche basé sur un ensemble d'hypothèses par le biais de la combinaison entre la théorie sur le contrat psychologique (à travers les attentes) et celle sur la socialisation organisationnelledes salariés d'une part et l'étude qualitative exploratoire réalisée auprès des salariés et responsables d'entreprise d'autre part, c'est un regard neutre que nous jetons sur une réalité objective au travail. Notre positionnement est donc, par essence, positiviste (Martinet, 1990 ; Wacheux, 1996) puisque basé sur une démarche déductive visant à éprouver des hypothèses de recherche réfutables (Igalens et Roussel, 1998). Ainsi, nous tentons dans cette recherche de décrire des relations entre des variables clés de la socialisation organisationnelle des salariés et les attentes du contrat psychologique qui sontliées à la relation d'emploi (si elles sont couvertes bien sûr) et de les tester afin de vérifier leur acuité et leur véracité lorsqu'elles sont mises à l'épreuve de la réalité. Il est donc important à ce niveau de ne pas considérer seulement les données chiffrées, mais une analyse de contenu approfondie des entretiens effectués5(*).

Notre positionnement nous guide également dans le choix du design et des outils mobilisés. Ainsi, nous avons recours à un questionnaire constitué d'échelles de mesure préexistantes et validées à travers les entretiens effectués auprès des salariés dans les entreprises. Nous veillons également dans notre démarche au respect des exigences en termes de validité et de fiabilité de ces mesures. Les analyses que nous menons donnent lieu à une discussion au cours de laquelle nous revenons sur les hypothèses formulées pour les confirmer ou les réfuter et en expliquer la portée tant sur le plan théorique que managérial. Afin d'aller en profondeur dans notre analyse, nous effectuons des entretiens directifs à l'aide de deux grilles d'entretien respectivement auprès des responsables au niveau de la direction de l'entreprise et des salariés travaillant dans l'entreprise. Une première analyse de ces entretiens nous ont permis de fluidifier notre compréhension de la notion même de contrat psychologique dans la relation d'emploi et d'édifier notre questionnaire de recherche pour la phase quantitative. Nous notons également qu'après l'analyse quantitative des données, un retour sur les propos des enquêtés est fait pour éclaircir la compréhension des résultats de nos hypothèses de recherche.

PLAN DU TRAVAIL

La finalité de notre recherche est de construire, à l'aide de la revue de la littérature et d'une étude qualitative exploratoire (au maximum respectivement 10 salariés dans les services de l'entreprise et 10 responsables au niveau de la direction de l'entreprise), un modèle explicatif de la socialisation organisationnelle des salariés autour des variables organisées par les attentes du contrat psychologique, de le tester empiriquement en réalisant une analyse quantitativedes données par l'approche hypothético-déductive. Pour ce faire, notre plan sera organisé en deux étapes.

Dans la première partie, nous présentons une appréhension conceptuelle de la notion de contrat psychologique d'une part, et sa relation avec la socialisation organisationnelle d'autre part. Cette partie inclue deux chapitres :

- Le premier chapitre est consacré à un regard théorique sur la notion de contrat psychologique dans la relation d'emploi. Dans un premier temps, nous nous intéressons à l'étude de la relation d'emploi comme un élément au fondement même du contrat psychologique (en précisant de façon claire les propos autour de la notion de relation d'emploi). Dans un second temps, nous focalisons notre attention sur la définition, le dimensionnement et l'évaluation du contrat psychologique en relation d'emploi.

- Le deuxième chapitre, quant à lui, met en évidence un regard théorique sur la socialisation organisationnelle par la couverture des attentes du contrat psychologique. Il s'agit en effet, de faire une revue de la littérature intégrant la théorie du contrat psychologique dans l'étude de la socialisation organisationnelle des salariés. Ce chapitre s'attarde, dans un premier temps, sur un éclairage théorique de la notion de socialisation organisationnelle des salariés plus précisément sur ses domaines à prendre en compte. Dans un second temps, nous laissons la place à l'analyse de la couverture des attentes du contrat psychologique et son effet sur la socialisation organisationnelle des salariés. Nous prenons le soin de présenter au fur et à mesure nos hypothèses de recherche.

Dans la seconde partie, nous procédons à une analyse de la démarche méthodologique de la recherche et la vérification empirique de notre modèle théorique de recherche. Cette partie inclut également deux chapitres :

- Dans le troisième chapitre, nous présentons la posture méthodologique de notre recherche. La première section de ce chapitre est consacrée à l'identification des variables clés de la recherche par l'analyse de la démarche qualitative. Après une justification du recours à cette méthode, nous énonçons les logiques y relatives, la logique de construction de la grille d'entretien, le déroulement des entretiens ainsi que la logique de la démarche de l'analyse de contenu. La seconde section s'attache à la compréhension du poids explicatif des variables de la recherche par l'analyse de la démarche quantitative. C'est l'occasion pour nous de présenter les différents préceptes de cette méthodologie, la logique de construction du questionnaire et son contenu ainsi que le processus de collecte de l'information sur le terrain.

- Dans le quatrième chapitre, nous présentons et discutons les résultats de la recherche. Ce chapitre se fait en deux phases. Dans la première phase, nous présentons et discutons les résultats de l'analyse descriptive de l'échantillon ainsi que la description des mesures des concepts utilisés. Nous notons que cette étude descriptive se fera aussi bien pour les variables du contrat psychologique, de la socialisation organisationnelle que pour les promesses faites par l'employeur. La seconde phase quant à elle est l'occasion de tester le modèle de notre recherche. Nous faisons ici une synthèse des résultats de nos différentes hypothèses de recherche. Un recours aux différents entretiens par une analyse de contenu sera fait à chaqueétape pour argumenter les résultats du test des hypothèses.

Au vu des éléments développés tout au long de notre thèse et des résultats discutés dans le quatrième chapitre, la conclusion est l'occasion de synthétiser les apports tant théoriques que managériaux de cette recherche. Nos conclusions sont, bien entendu, relativisées avec les perspectives futures de la recherche dont le dépassement vient enrichir les diverses pistes de recherche que nous proposons et qui pourraient consolider nos connaissances sur la relation d'emploi dans l'entreprise en général.

* 1Dans le cadre de l'entreprise vue sous l'angle des travaux de Frédérick Winslow Taylor ou de la théorie marginaliste, le contrat de travail est une question relativement simple qui intègre des heures de travail ou des prix par pièces produites en échange de salaires. Aucune variable n'est prise en compte autre que le travail à effectuer et le salaire convenu au départ.

* 2Dans le cadre de cette recherche, nous considérons les attentes des employés comme une obligation de l'employeur dans la relation d'emploi et vice-versa.

* 3Dans cette question, une référence est faite aux attentes, aspirations et perceptions personnelles quant à la relation d'emploi du salarié avec l'entreprise.

* 4Le climat de travail et le soutien social au travail sont des notions exprimées par la quasi-totalité des salariés rencontrés lors de la phase exploratoire de notre recherche et sont d'un intérêt remarquable si l'on s'en tient aux propos recueillis.

* 5Nous notons que c'est à base de cette analyse approfondie des entretiens que nous avons pu mettre en place les items de mesure aussi bien des attentes du contrat psychologique dans la relation d'emploi que les variables de la socialisation organisationnelle des salariés. Ces entretiens nous ont également permis de comprendre le niveau d'intérêt qu'accordent ces salariés enquêtés dans les attentes exprimées pour la relation d'emploi.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry