II. Le contrat
psychologique dans les relations contractuelles, quelles appréhensions,
quelles dimensions et quelle évaluation ?
Il existe une littérature abondante sur le contrat
psychologique dans les relations de travail en gestion des ressources humaines.
Cette littérature s'est développée en réponse aux
préconisations d'Argyris (1960) et de Robinson (1996) qui introduisent
l'idée selon laquelle, le travail peut être analysé en
termes d'attentes de part et d'autre des parties impliquées. Ce concept
est introduit pour décrire une entente tacite entre ungroupe
d'employés et leur contremaître concernant un échange qui
intègre desaspects tangibles, principalement économiques et
spécifiques. L'auteur soutientque les employés pouvaient
satisfaire les demandes des organisations,comme une productivité accrue,
en échange de la garantie d'un salaire adéquatet d'une
stabilité d'emploi.
II.1. De la
définition de la notion de contrat psychologique dans les relations
d'emploi
Selon les propositions de Rousseau (1989), le contrat
psychologique est un concept qui se situe au niveauindividuel et à cause
de son caractère subjectif, tout dépend de la personne et de ses
aspirations personnelles dans la relation de l'emploi. Dans ce sens, pour que
le contrat psychologique existe, les parties impliquées, soitl'employeur
et l'employé, ne doivent pas s'entendre sur ses termes. D'autre part, le
contrat implicitereprésente une obligation mutuelle qui existe au niveau
relationnel (par exemple, dyadique,inter-organisationnel) et il est le
résultat d'un consensus social concernant la nature de l'obligation.
Nous faisons tour à tour un examen de la littérature sur les
propositions des auteurs et l'enchainement des caractéristiques qui
définissent de plein gré la notion de contrat psychologique.
II.1.1.
Caractérisation de la notion de contrat psychologique et positionnement
définitionnel
Depuis les premières conceptualisations de la notion de
contrat psychologique (Argyris, 1960 ; Levinson et al., 1962 ; Schein,
1980), la prise en compte des motifs individuels dans le processus de
socialisation et d'intégration organisationnelle des salariés est
l'apanage de très nombreuses contributions qui sont venues enrichir le
corpus théorique, constituant ainsi, une littérature très
abondante et essentiellement anglo-saxonne du domaine (Shore et Tetrick, 1994 ;
Kissler, 1994 ; Herriot et Pemberton, 1997 ; Morrison et Robinson, 2004 ;
Anderson et Schalk, 1998 ; Turnley et Feldman, 1999 ; McDonald et Makin, 2000 ;
Kickul, 2001 ; Coyle-Shapiro et al., 2005). Parmi les apports majeurs
figurent singulièrement ceux de Rousseau et al. (2000, 2004),
apportsqui marquent une rupture avec les travaux antérieurs. Nous
donnons le contenu de ces conceptualisations.
II.1.1.1. Les éléments
caractéristiques du contrat psychologique dans les relations
d'échange
Plusieurs définitions ont été
données dans la littérature en ce qui concerne le concept de
contrat psychologique, mais c'est la définition de Rousseau et
al. (2014) qui reste incontournable dans ces travaux. Selon ces
derniers, « le contrat psychologique consiste en des croyances
individuelles, modelées par l'organisation, concernant les termes d'un
accord sur ce qu'échangent les individus et leur organisation. »
Quatre éléments caractéristiques sont mis en
évidence dans cette définition : le contrat psychologique
est propre à chaque individu, il est influencé par l'organisation
dans laquelle les parties prenantes évoluent, il nécessite un
accord d'échange mutuel et il est bipartite. Faisons une brève
analyse de chacune d'elles pour comprendre la notion dans sa
globalité.
· Le contrat psychologique est propre
à chaque individu : Selon Rousseau et al.
(2014), le contrat psychologique repose sur des croyances individuelles. Il est
« idiosyncrasique et propre à chaque personne qui l'accepte ».
En effet, chaque individu réagit à sa façon face à
des informations ou motifs provenant de l'organisation dans laquelle il
travaille. Dans ce sens, « les contrats psychologiques sont subjectifs et
résident dans les yeux de celui qui l'observe » (Robinson et
Rousseau, 1994). Cette subjectivité implique que les
interprétations des situations de travail sont différentes pour
chacune des parties prenantes du contrat psychologique. Les termes du contrat
en revanche n'ont pas besoin d'être les mêmes. C'est ce qui pousse
Robinson et Rousseau (1994) à signaler que, les croyances dans des
obligations mutuelles constituant un contrat, « les deux parties
n'ont pas besoin d'être d'accord sur chacune d'elles pour croire qu'un
contrat existe. »
· Le contrat psychologique est
influencé par l'organisation dans laquelle les parties prenantes
évoluent. Que ce soit lors de sa construction ou de son
évolution, les facteurs organisationnels jouent un rôle
d'influence notable sur le processus individuel. Plus
précisément, les travaux de Rouillard et Lemire (2003) soulignent
le fait que ce ne sont pas les organisations qui promettent dans la relation
d'emploi, mais les individus qui se créent des attentes et des
obligations vis-à-vis de l'organisation. Dans le même ordre
d'idées, Rousseauet Robinson (1994) considèrent que le contrat
psychologique perdure et s'adapte en fonction des changements que
l'employé vit dans l'organisation. En effet, « les
événements comme les nouvelles attributions professionnelles, les
relocalisations et les restructurations organisationnelles peuvent faire en
sorte que de nouveaux termes du contrat recouvrent les anciens ». Ainsi,
le contrat psychologique a la capacité d'évoluer étant
donné qu'il est « modelé par l'organisation » qui
elle-même évolue (Rousseau et al., 2014).
· Le contrat psychologique implique un accord
d'échange mutuel entre parties en
présence :parler du contratpsychologique
nécessite que les parties en présence soient d'accord sur le fait
d'échanger. En effet, dans les sociétés d'aujourd'hui,
« coopérer, s'engager, s'investir au-delà de son
intérêt propre et immédiat ne peut se faire sans
consentement » (Rousseau et al., 2014). D'une part, l'engagement
et le respect des promesses se basent sur un accord d'échangelibrement
consenti (les parties en sont conscientes ou du moins se les rappelleront
à tout moment). D'autre part, cet accord existe en vue de la
réalisation d'un objectif commun, celui de l'avancement dans le monde de
l'entreprise qui constitue le champ d'exercice du contrat psychologique et ce,
en conformité aux dispositifs de l'accord conclu même s'il est
implicite (Guerrero, 2004).
· Le contrat psychologique se
caractérise par une relation bipartite entre des individus, d'une part,
et une organisation, d'autre part : c'est en effet cet
engagement bipartite qui permet à chacune des parties « d'anticiper
et de s'organiser, parce que les comportements attendus sont
précisés. » (Rousseau et al., 2014). Les individus
dans les entreprises sont coordonnés par ces quatre
caractéristiques du contrat psychologique qui leur permettent de
comprendre à quel niveau se situeraient les attentes (qui constituent
des promesses de part et d'autre de la relation) non couvertes. Le
schéma suivant fait une représentation synthétique des
différentes caractéristiques.
Figure 6 :
Représentation de l'encastrement des caractéristiques des parties
prenantes à l'emploi
Caractéristiques de l'employé
Attentes et obligations dans la relation
d'emploi
Caractéristiques de l'employeur
Contexte organisationnel de travail
Attentes et promesses dans la relation
d'emploi
Démonstration des
compétences
Reconnaissance des
compétences
Source : Adaptée des travaux de
Rouillard et Lemire (2003) et de Rousseau et al. (2014)
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