I.1.1.2. Le paradigme
interprétativiste de la recherche en sciences de gestion
Jusqu'aux années 50, les considérations
positivistes ont alimenté les différentes recherches dans le
domaine des sciences de l'administration des organisations. Cependant une
certaine contradiction a été détectée mettant
donc un recul par rapport aux prescriptions de ce courant de pensée
(Girod-Séville et Perret, 1999). Ce qui fait naître à
partir des années 50, une opposition claire à l'application du
positivisme dans l'étude des sciences de l'administration des
organisations. Nous notons que cette opposition prend forme de la remise en
question du postulat ontologique prônant l'existence d'une
réalitéen elle-même et indépendamment du chercheur.
C'est dans ce sens qu'émerge la pensée interprétativiste
(entrant ainsi dans la lignée du constructivisme basée
essentielle sur la construction des connaissances à partir des
observations sur le terrain de l'étude). Un triple plan est
également à mettre en évidencedans le cadre du courant
interprétativiste à savoir : la question ontologique, la
question épistémologique et la démarche
méthodologique à mettre en évidence.
Au sujet de la question ontologique,
l'idée centrale qui allieles théoriciens appartenant au paradigme
interprétativiste réside dans la logique selon laquelle la
réalité (faisant ici référence à l'objet ou
au phénomène à élucider) est dépendante du
chercheur (Girod-Séville et Perret, 1999) en ce sens que les
connaissances découlant de la réalité observée
résultent de la compréhension que se fait le chercheur
lui-même par rapport aux interrogations de la recherche ou alors du sens
que lui donnent les acteurs sociaux, y compris le chercheur. La
réalité n'est donc pas définie comme dans le cadre des
travaux des positivistes mais, elle est construite par une démarche
méthodologique bien propice. Considérantla question
épistémologiquede la recherche à mettre en place,
l'interprétativiste se fige essentiellement sur la notion de
Verstehen (comprendre) introduite par Weber (1965) dans l'explication
de la logique de la démarche de recherche interprétativiste.
Cette notion comprend deux niveaux d'analyse et met en évidence deux
catégories d'individus qui sont l'enquêté et
l'enquêteur.Au premier niveau d'analyse, les individus (les
enquêtés pour être plus précis) sont amenés
à interpréter et à comprendre leur univers de travail pour
en expliciter les contours tandis qu'à un second niveau d'analyse,
leVerstehen dont parle Weber (1965) est le processus
d'interprétation, par le chercheur (enquêteur), des significations
subjectives données aux attitudeset comportements des individus qu'il
étudie. Pour les partisans de l'approche interprétativiste de la
recherche, la logique de création des connaissances scientifiques
passe,dans une large mesure, par la compréhension du sens que les
acteurs sociaux donnent à la réalité (Girod-Séville
et Perret, 1999) y compris le chercheur lui-même. À l'inverse du
positivisme qui cherche à expliquer une réalité qui existe
déjà, l'interprétativiste cherche à comprendre les
phénomènes sociaux et à construire une
réalité.
Pour le plan méthodologique, à
l'inverse du positivisme qui postule l'objectivité et prétend
l'atteindre par des instruments de mesure impersonnels, le courant de recherche
interprétativiste privilégie, pour sa part, l'observation
participante,l'étude de cas, l'entrevueet l'analyse critique des textes
comme méthodes de recherche. Cependant, faut-il choisir la
méthodologie de recherche positiviste ? Faut-il se placer du
côté des penseurs de l'interprétativiste ? Ou alors
faut-considérer les deux investigations dans le cadre d'une seule
recherche ? Nous espérons proposer dans les lignes qui suivent des
éléments de compréhension guidant le choix de l'une ou
l'autre des approches dans le cadre d'une recherche et également
justifier le choix d'une approche conjointe effectuée dans le cadre de
cette recherche doctorale.
Figure 13:
Récapitulatif des deux positionnements
épistémologiques
PARADIGME POSITIVISTE
PARADIGME INTERPRETATIVISTE
Plan ontologique
Etudier et représenter la réalité
existante
Volet épistémologique
Dualité et objectivité des résultats
Plan méthodologique
Relation de cause à effet dans une logique
hypothético-déductive
Amélioration des connaissances
théoriques
Plan ontologique
L'étude de la réalité dépend du
chercheur lui-même
Volet épistémologique
Dualité et objectivité des résultats
Plan méthodologique
Relation de cause à effet dans une logique
d'hypothèse
Source : Nous-mêmes à
partir des travaux de Girod-Séville et Perret, 1999)
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