Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
SOMMAIRE1.7. METHOLOGIE DE RECHERCHE ET DE COLLECTE DES DONNEES 26 L'ACTION DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES 31 LES DIFFICULTES DES FORCES ARMEES NATIONALES DANS LES THEATRES D'OPERATIONS DE LUTTE ANTITERRORISTE 33 SECTION 1 : LES MANOEUVRES DES ARMEES AMERICAINE ET FRANCAISE EN AFGHANISTAN 34 SECTION 2 : LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL ET DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD : CAS DES ARMEES MALIENNE ET NIGERIANE 47 L'ARMEE CAMEROUNAISE FACE AU GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM 62 SECTION 1 : LE MAILLAGE STRATEGIQUE DES FORCES ARMEES CAMEROUNAISES POUR PARER AU TERRORISME DE BOKO HARAM 64 SECTION 2 : LA MONTEE EN PUISSANCE DE L'ARMEE CAMEROUNAISE DANS UNE ACTION COALISEE DE LUTTE CONTRE BOKO HARAM 73 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 86 L'INSUFISANCE DE L'ACTION DES FORCES ARMEES DANS LA LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES 87 LES DIFFICULTES DE L'ARMEE CAMEROUNAISE A COMBATTRE LE GROUPE TERRORISTE BOKO HARAM 89 SECTION 1 : UNE STERATEGIE ANTITERRORITE DIFFICILE A METTRE EN OEUVRE FACE A LA COMPLEXITE DE LA MENACE TERRORISTE 91 SECTION 2 : LES DIFFICULTES POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE A REMPORTER LA VICTOIRE DECISIVE SUR LE PLAN OPERATIONNEL 104 LES DEFIS POUR UN RECADRAGE DE L'ACTION DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE 113 SECTION 1 : LES DEFIS POUR L'ARMEE CAMEROUNAISE DE METTRE EN OEUVRE UNE STRATEGIE CLAIRE ET PRECISE DE LA MENACE TERRORISTE 114 SECTION 2 : LA NECESSITE D'UNE MUTUALISATION DES MOYENS DANS L'ANTI-TERRORISME 122 PERSPECTIVES POUR UN RENFORCEMENT DES CAPACITES OPERATIONNELLES DES ARMEES NATIONALES DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE 133 INTRODUCTION GENERALE1.1. CONTEXTE D'ETUDELa fin de la guerre froide en 1990-1991 marque un tournant majeur dans l'évolution des relations internationales. La dislocation de l'Union Soviétique en 1991 a donné naissance à un nouvel ordre mondial, marqué par une réduction considérable des guerres classiques interétatiques et une résurgence de nouvelles formes de menaces diffuses, hybrides plus proches d'une guérilla que d'un conflit conventionnel. Ainsi, le monde post-bipolaire1(*) a conduit à l'irruption des conflits infra-étatiques absolument déstructurés. Ceux-ci mettent en présence, les armées nationales disposant des technologies militaires sophistiquées à des acteurs non-étatiques organisés en réseaux disposant, un armement primitif qui se mêlent à la population civile. Ces nouvelles formes de menaces2(*) sont portées par une prolifération d'armes légères et de petit calibre (ALPC), le crime organisé3(*), les mouvements insurrectionnels et surtout le terrorisme international. Celles-ci ont bouleversé toutes les doctrines militaro-stratégiques de la communauté internationale en matière de défense et de sécurité. Depuis les célèbres attentats du World Trade Center et du Pentagone aux USA le 11 septembre 2001 (attentats perpétrés par la figure de proue du jihadisme international Al-Qaïda, aujourd'hui devancé par l'organisation de l'Etat Islamique (EI) encore appelé Daesh4(*)), le monde est devenu plus instable et la violence s'est globalisée par les entrepreneurs privés de la terreur. Cette situation a été confirmée par, les attentats de Londres, de Madrid et les attentats manqués de la France. Le continent africain quant à lui entre dans ce cycle de violence en 1998, par les attentats perpétrés contre les représentations diplomatiques américaines de Dar es Salam (Tanzanie) et de Nairobi (Kenya) qui avaient fait plus de 200 morts. Par ailleurs, depuis les attentats de 2001 aux USA, le monde est plongé dans un régime de terreur sans précédent qui n'épargne aucune couche sociale, ni une partie du monde. En effet, l'Etat au sens Wébérien n'est plus le seul détenteur du monopole de la violence. Il est concurrencé dans ce domaine par des acteurs non-étatiques organisés en réseaux notamment, les organisations terroristes. Avec des moyens modestes, les terroristes n'hésitent pas à prendre l'initiative contre l'Etat et à le mettre sérieusement en difficulté. C'est ce qui a été vécu au Mali en 2012, où les organisations terroristes avec le soutien des mouvements séparatistes sont allés jusqu'à occuper tout le nord du pays tout en mettant l'Etat malien hors service5(*). C'est dans cette logique que Cyrille Caron souligne que, « le terrorisme neutralise l'Etat à défaut de le détruire»6(*). Avec l'avènement de la lutte globale contre le terrorisme international à l'aube du 11 septembre 2001, une nouvelle aire a vu le jour dans les conflits contemporains. Ceux-ci ne reflètent plus celles que le monde avait connues avant 1945. Le paradigme de la guerre conventionnelle au sens clausewitzien a changé. L'on parle maintenant du « paradigme de la guerre au sein de la population » ou de guerres irrégulières. C'est dans cette logique que Jean-Paul Joubert confirme qu'il y a « les transformations de la guerre »7(*). Quant à Dario Battistella, « le terme de guerre est devenu polysémique »8(*). Dans le même ordre d'idées, le général Vincent Desportes affirme que : « la guerre est en mutation profonde, elle change de visage avec l'apparition de nouveaux acteurs, elle revient en force, mais elle n'a pas changé de nature elle a change de visage »9(*). Il est toujours question de vie ou de mort pour les peuples et les nations. Il y a une désinstitutionalisation de la guerre. Les fronts, les campagnes, l'organisation, les tactiques, les uniformes disparaissent de plus en plus dans les combats modernes. Les enjeux de ces conflits sont également multiples et ambigus. A cet effet, les conditions de l'efficacité militaire ne sont plus les mêmes. Qu'il s'agisse de la guerre d'Afghanistan, menée par les américains au nom de la lutte contre le terrorisme, ou de la lutte que mène la coalition internationale contre l'EI en Iraq et en Syrie, ou bien de celle que mène l'armée camerounaise contre Boko Haram. Il se dégage un constat alarmant, celui de l'insuffisance de l'action des armées dans la lutte contre les groupes terroristes. En effet, les forces armées nationales peinent à remporter la décision dans les combats qui les opposent aux organisations terroristes. Cette situation a pour corolaire, la montée en puissance des activités terroristes dans le monde. Les doctrines10(*) originelles qui fondent l'action des forces armées nationales ne sont pas adaptées dans les combats modernes. Il est évident de nos jours que toute force ne garantit plus l'efficacité de l'action militaire. L'excès de puissance conduit même à des pratiques pour la contester et là contourner. En outre, d'après la logique réaliste, les forces armées nationales sont entrainées et préparées à la guerre conventionnelle. Ainsi, « les armées ne sauraient vaincre un adversaire pour qui la victoire n'est pas synonyme de contrôle du terrain ou de destruction des troupes, mais s'inscrit dans des logiques psychologiques et sociétales »11(*). D'autant plus que, la menace terroriste défavorisée par le rapport de force, utilise la violence non pas pour vaincre ou gagner la guerre12(*), mais, pour déstabiliser, faire vaciller. Les principes qui s'appliquaient aux guerres classiques ne trouvent plus leur champ d'expression aujourd'hui. Dans ce schéma anachronique, désuet et obsolète, il était légitime de penser quel victoire décisive appartiendrait au plus fort, ou à force égale, au plus déterminé, ou encore à détermination égale, à celui qui saisirait l'initiative et la surprise. Dans cette logique, les lois s'appliquaient invariablement à tous les protagonistes, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Car, nos forces armées sont engagées dans « les guerres contre-insurrection »13(*) (COIN). Ces nouveaux conflits sont rendus complexes par leur caractère irrégulier, l'immixtion du fait religieux ou ethnique et culturel, l'omniprésence des organisations criminelles, les manoeuvres des entrepreneurs politiques. C'est dans la logique des développements précédents que s'inscrit l'objet de notre étude. L'objectif est la recherche de nouvelles stratégies pour rendre plus efficace l'action des forces armées nationales dans les conflits modernes d'une manière générale, dans la lutte contre les groupes terroristes d'une manière particulière. * 1 Au sortir de la seconde guerre mondiale, l'on assiste à la formation de deux blocs antagonistes dans le camp des vainqueurs à savoir : d'un coté le bloc capitaliste sous la houlette des USA et de l'autre, le bloc communiste dirigé par l'URSS. Ainsi, de 1947 à 1991 la scène internationale est marquée par un affrontement idéologique (guerre froide) entre le monde capitaliste et le monde communiste. * 2Le terme menace a plusieurs sens, elle « est un danger éventuel aux développements imprévisibles ». Mais, c'est la définition du rapport Panyarachun qui cadre avec le contexte de notre étude. Le Rapport Panyarachun considère ainsi comme menace « tout événement ou phénomène meurtrier qui compromet la survie ou sape les fondements de l'Etat en tant qu'élément de base du système international ». * 3 Shantanu Chakrabarti, Privatisation of security in the Post War Period: an overview of its nature and implications, Institute for Defense Studies and Analyses, New Delhi, December 2009, p.xi. * 4 L'Etat Islamique fait l'objet d'interprétations divergentes né d'inspiration d'Al-Qaïda, pour les USA et l'Union Européenne (UE), l'EI est une hydre auto-générée de criminels et de fanatiques sans aucun rapport avec l'Islam apparue pour conquérir les intérêts pétroliers avec la complicité des jeunes gens embrigadés sur internet. De nombreux pays arabo-musulmans voient dans l'EI une création américaine permettant de déployer le chaos au Moyen-Orient et ainsi mieux capter ses ressources. Les Iraniens quant à eux voient en revanche dans l'EI comme une création américaine pour détruire le chiisme. * 5 Voir à ce sujet l'interview de Desportes, http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/archives/2013/10/14general-vincent-desportes-12232.html * 6 Cyrille Caron, « Anticiper sur les nouvelles menaces : Au-delà du combat », in Collège interarmées de défense, 2010, p.3. * 7 Jean-Paul Joubert cité par Eustache Akono Atangane, in Les conflits Internationaux, Cours Magistral3eannéeSciencepolitique, Université de Yaoundé II, année académique 2012-2013. * 8 Dario Battistella Cité par Eustache Akono Atangane, in Les conflits Internationaux, Cours Magistral 3E année, Science politique, Université de Yaoundé II, année académique 2012-2013. * 9 Le général Vincent Desportes, La guerre probable : penser autrement, Economica, 2007, p.1. * 10 La Doctrine est la lunette à travers laquelle les armées entrevoient leurs actions. La définition officielle américaine du terme « Doctrine » qui se trouve dans Le Dictionary of Military Terms est assez floue et complexe : « principes fondamentaux selon lesquels une force armée ou une partie de cette force oriente ses actions en fonction des objectifs. La Doctrine fait autorité, mais, requiert un jugement nuancé dans son application », pp18 et 19. Toutefois, c'est la définition du concept que donne l'International Military and Defense Encyclopédia qui parait approprier et Trévor N.Dupuy écrit que : « Dans le milieu militaire, la doctrine se comprend en fonction de la stratégie et de la tactique ; c est la base de la formation théorique et des exercices pratiques ; dans certains cas, elle permet aux militaires de mener le combat dans les opérations à venir ». Ainsi, à titre d'exemple la doctrine camerounaise d'emploi des forces , qui s'apparente à celle de plusieurs Etats africains repose sur le concept d'une défense populaire ferme du sanctuaire national qui suppose une riposte immédiate aux frontières nationales, en cas d'agression par une puissance ennemie. Tout en excluant toute attaque préventive, elle préconise le droit de poursuite. * 11 Cyrille Caron, « Anticiper les nouvelles menaces : Au-delà du combat », op.cit. p.2. * 12 Selon Carl Maria Von Clausewitz (1780-1831), général prussien l'un des principaux inspirateurs des doctrines stratégiques occidentales, pour lui la Guerre est « un acte de violence avec l'intention de contraindre l'opposant à accomplir ma volonté ». D'où sa célèbre formule : « la guerre est (...) une simple continuation de la politique par d'autres moyens ». D'où sa conception de la guerre comme ultime instrument de la politique. * 13 Cette expression est de David Galula (1919-1968). |
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