Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
SECTION 2 : LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHEL ET DANS LE BASSIN DU LAC TCHAD : CAS DES ARMEES MALIENNE ET NIGERIANENiché entre le grand désert du Sahara au Nord et la savane au Sud, le Sahel couvre une zone longue de 5400km de l'Océan Atlantique à la Mer Rouge et abrite d'une façon restreinte la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad95(*), pays formant le G5 Sahel96(*). Le Sahel est également considéré comme un arc qui s'étend de la Mauritanie au Soudan et forme une zone de contact entre l'Afrique du nord et l'Afrique subsaharienne. Depuis la désintégration du régime libyen en 2011, le Sahel est devenu l'une des régions les plus déstabilisatrices du monde : essor de trafics en tout genre, attentats et enlèvements97(*). Les mouvements terroristes impulsés par un jihadisme messianique ont fait du Sahel, un terrain de contrebande et de violence pour leurs activités criminelles, allant jusqu'à envahir le Nord Mali en 2012. Face à des pays sahéliens défaillants, fractionnés et des armées locales mal équipées et mal formées, les terroristes ont pu s'installer durablement dans la région. Cette situation fait du sahel et par extension dans le Bassin du lac Tchad, une zone instable et propice à toutes économies criminelles. Ainsi, dans notre analyse, le premier versant sera articulé sur l'armée malienne dans la lutte contre le terrorisme au Sahel (Paragraphe 1). L'autre versant s'articulera sur l'armée malienne face au face au terrorisme de Boko Haram (Paragraphe 2). PARAGRAPHE 1 : L'ARMEE MALIENNE DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME AU SAHELLes événements dans le monde arabe, notamment la chute du régime libyen du colonel Kadhafi, n'ont fait que renforcé le vide sécuritaire dans la zone sahélienne. Le Mali est un pays sahélien qui connait depuis son indépendance, une instabilité grandissante du fait, non seulement, de la mauvaise gestion du problème de la rébellion touarègue98(*), mais aussi, par les activités des groupes armés. L'insécurité générée par ces mouvements terroristes au lendemain de l'effondrement de la Libye, est de plus en plus grandissante dans la région. Il sera question ici de faire état des difficultés des forces armées maliennes dans leur confrontation aux organisations terroristes. L'étude de ce versant nous permettra de mettre en exergue, le dispositif opérationnel de l'armée malienne face à la menace des groupes armés terroristes (A). Il sera aussi question, d'illustrer la déroute de l'armée malienne face aux mouvements terroristes dans la guerre de 2012 (B). A-LE DISPOSITIF OPERATIONNEL DE L'ARMEE MALIENNE FACE A LA MENACE GROUPES ARMES TERRORISTESLe terrorisme international est la conséquence des échecs de la politique de défense des Etats et les manquements de la gouvernance démocratique. Tout comme le conçoit Martha Finnemore99(*), la politique des Etats à l'échelle mondiale comme sur le plan interne des Etats, est déterminée par une structure cognitive. Il s'agit là dans cet aspect de notifier que, les Etats ne conçoivent pas la politique de défense de la même manière. Elle se fait, selon les prévisions de chaque Etat, et selon la menace à laquelle un Etat est susceptible de faire face. Cette structure cognitive est faite de représentations, des valeurs des normes que chaque Etat se fait de la défense et de la sécurité de son territoire. Ainsi, le Mali prit singulièrement, ne dispose pas la même politique de défense que les pays transfrontaliers. Avant l'offensive jihado-rebelles, le Mali jouissait d'un certain nombre d'avantages putatifs que lui confère son statut d'Etat souverain jouissant de la puissance publique par le droit international. Ces avantages sont de deux plans : sur le plan national et international. Sur le plan national, faute d'ouverture maritime, l'armée malienne est composée de l'armée de terre et de l'air avec un effectif près de 8000 hommes. Celle-ci constitue un outil de défense et de dissuasion pour l'Etat malien face aux mouvements terroristes. Le maillage des forces armées maliennes est caractérisé par l'ensemble des forces constituées pour défendre le sanctuaire national contre toute agression venue de l'extérieure et susceptible de créer des troubles ou de porter atteinte à la cohésion nationale. Elle assure ainsi, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois. Le maillage de l'armée malienne est donc constitué des forces de 1ére, 2ème et de 3ème catégorie chargées à des missions de défense. Sur le plan international, après les attentats du 11 septembre 2001, les USA se sont rendus compte que leur sécurité était dépendante des succès du contre terrorisme dans le monde. Ces succès du contre terrorisme passent par, la stabilisation des « failed states », des « collapsing states » et des « states building ». Pour le cas du Sahel, les USA ont cherché à renforcer les capacités des gouvernements de la région à lutter contre les groupes terroristes100(*). En plus d'une assistance militaire étroite et bilatérale au renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme, qui porte sur le renforcement des capacités nationales de maintien de l'ordre, et d'autres capacités liées à la sécurité101(*). Le soutien des USA au Mali dans ce sens entre dans le cadre de la coopération horizontale en matière de sécurité, entre les Etats de la région sahélienne et les USA. Le premier instrument développé dans le cadre de cette coopération est le Partenariat Transsaharien Contre le Terrorisme (TSCTP) qui s'est développé à partir de l'Initiative Pan-Sahélienne (PSI) plus restreinte102(*). Le TSCTP est un programme inter-agences, incluant le département d'Etat, l'Agence Américaine pour le Développement International (USAID) et le Département de la Défense103(*). Il a pour objectifs principaux : « le renforcement des capacités régionales antiterroristes, l'amélioration et l'institutionnalisation de la coopération entre les forces de sécurité régionales, l'encouragement de la gouvernance démocratique, supprimer l'idéologie du terrorisme, et le renforcement des liens militaires bilatéraux avec les Etats Unis »104(*). Ainsi, dans le cadre du soutien actif aux pays membres du TSCTP dans la lutte contre le terrorisme, les USA ont organisé avec plusieurs pays européens105(*)des manoeuvres dénommés Flintlock 2009 et Flintlock 2011. Ces manoeuvres étaient destinées à développer le partage d'information dans la région du Sahara, à améliorer la coordination des efforts et l'interopérabilité entre les forces de sécurité et les services participants, et à entrainer les unités militaires. Ce soutien américain à l'armée malienne est en appui avec le Commandement militaire américain pour l'Afrique (AFRICOM). Les américains disposent également une base de drones à Agadez (Niger), qui participent aux missions de surveillance des mouvements de groupes terroristes dans la région notamment dans le Nord-Mali. Le soutien des USA aux forces armées maliennes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme à travers ce partenariat constitue, un avantage stratégique et tactique de poids pour l'armée malienne. La France est également un partenaire stratégique de poids pour le Mali dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Le soutien de la France à l'armée malienne s'articule autour du concept du Renforcement des Capacités Africaines en matière de Maintien de la Paix (RECAMP), notamment à travers, la multiplication des écoles à vocation régionale. Ce soutien de la France au Mali entre dans le domaine de l'opérationnalisation des FAMA. Cette assistance se résume par, l'assistance militaire, la formation des militaires et la dotation des équipements militaires à l'armée malienne. Le soutien le plus décisif de la France à l'armée malienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est celui de l'intervention militaire française de 2013 (Opération Serval) dans la guerre de 2012. Face aux signes avant-coureurs d'une attaque imminente des rebelles du MNLA106(*), les autorités de Bamako ont déployé un dispositif militaire chargé de contenir cette menace à la frontière. Celui était composé des moyens militaires conséquents de l'armée malienne. Ce dispositif s'est déployé dans les régions du nord, notamment à Ménaka, Gao, Tombouctou, Sévaré, etc. * 95 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODOC), Programme Sahel 2013-2017 « Renforcer le Sahel contre le crime et le terrorisme », Rapport d'activités, janvier 2016, p. 25. * 96 Groupe des 5 du Sahel (G5 Sahel) a vu le jour à Nouakchott (Mauritanie), le 19 décembre 2014. Le G5 Sahel regroupe le Burkina Faso, le Mali, le Niger, La Mauritanie et le Tchad. Il a pour objectif : de garantir des conditions de développement et de sécurité dans l'espace des pays membres ; d'offrir un cadre stratégique d'intervention permettant d'améliorer les conditions de vie des populations ; d'allier le développement et la sécurité, soutenu par la démocratie et la bonne gouvernance dans un cadre régional et international mutuellement bénéfique et de promouvoir le développement inclusif et durable. * 97 Claude-Henry Dinand, « le sud de la Libye une poudrière régionale : entre trafics et terrorisme », www.diploweb.com , consulté le lundi 01 février 2016. * 98 Modibo Keita, « La résolution du problème touarègue au Mali et au Niger », Note de recherche du GRIP, no10 juillet 2002, p. 4. * 99 Battistella Dario, Théories des Relations Internationales, paris, les Presses de Sciences PO, 2006. * 100 Antonin Tisseron « Enchevêtrements géopolitiques autour de la lutte contre le terrorisme dans le Sahara », Hérodote, no 142, La Découverte, 3e trimestre 2011, p.99. * 101 Ceux-ci comprennent les programmes d'aide à la lutte contre le terrorisme, d'interdiction du terrorisme et d'autres programmes liés du département d'Etat américain. Voir département d'Etat américain, « Congressional Budget Justification : Foreign Operations, Fiscal Year 2010 », http://www.state.gov/documents/organization/123415.pdf. * 102 Le TSCTP comprend les pays pan-sahéliens suivants : le Mali, la Mauritanie, le Niger, et le Tchad, ainsi que l'Algérie, le Maroc, le Nigéria, le Sénégal et la Tunisie. * 103Pour une présentation du programme, voire : http://www.africom.mil/tsctp.asp. * 104 Etat-major du commandement militaire des Etats-Unis pour l'Afrique, « Le Partenariat Transsaharien Contre leTerrorisme (Trans-Sahara Counter Terrorism Partenership TSCTP) », n.d. http//www.africom.mil/tsctpEnFrançais.asp. * 105 L'Espagne, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas ont apporté une assistance lors de ses exercices. * 106 Hélène Bravin, la question touarègue, www.defnat.com/site_fr/pdfBravin1.pdf, p. 1. |
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