Les difficultés des armées nationales à lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016 |
B-LA DEROUTE DE L'ARMEE MALIENNE FACE AUX ORGANISATIONS TERRORISTES DANS LA GUERRE DE 2012La guerre qui oppose l'armée malienne en 2012, est une offensive lancée par le MNLA avec le soutien des groupes armés terroristes. Ceux-ci sont composés : d'AQMI ; Ansar Eddine d'Iyag Ag Ghali107(*)(les défenseurs de la foi) ; du MUJAO, du mauritanien Hamada Ould Khairou108(*), qui est une scission d'AQMI ; du groupe Al-Mourabitoune (les signataires par le sang) de Mokhtar Bel Mokhtar109(*). Dans le rapport de forces qui oppose les deux parties en présence, les troupes maliennes partent désavantageuses. En effet, l'armée malienne était mal équipée, moribonde et démotivée, traversée par la corruption et les frictions internes. Par ailleurs, la coalition jihado-rebelles comptait dans ses rangs des combattants aguerris aux combats en milieu sahélien. Dont, certains étaient d'anciens militaires ayant servis dans l'armée libyenne avant son effondrement en 2011. C'est le cas de Mohamed Ag Najim, chef militaire qui a précédemment dirigé une division de l'armée libyenne spécialisée dans la guerre en milieu désertique. Au niveau de l'équipement militaire, les mouvements terroristes étaient mieux équipés que les troupes maliennes. Selon certaines sources, ils leur manquaient seulement la dimension aérienne110(*). L'arsenal militaire des groupes armés était issu des stocks des casernes libyennes (missiles sol-air, missiles sol-sol, les lances roquettes RPG, les explosifs modernes, les mitrailleuses automatiques, de nombreuses pièces d'artillerie, les kalachnikovs, des véhicules de combats légers, etc.) pillé lors de la mise en déroute de l'armée libyenne. D'autres équipements militaires étaient en provenance des trafics d'armes de la région. Face au professionnalisme, à la ténacité et à la détermination des combattants de la coalition jihado-rebelles près à aller au fanatisme, les forces gouvernementales ont vite été débordées et ont dû abandonner leurs positions au profit des terroristes. En effet, le dispositif malien comprenait beaucoup d'incohérences au niveau stratégique et au niveau opératif (manque de coordination dans la chaîne de commandement, insuffisance des moyens logistiques, les problèmes de relève des soldats, les frictions internes au sein des forces déployées sur le théâtre d'opérations, la vétusté du matériel). A ces incohérences il faut associer la corruption au sein même de l'appareil de défense malien. Afin, de remédier à ces problèmes, un groupe de jeunes officiers sous la houlette du capitaine Sanogo a donc fomenté un coup d'Etat militaire le 22 mars 2012, contre le président Amadou Toumani Touré. Ce qui est intéressant avec ce coup d'Etat militaire, c'est que, celui-ci était sensé être un avantage stratégique pour l'armée malienne, en résolvant les problèmes dont celle-ci était confrontée. Il a plutôt été un désastre stratégique pour celle-ci. Dans la mesure où, il a causé une crise de confiance entre le niveau stratégique et le niveau opératif. En effet, le niveau stratégique étant paralysé par le coup d'Etat, le niveau tactique avait donc procédé par une navigation à vue. C'est ce qui justifie donc la débâcle totale de l'armée malienne dans le nord du pays. Ce coup de force a également causé une profonde crise politico-institutionnelle dans le pays. Ce qui a conduit non seulement à l'effondrement total de l'armée malienne, mais aussi au démembrement de l'Etat malien. Profitant de cette situation, les terroristes ont lancé uneoffensive pour prendre le centre du pays, dont la capitale Bamako. C'est ce qui a déclenché l'intervention militaire française (Opération Serval) en 2013, pour stopper l'avancée des terroristes et procéder à la reconquête du Nord-Mali. La déroute de l'armée malienne dans le nord peut être expliquée d'autres facteurs. L'armée malienne comme la majorité des armées de la région souffre de multiples problèmes. En effet, depuis l'avènement de la démocratie au Mali, les secteurs de l'éducation, de la santé, de la culture, etc. Ont été privilégiés au détriment du secteur de la défense et de la sécurité. L'armée malienne soufre à cet effet, d'une carence en matériel, en hommes. Dans le même sens, la guerre du Mali de 2012 se déroule dans la zone sahélo-saharienne, et la particularité avec cette région est qu'elle est propice au camouflage et à l'enracinement pour les groupes terroristes. La géographie de la région n'est pas adaptée pour les opérations militaires terrestres ou aéroportées111(*). Pendant la guerre de 2012, les groupes armés terroristes à l'instar d'AQMI, qui a choisi d'installer son « sanctuaire » dans la vallée de l'Amettatai, au nord de l'Adrar112(*) de Tigharghar (Sud-Ouest de l'Adrar des Ifoghas). L'objectif est de profiter à la fois de la protection des massifs et de la proximité de la grande vallée de Timlési, axe central entre le fleuve Niger et l'Algérie113(*). Figure N°4 : Les marsouins français en mode de guerre dans l'Adrar des Ifoghas au Mali. Source : lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr. Dans les conflits de « 4eme Génération »114(*), le soutien populaire constitue le centre de gravité de l'action des forces belligérantes. Pendant la guerre de 2012, la coalition jihado-rebelles jouissait du soutien des populations du nord. Par contre, les FAMA ne bénéficiaient pas de ce soutien de la part des populations du Nord. En effet, par la politique discriminatoire des dirigeants de Bamako envers les peuples du Nord-Mali, l'action de l'armée malienne dans le nord n'avait pas le soutien des populations locales. En outre, l'Etat malien, comme la majorité des Etats sahéliens sont caractérisés par leur incapacité à contrôler leur territoire d'une manière efficace. C'est le cas du Mali, où le nord du pays est caractérisé par l'absence des autorités étatiques. Délaissé par l'Etat central, livrée à elle-même et souffrant d'un investissement minime dans les infrastructures et les services de base. La région du nord-Mali concentre tous les atouts pour devenir un « hub » Ouest-Africain pour tout projet de déstabilisation et de tout trafic115(*). Le président malien Amadou Toumani Touré, destitué par le coup d'état du 22 mars 2012, décrivait cette région en ces termes : « il n'y a pas de routes, de centres de santé, d'écoles, de puits, de structures de base pour la vie quotidienne. En fait, il n'ya rien »116(*). Les autorités de Bamako manquent une réelle volonté à initier une véritable dynamique de développement dans le nord, confronté à de multiples problèmes profonds. Ce qui constitue un facteur structurel favorable à l'enracinement du terrorisme et du crime organisé dans le pays117(*). * 107 Un ancien rebelle touareg des années 1990, plus connu pour son opportunisme. Il est d'ailleurs connu pour rôle de négociateur lors des prises d'otages dans la région. * 108 Mali : Hamada Ould Mohamed El Kheirou, le cerveau du Mujao, L. Touchard, B Ahmed, Ch. Ouazani, Jeune Afrique, 3 mars 2012. * 109 Un ancien vétéran de la guerre d'Afghanistan et ancien commandant d'AQMI entré en dissidence avec le réseau mère. * 110 Idem. * 111 Patrice Gourdin, « Al-Qaeda au Sahara et au Sahel. Contribution à la compréhension d'une menace complexe », www.Diploweb.com, le 11 mars 2012, p. 13. Op. cit. * 112 « Adrar » signifie « montagne » dans les langues berbères. * 113 Michel Goya, « Mali : l'intervention militaire en perspectives », www.Diploweb.com, 21 juin 2013. * 114 Au sens de William S. Lind dans « The changing Face of the War: Into the Fourth Generation » (1989). Voire également Mary Kaldor (2012), New and old Wars: organization violence in Global Era, Cambridge: polity. * 115 Julia Dufur et Claire Kupper « Groupes armées au Nord-Mali : état des lieux », Note d'Analyse du GRIP, 6 juillet 2012, p. 3. * 116 El Watam, cité dans « Comment le sahel est devenu une poudrière », Le Monde Diplomatique, avril 2012. * 117 Mehdi TAJE, « la réalité de la menace d'AQMI à l'aune des révolutions démocratiques au Maghreb », Géostratégie no 32. 3e Trimestre 2011, p. 292. |
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