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Les difficultés des armées nationales à  lutter contre le terrorisme. Cas de l'armée camerounaise.


par Germain GaàƒÂ«tan ABOMO BENGONO
Université de Yaoundé 2 - Master 2 en sciences politiques 2016
  

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SECTION 2 : LA NECESSITE D'UNE MUTUALISATION DES MOYENS DANS L'ANTI-TERRORISME

La lutte contre le terrorisme par les armées nationales, impose aux acteurs une mutation d'approches dans la conduite des opérations militaires. Il est évident de nos jours que seule l'action militaire ne garantie pas la victoire décisive, à celle-ci il faudra associer l'appui de la population civile, notamment la population locale. Celle la qui est confrontée à la violence des mouvements terroristes.

Aucune armée au monde, aussi puissante soit-elle ne peut combattre seule avec succès cette menace transnationale. C'est en mutualisant les forces avec les autres forces armées confrontées à la même menace, que cette lutte trouvera une efficacité certaine. Dans ce sens, notre analyse se fera à travers, l'émulation de la relation Armée-Nation dans la lutte contre le terrorisme (Paragraphe 1), et par la mutualisation des forces entre les Armées des pays limitrophes confrontés à la menace terroriste (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : L'EMULATION DU COUPLE ARMEE-NATION DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

La menace terroriste est une menace transnationale, à laquelle il faut une riposte globale, une affaire de tous y compris celle des populations civiles. Il sera donc question ici de voir, l'action décisive des comités de vigilance dans la lutte antiterroriste (A), et le renforcement des relations civilo-militaires dans l'antiterrorisme (B), comme étant des mesures garantissant l'efficacité de l'action militaire.

A-L'APPUI DECISIF DES COMITES DE VIGILANCE

La lutte antiterroriste par les forces armées nationales nécessite un appui constant de la part de la population locale. Au Cameroun, cet appui se résume part l'action décisive des Comités de Vigilance apporté à l'armée camerounaise engagée dans la lutte contre Boko Haram. L'efficacité de l'action de ceux-ci peut faire école dans les autres pays confrontés à la même menace.

Au Cameroun, les Comités de Vigilance encore appelés groupes d'autodéfense ont été créés dans les années 1960, et à l'Extrême-Nord. Ces comités de vigilance ont été activés en juillet 2015, après que le territoire ait enregistré les premiers attentats suicides. Créés par les autorités administratives, et parfois à l'initiative des populations locales exacerbées par la violence des terroristes de Boko Haram. Placés sous l'autorité des autorités administratives et parfois des chefs traditionnels, maîtrisant l'environnement local, ceux-ci jouent un rôle d'informateur auprès de l'armée, et parfois de barragistes ou de milices de protection250(*). Armés de pétoires, de bâtons, d'arcs et de flèches empoisonnées, ils patrouillent autour de leurs villages dans l'Extrême-Nord du Cameroun, non loin de la frontière nigériane.

Figure N°9 : Les membres d'un comité de vigilance à l'extrême-nord du Cameroun

Source : International Crisis Group

Malgré les attaques à répétition de Boko Haram dont ils sont victimes, ils ont choisi de ne pas quitter leurs terres et de défendre leur patrie. Au péril de leur vie, les membres des comites de vigilance ont permis d'éviter une quinzaine d'attentats suicides et ont contribué à l'arrestation d'une centaine de terroristes251(*). Selon le témoignage recueilli par l'AFP, auprès d'Aladji Adjobo, chef du comité de vigilance de Waza déclarait : « nous citons en exemple la bravoure de nos gars qui ont perdu la vie par ce qu'ils ont même arrêté des kamikazes, malheureusement pour eux, ils ont explosé et ça les a emporté »252(*). Depuis 2016, ils sont associés à de centaines d'opérations de l'armée (y compris au Nigéria) contre les terroristes de Boko Haram253(*). « Ça tirait partout, se souvient-il. La première fois, j'ai eu peur mais après je m'y suis habitué »254(*), déclarait Alhaji Mohamed Dale membre du comité de vigilance de Kolofata devant l'envoyé spécial du Monde Afrique.

Toutefois, le recours à ces comités de vigilance n'est pas sans risque. Le risque le plus élevé est que ceux-ci se transforment en milices incontrôlables. Car derrière les arcs et les flèches mis en avant, il y'a souvent des kalachnikovs qui circulent, dispersées au fil des guerres successives du Soudan, du Tchad et de la RCA. Des règlements de comptes ont eu lieu via des dénonciations calomnieuses aux forces de défense255(*). Malgré les enquêtes de moralité sommaires, des connivences ont existé entre certains membres des comités de vigilance et les membres de Boko Haram. Des rackets, tandis que d'autres ont commis des extorsions sur fond religieux256(*). Ainsi, à Amchidé, les membres chrétiens du premier groupe de comité de vigilance constitué par le Bataillon d'Intervention Rapide (BIR) en 2014 ont procédé à des rackets, dénonciations calomnieuses et chantages contre certains musulmans. Ce comité de vigilance a été dissous au bout de six mois et réhabilité de façon paritaire257(*). Certains n'hésitent même plus à mener des offensives pour aller mener des pillages au Nigéria, régler les comptes ou affronter Boko Haram. Comme en Avril 2016, lorsque 70 éléments du comité de vigilance de la ville frontalière de Limani sont allés au Nigéria récupérer deux femmes kidnappés par les terroristes.

Ainsi donc, face au risque que peut susciter l'action décisive de ces comités de vigilance dans la lutte contre le terrorisme, l'idéal serait de renforcer les capacités d'encadrement des autorités. Car à l'absence de réel contre-pouvoir, ils ne rendent de compte à personne et peuvent se constituer en une véritable milice incontrôlable.

Malgré cela, la collaboration des comités de vigilance avec l'armée est déterminante dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans la traque des terroristes, et à la prévention des attentats-suicides. Au Cameroun, l'importance de ces comités de vigilance dans le combat contre Boko Haram est sans appel, plus précisément à l'épreuve des actions quasi-asymétriques de Boko Haram. La collaboration de ceux-ci aux côtés des militaires au front, fait des émules dans les autres pays transfrontaliers engagés dans la même lutte, plus précisément au Nigéria. Dans ce sens, l'apport des comités de vigilance permet désormais de combattre efficacement les groupes terroristes.

* 250 « Cameroun : faire face à Boko Haram », Rapport Afrique de Crisis Group N0241, 16 novembre 2016, p. 25.

* 251 Le BIR-Alpha a formé plusieurs comités de vigilance à la collecte de renseignements. Entretien de Crisis Group, avec un officier supérieur du BIR, Kolofata, mars 2016.

* 252 AFP, le 22 décembre 2015.

* 253 « Limani : 70 membres de comités de vigilance attaquent Boko Haram au Nigéria », L'oeil du Sahel, 3 mai 2016 ; « Au Cameroun, les soldats de l'ombre oubliés de la lutte contre Boko Haram », Le Monde, 30 mars 2016.

* 254 Des membres du « comité de vigilance » de Kolofata, à l'Extrême-Nord du Cameroun, Le Monde Afrique, novembre 2016.

* 255 Entretien par un officier du BIR-Alpha à Maroua-Salak, op.cit.

* 256 « Cameroun les membres des comites de vigilance complices de Boko Haram », L'oeil du Sahel, 20 décembre 2014.

* 257 « Cameroun : faire face à Boko Haram », Rapport Afrique de Crisis Group, op.cit.

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