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La répression de la criminalité transnationale organisée


par Méa David Romaric ASSALÉ
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023
  

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Sommaire

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE : LES DIFFICULTÉS DE LA RÉPRESSION LIÉES AU CARACTÈRE TRANSNATIONAL DE L'INFRACTION 10

CHAPITRE 1 : UN CONFLIT DE COMPÉTENCE JURIDICTIONNEL : L'OUVERTURE D'UN CONFLIT APPARENT DE COMPÉTENCE ÉTATIQUE 12

Section 1 : L'existence d'un conflit positif de juridiction 13

Section 2 : Les perspectives de résolution du conflit de compétence 27

CHAPITRE 2 : UNE PROCÉDURE CLASSIQUE INADAPTÉE EN MATIÈRE DE CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE ORGANISÉE 39

Section 1 : L'inadaptation des procédures classiques 39

Section 2 : L'émergence des procédures dérogatoires 48

SECONDE PARTIE : LES DIFFICULTÉS DE LA RÉPRESSION INHÉRENTES AU CARACTÈRE ORGANISATIONNEL DE L'INFRACTION 63

CHAPITRE 1 : LA SPÉCIFICITÉ DES ORGANISATIONS CRIMINELLES 65

Section 1 : Une structure élaborée des organisations criminelles 66

Section 2 : Des moyens d'action spécifiques des organisations criminelles 80

CHAPITRE 2 : LA DIVERSITÉ DES ACTIVITÉS CRIMINELLES 95

Section 1 : La diversité matérielle des activités criminelles 96

Section 2 : L'impact de la diversité des activités criminelles 114

CONCLUSION 122

Introduction

« Seul,on va plus vite ; ensemble, on va plus loin. »1(*)

Cet adage africaintraduit la nécessité de s'associer, de travailler de concert ou en synergie à l'effet de s'assurer la pérennité de tout ouvrage. Encore connue sous l'appellation d' « intelligence collective » dont il est l'essence, cet adage donnevaleur à faire converger intelligences et connaissances de divers acteurs pour l'atteinte d'un but commun.C'est dans cette optique que depuis des temps immémoriaux se forment des ententes, des associations, des partenariats donnant naissance à des groupements, des villages, des villes, des nations, des régions, des communautés qui par leurs efforts conjugués perdures et se fortifient.

Conscient de la force que représente la réunion des efforts pour la pérennité des initiatives, les pays se sont progressivement rapprochés en créant des organisations au sein desquelles sont menées des actions en faveurs de leurs intérêts communs tout en veillant au bien de leur population. Ainsi, une telle réunion des efforts a été pensée pour le BIEN. Cependant, nullement en marge de la compréhension de cette conception selon laquelle la réunion des efforts permet de mettre sur pied des groupements plus solides, les criminels et acteurs d'infractions, à l'instar des pays et des individus, se sont résolument inscrits dans la création de stratégies communes et de groupements dans l'optique de générer du profit par la commission d'infractions au détriment du bien de la communauté s'inscrivant ainsi comme des acteurs du MAL. Cette réunion insidieuse des efforts des acteurs de l'infraction a donné naissance à une tendance endémique qui est la criminalité organisé contre laquelle la réaction des acteurs de bien s'imposait car « les hommes méchants n'ont besoin de rien de plus pour parvenir à leur fin, que d'hommes bons qui contemplent sans intervenir. »2(*). C'est ainsi qu'il est apparu important d'étudier « la répression de la criminalité transnationale organisée » reportant le transbordement de ce phénomène d'ampleur au-delà des frontières nationales afin d'en cerner l'étendu, les tenants et aboutissants.

De manière plus concrète, la répression de l'acte antisocial ne date pas d'hier. En effet, les groupements et organisations structurelles de personnes, depuis la première codification de normes sont régis par des règles. En ce sens, toute société humaine organise les rapports entre ceux qui la composent en fixant des règles3(*). Ces règles pensées dans l'intérêt de la bonne marche de la société ou du groupement formé vise à la régir en évitant les dérives qui constituent des actions menées dans l'intérêt d'un petit groupe au détriment de l'intérêt commun. Ces actions qu'il convient de dénommer actes antisociaux se sont vus confrontés aux règles adoptées par les pouvoirs censés garantir l'ordre et la sécurité. Les règles adoptées par les pouvoirs publics, afin de maintenir une certaine harmonie dans le corps social, ne sont jamais intégralement respectées. En quelque groupe humain, en quelque temps que ce soit, nombreux sont les individus qui, mus par divers instincts (celui d'appropriation ou l'instinct sexuel, par exemple) ou animés de pulsions irrationnelles (telles que l'agressivité des vandales contemporains prenant plaisirs, semble-t-il, à détruire le bien d'autrui), transgressent les normes édictées par l'autorité4(*). Ainsi dans l'optique de veiller à la tranquillité publique, à la sécurité des personnes, des biens, à la défense des institutions auxquelles la société a confié la gestion de la chose publique, ainsi que le respect des libertés publiques reconnues et garanties aux citoyens de tout État de droit5(*), des normes purement répressives ont été mises sur pied. Ces normes auxquelles l'on a donné l'appellation de règles pénales ont formé progressivement « le droit pénal » ou « droit criminel »6(*). Ainsi, pour répondre aux comportements antisociaux, les Etats, qui constituent la structure organisée principale au plan mondiale et la plus significative sur laquelle sont établies des normes, ont adoptées des mesures plus ou moins répressives adaptées au danger que représente chacun de ces comportements actifs ou passifs à que l'on a dénommé infraction.

Perçue comme toute action ou omission violant une norme de conduite strictement définie par un texte d'incrimination entraînant la responsabilité pénale de son auteur7(*), l'infraction a vu sa nature mutée au fil des années au fur et à la mesure que les mesures de répression se sont durcies, de sorte que leur nature, leur mode de commission, leur impact et leurs éléments constitutifs ont connu des évolutions. L'on est passé de la commission simple d'infractions entachant « les moeurs, la tranquillité et la sureté des citoyens »8(*) à de nouvelles formes de criminalité qui loin de ne se limiter qu'à la violation unique d'un des domaines susmentionnés, s'attachent à tous et de l'individualisme infractionnel à un collectivisme infractionnel poussant le droit de base à s'améliorer en s'adaptant aux nouvelles menaces.

La conception traditionnelle du droit pénal est avant tout individualiste en ce que « une personne est coupable du crime qu'elle a commis ». Pourtant face au collectivisme une réponse a dû être donnée marquant ainsi l'avènement de la responsabilité criminelle collective9(*). Bien que le droit pénal ait déjà tenté de capturer la responsabilité collective plus tôt dans l'histoire10(*), ces principes ont cependant été délaissés pour revenir vers une conception individuelle de l'infracteur. Cette conception reflétant la valeur accordée dans nos sociétés à n'accepter la punition de l'individu que pour son propre fait, n'est sans doute pas étrangère au développement des droits de l'Homme11(*). C'est donc au gré des systèmes pénaux classiques que se sont formés des groupements dédiés à la commission d'actes répréhensibles créant ainsi une nouvelle forme de criminalité12(*) : la criminalité organisée encore appelé sous d'autres cieux « crime organisé13(*) » sans en biaiser la nature profonde qui concentre en elle des actions infractionnelles et des efforts collectifs conjugués.

Mention faite, il faut garder à l'esprit que « le crime organisé, quelque conception qu'on en ait, n'est pas un phénomène nouveau, signe de modernité, mais qu'il a toujours existé, et que la société s'est constamment préoccupée de le combattre »14(*). Il se pourrait même que les formes du crime organisé dont nous souffrons aujourd'hui, aient existé, en réalité, depuis longtemps. Sans remonter à la nuit des temps, l'on en voudrait pour exemple la piraterie en Méditerranée sous les Romains, la secte des Haschischims et le fameux Vieux de la Montagne, au Moyen-Age oriental, plus près de nous, l'Ile de la Tortue et ses flibustiers écumant les océans, les triades chinoises qui ont phagocyté l'Empire du Milieu avec une efficacité d'autant plus grande que ce majestueux ensemble augmentait sa puissance et son étendue, puis, aux temps modernes, les bandes de brigands des campagnes, de sinistre mémoire, les fameux chauffeurs, terrorisant paysans et voyageurs, et enfin, dès le XIXe siècle, la mafia, pour terminer avec les vastes organisations contemporaines de contrebande d'armes, de drogues, de cigarettes15(*).

D'autant plus que le concept de crime organisé n'est pas une nouveauté en sciences sociales : on l'étudiait déjà autour des années 1930 aux États-Unis16(*), avant un essor de la recherche dans les années 1950 dans les pays où les organisations mafieuses étaient implantées17(*) : l'Italie et les États-Unis, entre autres. Bien que le phénomène soit pour certains très ancien et remonte à l'époque des premiers pirates et contrebandiers de l'Antiquité18(*), il apparait difficile de déterminer à partir de quand les premières études sur la criminalité organisée datent19(*). Ce survol à grands coups de brosse doit nous convaincre que le crime organisé est une constante de l'histoire de l'humanité, histoire qui montre qu'il s'est diversifié, planifié, structuré, organisé, au fur et à mesure que l'Etat se diversifiait, se planifiait, se structurait, s'organisait, comme un vilain et pervers reflet du progrès social. A chaque fois que l'Etat réglementait une activité, prenant en charge un aspect de la société, le crime organisé est intervenu pour exploiter ces nouvelles plages d'activités et ces sources de profit. La seule chose qui ait changé au cours de l'histoire, c'est la réponse, la riposte, la réaction de la société et de l'Etat au crime organisé20(*).

Le crime organisé n'est, en outre, devenu qu'une constante mise à l'agenda international que tardivement où cette forme infractionnelle a connu un renouveau considérable avec les progrès techniques, technologiques et économiques notoires des XIXe et XXe notamment avec l'avènement de la mondialisation.Décrite comme un processus historique et économique qui est le fruit de l'innovation humaine et du progrès, la mondialisation évoque l'intégration croissante des économies dans le monde entier, au moyen surtout des courants d'échanges et des flux financiers. Ainsi, la mondialisation a marqué l'économie mondiale en favorisant les échanges entre les entreprises commerciales du globe et l'expansion commerciale de celles-ci dans le monde entier leur ouvrant la porte à une multitude de marchés disséminés à travers le globe. Outre ses effets sur l'économie licite, la mondialisation a également restructuré de façon perceptible les marchés criminels de sorte qu'à travers l'intégration économique et la libéralisation des marchés, elle a multiplié les opportunités pour le crime organisé, comme elle l'a fait pour l'économie licite, en réduisant les barrières aux frontières nationales21(*). Aussi, elle « favorise certains trafics au même titre qu'elle profite à la sphère légale. Cette même mondialisation peut aussi être instrumentalisée par la criminalité organisée dans une logique active de mise en concurrences des territoires »22(*). En effet, la mondialisation a permis l'exportation de la criminalité organisée et des groupes qui la mènent vers d'autres zones du globe où ils n'étaient tout bonnement pas présents ou l'étaient faiblement. Cette situation a causé un transbordement de l'activité initialement endémique vers une activité généralisée mondiale qui dans son appréhension régionale transcende les frontières des Etats en revêtant l'appellation de criminalité transnationale organisée.

Présentement, les termes de « criminalité transnationale organisée », ainsi que leurs dérivés23(*), sont fréquemment employés dans les médias et le discours des autorités publiques. Pourtant, jusqu'au milieu des années 1990, il n'existe pas de consensus international sur une définition de l'objet et du champ couvert, et la préoccupation demeure faible autour du phénomène24(*).

Seuls les Etats qui s'étaient déjà heurtés à la criminalité organisé en avait fait l'une de leur priorité de répression. Face à l'expansion de la criminalité organisée, une réponse répressive méritait d'être élaborée et adaptée à cette nouvelle menace. En effet, ce qu'il est désormais convenu d'appeler la « criminalité organisée transnationale » est aujourd'hui une partie importante de la criminalité dans le monde25(*).

Ce n'est qu'en 2000 que la menace de la criminalité transnationale organisée a suscité un regain d'intérêt international par la tenue aux Nations Unies de l'assemblée générale du 15 novembre 2000 qui a jeté les jalons de la répression de la criminalité transnationale organisée. Résolument engagés à se conformer aux exigences de la convention de Palerme, les Etats ont édicté des normes dans le cadre de la répression de la criminalité transnationale organisée qui est devenue une menace d'ampleur mondiale. En effet, la criminalité organisée transnationale, qui s'est prodigieusement développée ces vingt dernières années, représente désormais la menace principale pour les sociétés démocratiques du XXIe siècle26(*). De plus, elle est devenue une tendance en nette progression qui adapte en permanence son mode de fonctionnement aux différents dispositifs légaux mis en place par la communauté internationale. En accord, avec les estimations de l'Office de Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC), la criminalité transnationale organisée génère 870 milliards de dollars par an27(*). Des fonds obtenus en violation totale des lois et règlements motivant ainsi les Etats à établir des systèmes répressifs dédiés de sorte à juguler la menace.

Cependant, il est à constater qu'en dépit des efforts consentis par les Etats pour l'établissement de systèmes répressifs suffisamment dynamiques pour freiner voire endiguer l'essor de ce phénomène, son expansion vers certaines zones comme l'Afrique et en particulier l'Afrique de l'Ouest n'a pu être évitée.

Aujourd'hui, la criminalité transnationale organisée constitue une menace croissante en Afrique au fur et à mesure que la technologie et l'augmentation des échanges commerciaux lient le continent, de plus en plus étroitement, aux opportunités licites et illicites existant sur les marchés mondiaux. L'instabilité politique et la faiblesse du contrôle de l'État, ou de sa légitimité dans certains pays, amplifient les conditions structurelles qui facilitent la criminalité transnationale organisée, que ce soit via la traite des êtres humains, le trafic des stupéfiants, la contrebande des marchandises ou le vol et le braconnage des ressources naturelles. Ces formes multiples de criminalité transnationale organisée sont mises en oeuvre par un réseau complexe d'acteurs formels et informels, qui possèdent des liens à différents degrés et disposent d'une certaine cohésion au niveau de leur organisation. Cherchant à échapper à la détection, aux arrestations ou aux sanctions, ils s'adaptent aux réponses en perpétuelle évolution de l'État en matière de politiques, de lois et changent d'activité criminelle pour atteindre leurs objectifs.

Au regard de ce constat, une approche réflexive s'impose, d'où la motivation de l'étude portée sur la répression de la criminalité transnationale organisée.

Si une approche réflexive sur la question de la répression de la criminalité transnationale organisée semble se révéler d'une importance majeure, ceci est fondamentalement dû à la recrudescence des activités criminelles en tout genre et au pullulement de groupements criminels organisés qui ont, depuis plus de deux décennies, poussé les Etats du monde à prendre des mesures draconiennes afin de freiner l'expansion de la criminalité transnationale organisée. Plus récemment, de multiples arrestations et démantèlement de réseaux criminels ont fait foi des efforts menés dans le cadre de la répression de la criminalité transnationale organisé en Côte d'Ivoire28(*) et dans plusieurs pays de la sous-région ouest-africaine, laissant place à un calme plat depuis plusieurs mois.Cette situation pousse donc à s'interroger de savoir si l'objectif de dissuasion a été réellement atteint ou si les structures criminelles se sont encore adaptées à l'effet d'échapper aux mailles de la justice. L'analyse de ce sujet apportera surement des pistes de solutions à ces conceptions.

Quoiqu'il en soit, afin de rendre au mieux compréhensible la répression de la criminalité transnationale organisée et hypothétiquement les problèmes qu'elle rencontre au sein de cette analyse à la fois théorique et empirique, il convient d'appréhender de manière particulaire le sujet par une définition des termes qui le compose. En ce sens, comprendre la répression de la criminalité transnationale organisée passe nécessairement par la compréhension du syntagme élément par élément.

Utilisé de manière récurrente dans tous les écrits de droit pénal, le vocable « répression » ne se prête pas à définition légale clairement établie. Toutefois, la doctrine pourrait permettre d'en cerner le sens et les nuances. En ce sens, le vocabulaire juridique29(*) désigne la « répression » comme étant « l'action de réprimer incluant l'incrimination des faits délictueux, la poursuite de leurs auteurs et l'infliction des peines »30(*). En s'accordant à cette approche, la « répression » s'entendrait d'une action ou d'un mécanisme incluant l'incrimination des faits délictueux que l'on pourrait comprendre par l'action normative qui consiste à ériger un comportement en infraction, la poursuite des auteurs qui est l'action procédurale qui consiste à se lancer aux trousses d'une personne suspectée d'être responsable de la commission d'une infraction et l'infliction de la peine qui tient à l'action de décerner à l'auteur d'une infraction une sanction. Selon Michel Van de KERCHOVE dans son article sur l'intérêt à la répression et l'intérêt à la réparation dans le procès pénal31(*), la répression désigne la punition ou application de la peine. Bien que quelque peu restrictive, cette définition s'incorpore à celle donnée par le vocabulaire juridique en vertu de quoi la répression désigne un mécanisme allant de l'incrimination du fait délictueux à l'infliction de la peine en passant par la poursuite des auteurs présumés de l'infraction.

La criminalité, connue comme un phénomène criminelle collectif, est définie par Raymond GASSIN comme « l'ensemble des infractions commises au cours d'une période de temps déterminée dans une aire géographique », le cadre géographique peut être constitué soit par un Etat et ses circonscriptions judiciaires, policières ou administratives, soit par un groupe d'Etats présentant une certaine homogénéité32(*). Ainsi, la criminalité s'entend de l'ensemble des infractions commises sur une ère territoriale à une époque donnée ou sur période déterminée.

Le qualificatif « transnational » suppose le franchissement d'une frontière ou (et) qui s'exerce par-dessus les frontières indépendamment de l'action des États33(*) comme l'asserte le vocabulaire juridique. Confirmant cette perception juridique, la Commission fédérale des migrations de la confédération suisse énonce que le terme « transnational » composé du préfixe « trans » et du mot « natio », induit une dimension « supranationale » ou allant « au-delà de l'Etat national » en désignant les phénomènes qui dépassent les frontières d'un Etat national34(*).

Par « organisé », il est permis de comprendre « structuré », « proprement défini », « rangé » ou même « ordonné » ou « formé de manière logique et harmonieuse » ou encore « répondant à une organisation » c'est-à-dire répondant à une association, une institution, à un groupement.

Au regard de ce qui a été susmentionné, la criminalité transnationale organisée désignerait l'ensemble des infractions qui transcendent les frontières nationales et qui sont menées par des associations ou des organisations dans une zone ou une région déterminée. Ainsi, l'association de ces vocables fonde toute la dangerosité de cette nouvelle forme de criminalité contre l'essor de laquelle un régime procédural d'incrimination, de poursuite et de sanction a été pensé au plan international et national en dépit duquel elle perdure.

Dès lors, la réflexion portée sur la répression de la criminalité transnationale organisée tendra, théoriquement, à évaluer l'effectivité, l'efficacité et la réactivité du système répressif mis en place et mise en oeuvre au sein des Etats ouest-africains et en particulier en Côte d'Ivoire face aux assauts de cette nouvelle sorte de criminalité. Historiquement, elle consistera par ailleurs à analyser l'évolution des systèmes répressifs et leur adaptabilité face à cette nouvelle menace. Sur le plan pratique, elle servira à motiver une amélioration du système répressif quant à la menace que représente cette forme de criminalité qui ne cesse de muer et de s'adapter en tenant compte des failles des systèmes répressifs.

Si des mécanismes étatiques et internationaux existent, comme l'impose la répression de la criminalité transnationale organisée, la menace que représente cette forme de criminalité devrait être jugulée, toutefois, le constat est tout autre. Cet état de fait, nous pousse à nous interroger sur lesdifficultés qui entravent la répression de la Criminalité Transnationale Organisée.En d'autres termes, quelles difficultés empêchent les mécanismes de répression de la CTO de produire leur plein effet ?

L'analyse de cette interrogation centrale permettra surement de déceler les difficultés auxquelles se heurte la répression de la criminalité transnationale organisée dans son ensemble avant d'en établir une approche régionale et nationale sous inspiration internationale. Cette étudesera donc menée par l'utilisation de divers moyens de recherches. Ceux-ci alliant pragmatisme et théorisation allant de la recherche documentaire en bibliothèque et en juridiction à la soumission de questionnaires et la réalisationd'interviews s'institueront commedes atouts déterminants pour cerner au mieux les difficultés de répression et proposer des solutions adéquates.

Ces difficultés opposées à au mécanisme de répression ne relèveraient que de la nature particulière de la criminalité transnationale organisée. Cette nature particulière lui est conférée par les éléments qui en fondent la spécificité comme le confirme le Conseil Europe, qui estla principale organisation de défense des droits de l'homme en Europe, en énonçant : « Ces dernières années, la criminalité moderne a évolué dans sa nature et dans sa dimension : les activités criminelles présentent un caractère transnational et un aspect organisationnel. »35(*). D'où l'analyse synthétique du sujet par l'exploration critique des difficultés liées au caractère transnational de la répression de la criminalité transnationale organisée (PARTIE 1) et de celles inhérentes à son caractère organisationnel (PARTIE 2).

* 1 BAHEJ Hassan, « Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin », disponible via https://cercle2linovation.com/articles/seul-on-va-plus-vite-ensemble-on-va-plus-loin/[En ligne] consulté le 06/07/2023 à 09h56 minutes

* 2 John Stuart Mill, Discours Inaugural prononcé à l'Université St. Andrews en Ecosse, Royaume-Uni, le 1er février 1867

* 3 RENOUT Harald, Droit Pénal Général, LARCIER, 2013, p. 9

* 4 BOULOC Bernard et MATSOPOULOU Haritini, Droit Pénal Général et Procédure Pénale, SIREY, Coll. Intégral Concours Sirey, 21e Edition, 2018, p. 1 ; Article 2 du code pénal ivoirien

* 5 Ibidem

* 6 La différence qui existerait entre les deux notions tient en ce que le droit criminel s'attarde à situer les comportements incompatibles avec la vie en société (infractions) et son auteur tandis que le droit pénal insiste sur les peines, les sanctions imposées. Dans un sens plus large, ce dernier inclus le premier (droit criminel).

* 7 GUNICHARD Serge, DEBARD Thierry, Lexique des termes juridiques, DALLOZ, 25e Edition, 2017, p. 1124 (version numérique)

* 8 MONTESQUIEU Charles Louis de..., De l'esprit des lois, XII, 4, XVIIIe siècle.

* 9 TUDEAU CHASSE Emilie, Délinquance collective : Facteur de reconsidération des principes du droit pénal classique, Université Laval et Université Toulouse I Capitole, Québec - Toulouse, 2017, p. 1

* 10 MERLE Roger et VITU André, Traité de Droit Criminel, 7e Edition, CUJAS, Paris, 1997, p. 663

* 11 TUDEAU CHASSE Emilie, loc. cit.

* 12 La criminalité est au sens large, selon le vocabulaire juridique, l'ensemble des agissements antisociaux tombant sous le coup de la loi pénale et réprimés par elle dans une aire géographique déterminée.

* 13 L'appellation « crime organisé » est d'origine plus récente car popularisée au milieu du XXe siècle par les médias. Toutefois, elle reste d'actualité et se prête à la « criminalité organisée » car regroupant ces diverses caractéristiques même si certains approfondissements laissent à penser qu'elle se veut plus restrictive et spécifique à un autre aspect de la criminalité organisée en générale.

* 14BOLLE Pierre-Henri, « De quelques aspects de la criminalité organisée et de la lutte contre icelle », in : EGUZKILORE Numéro 11, Décembre 1997, San Sebastiàn, p.234

* 15BOLLE Pierre-Henri, « De quelques aspects de la criminalité organisée et de la lutte contre icelle », in : EGUZKILORE Numéro 11, Décembre 1997, San Sebastiàn, p.234

* 16THRASHER Frederic, The gang, University of Chicago Press, 1927-1936

* 17 PAOLI, Letizia, « The paradoxes of organized crime», in Crime, Law && Social change, pp. 51-97, 2002

* 18 LUNDE Paul, Organized crime : an inside guide to the world's most successful industry, 1st American Edition, 2004

* 19RABEARIVELO Hobivola A., Du groupe criminel domestique à l'organisation criminelle transnationale : Comment la mondialisation a-t-elle restructuré le crime transnational organisé, intervention à l'occasion de la Table ronde sur la mondialisation, Activité de la Société des relations internationales de Québec (SORIQ)24 janvier 2013, p. 2

* 20BOLLE Pierre-Henri, « De quelques aspects de la criminalité organisée et de la lutte contre icelle », in : EGUZKILORE Numéro 11, Décembre 1997, San Sebastiàn, p.234

* 21RABEARIVELO Hobivola A, Du groupe criminel domestique à l'organisation criminelle transnationale : Comment la mondialisation a-t-elle restructuré le crime transnational organisé, intervention à l'occasion de la Table ronde sur la mondialisation, Activité de la Société des relations internationales de Québec (SORIQ)24 janvier 2013, p.1

* 22 CHAMPEYRACHE Clotilde, « Mondialisation économique, fragmentation territoriale et insertion criminelle », dans La face cachée de l'économie, Presses Universitaires de France, 2019, p. 245

* 23Crime transnational, organisation criminelle transnationale, etc.

* 24RABEARIVELO Hobivola A, Du groupe criminel domestique à l'organisation criminelle transnationale : Comment la mondialisation a-t-elle restructuré le crime transnational organisé, intervention à l'occasion de la Table ronde sur la mondialisation, Activité de la Société des relations internationales de Québec (SORIQ)24 janvier 2013, p. 2

* 25PICCA Georges, « Les défis de la criminalité organisée transnationale : quels outils pour quelles stratégies ? », Rivista di Criminologia, Vittimologia e Sicurezza Vol. III - N. 3, Vol. IV - N. 1 - Settembre 2009-Aprile 2010, p. 7

* 26 RODIER Alain, « La criminalité organisée transnationale », Note d'actualité N°134/Juillet 2008, Centre Français de Recherche sur l'Enseignement, juillet 2008 disponible [En ligne] via https://cf2r.org/actualite/la-criminalite-organisee-transnationale/#_ftnref1 consulté le 26 août 2023 13h46 minutes

* 27 LALDJI Mounir, Les menaces des entités criminelles transnationales sur la sécurité intérieure des Etats, dans Sécurité Globale 2016/2 (N°6), ESKA, p. 43

* 28 Cf. Opération « Spaghetti connection » tirée de l'article de Radio France International (RFI), Côte d'Ivoire : Un réseau international de trafiquants de cocaïne démantelé, disponible via https://www.google.com/amp/s/amp.rfi.fr/fr/afrique/20190607-cote-ivoire-reseau-international-trafiquants-cocaine-demantele[En ligne], consulté le 23/03/2023

* 29 CORNU Gérard, Vocabulaire Juridique, PUF, 12e édition, janvier 2018, Paris, 2287 pages (version numérique)

* 30 Ibidem, p. 1914 (version numérique)

* 31 VAN DE KERCHOVE Michel, L'intérêt de la répression et l'intérêt à la réparation dans le procès pénal, dans Droit et Intérêt, Vol. 3, Faculté Universitaire Saint-Louis Bruxelles - FUSL, 2002, p. 85

* 32 MATHIEU Patricia, Criminalité, dans Dictionnaire d'administration publique, Presses Universitaires de Grenoble, 2014, p. 123

* 33 CORNU Gérard, Vocabulaire Juridique, PUF, 12e édition, janvier 2018, Paris, p. 2186 (Version numérique)

* 34 Commission Fédérale des migrations, Transnationalité, 09/06/2020 consulté le 30 mai 2023 à 23h35 minutes sur https://www.ekm.admin.ch/ekm/fr/home/identitaet---zusammenhalt/transnat.html#

* 35Conseil de l'Europe, Livre blanc sur le crime organisé transnational, décembre 2014, p. 16

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