La répression de la criminalité transnationale organiséepar Méa David Romaric ASSALÉ Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest - Unité Universitaire à Abidjan - Master Recherche en Droit Privé Option Professions Judiciaires 2023 |
Section 2 : L'impact de la diversité des activités criminellesFace à une criminalité en constante mutation et qui se diversifie de plus en plus du fait des stratégies organisationnelles qui l'entourent, il s'imposait aux Etats de penser à une riposte. Cette riposte se veut d'être fondée dans toute sa raison dans la mesure où la diversité des activités criminelles impacte fortement divers aspects de compréhension et d'appréhension procédurale de la CTO qui représente une menace de taille pour les Etats pris individuellement mais plus spécifiquement pris dans leur environnement sous-régional, régional et mondial. Cet impact se perçoit notamment sur la classification de la criminalité transnationale organisée en matière d'incrimination (Paragraphe 1) du point de vu des Nations Unies et de certains Etats ; ainsi que sur la réaction des Etats (Paragraphe 2) qui en sont les victimes depuis un certain nombre d'année et en particulier ceux d'Afrique et particulièrement ceux de la zone Ouest-africaine. Paragraphe 1 :L'impact sur la classification de la CTO en matière d'incriminationLa criminalité transnationale organisée est un phénomène qui englobe des activités illicites différentes qui, elles, représentent des infractions distinctes même si celles-ci ont souvent tendance à se compléter et qu'on ne réunis qu'une fois un lien de connexité ou un étroit lien de jonction existe entre elles. Cette conception tendrait à ralentir le système de détection et de répression de ces infractions et entacherait le processus de lutte contre la criminalité transnationale organisée qui s'impose comme un phénomène d'ampleur mondial qui n'a de cesse de se perfectionner. Inscrit en première ligne comme caractéristique globale et élément phare de la CTO et qui réunit sous son couvert les diverses activités illicites, le caractère organisationnel est différemment appréhendé par les différents systèmes juridiques mondiaux qui joignent l'infraction de « participation à un groupe criminel organisé » reconnue par la convention de Palerme398(*) à des conceptions beaucoup plus large du groupement criminel. Ainsi, cette incorporation de la « participation à un groupe criminel organisé » à une catégorie qui ne réunit pas forcément tous ses aspects propres démontre le défaut d'une incrimination propre à la CTO (A) qui aura pour premier effet d'influer sur la qualification de l'infraction qui y est contenue et causerait une instabilité de la classification infractionnelle de la CTO (B). A. Le défaut de qualification et d'incrimination propre de la Criminalité Transnationale OrganiséeSelon la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, « l'expression «groupe criminel organisé» désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus, existant depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établies conformément à la présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel. »399(*). Elle enjoint, par ailleurs, aux Etats à lui emboiter le pas quant à l'introduction dans leur système juridique respectif des mesures concernant l'incrimination de cette infraction400(*). Ce qui a été le cas au lendemain de la convention et qui a donné naissance à deux courants intégrant l'infraction de participation à un groupe criminel organisé à l'Entente, pour le premier, et à l'association de malfaiteurs, pour le second,401(*) en essayant au mieux de faire correspondre cette infraction spécifique au régime général des infractions existant depuis plusieurs années au sein des différents pays. Cette approche adoptée par la plupart des Etats signataire de la convention se veut quelque peu légitime dans la mesure où « les définitions du crime organisé demeurent, en effet encore, trop souvent, incertaines dans les législations nationales ; Celles-ci offrent des définitions différentes, tout en s'efforçant de cerner les caractéristiques essentielles du critère, propre à distinguer ce que l'on doit qualifier de criminalité « organisée ». En pratique la difficulté principale réside dans l'opportunité de faire entrer dans une qualification juridique, (si possible unique) et, suffisamment précise, des comportements différents »402(*) comme le déclare Georges PICCA. Selon lui, l'incorporation de l'infraction de participation à un groupe criminel organisé répond à la nécessité de faire entrer dans l'ordonnancement juridique préexistant au sein des Etats un ensemble d'actes difficilement qualifiable juridiquement et dont la définition demeure complexe. Certes cette aperception de l'incorporation de la participation à des concepts préexistants du droit pénal national semble fondée, cependant elle laisse subsister un risque qui est l'appréhension restrictive du crime organisé et de la menace qu'il représente. En effet, l'absence de texte spécial dédié à l'incrimination de la participation à un groupe criminel ne permet de cerner l'étendu de la menace que représente le groupe criminel organisé qui se présente comme une danger pour les Etats tant sur le plan national qu'international mais aussi dans différents domaines tels que l'économie, en influant sur les flux financiers notamment, la sécurité, en faisant peser des risques d'insécurité liés à l'exercices des activités illicites notamment par l'usage de la violence, l'atmosphère socio-culturel et même dans les rapports entre les Etats. La conséquence immédiate de ce défaut de prise en considération du particularisme serait n'adaptation ou l'inadéquation de la réponse finales des entités répressives ce qui ne dissuaderait surement pas suffisamment les acteurs de cette infraction. Dès lors, le fait que bien de législateurs nationaux de ne soient limités qu'à l'inclusion de l'infraction de participation à un groupe criminel organisé dans des concepts préexistants ne serait pas motivé par un manque d'audace de sa part ? d'autant plus que le l'ONUDC énonce que « la définition du « groupe criminel organisé » énoncée à l'alinéa a de l'article 2 de la Convention contre la criminalité organisée joue un rôle central dans la mise en oeuvre de cet instrument et dans celle des présentes dispositions législatives types Il est donc essentiel que les rédacteurs nationaux définissent précisément cette expression dans le droit national »403(*) en demandant ainsi aux Etats de se prononcer de manière spécifique et précise sur la question.L'Office des Nations Unies contre le Crime et la Drogue va plus loin pour dire : « Le caractère structuré des groupes criminels organisés les distinguedes associations de malfaiteurs »404(*). Tout compte fait, à la différence de plusieurs Etats et pour pallier aux risques énoncés certains pays comme l'Autriche405(*), le Canada406(*), la Roumanie407(*), l'Afrique du Sud408(*), ont opté pour l'établissement d'une loi spéciale réprimant la participation à un groupe criminel organisé ou des dispositions particulières au sein de leur code pénal dont l'avantage est la création d'un cadre juridique adapté à la répression de cette infraction et de l'ensemble de ces contours clairement définis. En Côte d'Ivoire comme enFrance, au Mali, au Burkina Faso et... le législateur a opté pour une conception inclusive de l'infraction de participation à un groupe criminel organisé au sein de celle de l'association de malfaiteurs qui si elle n'est correctement établie peut donner naissance à une instabilité de la classification de l'infraction principale de la CTO (B). * 398 Cf. Article 5 de la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée * 399 Cf. Article 2 de la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée * 400 Cf. Article 5 de la convention des nations unies contre la criminalité transnationale organisée * 401ONUDC, Application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et des Protocoles s'y rapportant : outils d'évaluation des besoins, Nations Unies, Vienne, 2017, pp. 2-3 * 402 PICCA Georges, « Les défis de la criminalité organisée transnationale : quels outils pour quelles stratégies ? », Rivista di Criminologia, Vittimologia e Sicurezza, 2010, p. 9 * 403 ONUDC, Dispositions législatives types contre la criminalité organisée, ONUDC, 2e Edition, 2021, p. 13 * 404ONUDC, Dispositions législatives types contre la criminalité organisée, ONUDC, 2e Edition, 2021, pp. 13-14 * 405 Cf. Articles 278 et Article 278a du Code pénal Autrichien relatifs à l'association de malfaiteurs et l'organisation criminelle * 406 Cf. Article 467.11 du Code criminel (L.R.C. (1985), ch. C-46) (Canada) - Participation aux activités d'une organisation criminelle * 407Loi n° 39/2003 sur la prévention et la répression de la criminalité organisée (Roumanie) * 408Loi de 1998 sur la prévention de la criminalité organisée (Afrique du Sud) |
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