L'aménagement des droits des actionnaires après l'ordonnance du 24 juin 2004par Julien Carsantier Université Paris Dauphine - DEA 122 2005 |
? DEA 122 - Droit de l'Entreprise ? L'AMENAGEMENT DES DROITS DES ACTIONNAIRES APRÈS L'ORDONNANCE DU 24 JUIN 2004 Sous la direction de Madame le Professeur Brigitte BERLIOZ-HOUIN JULIEN CARSANTIER ___ 2004-2005 ? DEA 122 - Droit de l'Entreprise ? A mon père dont le soutien m'est précieux A mon grand-père
Voltaire Dictionnaire philosophique Garnier, Paris, 1870-1880.
Antoine de Rivarol Esprit de Rivarol OEuvres diverses, Paris, 1808.
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
SOMMAIRE Une table des matières détaillée figure à la fin du mémoire INTRODUCTION ................................................................................................................................8 PREMIÈRE PARTIE : UN NOUVEL ESPACE DE LIBERTE CONTRACTUELLE : UN AMENAGEMENT A FINALITE ESSENTIELLEMENT ECONOMIQUE 20 A. La simplification du régime des augmentations de capital 20 1. L'élargissement des délégations 22 2. Les mesures d'assouplissement du régime des augmentations de capital 33 B. L'émission des actions de préférence 51 1. Le contenu des actions de préférence 53 2. La création des actions de préférence 78 3. Les limites à la liberté contractuelle 86 DEUXIÈME PARTIE : LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES : NECESSAIRE CONTREPARTIE DE LA LIBERTE OCTROYEE 96 A. La protection des actionnaires à l'occasion de la création et de la disparition d'actions de préférence 96 1. Les mesures protectrices à l'occasion de la création d'actions de préférence 97 2. Les mesures protectrices à l'occasion de la disparition d'actions de préférence 103 B. La protection des actionnaires à l'occasion de certaines opérations 117 1. Les mesures protectrices des porteurs d'actions de préférence 117 2. Les mesures protectrices des actionnaires relativement aux augmentations de capital 124 CONCLUSION GENERALE 134 BIBLIOGRAPHIE 136 INDEX ......................................................................................................................139 TABLE DES MATIÈRES 142 1. - « Le droit des sociétés subit sous nos yeux des mutations profondes qui bouleversent le paysage de la loi de 1966 qu'on croyait stable pour longtemps »1(*). Depuis l'adoption de la dernière grande loi sur les sociétés, le 24 juillet 19662(*), le contexte économique et financier a considérablement évolué sous l'influence du droit communautaire, de la création et du développement de nouveaux instruments financiers, de la reconnaissance de l'économie de marché et de la mondialisation. Le nouveau droit des sociétés - qui est encore à construire - se signalera par la confiance restituée aux associés et la réhabilitation de la liberté contractuelle. C'est l'ère de la dérégulation. 2. - La loi du 24 juillet 1966 constitue le socle du droit français des sociétés commerciales, complétant significativement les dispositions du droit commun des sociétés contenues dans le Code civil3(*) et représentant un progrès notable tant du point de vue de la protection des tiers que de celle des associés. Conformément à l'idéologie dominante de l'époque, elle est fortement marquée par l'interventionnisme pesant de l'Etat, fruit d'une économie administrée et d'un dirigisme politique, où l'interaction entre les grandes entreprises, le secteur public et l'Etat est grande. Le législateur enferme alors l'organisation de la gestion et du contrôle social dans un corset rigide, le droit des sociétés - c'est surtout vrai pour les sociétés par actions et les SARL - étant placé sous le sceau d'une réglementation très tatillonne, assortie d'une multiplicité de sanctions civiles et pénales qui témoigne de la prépondérance du caractère institutionnel de la société4(*). Cependant, le texte de 1966 n'a pas vocation à régir l'ensemble du droit des sociétés, n'étant destiné à s'appliquer qu'aux sociétés commerciales5(*) ; les sociétés civiles sont ainsi exclues du champ d'application de la loi de 1966. Parmi les premières, il est possible de distinguer entre celles qui émettent des actions - sur lesquelles portera la présente étude - et celles qui ne le peuvent pas. L'action, catégorie de valeurs mobilières6(*), constitue un titre de capital d'une société, librement négociable et transmissible par inscription en compte ou tradition - par opposition à la part sociale -, et qui constate les droits de son titulaire - l'actionnaire - dans une société lui permettant de participer aux assemblées et de se voir attribuer une fraction des bénéfices et du boni de liquidation. Seules les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés par actions simplifiées sont autorisées à émettre des actions, à l'exclusion de toutes autres7(*). 3. - Les droits des actionnaires - c'est-à-dire les porteurs de titres de capital d'une SA, d'une SCA ou d'une SAS - ont connu certains aménagements au cours des trente-cinq dernières années. Naturellement, les actionnaires bénéficient des attributs fondamentaux attachés à la qualité d'associé, tels qu'édictés par le Code civil, parmi lesquels on distingue les droits politiques (ou extra-pécuniaires) et les droits financiers (ou pécuniaires). Les premiers procèdent de l'idée que l'associé est citoyen de cette cité qu'est la société. Il en résulte, tout d'abord, que cette citoyenneté ne peut lui être retirée contre son gré8(*), ce principe souffrant toutefois quelques exceptions d'origine légale9(*), statutaire10(*) ou jurisprudentielle11(*). Ensuite, « tout associé a le droit de participer aux décisions collectives »12(*). Cette prérogative revêt deux formes : la première est le droit à l'information de l'associé sur les comptes et la politique sociale ; la seconde est le droit de vote qui lui permet de participer aux décisions stratégiques et d'exercer son droit de contrôle sur les dirigeants, en les révoquant au besoin. Le droit pour tout associé de participer aux décisions collectives est d'ordre public, les statuts ne pouvant en conséquence déroger à ces dispositions ; plus précisément, ils ne peuvent contenir une suppression pour certains associés du droit de vote dans un cas non prévu par la loi13(*). Les seconds résultent du fait que la société n'est pas une institution philanthropique : les associés y entrent pour gagner de l'argent. Les droits pécuniaires s'expriment essentiellement par la perception de dividendes, lesquels correspondent à la distribution des bénéfices réalisés, et par un droit aux réserves, qui représentent les bénéfices non distribués. A la dissolution de la société, le boni de liquidation sera partagé entre les associés. Enfin, les droits des actionnaires obéissent au principe d'égalité, dans la mesure où les droits attachés à chaque action sont égaux. Néanmoins, ce principe n'a pas la même portée qu'en droit constitutionnel. Le droit de vote est en effet attaché aux actions et, par principe, un actionnaire a autant de voix que d'actions ; de ce point de vue, le régime est inégalitaire. Par ailleurs, la loi admet la possibilité de créer des actions particulières14(*) jouissant de certains avantages par rapports aux autres actions ; aussi, en fait, l'égalité des actionnaires ne vaut que pour les actions de même catégorie. 4. - Dans la théorie contractuelle de la société, l'actionnaire est le propriétaire. Il dispose dès lors du pouvoir de révocation des dirigeants, qu'il peut exercer dans les assemblées générales. Ces dernières ont donc en théorie un rôle fondamental dans l'exercice des droits des actionnaires dans la société, laquelle doit exprimer la primauté inconditionnelle de l'actionnariat. Cependant, le législateur de 1966 se montre quelque peu méfiant à l'égard de l'actionnaire, assimilé au spéculateur ou au boursicoteur, et tend à accorder une certaine confiance à la classe managériale. Aussi, la loi du 24 juillet 1966 participe de cette volonté d'assurer un équilibre entre le contrôle des actionnaires et le pouvoir des gestionnaires - dont les objectifs et les rôles apparaissent divergents, sinon parfois contradictoires -, en édictant une réglementation tatillonne quant à l'organisation de la gestion et du contrôle de la société15(*). De nature dirigiste, la loi fait de l'intérêt social la boussole de la société ; les dirigeants ont des pouvoirs significatifs16(*) au motif que les actionnaires auraient le pouvoir ultime, lequel n'est rendu efficace que par des mécanismes légaux17(*) et des sanctions civiles18(*), voire des sanctions pénales reflétant des considérations d'intérêt général. Les actionnaires sont censés diriger ou contrôler la société lors de la réunion d'assemblées générales dont les règles ont été strictement codifiées. Cette conception est une transposition des règles du pouvoir politique au sein des sociétés commerciales : de la volonté commune des actionnaires exprimée en assemblée résulte la désignation d'un conseil d'administration, qui lui-même désigne un président, qui mène la politique de la société. En définitive, la loi de 1966, si elle érige certes un cadre protecteur des actionnaires et des tiers, tend davantage à consacrer un modèle imposé d'organisation de la société, conférant ainsi un certain caractère institutionnel à cette dernière. 5. - Depuis lors, le contexte économique et financier a considérablement évolué. La loi a été modifiée à de nombreuses reprises afin de prendre en compte ces évolutions, mais il s'est toujours agi de modifications ponctuelles ou de toilettages sans vision d'ensemble. La doctrine et la pratique en ont alors appelé à une réforme en profondeur de la loi de 196619(*). Deux séries d'arguments sont alors avancées à l'appui de cette plaidoirie en faveur d'une refonte du droit des sociétés. D'une part, le système mis en place par la loi du 24 juillet 1966 apparaît inadapté à l'heure d'un standard dominant qui repose sur la protection de l'actionnaire - notamment de l'actionnaire minoritaire - et la valorisation de ses droits qui s'impose compte tenu des recours croissants aux marchés. En théorie, l'assemblée des actionnaires joue un rôle fondamental dans l'exercice des droits des actionnaires dans la société ; en réalité, compte tenu du caractère intermittent de cet organe et des difficultés d'implication des actionnaires, mais aussi des très larges pouvoirs conférés par la loi aux dirigeants sociaux20(*), les actionnaires ont peu de possibilité effective de participer à la détermination de la politique de la société21(*). Ce phénomène est d'autant plus accru dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, dans la mesure où l'émiettement de l'actionnariat y est plus important que dans les sociétés non cotées. Dès lors, la montée en puissance des firmes « managériales » a accentué les conflits d'intérêts entre actionnaires et managers et le manque de transparence dans la gestion sociale. C'est dans ce contexte qu'ont éclaté un certain nombre de scandales financiers22(*) à partir de la fin des années 1980, d'une ampleur telle qu'ils ont déstabilisé le système financier mondial et entraîné une perte de confiance des petits porteurs, sans compter l'impact sur des milliers de salariés et d'actionnaires, ainsi que des milliards détournés. Ces évènements se sont accompagnés de ce que l'on a appelé « la révolte des actionnaires », furieux d'avoir été abusés par les dirigeants sociaux. Il devenait alors impératif de rassurer l'actionnariat et de restaurer la confiance de ce dernier sur la solidité des entreprises. La commission Treadway, en 1987 aux Etats-Unis, et le rapport Cadbury, en 1992 au Royaume-Uni, ont relancé la réflexion sur le concept de corporate governance, courant d'opinion apparu aux Etats-Unis dans les années 1970 qui affiche pour objectifs d'assurer la transparence des informations financières et de rééquilibrer les pouvoirs au sein des sociétés23(*). En France, le concept - on parle de « gouvernement d'entreprise » - a été importé24(*) suite à l'affaire du Crédit Lyonnais et a fait l'objet de nombreux écrits25(*), ayant eu entre autres pour effet de porter à son paroxysme la revendication des droits du petit porteur. En effet, ces « nouveaux » actionnaires ont entendu exiger des dirigeants de sociétés « qu'ils valorisent les capitaux investis, leur assignant comme objectifs l'efficacité de la gestion et la loyauté du partage des bénéfices »26(*). D'autre part, la loi de 1966 ne cadre plus avec la nécessité croissante de contractualiser le droit des sociétés et de créer un environnement libéral. La réglementation est jugée par trop omniprésente, représentant un obstacle majeur dans un contexte de globalisation des marchés et de concurrence internationale. Ceci ne veut pas dire abandonner toute notion d'intérêt social, mais reconnaître qu'il faut un contrôle, et que c'est celui qui a investi dans l'entreprise qui en est le meilleur contrôleur et dont l'intérêt raisonné et équilibré est le meilleur test de performance. A ce titre, le droit pénal ne doit intervenir qu'exceptionnellement, ce qui implique certes une « judiciarisation » à l'américaine devant les tribunaux civils, mais qui semble préférable à la bureaucratisation et à la pénalisation27(*). Par ailleurs, nombre d'obligations formelles de la loi de 1966 sont devenues désuètes, lourdes et ne correspondent plus à la réalité économique. Les utilisateurs de la SA se plaignent du manque de souplesse de cette forme sociale ; faute de pouvoir modeler à leur guise les statuts de la société en raison de verrous institués par le législateur - par exemple, en matière de majorités -, les parties sont condamnées à déroger aux statuts qu'elles ont elles-même rédigés par des protocoles ou pactes adjoints dont la solidité juridique est parfois incertaine28(*). 6. - Ces réflexions ont abouti à des réformes législatives successives. Pour pallier la rigidité de la SA, le législateur a institué en 1994 une nouvelle forme sociale : la société par actions simplifiée (SAS). L'idée maîtresse est d'offrir aux utilisateurs une forme d'organisation de l'entreprise aussi proche que possible d'une société-contrat, dont l'essentiel des règles de fonctionnement procèderait de la convention des parties, la réglementation de la SA étant applicable pour le surplus. Une loi du 12 juillet 1999 a accru la souplesse de cette forme sociale en éliminant certaines contraintes initiales et en permettant aux personnes physiques d'être associées d'une SAS, ce qui leur était interdit initialement29(*). Par la suite, la loi sur les nouvelles régulations économiques - dite « loi NRE » - du 15 mai 200130(*) a introduit bon nombre de dispositions directement inspirées des principes de la corporate governance en améliorant l'information et la transparence dans le fonctionnement de la société anonyme et en rééquilibrant les pouvoirs en son sein31(*). Par ailleurs, en réponse à la crise de confiance que connaissent depuis quelques années les marchés financiers suite aux déviances constatées dans la gestion de certains sociétés32(*), a été adoptée la loi de sécurité financière du 1er août 200333(*) par laquelle le législateur a cherché à améliorer le contrôle des comptes et à renforcer la transparence dans le fonctionnement des sociétés34(*), tout en dépénalisant certains agissements. Les lois NRE et de sécurité financière visent au premier chef les sociétés qui font publiquement appel à l'épargne. La cotation de la société fait en outre intervenir, en dehors du droit des sociétés, le droit boursier, qui a vocation à assurer la protection de l'investisseur ; il ne faut pas protéger seulement l'actionnaire, mais aussi celui qui l'a été ou qui pourrait le devenir, c'est-à-dire de façon générale l'épargnant35(*). Pour autant, les réformes récentes ne concernent pas que les sociétés cotées et de nombreuses dispositions s'appliquent également aux sociétés non cotées, le législateur n'ayant pas pris de véritable parti entre, d'une part, l'adaptation au cas par cas de certaines règles pour les sociétés cotées et, d'autre part, la création de régimes distincts pour les sociétés cotées et les sociétés non cotées36(*). La présente étude envisagera en conséquence l'aménagement des droits des actionnaires tant dans les sociétés cotées que non cotées, au regard du droit des sociétés, sans opérer de dichotomie. Le législateur a ainsi procédé à un réaménagement légal des droits des actionnaires - renforcement des droits d'intervention et d'information - et à un relatif assouplissement des règles s'appliquant aux sociétés - notamment commerciales -, bouleversant quelque peu le schéma d'organisation sociale fixé par la loi de 1966. 7. - Il restait cependant une dernière source de rigidité relativement au financement de la société. La création de richesses nouvelles, l'investissement de l'épargne en fonds propres des entreprises et la prospérité de celles-ci constituent un enjeu majeur pour l'économie française dans la perspective du grand marché unique européen et de la mondialisation. A cette fin, les entrepreneurs ont besoin des structures juridiques les mieux adaptées, le droit des sociétés ne devant pas constituer un frein au développement des entreprises37(*), notamment dans un contexte actuel de « law shopping ». Ceci est particulièrement vrai s'agissant de la création de nouveaux instruments ou de nouvelles techniques financières. La pratique française38(*) dénonçait l'absence, en droit positif français, d'outils juridiques permettant de répondre aux attentes des acteurs du capital risque et du capital développement, où il est un fait que la pratique américaine s'est imposée. Ceci était d'autant plus préjudiciable aux entreprises françaises que d'autres droits positifs permettent la mise en place d'un tel véhicule ; or, les investisseurs vont au plus simple et choisissent l'investissement dont les mécanismes leur sont familiers. Il en allait donc de la compétitivité de nos entreprises et de l'attrait de la Place de Paris. Au-delà des réformes récentes - parfois qualifiées d' « empilement de textes fourre-tout »39(*) -, la nécessité d'une adaptation des textes aux besoins de la pratique se faisait de plus en plus pressante, tout en continuant à assurer la transparence et la sécurité nécessaires aux actionnaires, aux créanciers et aux salariés. A cet effet, il était proposé de poursuivre la réforme du droit des émissions de valeurs mobilières souhaitée par le CNPF en 1993 et 199440(*) et d'aller au-delà en introduisant une nouvelle catégorie de titres : les actions de préférence41(*). Les dispositions régissant l'émission de valeurs mobilières par les sociétés par actions résultaient d'un ensemble de textes élaborés par strates successives au cours des cinquante dernières années42(*) ; aussi, une refonte ayant pour objet la mise en cohérence et la modernisation de l'ensemble des textes en la matière était attendue. De même, le souhait de voir parachevée la réforme du droit des augmentations de capital, amorcée par la loi du 8 août 199443(*), se faisait insistant ; l'introduction d'une plus grande liberté pour les émetteurs chaque fois que cela était possible était réclamée par les professionnels. Renforcement de la protection et de la représentation des titulaires de titres donnant accès à terme au capital, assouplissement du régime d'émission des obligations... Les espérances des acteurs économiques étaient nombreuses. 8. - L'ordonnance du 24 juin 200444(*) était donc attendue. Ni son ampleur, ni sa teneur ne sauraient étonner. Les dispositions qu'elle contient s'inspirent en effet de divers projets connus depuis plusieurs années, en particulier les propositions émises par le CNPF en 199345(*) ou, plus récemment, le rapport commun de l'Association française des entreprises privées (AFEP), de l'Association nationale des sociétés par actions (ANSA) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), « Pour un droit moderne des sociétés », diffusé en octobre 200346(*). En ce qu'il opère des modifications profondes dans le droit français des sociétés, ce texte est fondateur. Il comporte un certain nombre d'innovations ayant trait aux sociétés par actions - particulièrement en ce qui concerne le droit des valeurs mobilières -, les objectifs affichés47(*) de l'ordonnance étant la simplification des émissions de valeurs mobilières, l'unification des procédures applicables et l'attractivité de la place française pour les investisseurs48(*) . Aussi, outre une série de mesures disparates, la réforme s'ordonne essentiellement autour de deux axes : l'augmentation de capital et les valeurs mobilières émises par les sociétés par actions. A cet égard, l'ordonnance prolonge une précédente ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004, portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises49(*). Ce dernier texte modifie le droit des sociétés sur deux points, d'une part, en aménageant le régime des SARL50(*) et, d'autre part, en procédant à une dépénalisation partielle du droit des sociétés. Un mouvement d'ensemble existe donc et consiste à permettre aux sociétés de capitaux, non seulement de se financer plus aisément, mais aussi de faciliter les rapports qui peuvent exister entre capital et pouvoir. 9. - L'élaboration de l'ordonnance du 24 juin 2004 - comme celle de l'ordonnance du 25 mars 2004 - n'a pas suivi le processus normalement réservé à un texte censé jeter les bases du droit des investissements privés dans les sociétés commerciales51(*). Il convient en effet de rappeler qu'elle est le produit d'une méthode législative critiquée52(*), ou tout du moins suspecte53(*), qui consiste, pour le pouvoir législatif, à déléguer au pouvoir exécutif des pans entiers de sa compétence afin de « simplifier le droit » ou de procéder à des codifications ou des transpositions de directives communautaires. Au cas particulier, il est vrai que la nécessité d'une adaptation des textes aux besoins de la pratique se faisait de plus en plus pressante. Aussi, la loi du 2 juillet 200354(*) avait autorisé le Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures relevant normalement du pouvoir législatif dans divers domaines du droit économique. En application des articles 26, 4° et 35, 2° de cette loi d'habilitation, le Gouvernement devait prendre, par ordonnance, avant le 3 juillet 2004, « toutes mesures afin de simplifier et d'unifier le régime applicable aux valeurs mobilières des sociétés commerciales ». Un an et demi plus tard, la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit55(*) a été promulguée, ratifiant entre autres l'ordonnance du 24 juin 200456(*). Le décret d'application devait être publié le 10 février 200557(*), soit près de huit mois après l'ordonnance, ce qui fit ici aussi l'objet de critiques58(*). L'attente fut en effet ressentie comme une sorte de paralysie par les sociétés pour lesquelles l'émission de titres constitue un acte courant, attente d'autant plus angoissante qu'il ne s'agissait pas que d'un simple différé d'entrée en vigueur, mais d'une période de grande incertitude quant au régime applicable. Le doute était réel, gonflé par le nombre exceptionnellement important de renvois à un décret en Conseil d'Etat, entretenu de surcroît par des interprétations divergentes de la situation sur certains points névralgiques59(*). A compter du 13 février 2005, le lendemain de sa publication au Journal officiel, le texte du décret est entré en vigueur60(*), et partant celui de l'ordonnance du 24 juin 2004, à chaque fois que l'application de celle-ci était différée. 10. - Outre des mesures relatives à la libéralisation du droit applicable aux valeurs mobilières et à l'assouplissement du droit des augmentations de capital61(*), l'ordonnance contient un certain nombre de dispositions générales éparses affectant le droit des sociétés62(*). A titre liminaire, l'ordonnance réalise une certaine organisation conceptuelle en introduisant une nouvelle terminologie pour les types de valeurs mobilières émises par les sociétés par actions ; elle distingue désormais, d'une part, les « titres de capital »63(*) et les « valeurs mobilières donnant accès au capital »64(*) - qui couvrent l'ensemble des valeurs mobilières susceptibles d'affecter le capital - et, d'autre part, les « titres de créance »65(*) et les « valeurs mobilières donnant droit à l'attribution de titres de créance »66(*). Par ailleurs, toujours dans un souci de simplification, la définition législative des valeurs mobilières est aujourd'hui portée par l'article L. 211-2 du Code monétaire et financier, auquel renvoie désormais l'article L. 228-1 du Code de commerce67(*) ; cet alignement du Code de commerce, en tant que « code suiveur » sur le Code monétaire et financier, « code pilote », ne peut que contribuer à la cohérence du droit des sociétés et du droit financier68(*). De surcroît, l'ordonnance légalise la faculté, au profit des sociétés mêmes cotées, d'imposer, par la voie de stipulations statutaires, la forme nominative pour tout ou partie du capital69(*) ; parallèlement, les sociétés non cotées sont désormais autorisées à émettre des titres de capital ou de créance au porteur70(*), le domaine de l'obligation d'information relative aux franchissements de seuil étant adapté71(*). Enfin, que les titres soient cotés ou non, le transfert de propriété en cas de cession de valeurs mobilières s'effectue à la date d'inscription en compte de l'acheteur72(*). L'ordonnance fait également oeuvre créatrice à trois égards. Tout d'abord, dans les sociétés cotées, la vente des actions correspondant aux droits formant rompus à l'occasion d'une fusion ou d'une scission est désormais autorisée73(*). Ensuite, s'agissant de l'exercice des droits non pécuniaires attachés aux valeurs mobilières inscrites en compte-joint, c'est la convention d'ouverture de compte qui doit déterminer l'un ou l'autre des co-titulaires74(*). Enfin, la question des titres en déshérence, qui gêne fort les sociétés souhaitant réaliser des opérations sur le capital lorsque l'adresse de certains actionnaires très minoritaires se révèle obsolète, est résolue75(*) par la mise en place d'une procédure spécifique consistant en la vente des titres dont les titulaires ne peuvent être joints76(*). Le recours aux clauses d'agrément est en outre facilité. Le principe de la validité des clauses d'agrément, dans les sociétés non cotées, est réaffirmé mais désormais en tête de l'article L. 228-23 du Code de commerce77(*). Plus substantiellement, la clause d'agrément peut concerner, non plus uniquement les cessions d'actions, mais aussi de titres de capital ou de valeurs mobilières ; par ailleurs, le texte ne limite plus les clauses d'agrément aux cessions à un tiers, ouvrant ainsi la porte aux agréments entre actionnaires. Une importante précision pratique est également insérée à l'article L. 228-24 du Code de commerce : le cédant se voit offrir, à tout moment, une faculté de repentir78(*), y compris postérieurement à la fixation du prix des titres par un expert à défaut d'accord entre les parties79(*). Enfin, le régime du regroupement des actions de sociétés non cotées subit quelques modifications minimes80(*), tandis que la pratique consistant à négocier des actions non encore émises est légalisée par l'ordonnance81(*). 11. - Nonobstant les dispositions précitées, l'ordonnance du 24 juin 2004 comporte trois principales innovations, ayant trait à l'augmentation de capital, à la création des actions de préférence et à l'édiction d'un régime unifié des valeurs mobilières composées. Les deux premières retiendront notre attention en ce qu'elles affectent les droits des actionnaires. En effet, la question du régime des valeurs mobilières donnant accès à terme au capital et de la protection de leurs titulaires ne relève pas du sujet de la présente étude dans la mesure où ces derniers ne constituent pas des actionnaires de la société82(*) dans laquelle ils détiennent des titres83(*). Les actions de préférence, indiscutable nouveauté de l'ordonnance, remplacent d'anciens titres disparates - les actions de priorité, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d'investissement et les certificats de droit de vote -, dont la loi réglait en détail le régime84(*). Le nouveau dispositif accorde une grande liberté aux sociétés pour émettre des titres dont les caractéristiques résultent des statuts, ce qui permet aux dirigeants et aux actionnaires d'origine de pouvoir répondre avec souplesse aux attentes des investisseurs et convient également à certains montages de groupes. La réforme du droit des augmentations de capital poursuivie par le texte participe de cette même volonté d'attirer des investisseurs nouveaux en facilitant les techniques de financement des sociétés. L'assouplissement et la simplification de nombreuses mesures en la matière, notamment par une refonte du régime des autorisations financières, adapte le droit aux pratiques et besoins des marchés financiers. 12. - Sur cette dernière question, le nouveau droit paraît proposer des dispositions relativement claires, même si le travail d'interprétation juridique sera nécessaire. En revanche, le thème des actions de préférence touche aux derniers grands principes du droit des sociétés : l'égalité des actionnaires et le respect du droit de vote des actionnaires ; il en est de même, bien que dans une moindre mesure, s'agissant du renforcement des délégations de pouvoirs dans les opérations d'augmentation de capital. En outre, au vu de certains vides laissés par le texte, il est permis de s'interroger sur leurs conséquences pratiques, « dès lors que le droit des sociétés, touché en son coeur, vacille, perd son équilibre et ne retrouve pas son assise dans les seules lignes du nouveau texte. »85(*) S'il n'est pas encore possible d'évaluer la façon dont la pratique va mettre en oeuvre cette réforme, une première réponse à ces inquiétudes peut cependant être apportée. L'octroi d'une plus grande liberté en faveur des émetteurs n'aurait en effet pu se faire sans continuer à assurer la protection des actionnaires et la transparence du fonctionnement des sociétés. Aussi, en matière d'augmentation de capital, s'agissant des délégations à l'organe de direction de la société - sur le pouvoir de décider d'une augmentation par exemple -, leur régime est-il strictement encadré par la loi. De même, concernant les actions de préférence, s'il est possible de faire varier grandement les droits qui y sont attachés, il est néanmoins certaines règles d'ordre public général et d'ordre public du droit des sociétés qui doivent être respectées. L'information des actionnaires a par ailleurs été renforcée, de façon à protéger tant les actionnaires ordinaires que les titulaires d'actions de préférence. Diverses mesures protectrices des actionnaires-épargnants accompagnent donc la libéralisation opérée par l'ordonnance du 24 juin 2004, en attendant l'inévitable apport de la jurisprudence sur le contentieux à venir. 13. - Ainsi, l'ordonnance du 24 juin 2004 ouvre la voix d'une plus grande souplesse en aménageant un espace de liberté au profit des émetteurs du droit des sociétés (I), répondant aux préoccupation et attentes des agents économiques, tout en accompagnant cette libéralisation d'une série de mesures nécessaires au maintien de la protection des actionnaires (II). I. UN NOUVEL ESPACE DE LIBERTE CONTRACTUELLE : UN AMENAGEMENT A FINALITE ESSENTIELLEMENT ECONOMIQUE14. - Depuis les années 1970, l'accroissement des besoins de financement des entreprises, les crises économiques ou financières successives rendant le financement par emprunt plus difficile, l'internationalisation des marchés de capitaux, la concurrence des entreprises étrangères ont mis l'accent sur l'importance de l'accès aux ressources en capitaux et conduit à un assouplissement progressif des règles relatives aux augmentations de capital et aux valeurs mobilières de manière générale86(*). 15. - L'ordonnance de 24 juin 2004, répondant aux demandes de la place synthétisées dans divers rapports des organismes professionnels87(*), marque une étape supplémentaire dans la refonte du droit des sociétés en créant une nouvelle catégorie de titres, les actions de préférence (B), et en apportant certains assouplissements destinés à faciliter la réalisation des augmentations de capital (A). Ce sont donc à la fois les titres émis et les techniques d'émission qui sont affectés par l'ordonnance. A. La simplification du régime des augmentations de capital16. - La dernière réforme significative des dispositions du Code de commerce relatives aux augmentations de capital datait d'un peu plus de dix ans. En réponse aux demandes des professionnels qui avaient présentés des propositions complètes, détaillées et novatrices88(*), le Gouvernement s'était attaché à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures de simplification et de flexibilité. Ces travaux aboutirent à la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier89(*). Notamment, ce texte introduisit la faculté de délégation globale accordée au conseil d'administration, par le biais d'une résolution unique donnant au conseil d'administration le pouvoir de procéder, dans un délai de 26 mois, à des émissions de tous titres donnant accès immédiatement ou à terme au capital ; il autorisa la sous-délégation au président du conseil d'administration aux fins d'arrêter les conditions définitives des opérations envisagées ; il réduisit la période d'exercice du droit préférentiel de souscription de vingt jours calendaires à dix jours de bourse ; enfin, il précisa qu'en cas de suppression du droit préférentiel de souscription sans indication du nom des bénéficiaires, le prix de souscription doit être au moins égal à la moyenne des cours constatés pendant dix jours de bourse consécutifs choisis parmi les vingt derniers (règle dite des « dix parmi les vingt »). 17. - Ces mesures, si elles constituent des assouplissements destinés à faciliter la réalisation des augmentations de capital, immédiates ou à terme, ne suffirent pas à faire cesser les critiques. Il fut reproché au législateur de ne pas avoir suivi jusqu'au bout la logique proposée par le MEDEF dans son rapport90(*) et d'avoir ainsi brisé la cohérence des suggestions qui lui avaient été faites. Le résultat de cette demi-mesure et de la sédimentation des travaux législatifs antérieurs fut une réglementation complexe et éparse, variant en fonction des produits émis et laissant perdurer des contraintes peu compatibles avec les exigences des marchés de capitaux91(*). 18. - L'un des axes de l'ordonnance du 24 juin 2004 est donc la poursuite de l'assouplissement du régime applicable aux augmentations de capital92(*). Plusieurs dispositions de l'ordonnance renvoient à des modifications qui devaient être apportées au décret du 23 mars 1967. C'est chose faite depuis le 13 février 2005, date d'entrée en vigueur du décret d'application de l'ordonnance. 19. - A titre liminaire, l'ordonnance clarifie le régime de l'augmentation de capital en étendant la portée des dispositions du Code de commerce qui la régissent à l'ensemble des augmentations de capital pouvant résulter de l'émission des différents types de valeurs mobilières. L'article L. 225-127 du Code de commerce précise ainsi que le capital social de la SA - et par renvoi celui de la SCA93(*) ou de la SAS94(*) - peut être augmenté soit par l'émission d'actions (ordinaires) ou d'actions de préférence, soit par la majoration du montant nominal des titres de capital existants, soit par l'exercice de droits attachés à des valeurs mobilières donnant accès au capital. En outre, la procédure d'émission de titres de capital et celle relative à l'émission de valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance95(*) obéissent à un régime désormais unifié résultant des articles L. 225-129 à L. 225-129-6 du Code de commerce, lequel se substitue aux différents régimes précédemment applicables à l'émission de ces valeurs mobilières. 20. - Ces observations faites, l'amélioration du droit des augmentations de capital, tel qu'il résulte de l'ordonnance du 24 juin 2004, se traduit à la fois par un allègement des procédures d'émission, rendu effectif par un élargissement des délégations en la matière (1), et par diverses mesures de simplification du régime des augmentations de capital (2). 1. L'élargissement des délégations21. - La libéralisation de l'émission des valeurs mobilières passe par l'amélioration des dispositifs permettant aux dirigeants de procéder à des émissions de titres sans avoir à procéder à la convocation d'une assemblée générale, qui comporte des contraintes et incertitudes. Le dispositif nouveau permet en outre d'améliorer la réactivité des entreprises L'ordonnance amende profondément les modes de décision des augmentations de capital et l'articulation technique des délégations. L'ancien article L. 225-129 du Code de commerce est ainsi substantiellement réécrit96(*). 22. - En remettant en cause le principe de la compétence exclusive de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires pour décider le principe d'une augmentation de capital (a), l'ordonnance touche à un aspect fondamental de l'équilibre des pouvoirs au sein des sociétés par actions. Les modalités pratiques de fonctionnement du nouveau système de délégation mis en place par l'ordonnance (b) appellent en conséquence à une analyse poussée. a) La fin de la compétence exclusive de l'assemblée générale extraordinaire23. - Jusqu'à l'ordonnance du 24 juin 2004, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires était exclusivement compétente pour décider d'une augmentation de capital ; la réforme de 1994 n'avait pas remis en cause ce principe. On considérait alors que ne devait nullement être remis en cause « le principe de souveraineté de l'assemblée générale des actionnaires pour tous les actes qui engagent l'existence, l'image ou le développement de la société, parmi lesquels figure bien évidemment la décision d'émettre des valeurs mobilières donnant accès au capital »97(*). A l'appui de cette conception, il était avancé, d'une part, que l'augmentation de capital suppose une modification des statuts et, d'autre part, que le capital social est, non seulement un élément essentiel de la répartition des pouvoirs entre les actionnaires, mais encore constitue le gage des créanciers98(*). 24. - Pourtant, le législateur de 1994 semblait ambivalent sur la portée réelle de ce principe. D'un côté, relevaient formellement de la compétence de l'assemblée générale extraordinaire : la décision d'augmenter le capital social, la fixation du montant de cette augmentation et la détermination de la part de cette augmentation pouvant être réalisée sans droit préférentiel de souscription99(*). D'un autre côté néanmoins, certaines dispositions laissaient transparaître le fait que la notion de capital autorisé était déjà en germe dans la réforme de 1994100(*). 25. - Si l'assemblée générale extraordinaire était formellement seule compétente pour décider du principe d'une augmentation de capital, l'article L. 225-129 du Code de commerce, sous l'empire de la législation antérieure à l'ordonnance, autorisait cependant l'assemblée, après avoir voté l'opération d'augmentation du capital, à déléguer au conseil d'administration ou au directoire101(*) le soin de réaliser cette opération. ; une délégation des pouvoirs de réalisation de l'augmentation de capital était donc possible. Contrairement à la répartition limitative des pouvoirs évoqués dans les travaux parlementaires102(*), le texte de l'ancien article L. 225-129 du Code de commerce retenait une approche assez souple de la délégation des pouvoirs de réalisation d'une augmentation de capital103(*). De fait, la pratique généralement reconnue était que l'assemblée générale extraordinaire déléguait au conseil d'administration ou au directoire le droit de réaliser des émissions de titres donnant accès au capital ou de ne pas utiliser cette délégation, prévoyait un montant maximum d'émission et non le montant de l'émission ou des émissions qu'elle aurait décidées, et indiquait le montant maximum de capital pouvant être émis sans droit préférentiel de souscription. L'étendue de cette délégation s'apparentait donc plus à une autorisation d'émission qu'à une délégation de réalisation d'une émission de capital décidée par l'assemblée générale extraordinaire et devenue obligatoire 26. - Si l'ordonnance du 24 juin 2004 ouvre une brèche formelle dans la compétence exclusive de l'assemblée générale extraordinaire pour décider les augmentations de capital, elle vient en fait confirmer les interprétations et la pratique antérieures. L'article L. 225-129, alinéa 1er du Code de commerce, modifié par l'ordonnance, consacre explicitement la notion de capital autorisé. Désormais, le conseil d'administration ou le directoire peut se voir déléguer par l'assemblée générale extraordinaire le pouvoir de décider d'une augmentation de capital immédiate ou à terme. On notera cependant le souci des rédacteurs de l'ordonnance de ne pas se départir trop facilement des grands principes. La première phrase de l'article L. 225-129 rappelle en effet que « l'assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider une augmentation de capital immédiate ou à terme » ; mais elle peut s'en dessaisir au profit du conseil d'administration ou du directoire. Il faut donc une décision de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires pour donner au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, un pouvoir de décider lui-même une augmentation de capital. Cette décision peut être renouvelée régulièrement, mais une disposition statutaire ne permettrait pas de déléguer de manière permanente aux organes de direction le pouvoir d'augmenter le capital. L'aménagement des droits des actionnaires, s'il est réel, ne sera en conséquence rendu effectif que par leur volonté. En donnant une délégation au conseil d'administration ou de directoire, les actionnaires abandonnent certes une partie de leurs prérogatives, mais ceci de manière volontaire. L'approche ainsi retenue par l'ordonnance est conforme aux possibilités offertes par la deuxième directive européenne du 13 décembre 1976104(*). 27. - L'assemblée générale extraordinaire dispose désormais de trois choix. Elle peut décider de l'augmentation de capital elle-même en fixant l'ensemble de ses modalités, en application de l'article L. 225-129, alinéa 1er du Code de commerce105(*). Elle peut décider de l'augmentation de capital et déléguer au conseil d'administration ou au directoire, en application de l'article L. 225-129-1 du Code de commerce, le pouvoir d'en fixer les modalités ; cette délégation est encadrée par l'obligation de réaliser l'augmentation de capital dans le délai de cinq ans à compter de la décision ou de la délégation106(*). Elle peut enfin déléguer au conseil d'administration ou au directoire, en application de l'article L. 225-129-2 du Code de commerce, sa compétence de décision dans les limites déterminées par l'assemblée générale ; cette délégation est encadrée par l'obligation pour l'assemblée générale d'en fixer la durée, qui ne peut excéder vingt-six mois, et d'en déterminer le plafond global. * 1 M. GERMAIN, « L'ordonnance du 24 juin 2004 : réforme ou révolution ? » , Dr. sociétés 2004, p. 3, repère 8. * 2 Loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, dont les dispositions sont intégrées dans la partie législative du Code de commerce depuis l'ordonnance 2000-912 du 18 septembre 2000, ainsi que dans la partie législative du Code monétaire et financier depuis l'ordonnance 2000-1223 du 14 décembre 2000. * 3 Art. 1832 à 1844-17 C. civ. * 4 Un débat classique a enflammé la doctrine quant à la nature de la société : est-elle un contrat, soumise par conséquent au bon vouloir des associés ? N'est-elle pas plutôt une institution, soustraite pour l'essentiel à la volonté de ses membres ? Sur cette question, v. notamment la synthèse de J. CL. MAY, « La société : contrat ou institution ? » dans l'ouvrage coordonné par B. BASDEVANT-GAUDEMET, Contrat ou institution : un enjeu de société, LGDJ, 2004, p. 122. * 5 Les sociétés peuvent en effet être civiles ou commerciales, le critère de distinction reposant sur l'activité ou la forme juridique de la société. Quelle que soit la nature de son activité, est réputée commerciale toute société qui adopte une des formes régies par la loi du 24 juillet 1966, à savoir : société anonyme (SA), société à responsabilité limitée (SARL), société en commandite simple (SCS) ou par actions (SCA), société en nom collectif (SNC). S'y ajoutent l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), forme de SARL n'ayant qu'un associé unique (introduite par la loi n° 85-697 du 11 juillet 1985), et la société par actions simplifiée (SAS ou SASU), forme de SA dont le fonctionnement interne relève, pour une large part, de la seule volonté de ses membres et qui peut ne comporter qu'un associé unique (SASU) (introduite par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 et modifiée par la loi 99-587 du 12 juillet 1999). * 6 Art. L. 211-2 C. mon. fin. * 7 Ceci résulte de la combinaison de l'article 1841 C. civ., des articles L. 225-1, L. 226-1, L.227-1 et L. 228-1 C. com., et de l'article L. 211-3 C. mon. fin. (introduit par l'ordonnance du 24 juin 2004). * 8 Dans le silence de la loi, le principe de l'interdiction de l'exclusion d'un associé a été affirmé par la Cour de cassation en 1996 : Cass. com., 12 mars 1996 : Rev. sociétés 1996, p. 554. V. aussi : CA Toulouse, 10 juin 1999 : JCP E 2000, II, 10372, note J.-J. DAIGRE. * 9 La loi prévoit des cas d'exclusion : dans les sociétés à capital variable (art. L. 231-1 C. com.), lorsque l'incapacité ou le vice du consentement d'un associé risquent d'entraîner l'annulation de la société (art. 1844-12 C. civ.), à l'encontre des dirigeants en cas de redressement ou de liquidation judiciaires de la société (art. L. 621-59 C. com.) ou encore, dans les sociétés cotées, à l'encontre des minoritaires qui ne possèdent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote (art. 237-1 du Règlement général de l'AMF). * 10 Cass. com., 13 décembre 1994 : JCP E 1995, II, 705, note Y. PACLOT : rien n'interdit d'insérer dans les statuts une clause autorisant l'exclusion d'un associé si certains évènements nettement précisés à l'avance viennent à se réaliser. La loi prévoit d'ailleurs expressément cette possibilité dans les SEL (art. 21 de la loi du 31 décembre 1990) et dans les SAS (art. L. 227-16 C. com.). * 11 Certaines opérations portant sur le capital, notamment le « coup d'accordéon », aboutissent indirectement à exclure certains associés. La légitimité des réduction du capital par « coup d'accordéon » et des exclusions d'actionnaires qui en découlent a été validée par la jurisprudence : Cass. com., 17 mai 1994, Usinor : Rev. sociétés 1994, p. 485, note S. DANA-DÉMARET ; Cass. com., 18 juin 2002, Association Adam c/ L'Amy SA : JCP E 2002, 1556, note A. VIANDIER. * 12 Art. 1844 C. civ. * 13 Cass. com., 9 février 1999 : Rev. sociétés 1999, p.80, note P. LE CANNU. - Sur le droit de vote de l'usufruitier, alors même que la question de savoir si ce dernier pouvait se voir attribuer la qualité d'associé n'a pas encore été tranchée par la Cour de cassation, il a été jugé qu'était nulle la clause statutaire privant l'usufruitier de tout droit de vote, ce qui ne lui permettait pas de voter les décisions concernant les bénéfices : Cass. com., 31 mars 2004 : JCP E 2004, 929, note A. RABREAU. * 14 Actions à dividende prioritaire sans droit de vote, actions à droit de vote double, actions de préférence, etc. * 15 Les conditions de majorité et de quorum, ainsi que la répartition des pouvoirs entre l'assemblée, les organes de direction et les actionnaires ne peuvent être modifiées. Par exemple, l'assemblée ne saurait décider de créer un comité de direction, qui ne pourrait être qu'un organe exerçant son activité sous l'autorité du conseil et qui relève donc de la volonté exclusive de ce dernier. En ce sens : CA Aix-en-Provence, 28 septembre 1982 : Rev. sociétés 1983, p. 773, note J. MESTRE. Ceci condamne l'efficacité juridique des comités normalement créés dans les joint ventures. * 16 Art. 98 de la loi du 24 juillet 1966 : « le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société » dans les limites de l'objet social ; il en est de même pour le président. * 17 Droits d'information et de communication : droit de communication préalable (art. L. 225-108 C. com.), droit de communication permanent (art. L. 225-117), droit de poser des questions écrites (art. L. 225-108, al. 3 et L. 225-232) ; droit de présenter des résolutions (art. L. 225-105) ; droit de demander la désignation d'un expert de gestion (art. L. 225-231) ; droit de demander la récusation (art. L. 225-230) ou la révocation (art. L. 225-233) du commissaire aux comptes ; droit de demander la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée (art. L. 225-103). * 18 Droit d'exercer collectivement l'action sociale en responsabilité civile contre les dirigeants (art. 200 du décret du 23 mars 1967) ; droit d'exercer individuellement l'action sociale en responsabilité civile contre les dirigeants (art. L. 225-252 C. com.) ; responsabilité en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. * 19 G. BERLIOZ, « Corporate Governance, l'indispensable réforme du droit des sociétés », Banque Stratégie 1995, n° 120, p. 8 ; J. PAILLUSSEAU, « La modernisation du droit des sociétés commerciales », Dalloz 1996, n° 34 et 35 ; Ph. MARINI, La modernisation du droit des sociétés, Rapport au Premier ministre, La Documentation française, 1996 ; J.-J. DAIGRE, La modernisation du droit des sociétés - Premières réflexions sur le Rapport Marini, Actes du colloque organisé par la Fédération nationale pour le droit de l'entreprise, le 13 novembre 1996, Joly Editions, Pratique des affaires, sous la dir. de J.-J. DAIGRE ; CNPF, Pour une réforme en profondeur du droit des sociétés, 1996. * 20 Ceci amène à constater que le caractère institutionnel de la société, en l'absence de possibilité de restriction conventionnelle des droits des dirigeants et du pouvoir de direction, correspond plus à l'affirmation d'une souveraineté théorique de l'actionnariat qu'à un pouvoir ultime effectif. * 21 Sur la question du vote des actionnaires en assemblée générale, l'article de A.-L. JULIEN, « L'AMF veut inciter les actionnaires à voter », Le Figaro, 3 février 2005, indique qu'aujourd'hui, en France, moins de la moitié des actionnaires votent en assemblée générale, alors qu'il s'agit là de la seule façon pour eux de s'exprimer sur la stratégie et les résultats de l'entreprise dont ils sont propriétaires. Dans ce contexte, qui perdure malgré les récentes réformes, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a créée un groupe de travail présidé par Yves Mansion qui a pour mission de se pencher sur les obstacles techniques et économiques à l'exercice effectif du droit de vote des actionnaires. Sur ce thème, v. aussi J. SPINOSI, « Les assemblées générales d'actionnaires dans les sociétés anonymes, réalité ou fiction ? », Etudes Rodière, 1982, p. 125. * 22 Les affaires BCCI, Maxwell ou Poly Peck au Royaume-Uni, Enron, WorldCom ou Tyco aux Etats-Unis, Vivendi Universal ou Crédit Lyonnais en France, Parmalat en Italie, HIH, Berliner Bank ou Holtzman en Allemagne, Ansett Airlines ou One Tel en Australie, Swissair en Suisse par exemple ont défrayé la chronique. * 23 Pour A. F. CONARD, Corporations in Perspective, Michigan, 1976, la corporate governance consiste à définir ou redéfinir le rôle et la place des organes d'administration de la société, visant à atteindre un équilibre entre les trois composants essentiels de ce pouvoir : le Management, le Conseil d'administration et l'Assemblée générale. Le corporate governance est donc un mode d'accompagnement actif bien compris entre actionnaires et gestionnaires. * 24 Le débat s'est cristallisé en 1994 sur l'idée d'une dissociation entre propriété du capital et exercice du pouvoir, impliquant une réflexion sur le rôle et les responsabilités des administrateurs. Le CNPF et l'AFEP ont alors chargé un comité de poursuivre les réflexions engagées outre-Manche, ce qui a abouti au Rapport Viénot I publié en 1995 et actualisé en 1999 (Rapport Viénot II). Ceci a été complété par une série de rapports proposant de réformer le droit des sociétés afin que soient mieux pris en compte les impératifs du gouvernement d'entreprise : rapport Bouton (sept. 2002), rapport de l'Institut Montaigne (mars 2003), rapport cosigné par l'AFEP, l'ANSA et le MEDEF (oct. 2003), rapport de la commission juridique de la CCIP (oct. 2003). * 25 Il n'est pas possible de fournir une liste exhaustive de tous les écrits en la matière. On peut entre autres citer : Ph. BISSARA, « Les véritables enjeux du débat sur le «gouvernement de l'entreprise« », Rev. sociétés 1998, p. 5 et s. ; A. COURET, « Le gouvernement d'entreprise, Dalloz 1995, chron. p. 163 ; P. LE CANNU, « Légitimité du pouvoir et efficacité du contrôle dans les sociétés par actions » : Bull. Joly 1995, p.637 ; R. BERTRAND, « Rapport Viénot II : gouvernement d'entreprise et intérêts des actionnaires », Les Cahiers de l'Audit, juin 2000, n° 9, pp. 45-47 ; R. ROUTIER, « De nouvelles pistes pour la gouvernance : Bull. Joly 2003, p. 611 ; « Gouvernement d'entreprise, évolutions récentes en France et à l'étranger », Bull. COB, novembre 1995. * 26 C. NEUVILLE, « Le gouvernement d'entreprise : pour quoi faire ? », Petites Affiches, 7 mars 1997, n° 5 : selon Colette NEUVILLE, ces objectifs coïncident avec les principes fondamentaux du droit des sociétés anglo-saxon fondé sur les devoirs fiduciaires de diligence et de loyauté des dirigeants à l'égard des actionnaires. * 27 Selon C. NEUVILLE, « Le gouvernement d'entreprise : pour quoi faire ? », art. préc. : les actionnaires ne se sentent pas protégés par les poursuites pénales, et le système décrédibilise le patronat français. * 28 V. Ph. BISSARA, « L'inadaptation du droit français des sociétés aux besoins des entreprises et les aléas des solutions », Rev. sociétés 1990, p. 553. * 29 Cet assouplissement a accéléré le développement de la SAS, adoptée par 63 624 entreprises au 1er janvier 2004, soit 2,61 % du total des sociétés. Sur cette question, v. M. GERMAIN, « La SAS libérée », JCP E 1999, p. 1505 ; J. PAILLUSSEAU, « La nouvelle société par actions simplifiée. Le Big-Bang du droit des sociétés », Dalloz 1999, p. 333. * 30 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, JO du 16 mai 2001. * 31 A. VIANDIER et A. CHARVERIAT, Sociétés et loi NRE, Editions Francis Lefebvre, 2ème éd., 2002 ; J.-J. DAIGRE, « Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques - Aspects de droit financier et de droit des sociétés », JCP E 2001, n° 25, act. p. 1013. * 32 V. note n° 22. - Ainsi que l'a déclaré le Ministre de l'Economie Francis Mer lors de la présentation du projet de loi au conseil des ministres le 5 février 2003, « le projet de loi de sécurité financière est une réponse à la fois politique et technique à la crise de confiance dans les mécanismes du marché et aux insuffisances de régulation dont le monde économique et financier a pris conscience depuis deux ans». * 33 Loi n° 2003-706 du 1er août 2003, JO du 2 août 2003. * 34 A. COURET, « Les dispositions de la loi sécurité financière intéressant le droit des sociétés », JCP E 2003, 1290. * 35 Pour la protection de l'actionnaire-épargnant par le droit boursier, il est renvoyé aux dispositions du Code monétaire et financier et du Règlement général de l'AMF de 2004. * 36 Sur ces questions, v. S. DE VENDEUIL, « Nouvelles régulations économiques et amélioration des droits des actionnaires dans les sociétés par actions non cotées », JCP N 2002, n° 1029 ; H. BOISSEL-DOMBREVAL, « Le droit d'information des actionnaires des sociétés non cotées après les réformes récentes », Gaz. Pal. 2004, n° 148, p. 34. * 37 ANSA, AFEP et MEDEF, Pour un droit moderne des sociétés, rapport commun, octobre 2003 (disponible sur http://www.medef.fr). * 38 V. notamment ANSA, AFEP et MEDEF, Pour un droit moderne des sociétés, rapp. préc. ; Ph. BISSARA et J.-P. BOUÈRE, « Les propositions du CNPF de modernisation du régime des émissions de titres de capital », Bull. Joly 1994, p. 9 ; MEDEF, Les actions de préférence : propositions du MEDEF pour une modernisation du droit des valeurs mobilières, rapport, juin 2001. * 39 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, Litec, 2004, p. 2. * 40 Ph. BISSARA, La modernisation du régime des émissions de titres de capital, rapport du CNPF, avril 1993. * 41 Il s'agissait de s'inspirer des preferred shares anglo-saxonnes, actions comportant, outre les droits classiques attachés aux actions, certains droits politiques et financiers. Dans la pratique anglo-saxonne, les droits politiques garantissent aux investisseurs une information privilégiée et la participation à la gestion ou au contrôle de l'entreprise. Les droits financiers, d'une part, aménagent une répartition préférentielle du prix en cas de cession ainsi que de fusion ou du boni en cas de liquidation de la société, d'autre part, protègent les investisseurs contre les conséquences de la réalisation d'un ou plusieurs tours de table ultérieurs sur la base de valorisations de la société inférieures à celle acceptée par eux, grâce à un mécanisme d'ajustement du nombre des actions qu'ils détiennent (ratchet). * 42 La loi du 25 février 1953 a organisé le régime des obligations convertibles en actions (OCA) ; la loi du 26 juin 1957 a conçu les certificats pétroliers ; la loi du 24 juillet 1966 a consacré la pratique de l'émission d'obligations échangeables contre des actions (OEA) (L. art. 200), des certificats d'investissement (L. art. 283-1 et s.), des obligations à bons de souscription d'actions (OBSA) (L. art. 194-1 et s.), des titres participatifs (L. art. 283-6 et s.) ; les lois du 10 septembre 1947 et du 17 juin 1987 ont organisé le régime des certificats coopératifs d'investissements ; les lois du 10 septembre 1947 et du 13 juillet 1992 ont aménagé les certificats coopératifs d'associés ; des modifications intervinrent en 1969, 1973 et 1983 ; puis la loi du 14 décembre 1985 institua un régime apparemment général applicable aux valeurs mobilières « complexes » en permettant la création de valeurs mobilières innomées, mais ne modifia pas les textes antérieurs... * 43 Loi n° 94-679 du 8 août 1994 : « La procédure des augmentations de capital après la loi DDOEF du 8 août 1994 », Bull. ANSA 1994, n° 2729 ; B. VATIER et D. BOULLET, « Les innovations de la loi du 8 août 1994 dans le droit des sociétés », Gaz. Pal. octobre 1995, p. 535. * 44 Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004, JO n° 147 du 26 juin 2004. * 45 Ph. BISSARA, La modernisation du régime des émissions de titres de capital, rapp. préc. * 46 Rapp. préc. * 47 Selon M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-P. DOM, S. GAILLET, F. LE ROQUAIS et M. SUPIOT, « Le régime et l'émission des valeurs mobilières après les ordonnances de 2004 », Actes pratiques et ingénierie sociétaire, septembre-octobre 2004, n° 77, p. 7, sous la dir. de J.-J. DAIGRE, l'ordonnance est aussi motivée, d'une part, par une volonté de compétitivité du droit français à l'occasion de l'avènement pratique de la societas europae (SE) et, d'autre part, par une forme de retour de balancier favorable à la liberté des émetteurs, après une série de réformes contraignantes, notamment pour les SA. * 48 Rapport au Président de République « relatif à l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale », JO du 30 juillet 2004, p. 13577 ; v. Bull. Joly 2004, n° spécial 7 bis, p. 3 et 15. V. aussi l'article du conseiller du Ministre de la Justice, J. LE PAPE, « La philosophie de la réforme », in Le nouveau droit des valeurs mobilières après la réforme du 24 juin 2004, Droit & Patrimoine 2004, n° 130, pp. 80-101. * 49 Ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004, JO n° 74 du 27 mars 2004. - Th. MASSART, « Aspects sociétaires de l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises », Bull. Joly 2004, p. 743 ; B. THOMAS et P. EMERIAU, « Les ordonnances du 25 mars 2004 simplifient l'administration des entreprises », Option Finance 2004, n° 780, p. 31. * 50 Notamment, les SARL ont désormais la possibilité d'émettre des obligations. * 51 Sur cette question, v. A. COURET et H. LE NABASQUE, Valeurs mobilières - Augmentations de capital - Nouveau régime - Ordonnance des 25 mars et 24 juin 2004, Editions Francis Lefebvre, 2004, spéc. p. 7 et s. * 52 La société de conseil PROXINVEST critique virulemment la modification de la loi par voie d'ordonnance : « le gouvernement réduit les droits des actionnaires par des ordonnances de complaisance » (article publié sur http://www.proxinvest.com). * 53 V. M. GERMAIN, « L'ordonnance du 24 juin 2004 : réforme ou révolution ? », art. préc. * 54 Loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003, JO n° 152 du 3 juillet 2003. * 55 Loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, JO n° 287 du 10 décembre 2004. * 56 L'ordonnance du 24 juin 2004, ainsi que celle du 25 mars 2004, furent ratifiées avec quelques corrections. V. G. BARANGER, « La belle simplification du droit », Bull. Joly 2005, p. 159. * 57 Décret n° 2005-112 du 10 février 2005 modifiant le décret n° 67-236 du 23 mars 1967, JO n° 37 du 12 février 2005. * 58 A. Lienhard, « Réforme des valeurs mobilières : présentation du décret d'application du 10 février 2005 », Dalloz 2005, p. 4. * 59 Sur ces questions, v. P. LE CANNU, « Quelques problèmes de droit transitoire posés par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 », RTDC 2004, p. 537 ; ANSA, Note du comité juridique sur le décret du 10 février 2005, 8 septembre 2004, n° 04-062. * 60 Conformément à l'article 1er du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 février 2004. * 61 Supra n° 8. * 62 Pour un exposé exhaustif des dispositions de l'ordonnance du 24 juin 2004, v. P. D'HOIR, La réforme des valeurs mobilières & des augmentations de capital, Option Finance 2005, hors-série n° 5. * 63 Actions ordinaires et actions de préférence, qui donnent immédiatement accès au capital d'une société * 64 Obligations convertibles, remboursables ou échangeables en actions, bons de souscription d'actions et toutes valeurs mobilières composées donnant accès à terme au capital d'une société. * 65 Obligations simples. * 66 Bons de souscription d'obligations. * 67 Initialement, la définition des valeurs mobilières avait été réservée par le législateur au seul domaine de la loi du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif de valeurs mobilières ; puis, lors de la codification à droit constant de ce texte par l'ordonnance du 14 décembre 2000, elle avait été promue au rang de définition générale, à l'article L. 211-2 C. mon. fin., mais dans la sphère financière seulement, l'article L. 228-1 C. com. n'y renvoyant pas. Depuis l'ordonnance du 24 juin 2004, un pas de plus est franchi avec cette référence expresse à l'article L. 211-2 C. mon. fin. effectué à l'alinéa 2 de l'article L. 228-1 C. com.. Il en résulte que les valeurs mobilières émises par les sociétés par actions s'entendent des « titres émis par elles, transmissibles par inscription en compte ou tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès, directement ou indirectement, à une quotité du capital de la société émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine. » * 68 V. toutefois les remarques soulevées par M. BANDRAC, P. BIROTHEAU, C. DEBIN, J.-P. DOM, S. GAILLET, F. LE ROQUAIS et M. SUPIOT, « Le régime et l'émission des valeurs mobilières après les ordonnances de 2004 », art. préc., spéc. p. 9. Pour M. FAVERO, « Pour une réforme ambitieuse des instruments financiers », Actes pratiques et ingénierie sociétaire, janvier-février 2004, p. 4, pour qui il conviendrait de supprimer purement et simplement la notion de valeurs mobilières au profit de la seule notion d'instrument financier, qui se diviserait en deux catégories : les titres financiers et les contrats financiers. * 69 Art. L. 228-1 C. com. et art. L. 211-4 et 212-3 C. mon. fin. * 70 Art. L. 211-4 C. mon. fin. * 71 Art. L. 233-7 C. com. * 72 Art. L. 228-1, al. 9 C. com.. - Jusqu'à présent, le transfert de propriété de titres non admis aux négociations sur un marché réglementé résultait du seul accord sur la chose et sur le prix. * 73 Art. L. 228-6-1 C. com. * 74 Art. L. 228-6-2 C. com. * 75 Jusqu'à présent, aucune procédure adéquate ne leur était offerte dans ce cas. Le régime de vente d'office, issu du décret du 21 mai 1992, ne vise en effet que l'hypothèse spécifique des titres de forme nominative dont les titulaires n'avaient pu être joints par les sociétés émettrices au moment de la dématérialisation de 1984, et ne s'étaient pas manifestés depuis. * 76 Art. L. 228-6-3 C. com. * 77 Les cas où il ne peut être stipulé d'agrément (succession, liquidation du régime matrimonial, cession soit à un conjoint, soit à un ascendant ou descendant) sont plus logiquement repris après ce principe. * 78 Art. L. 228-24, al. 2 C. com. : « le cédant peut à tout moment renoncer à la cession de ses titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital », ce qui signifie que le repentir pourrait être exercé non seulement après la notification du refus d'agrément, mais aussi après le résultat de l'expertise ; l'actionnaire qui s'est vu refuser l'agrément pourrait ainsi renoncer à la cession si le prix fixé par l'expert pour le rachat des titres lui semble insuffisant. * 79 La loi semble dans ce cas revenir sur la jurisprudence selon laquelle la décision de l'expert lie définitivement les parties. - Cass. com., 15 octobre 1992 : JCP E 1993, I, 218, n° 13 et Cass. com., 2 juillet 1996 : Rev. soc. 1997, 345, à propos d'une SARL mais transposables aux SA (même affaire pour les deux arrêts). M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, op. préc., n° 698, se demandent s'il est raisonnable de créer un droit de repentir sans l'assortir d'un délai. * 80 Sur cette question, v. S. Sylvestre, « Le regroupement d'actions après l'ordonnance du 24 juin 2004 : une occasion manquée ? », Bull. Joly 2005, p. 7 * 81 Art. L. 228-10 C. com.. * 82 En tout état de cause, ils ne sont pas des actionnaires actuels. Pour A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l'ordonnance du 24 juin 2004 », Dr. sociétés 2005, p. 7, ils ne sont pas non plus des actionnaires par anticipation ou assimilés. * 83 Sur ces questions, v. A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l'ordonnance du 24 juin 2004 », art. préc. ; V. ALLEGAERT, « De la propriété des valeurs mobilières », Bull. Joly 2005, p. 340 ; P. GROSJEAN, « La réforme du régime des valeurs mobilières non cotées : assouplissement du critère d'obligation de nominativité et unification des règles de transfert de propriété », Petites Affiches 2005, n° 33, p. 7 ; A. GUENGANT, D. DAVODET, P. ENGEL et S. DE VENDEUIL, « Valeurs mobilières donnant accès au capital après l'ordonnance du 24 juin 2004 », JCP E 2005, 1129. * 84 Sauf pour les actions de priorité. * 85 M. GERMAIN, « L'ordonnance du 24 juin 2004 : réforme ou révolution ? », art. préc. * 86 La loi n° 69-12 du 6 janvier 1969 assouplit le régime applicable aux obligations convertibles et aux obligations échangeables en actions. - La loi n° 73-1196 du 27 décembre 1973 introduit la possibilité pour les sociétés dont les titres sont inscrits à la côté officielle de réaliser des augmentations de capital réservées à des salariés. - La loi n° 81-1162 du 30 décembre 1981 d'harmonisation du droit français des sociétés par actions avec la deuxième directive européenne permit au conseil d'administration ou au directoire de réduire le montant initialement prévu pour l'augmentation de capital au montant effectivement souscrit, sous certaines conditions. - La loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne (i) introduisit la présomption de réalisation de toute augmentation de capital dès lors que sa bonne fin est garantie de manière irrévocable par un ou plusieurs établissements de crédit, (ii) permit aux actionnaires de renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel de souscription, (iii) permit à l'assemblée générale, en cas d'appel public à l'épargne, de supprimer le droit préférentiel de souscription sans indication du nom du bénéficiaire, (iv) supprima le droit préférentiel de souscription à titre réductible, sans préjudice de la possibilité pour l'assemblée générale de le rétablir par une décision expresse, (v) créa de nouvelles formes de titres (certificats d'investissement, obligations à bons de souscription d'actions, assouplissement du régime des actions à dividende prioritaire sans droit de vote) et (vi) allégea certaines obligations formelles liées aux augmentations de capital. - La loi n° 85-1321 du 14 décembre 1985 modifiant diverses dispositions du droit des valeurs mobilières, des titres de créances négociables, des sociétés et des opérations de bourse (i) introduisit l'ensemble des articles L. 228-91 à L. 228-97 C. com. élargissant le champ possible des valeurs mobilières hybrides donnant accès au capital, (ii) harmonisa les règles applicables en cas de souscription insuffisante, (iii) confirma la possibilité de supprimer le droit préférentiel de souscription sans indication du nom des bénéficiaires en assouplissant ses conditions et (iv) réduisit la période d'exercice des droits préférentiels de souscription. * 87 Pour les réflexions menées au sein de l'ANSA, et du MEDEF, v. http://www.ansa.asso.fr et http://www.medef.fr . V. aussi Ph. BISSARA, La modernisation du régime des émissions de titres de capital, rapp. préc. ; J.-P. MATTOUT, Pour une réforme du régime juridique des obligations, rapport du CNPF, octobre 1993 ; CNPF, Pour une réforme en profondeur du droit des sociétés, rapp. préc. ; MEDEF, Les actions de préférence : propositions du MEDEF pour une modernisation du droit des valeurs mobilières, rapp. préc. * 88 V. Ph. BISSARA, La modernisation du régime des émissions de titres de capital, rapp. préc. * 89 Loi n° 94-679 du 8 août 1994, JO n° 184 du 10 août 1994. * 90 Ph. BISSARA, La modernisation du régime des émissions de titres de capital, rapp. préc. * 91 V. Bull. COB 2002, n° 371, p. 101, sur les limites du régime applicable avant l'ordonnance du 24 juin 2004. * 92 Selon le rapport au Président de la République, « les nouvelles dispositions relatives aux augmentations de capital redéfinissent le régime des augmentations décidées par les émetteurs, tout en lui conférant une portée générale. Elles assouplissent les modalités de ces augmentations de capital en allégeant les contraintes qui pesaient sur les délégations et le droit préférentiel de souscription, et prévoient des adaptations intégrant l'unification du régime des valeurs mobilières donnant accès au capital et de la création de la catégorie des actions de préférence. » * 93 Art. L. 226-1 C. com. * 94 Art. L. 227-1 C. com. * 95 Art. L. 228-91 et L. 228-92 C. com. * 96 Selon le rapport au Président de la République, « cet article est réécrit pour élargir l'objet et la portée des délégations consenties par l'assemblée générale aux organes de direction. Ces derniers pourront, non seulement définir les modalités d'émission et réaliser les augmentations de capital décidées par l'assemblée, mais encore décider eux-mêmes d'augmentations, dans la limite d'un plafond fixé par l'assemblée. Cette règle, qui renforce sensiblement le rôle des organes de direction dans le processus de décision des augmentations de capital, tend à introduire une plus grande souplesse en ce domaine, en n'imposant plus la réunion systématique des actionnaires pour chaque décision d'augmentation. » * 97 G. TRÉMÈGE, Rapport de la Commission des Finances à l'Assemblée Nationale, n° 1349, p. 149, à propos de la réforme du régime des augmentations de capital par la loi du 8 août 1994. * 98 Même si ces idées semblent aujourd'hui remises en cause : Quel avenir pour le capital social ?, Actes du colloque organisé par le Centre de recherche en droit financier de l'Université Paris I, Dalloz, 2004, sous la dir. de A. COURET et H. LE NABASQUE. * 99 Ancien art. L. 225-129 C. com. * 100 L'ancien article L. 225-129, V, du Code de commerce obligeait le conseil d'administration ou le directoire à rendre compte des utilisations faites par lui des « autorisations » votées par l'assemblée générale ; les dispositions relatives à la sous-délégation au président permettaient à ce dernier de surseoir à l'augmentation de capital ; et l'article L. 225-135 du Code de commerce faisait explicitement référence à la possibilité pour l'assemblée générale « d'autoriser » une augmentation de capital. * 101 L'organe de direction auquel l'assemblée générale extraordinaire peut consentir une délégation est : le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, dans une SA, la gérance dans une SCA, l'organe compétent conformément aux dispositions statutaires dans une SAS. Dans les développements suivants, il sera fait référence au « conseil d'administration ou au directoire » en raison des termes des articles L. 225-129 et suivants du Code de commerce ; mais, par renvoi, ces règles sont également applicables aux SCA et aux SAS, à l'égard de leurs organes compétents. * 102 Rapport TRÉMÈGE, rapp. préc. : « Peuvent en revanche être délégués au conseil d'administration ou au directoire, les pouvoirs nécessaires à la réalisation matérielle de l'émission de titres : fixation de la date d'ouverture et de clôture des souscriptions, désignation des personnes habilitées à recevoir des fonds provenant des souscriptions, accomplissement des formalités prescrites par les textes, possibilités de procéder à l'émission en une ou plusieurs fois, constatation de la réalisation de l'augmentation et modification corrélative des statuts de la société ». * 103 Ancien art. L. 225-129, III, al. 3 C. com.: « [l'assemblée générale extraordinaire] peut également déléguer au conseil d'administration ou au directoire selon le cas, les pouvoirs nécessaires à l'effet de réaliser, en une ou plusieurs fois, l'émission d'une catégorie de valeurs mobilières, d'en fixer le ou les montants, d'en constater la réalisation et de procéder à la modification corrélative des statuts ». * 104 Directive CEE n° 77/91. * 105 L'ordonnance a supprimé le premier alinéa du paragraphe III de l'ancien article L. 225-129 selon lequel « l'assemblée générale peut fixer elle-même les modalités de chacune des émissions ». Cette précision était en effet inutile, le premier alinéa du même article lui donnant compétence première pour décider les augmentations de capital. * 106 Art. L. 225-129, al. 2 C. com. |
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