Cet espace construit, organisé, aménagé,
modifié au rythme des mutations économiques et sociales, est la
projection et le support de rapports sociaux diversifiés,
générateurs d'inégalités du fait même de la
nature hétérogène des sociétés humaines.
Touchant au domaine de la santé, l'espace est
caractérisée par un double aspect : les
inégalités spatiales et les disparités sociales. La
géographie de la santé peut être définie alors comme
le moyen de « mesurer l'adéquation du système de soins
aux besoins de la population. Elle cherche à fournir un cadre pour une
politique d'actions communautaires, plus décentralisées, plus
proches des besoins réels de la population. » (PICHERAL, 1989)
En tentant d'évaluer l'état de santé des
populations, la géographie souhaite mesurer les capacités et les
niveaux de développement de ces politiques, et les aptitudes de ces
populations à préserver leur santé. Parallèlement,
la mesure des niveaux de dessertes et d'équipements socio-sanitaires ont
pour objectif de délimiter les espaces de soins en tenant compte des
décalages entre accessibilités potentielles et recours effectifs
aux soins. L'étape suivante consiste à comparer la
répartition géographique de l'offre de soins afin de situer les
espaces de santé et évaluer en conséquence l'ajustement du
système de soins aux besoins de la population.
Toutefois, la notion de « besoins de
santé » ou « de soins » nécessite
de bien la définir du fait de sa nature non quantifiable et bien souvent
induite ; ce propos fera l'objet d'un développement par la
suite.
En tant qu'outil, la carte est l'objet qui offre les
meilleurs atouts afin de mettre en évidence des espaces, des aires ou
des zones caractéristiques et d'orienter plus justement les choix d'une
politique de santé publique. Cet outil cartographique est partiellement
présent dans ce travail. Il s'agit en effet de la cartographie
réalisée sur système d'information géographique
(SIG) Géoconcept, mis à disposition par l'URCAM Aquitaine dans le
cadre de trois mois de stage dans l'organisme.
Néanmoins, faut-il auparavant définir ce
concept de santé publique afin de ne pas perdre de vue l'objectif
principal de toutes actions dans le domaine de la santé :
« La santé publique ou plutôt la santé des
populations est cette démarche qui vise à améliorer
l'état de santé des populations par la prévention, la
planification du système de soins, l'évaluation des pratiques,
des techniques et des institutions, à surveiller et à
prévenir les risques majeurs par l'observation et l'intervention
épidémiologique. » (H. STROHL, rapport n°880 027
de la Commission de Santé publique, Inspection générale
des affaires sociales, Paris, juillet 1988)
Le souci du géographe est d'observer les
phénomènes de santé à l'échelle la plus fine
possible afin d'évaluer au mieux les disparités et les
inégalités. Or il apparaît que les échelles
communales et cantonales se révèlent trop limitées pour
satisfaire à l'analyse de ces phénomènes. De plus, la
régionalisation de l'organisation sanitaire avec les agences
régionales de l'hospitalisation (ARH) et les unions régionales
des caisses d'assurance maladie (URCAM) a induit la nécessité
d'une définition d'un cadre géographique pertinent pour la
réflexion et l'étude des questions de santé publique,
répondant aux déterminants et aux intervenants du domaine de la
santé et prenant en compte les populations et leur genre de vie autant
que les professionnels de santé ou les structures de soins, c'est
à dire autant les besoins que l'offre.
Dans cette optique, de nombreuses études, notamment le
projet de l'URCAM Aquitaine : « Analyse géographique de
la consommation de soins en Aquitaine », ont opté pour un ou
plusieurs autres découpages de l'espace intégrant des
unités géographiques plus vastes et plus peuplées. Ce
choix implique une perte de finesse de l'information mais elle se fait au
profit d'une sécurité statistique qui permet alors la
création de zones d'études homogènes en fonction de
critères d'analyse appropriés. Cette démarche
méthodologique implique une bonne connaissance de l'espace et de la
société considérés.
A titre d'exemple, une étude de l'ARH Languedoc
Roussillon portant sur les déplacements géographiques des
patients vers les lieux de soins, a initié la création d'un
découpage spatial basé sur les bassins de santé
définis comme étant « une partie de territoire
drainée par des flux, hiérarchisés et orientés
principalement vers un centre, de patients aux caractéristiques et aux
comportements géographiques homogènes. » (TONNELLIER
& VIGNERON, 1999)
L'URCAM Aquitaine, associée aux URCAM
Franche-Comté et Languedoc-Roussillon, a choisi comme niveau
géographique d'étude : le niveau cantonal, le bassin
d'emploi et les zones en aires urbaines. Ces deux derniers découpages
ont été définis par l'INSEE (Annexe I p.128).
L'étude de la distribution spatiale de l'offre de soins
et de son recours détermine l'étude des espaces de soins,
dans une approche double : celle du système de soins et celle du
recours aux soins par les utilisateurs.
La localisation et la répartition des
éléments humains et matériels du système de soins
traduisent des choix institutionnels à travers les politiques de
santé publique nationale et régionale, de la part des
professionnels et des structures de santé. Ceci a pour
conséquence une hiérarchisation spatiale des services de
santé sous la forme d'un ou plusieurs réseaux aux mailles plus ou
moins denses. Simultanément ces choix ont un impact sur es niveaux
d'équipement et de desserte (médicale, hospitalière,
sociale...) des populations et donc sur leur accessibilité aux soins.
La logique de l'étude de l'offre de soins selon ces
deux approches relève autant de la géographie des services et de
l'organisation et de la planification sanitaire que de l'économie et de
la sociologie de la santé. En effet, le but de cette étude n'est
pas seulement l'observation et l'évaluation des contrastes
infrarégionaux et de leurs évolutions dans le temps et l'espace,
mais aussi des mécanismes qui animent le champ de la santé en
Aquitaine. La démarche se veut donc descriptive et analytique.
L'espace de soins régional se subdivise en d'autres
espaces définis selon l'approche choisie : le système de
soins ou le patient. (PICHERAL, 1989)
L'espace médical des praticiens
« correspond au territoire professionnel, à l'aire d'influence
du praticien, dont les limites, la surface et le rayon varient en fonction de
la qualification, du mode et du milieu d'exercice, de la
notoriété... » (PICHERAL, 1989) Ainsi mesure-t-on
l'espace médical d'un généraliste ou de tel autre
spécialiste en milieu rural, en ville, dans tel ou tel quartier urbain,
dans un département ou une région. De même, il est possible
de définir le territoire d'un laboratoire d'analyses ou l'espace
hospitalier d'un établissement de soins. Leur aire d'influence varie
avec leur statut, leur importance, leur équipement technique, les
services offerts, leur notoriété... L'évaluation de tels
établissements pourra se faire de manière statistique (taux
d'équipements en lits par exemple) ou de manière effective.
L'espace sanitaire « correspond à
l'aire de recours aux soins d'une population et son utilisation de tel cabinet,
de tel établissement ou institution. » (PICHERAL, 1989) Tout
dépend du niveau de desserte et d'équipement dont on dispose,
donc de l'accès aux soins. Mais la surface de cet espace et son
extension varient en fonction de la spécificité et la
rareté des soins recherchés. Toutefois, des comportements
spécifiques de la clientèle d'une zone peuvent perturber ce
schéma d'organisation, et déforment de fait l'espace sanitaire.
La notion d'accès ne sous-entend pas forcément recours aux
soins ; la distance n'est plus alors uniquement physique mais
également culturelle et/ou sociale.
Par conséquent, la délimitation et l'analyse
d'un espace sanitaire reposent sur l'étude des flux et des champs
migratoires tout en tenant compte des caractères démographiques,
sociologiques, économiques des populations.
Ceci induit le fait qu'espaces médicaux et espaces
sanitaires ne se recouvrent pas automatiquement ; ce qui traduirait le
poids des comportements respectifs et des stratégies des acteurs du
champ sanitaire et montrerait les limites d'une planification sanitaire trop
rigide.
Ces deux types d'espace sont intégrés à
l'étude de l'URCAM Aquitaine, mais seul l'espace médical a pu
être partiellement cartographié et analysé. Il y manque les
données INSEE concernant les densités de praticiens par commune.
L'espace sanitaire n'a pu être abordé faute de retard dans le
traitement, la validité et le transfert des données. Une
cartographie des flux et de la consommation de soins sera ultérieurement
réalisée.
« L'approche géographique des faits de
santé permet donc de prendre ne compte les populations, leurs besoins,
leurs demandes et leurs pratiques du système de soins,
particulièrement spatiales. » (TONNELLIER & VIGNERON,
1999)