2. Allocation des ressources,
planification sanitaire et aménagement du territoire
La loi hospitalière de juillet 1991 (loi TEULADE) a mis
en évidence l'importance du poids régional en tant que niveau
d'aménagement sanitaire, de maîtrise des dépenses de
santé et d'évaluation du système de soins,
intégrant tardivement le champ de la santé dans le mouvement de
déconcentration et de décentralisation des pouvoirs publics
entamé en 1983. Cette action est à la base de la création
des ARH et des URCAM. Elle est destinée à
« créer un échelon exécutif de type nouveau
rendant des comptes directement au gouvernement, mais coiffant l'action des
services déconcentrés de l'Etat en matière d'action
sanitaire et sociale (...). » (HCSP, 1998) Les ordonnances de juin
1996 ont par la suite étendue ce rôle de la région à
l'ensemble des différents secteurs de médecine
(hospitalière, ambulatoire, libérale, publique et
privé).
Dans ce schéma de décentralisation, les textes
législatifs concernant les budgets attribués aux organismes
administratifs, ont créé des enveloppes financières
régionales : les allocations régionales de ressources. Ces
allocations sont destinées à maîtriser les dépenses
de santé et à réduire les inégalités de
santé afin de répondre de manière efficace aux besoins des
individus. Or cette enveloppe régionale est basée sur des indices
nationaux ; « son principal défaut réside dans
l'inadéquation des critères retenus avec la demande effective,
sans prise en compte des spécificités locales des populations
à desservir et du milieu où elle doit s'appliquer. »
(TONNELLIER & VIGNERON, 1999)
Dans ce contexte, il est légitime de s'interroger sur
la validité et la pertinence d'une politique de répartition
interrégionale des ressources financières, au travers de
l'adéquation aux besoins, de l'équité de ces allocations
au niveau interrégional et infrarégional, et de la
potentialité de ces allocations à réduire les
inégalités de santé.
A première vue, il semble de bon sens de réunir,
dans schéma causal simple, inégalités de santé et
inégalités d'offre de soins, dans le but de préconiser une
répartition régionale des moyens financiers pour rétablir
une certaine égalité entre les régions dans l'allocations
des ressources, ce qui devrait induire une réduction des
inégalités de toutes sortes. Cependant, trois points
interviennent et montrent l'inadaptation d'un tel raisonnement :
- la santé dépasse largement le cadre des
soins,
- la capacité d'adéquation et l'efficience du
système de soins à répondre aux besoins de
santé,
- l'accès aux soins.
Vouloir d'améliorer l'état de santé d'une
population principalement par une meilleure répartition des
professionnels et des outils de santé, c'est-à-dire une
localisation de l'offre de soins plus homogène, fait acte d'un souci
d'équité. Néanmoins, doit-on s'interroger sur l'importance
de ce facteur de localisation dans l'amélioration de l'état de
santé des populations, du fait du rôle tenu par des
déterminants autres que le système de soins : cadre de vie,
environnement social, économique et culturel, comportements et genres de
vie.
D'autre part, en abordant le concept de système de
soins, il est souhaitable de préciser la nature des activités que
ce système recouvre. En effet s'intéresse-t-on à
l'ensemble des moyens et activités dont la fonction est la production
d'actes médicaux, l'éducation et la prévention sanitaire,
la rééducation et la réinsertion par lesquels on peut agir
sur certains déterminants importants de la santé ? Ou bien
réduit-on le système de soins aux simples aspects curatifs ?
Dans les ordonnances de 1996, la seconde approche semble
être adoptée. Aucune relation directe ne peut être
établie entre l'augmentation des allocations régionales de
ressources destinées à une région où les
inégalités de santé sont fortes et l'amélioration
de l'état de santé qui en résulterait.
Dans la perspective moderne de la santé, la
répartition des ressources de soins constitue un axe central de toute
politique sanitaire. Dès lors planifier l'aménagement de l'espace
par le développement des équipements devient une
nécessité à laquelle la géographie doit s'attacher
afin de participer à la réalisation d'une planification sanitaire
pertinente.
Cependant, si l'aménagement du territoire se
préoccupe de justices sociale et spatiale, il est fréquent que
cet aménagement n'a pour résultat remarquable que de renforcer
les centres (milieu urbain) au détriment des périphéries
(milieu rural). D'autant que l'aménagement du territoire relève
fréquemment de décisions administratives cloisonnées, ou
tout au moins manquant de la connaissance du terrain et des individus. De
surcroît, la planification des équipements tend à prendre
le pas sur les réalités locales humaines à la base des
organisations spatiales et sociales. « Une planification vraie doit
être fondée sur une adhésion partagée entre acteurs
et usagers, sinon elle relève de la pure utopie. »
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