Déviances scolaires et controle social à Yaoundé: Essai d'approche Sociologique du quotidien des jeunes à l'école( Télécharger le fichier original )par Mahamat ABDOULAYE Université de Yaoundé I - DEA Sociologie 2009 |
V.3. LE FRANCANGLAIS, UNE DEVIANCE FONCTIONNELLE
D'un mot, l'école est appelée à former des citoyens fortement imprégnés du sens civique. Ces points étant mis en relief, il serait superflu d'insister davantage sur ce texte. Aussi suspend-on son examen pour nous intéresser à la loi d'orientation de l'éducation au Cameroun.
VI.1.1.2. Loi d'orientation de l'éducation au Cameroun Cette loi a été votée et promulguée en 1998. Elle s'inspire des deux grandes assises tenues à Yaoundé, quelques années plus tôt. Les grandes lignes de ce texte de loi sont tracées par les états généraux de la culture tenus à Yaoundé en Août 1991 et les états généraux de l'éducation tenus en 1995. Le vote de cette loi se veut la traduction en actes, de la détermination de l'Etat à prendre en compte les recommandations et résolutions des états généraux de l'éducation de 1995. La loi d'orientation de l'éducation au Cameroun fixe le cadre juridique de référence de l'éducation au Cameroun. C'est en cela qu'elle intéresse l'étude. Autrement dit, c'est d'elle que s'inspirent les règlements intérieurs des établissements scolaires. Le chapitre II (article 35) sur les élèves dit : « L'intégrité physique et morale des élèves est garantie dans le système éducatif. Sont, de ce fait, proscrits : les sévices corporels et toutes autres formes de violence... ». L'article 36 dispose que « les obligations des élèves consistent en l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études. Elles incluent le respect des textes en vigueur, y compris le règlement intérieur de l'établissement scolaire fréquenté ». Ainsi, il ressort de cette lecture des textes qu'il existe une certaine acuité de principe pour ce qui est de type d'homme à former. Il s'agit en clair d'un citoyen éclairé, tolérant, responsable, respectueux des idéaux de paix, de solidarité, de justice (entre autres). Du point de vue des textes et de la loi, le règlement intérieur d'un établissement bénéficie d'une place de choix, afin d'établir le cadre de vie collective, de faciliter l'épanouissement, de créer les conditions favorables aux études et de parfaire l'éducation morale et civique. L'école étant donc considérée comme milieu d'éducation (donc d'apprentissage de bonnes règles de vie) et de formation des générations destinées à garantir la survie d'une société, l'on ne comprend pas toujours les motifs de la prolifération des incivilités et incivismes en milieux scolaires et qui sont symptomatiques des violences. En effet, ces pratiques aux effets contraires aux missions traditionnelles de l'école entament progressivement les pouvoirs de formation et de correction des déviances que bien des parents camerounais lui ont reconnu. C'est ce qui justifie ici le choix de la violence comme un cas pertinent pour cette étude. A présent, il est question d'inspecter cette réalité à l'aune des comportements de la jeunesse scolaire à Yaoundé. VI.2- VIOLENCES SCOLAIRES : UNE REALITE EN EXPANSION Donner une vision du phénomène de la violence à l'école suppose l'établissement préalable d'une définition et d'une délimitation univoque du concret de la violence. Ni la langue courante, ni les recherches ne manipulent une définition univoque de la violence. VI.2.1. Essai de définition de la violence Du latin « violentia », de « violare », « faire violence », qui dérive lui-même du vis, « force », la violence se réfère à une utilisation abusive de la force, en négation de la loi, du droit ou de la souveraineté de la personne. A ce titre, la violence est quotidienne et universelle ; elle se manifeste dans les relations interpersonnelles et dans la vie des groupes comme au niveau des nations. Elle est le moyen brutal de satisfaire ses désirs (viol, par exemple), de défendre ses intérêts (querelle entre camarades, entre voisins, élèves et enseignants...), d'imposer son point de vue ou son idéologie (coup d'État, révolution...) ; elle est un instrument de pression sur les gouvernements (attentats à l'explosif, prise d'otage...), expédition des faibles pour se faire entendre, et se substitue au dialogue, dont elle souligne dramatiquement l'absence. Autrement dit, la violence ne se dessine que dans son rapport à des normes qu'elle contredit. Presque indéfinissable, au même titre que des notions comme celles de « chaos », de « désordre », de « transgression », elle implique l'idée d'un écart ou d'une infraction par rapport aux normes ou aux règles définies comme normales ou légales, l'idée d'une perturbation de l'ordre des choses, mais aussi celle d'instrument nécessaire au maintien de cet ordre dès lors qu'elle est légalisée (Akoun et Ansart, 1999 : sv « violence »). Au regard de cette définition, et pour des raisons multiples liées à la complexité humaine et sociale, la violence s'avère omniprésente, protéiforme, relative, contextualisée, à la fois fascinante et rebutante, réelle et fantasmée, légitimée et condamnée. Elle apparaît fondamentalement comme une transgression d'un ordre établi, institutionnel ou individuel ; elle va à l'encontre des systèmes de valeurs socialement reconnues. C'est pourquoi l'idée de violence est chargée en soi des valeurs positives ou négatives qu'on attache à la rupture, à la transgression, à la violation ou à la destruction de l'ordre. La dimension contemporaine tend à connoter moralement le terme, en lui donnant un caractère polémique. Alors qu'au niveau descriptif, la violence peut évoquer simplement l'utilisation de la force physique (ou autre selon les auteurs) à des fins destructrices, du point de vue moral, elle évoque l'utilisation inacceptable de cette même force en vue de nuire à autrui. La violence résiderait alors dans une mauvaise utilisation de la force. "Fondamentale" chez Jean Bergeret, "fondatrice et banale" chez Michel Maffesoli1, la violence composerait une partie de l'essence même de l'Homme, de la Société et des Institutions. Infléchie dans un sens positif, elle devient "civilité", "civisme" et "civilisation". Mal dirigée, elle fait des "victimes" et trouve certaines de ses manifestations dans les "incivilités" et les "incivismes". Quoi qu'il en soit, parler de la violence, revient à la définir comme «comportement actif, spontané ou volontaire, menaçant autrui en lui portant préjudice, dommage et souffrance morale ou physique». Le Dictionnaire de la violence et du crime invite à bien «distinguer la violence de la contrainte et de la force qui peuvent s'exercer envers autrui pour son bien et sans lui nuire dans une relation de respect effectif » (Dufour-Gompers, 1992). De façon plus précise, "il y a violence quand, dans une situation d'interaction, un ou plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, massée ou distribuée, en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés variables, soit dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit dans leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et culturelles" (ibid.). Dans un essai de définition fonctionnelle, Jacques Pain propose d'y mettre "des seuils, autour de l'atteinte violente à l'autre (physique et verbale), sans pour autant négliger les violences plus diffuses" mais, avec ou sans seuil, «la "vraie" violence est et reste avant tout, une démarche visant à nuire, à détruire "l'autre"». De même pour Eric Debarbieux (1996), «toutes les violences ne se valent pas». Pour cette raison, afin d'enrichir la démarche de conceptualisation, le terme d'incivilité est apparu et traduit que la violence n'est pas que crime et délit. Issu de la criminologie américaine, le concept d'incivilité rejoint le concept anglo-saxon bullying ; ce sont les petites atteintes à la sécurité, les micro-victimations qui exaspèrent et qui peuvent dégénérer dans des phénomènes plus radicalement violents. Le plus souvent paroles blessantes, grossièretés diverses, bousculades, interpellations, humiliations, brimades, harcèlement ou brutalités, elles relèvent de la petite délinquance et sont parfois pénalisables. En définitive, la violence peut ainsi être considérée comme « abus sous toutes ses formes et en tout lieu» certes, mais aussi comme «des actions ou des attitudes violentes ou ressenties comme violentes, c'est-à-dire usant directement ou indirectement de la force, de la contrainte ou les permettant. Ou encore des actions ou des attitudes, ouvertes ou diffuses, de «malmenances institutionnelles «». VI.2.2. Repérage de la violence en milieu scolaire Compte tenu de la difficulté de définir précisément la notion de «violence », la littérature de ces dernières années préfère le terme de violences en milieu scolaire à celui de violences scolaires, partie intégrante des premières. Elle propose par ailleurs d'utiliser le terme de comportement antisocial comme dénominateur commun d'un certain nombre de comportements violents à l'école, comme le chahut, l'intimidation sexuelle (entre autres). De ce fait, en milieu scolaire, une acception large de la violence pourrait relever de ce qui empêche les missions d'enseignement et d'apprentissage de se développer. L'échec scolaire n'est-il pas fréquemment dénoncé comme la première des violences à l'École ? Une définition plus restreinte indiquerait l'atteinte aux acteurs, quelle que soit leur position institutionnelle, dans leurs personnes et leurs missions institutionnelles : une personne humiliée par un nom raillé, une place institutionnelle niée par des attitudes, des actes et des comportements. Définir la violence en milieu scolaire revient ainsi donc, de prime abord, à considérer la violence en milieu social. Le comportement antisocial devient alors «toute situation débordant les limites d'une discussion ou d'une confrontation d'opinions » et engendre une confrontation verbale ou physique entre les protagonistes. De ce point de vue, soulignons que la violence à l'école recouvre la totalité du spectre des activités et des actions qui entraînent la souffrance ou des dommages physiques ou psychiques chez des personnes qui sont actives dans ou autour de l'école ou qui visent à endommager des objets à l'école. Martin affirme à ce propos que :
« La violence dans les écoles est présente dans toute situation où un membre de la communauté scolaire (professeur, étudiant, du personnel éducatif, parent ou visiteur) fait l'objet d'intimidations, de menaces ou d'une agression, ou lorsque ses biens personnels sont délibérément endommagés par un autre membre de cette communauté ou le public dans des circonstances découlant de ses activités dans une école » (cité par Jacques Pain, 2000). Sur cette base, les résultats des enquêtes menées dans les milieux scolaires, notamment dans les lycées et collèges à Yaoundé, nous permettent, dans le cadre de cette acception élargie, de catégoriser les formes de comportements antisociaux observés dans les établissements d'enseignement du second degré à Yaoundé :
Les deux premières formes sont à ranger dans la catégorie de la criminalité, c'est-à-dire dans celle des comportements juridiquement répréhensibles. La violence physique (ou la menace de violence physique) est considérée comme une catégorie séparée du fait de son impact accru sur le sentiment d'insécurité (important pour l'opinion publique, mais aussi pour la position du professeur dans la classe et dans l'école). Les délits liés au statut de jeunes sont considérés comme des comportements annonçant la délinquance et prennent tout leur sens en cas de transition vers des actes criminels par des comportements en dehors de la norme adoptée à l'école. VI.2.3. Rapport de cause à effet et modèles explicatifs Plusieurs facteurs ressortent de l'explication que les acteurs scolaires donnent de la violence dans les établissements scolaires de second degré à Yaoundé.
Les évolutions de la société qui engendrent une augmentation de l'exclusion sociale, la crise des valeurs et des normes morales, etc. VI.2.4. Liens sociaux et expériences scolaires Le point de départ de la théorie s'appuie sur une version adaptée de la théorie des liens sociaux, elle-même adaptée à la vie scolaire. La mise sur pied d'un lien est considérée comme une interaction entre deux pôles : l'institution sociale et le jeune. Si le lien ne se développe pas ou pas assez, un problème peut survenir des deux côtés ou dans la collaboration qui les unit. Le problème ne se pose donc pas uniquement du côté du jeune, il se peut que l'offre de lien de la part de la société, pose, elle aussi problème. L'école est un des principaux lieux permettant le développement de liens sociaux. Le schéma ci-dessous se propose d'illustrer ce qui se passe dans une situation normale.
Dans cette situation-ci, les liens avec la société sont fondamentalement présents. Les jeunes issus de strates sociales moins favorisées doivent combler un écart beaucoup plus important entre ce qu'ils apprennent à la maison et ce qu'ils apprennent à l'école que ceux issus de milieux économiquement privilégiés. Ces élèves sont moins familiarisés avec les pensées et les raisonnements plus abstraits, les règles de comportements informelles, l'usage de la langue. Ces élèves, moins acceptés par les enseignants, éprouveront plus de difficultés à développer une relation personnelle avec eux. Le schéma ci dessous se propose d'expliciter ce qui risque de leur arriver.
Une image de soi défavorable, une image de `'perdant'', exige des mécanismes psychologiques pour être assimilée. C'est tout naturellement vers des camarades du même âge et qui traversent la même expérience négative que se tourneront les élèves qui se trouvent dans cette situation. Dans un tel groupe, l'aspect social sera ressenti comme un élément sans aucune valeur, et c'est précisément la provocation de ce processus qui générera une certaine estime de soi. Un sentiment d'estime de soi alternatif naîtra. Les compétences requises pour commettre des délits seront apprises avec les pairs. Le risque de voir ces élèves appartenir un jour au groupe des délinquants persistants est considérable. VI.3. L'ECOLE DU DESORDRE : ENTRE DYNAMISME, INCIVILITE ET INCIVISME La sociologie de la civilité en milieux scolaire au Cameroun invite le chercheur à débusquer les pratiques, les répressions minuscules qui participent au dynamisme du système éducatif. La civilité et le civisme s'imposent d'abord à l'analyse par son rôle négatif : ils se trouvent sur le lieu d'une réglementation, celle qui rend hétérogène le champ scolaire en interdisant d'y distribuer dans n'importe quel ordre et à n'importe quel moment n'importe quel comportement. Elle réprime «ce qui ne convient pas », «ce qui ne se fait pas » ; elle maintient à distance, en les filtrant ou sanctionnant, les signes de comportement illisible dans l'établissement scolaire, intolérables, destructeurs de la réputation de l'institution-école. La civilité ou le civisme deviennent ainsi la gestion symbolique de la face publique des élèves dans son établissement. La civilité ou le civisme sont le mode sous lequel on est perçu et le moyen contraignant d'y rester soumis ; en leur fond, ils exigent que toute dissonance soit évitée dans le jeu des comportements, et toute rupture qualitative dans la perception de l'environnement social. Ils imposent une justification éthique des comportements intuitivement mesurable, car ils les distribuent autour d'un axe organisateur de valeur. Dans cet ordre d'idée, nous tombons alors dans le champ du symbolique, non réductible, dans l'analyse anthropo-sociologique, à la quantification statistique des comportements, ni à leur distribution taxinomique. Le champ du symbolique, comme l'observe De Certeau (1994 : 29), est « équivalemment » celui de la « règle culturel », de la régulation interne des comportements comme effet d'un héritage (éducatif, affectif, politique, économique, etc.) qui déborde de toute part le sujet implanté hic et nunc dans les comportements qui le rend repérable sur la surface sociale de l'établissement scolaire. Il s'agit donc de procéder à une analyse sans vergogne ces incivilités et incivismes scolaires à un double niveau : au niveau des types et formes de violences vécues d'une part, et au niveau de l'éducation corporel, d'autre part. VI.3.1. La violence insaisissable et homogène La violence à l'école, à Yaoundé, est en passe de ne plus être simplement anecdotique et sporadique. En réalité, les établissements scolaires sont devenus des lieux où se manifestent les violences de tous ordres. Les élèves ont des comportements étranges. La violence est `'partout `'. Tous en parlent, le ministère organise même des journées et programmes d'action : le thème de la quarantième Fête de la jeunesse «Jeunesse, citoyenneté et lutte contre les fléaux sociaux », témoigne de la préoccupation des pouvoirs publics face ce phénomène. Les professeurs lèvent le tabou et voient des violences partout, les parents craignent pour leurs enfants. Les débats sont partout, dans les établissements `'difficiles'', comme dans les autres, dans les petites classes, comme dans les grandes. Le sanctuaire scolaire est brusquement devenu le lieu de toutes les violences et de toutes les crises. La formation des enseignants et des conseillers principaux d'orientation comporte à n'en point douter, un volet violence. Tout se passe comme si, en quelques années, nous étions passés de la paix à la guerre, du calme au tumulte. Cette brusque explosion de la violence est un peu `'étrange''. Partant des observations les plus simples, nous nous sommes intéressés à un groupe de collégiens qui préparaient un Brevet d'études du premier cycle (BEPC). Au lycée Leclerc et au Collège d'enseignement secondaire de Ngoa-Ekelle ; quelques enseignants ont été interrogés. Le professeur de sciences de la vie et de la terre, âgé de trente cinq ans, trouve ses élèves `'un peu dissipés'', chahuteurs, mais au fond gentils et pas très différents de l'élève qu'il croit avoir des barbares, des sauvages, brefs des `'violents''. Leur professeur de mathématiques, une jeune femme aussi, née dans les quartiers qui environnent ces établissements, considère que ses élèves sont surtout « les victimes des conditions de vie et d'éducation qui leur sont faites, et que leur style provocateur et agressif n'est en rien original », que « le problème essentiel est celui de l'adaptation de l'école à ce type d'élèves ». Les conseillers principaux d'orientation connaissent peu ou prou les histoires de délinquance du quartier et considèrent que le lycée ou le collège sont des îlots de paix relativement menacés par la violence du quartier et par la `'guerre'' des délinquants. Pour s'en rendre compte, il n'est qu'à lire les propos du Chef d'un établissement : « Pour le cas spécifique du lycée Général Leclerc, nous avons une grande clôture qui, seul déjà, donne de la sécurité. Cela veut dire qu'au-delà de cette clôture, il y a un règlement intérieur qui précise ce qui doit se faire dans l'établissement scolaire »47(*) La ronde de définition et des descriptions est infinie, mais il est vrai que chacun parle de violence pour désigner des conduites extrêmement différentes, considère que les mêmes conduites relèvent ou pas de la violence. Chacun parle de la violence comme d'une évidence. Mais cependant, la discipline est stricte, voire obsessionnelle. En même temps, personne n'est en mesure, en dépit des questions pressantes, de décrire des conduites `'réellement'' violentes, coups, `'rally''48(*), vol, rackets, harcèlement sexuel. Mais il est vrai que le lycée ou le collège connaissent des accidents sérieux. Le dernier événement sinistre qui a défrayé la chronique est là pour en témoigner : un élève qui à égorgé un de ses camarades à l'arme blanche (couteau), à l'école américaine ; il est très fréquent de voir les assauts au couteau d'un élève contre son enseignant, comme ce fut le cas au lycée de Sam-Efoulan, au Collège d'enseignement technique, industriel et commercial de Ngoa-Ekelle. De même, cette autre scène digne d'un film western dans un collège missionnaire où un élève n'a pas trouvé mieux, pour exprimer sa colère du fait qu'on lui a «arraché sa meilleure petite »49(*) que d'apporter un pistolet et de tirer un coup de feu. Même s'il n'y eut pas de victime, du moins la menace était là. Nous évoquerons encore le cas d'un Centre de jeunesse et d'animation situé dans un quartier `'difficile'' (quartier Madagascar à Yaoundé), et dans lequel toutes les difficultés scolaires des élèves sont perçues comme des effets des problèmes sociaux du quartier. L'agitation des élèves dans les classes, les problèmes d'apprentissage, ceux des relations, agressives ou absentes avec les parents, sont autant d'indicateurs de violence des élèves et de la société. Là aussi, la discipline est stricte et toutes ces difficultés, qu'un observateur étranger pourrait considérer comme banales, sont confondues sous le dénominateur commun de la violence. On pourrait multiplier les descriptions. Toutes nous conduiraient au même double constat. D'un côté, il y a des conduites violentes et agressives, extrêmement hétérogènes, dans la plupart des établissements. De l'autre, toutes ces conduites, ces difficultés ou ces appréhensions, sont perçues comme des violences réelles ou potentielles. Quoi qu'il en soit, la violence est une catégorie générale désignant un ensemble de phénomènes hétérogènes, un ensemble de signes des difficultés de l'école, parmi lesquelles les conduites violentes proprement dites ne sont qu'un sous-ensemble. La violence désigne à la fois des conduites réellement violentes, vols, agressions, injures, menaces et le sentiment diffus mais omniprésent d'affronter tout un ensemble de difficultés tenant autant à la vie scolaire elle-même qu'à tous les problèmes sociaux qui la menacent. La violence scolaire devient une catégorie générique d'autant plus efficace qu'elle est, du point de vue normatif, sans ambiguïtés : `'la violence c'est le mal''. Dans une large mesure, en désignant un ensemble de conduites comme violentes, on se place du côté du bien contre le mal. Alors que souvent l'école est déchirée par des intérêts idéologiques, sociaux et corporatifs, la violence assure son unité, elle offre une légitimité immédiate à celui qui la condamne. Quand une conduite est désignée comme violente potentiellement violente, elle est immédiatement comprise comme une conduite dangereuse, engageant à la fois la survie et la défense de la société contre toutes les menaces. C'est pour cette raison que l'on désignera en vrac comme étant violents le comportement les plus hétérogènes, c'est aussi pour cette raison qu'on aura tendance à élargir cette violence au-delà des murs de l'école, et à considérer comme des violences scolaires, des comportements et des conduites qui se déroulent en dehors de l'espace et du temps scolaire. Ainsi, les règlements de comptes meurtriers qui se réalisent en dehors de l'école, mais, qui concernent les élèves, ne sont pas définis comme de `'simple'' violences sociales, mais comme des violences scolaires. Cette `'déconstruction'' sommaire de la violence ne saurait laisser à croire que les violences scolaires n'existent pas, qu'elles ne sont pas qu'un fantasme, qu'une production idéologique et médiatique ou voire, qu'un `'complot' ourdi par quelques manipulateurs afin de détourner l'attention des `'véritables'' problèmes. Il en est de la violence comme de l'insécurité en général. Elle désigne à la fois des conduites et des risques `'réels'', et une perception de ces risques qui ne les reflètent pas. Les personnes qui se sentent le plus menacées ne sont pas nécessairement celles qui le sont le plus `'objectivement'', ce sont celles qui se sentent les plus fragiles, les plus en chute, celles dont la place dans la société n'est plus aussi assurée. De nos jours, les établissements scolaires se perçoivent comme des machines à lutter contre la violence scolaire. Toutes les conduites `'inciviles'', injures, absentéisme, désintérêt scolaire, chahuts à la sortie de l'école, sont interprétées comme les signes d'une violence potentielle. Pour tous, les lycées et collèges sont des forteresses qui se protègent tant bien que mal contre la violence du quartier. Ainsi, dans les établissements scolaires ici étudiés, le règlement intérieur interdit formellement d'entrer dans l'enceinte de l'établissement avec des ciseaux ou tout autre objet pointu pouvant s'avérer dangereux. Interrogé à ce sujet, le Proviseur du Lycée Bilingue de Yaoundé déclare : « Chaque début de semaine, nous avons la cérémonie de levée des couleurs. A cette occasion, nous rappelons aux élèves l'attitude à avoir, les comportements à observer, la tenue par rapport aux autres élèves et la tenue par rapport aux professeurs »50(*). Il ajoute par ailleurs, «qu'en début d'année scolaire, des extraits du règlement intérieur sont distribués aux élèves », mais reconnaît que «cela ne garantit pas une totale sécurité ». D'autres méthodes sont donc employées, en plus des opérations de sensibilisation. Notamment des descentes inopinées dans les salles de classes, où il est procédé à la fouille des cartables. « La moisson est parfois surprenante » selon les termes du proviseur : « chaque fois que nous le faisons, observe-t-il, nous avons des surprises ». Le proviseur cite pêle-mêle, des revues pornographiques, des jeux de cartes, des comprimés utilisés pour se droguer. Par ailleurs, à la tête de l'établissement, on déclare qu'il y a régulièrement des coups de vols. Très souvent, certains élèves tentent de distraire leurs camarades pour leur soustraire quelque chose : les Media player (MP3 ou support numérique), les manuels scolaires, etc. Et les téléphones portables sont, de l'avis des élèves, prisés. Les détrousseurs ici sont bel et bien des élèves du secondaire. Les élèves pris en faute sont sanctionnés, assure-t-on. Selon la gravité de la faute, les sanctions vont des consignes, des simples retenues à l'exclusion définitive. Autant d'outils de dissuasion qui ne font pas toujours reculer les caractères dits «difficiles ». Mais que peuvent les encadreurs ? Question difficile, qui révèle en réalité une certaine impuissance. Car, si les différents règlements intérieurs proscrivent formellement les objets dangereux (couteaux, ciseaux, clou et autres objets pointus), on s'arrête souvent aux textes. Dans la plupart des établissements, sinon tous, la mise en oeuvre de ces règles et la répression des dérives sont une autre réalité, que beaucoup n'aborde presque jamais. Sauf lorsqu'il advient l'irréparable. Et il est d'autant plus vrai qu'il serait fastidieux de procéder chaque matin à la fouille systématique de cartables à l'entrée de l'établissement. En réalité, ce ne sont pas les menaces qui manquent. Les rapports conflictuels existent toujours dans les communautés. Ils sont encore plus susceptibles d'aboutir à des affrontements dans les milieux où les jeunes vivent leur crise d'adolescence en même temps. Dans les établissements, les individus violents exercent parfois des pressions sur leurs camarades et même sur les enseignants. Le lien entre cette violence et des penchants comme le tabagisme et l'alcoolisme est, d'ailleurs souvent, établit. VI.3.1.1. Les logiques de la violence Une fois la scénographie de la violence-déviance réalisée, il sera question maintenant de montrer que la violence n'a pas d'unité et qu'elle participe d'une série de mécanismes autonomes que le discours public sur la déviance contribue à masquer ; c'est d'ailleurs ce qui en fait l'efficacité sociale. Nous distinguerons trois grandes logiques. L'anthropologie, l'histoire et la sociologie nous apprennent que les sociétés éradiquent moins la déviance qu'elles ne la contrôlent. En ce qui concerne les violences juvéniles notamment, elles sont à la fois rituellement dénoncées, chaque génération déplore les débordements de celle qui la suit, et en même temps, chaque société laisse un espace aux débordements de la jeunesse. Si l'on pouvait risquer le mot, on dirait qu'il existe une `'loi'' sociologique selon laquelle, plus les sociétés sont intégrées, plus elles concèdent un espace de déviance tolérée. La déviance tolérée est un phénomène paradoxal reposant sur une injonction elle-même paradoxale. Elle consiste à affirmer nettement les interdits, tout en concédant des moments, des lieux et des formes dans lesquels ces interdits peuvent être transgressés, plus encore, dans lesquels il est implicitement soutenable que ces interdits soient transgressés. Ce mécanisme assez subtile se révèle directement quand des adultes et des jeunes se rencontrent et les premiers condamnent les débordements des jeunes tout en évoquant avec nostalgie leurs propres débordements, leurs propres chahuts, leurs propres `'bêtises''. La formation d'une déviance tolérée repose sur une forte connivence culturelle, sur un accord profond sur les normes et les transgressions. Afin que le jeu autour de la norme puisse se constituer, il faut que les acteurs soient en mesure d'interpréter les transgressions et de savoir quand la limite de la limite est dépassée. Aussi, il n'est pas étonnant que les déviances tolérées apparaissent dans les sociétés et organisations fortement intégrées. Pensons aux sociétés traditionnelles qui exercent un fort contrôle social et qui ouvrent des moments de déviances quasiment institués : carnavals, fêtes diverses, charivari, chahuts initiatiques... On trouvait encore ces conduites dans les sociétés villageoises et dans le `'samedi soir, dimanche'' de la classe ouvrière traditionnelle. Ce sont aussi les débordements contrôlés, tolérés, voire encouragés par la hiérarchie, qui ponctuaient régulièrement la vie des casernes. Dans le monde scolaire, l'amnésie et la nostalgie aidant, on a oublié que l'ordre scolaire rigoureux et souvent disciplinaire ménage des zones de déviance tolérée. Il faut citer les chahuts traditionnels dont la brutalité surprend bien des enseignants et les autres personnels d'encadrement. Les lycées et collèges aménagent implicitement des moments et des lieux de déviance dans lesquels on peut fumer une cigarette (cantines scolaires) ou régler quelques comptes (cours de récréation). Les établissements ne sont non plus totalement étanches à la société, et les vols de trousses, brimades ne sont pas une invention des nouveaux collégiens. La vie scolaire, fortement contrôlée, n'est certainement pas exempte de toute violence. Mais ces violences sont tolérées et contrôlées dans la mesure où chacun savait jusqu'où il ne faut pas aller trop loin. Pour que se forme un tel espace, il importe que tous les acteurs concernés partagent, au-delà de leurs conflits, une certaines `'complicité''. Il faut que le maître sache distinguer un bagarre `'rituelle'' d'une bagarre dangereuse. Il faut qu'il sache décoder et lire les conduites des élèves, il faut qu'il sache régler la longueur de la liesse. Non seulement la déviance tolérée est une manière de faire la part du feu, de donner quelques soupapes de sécurité dans des organisations rigides, mais elle participe aussi d'un modèle d'éducation dans lequel il faut franchir quelques épreuves, mesurer sa valeur et son courage. Et toute une littérature juvénile, diffusée par l'école elle-même, fait l'apologie de cette sorte de courage qui à consister à enfreindre les règles. Une des dimensions et des significations de la violence aujourd'hui tient à la disparition des zones de déviance tolérée, à l'affaiblissement de la connivence culturelle entre les enseignants et les élèves. Les adultes interprètent immédiatement des conduites comme violentes parce qu'ils ne les comprennent pas, et parce que les élèves ne partagent pas les mêmes complicités. Quelques cas observés in situ qui, pour être simples et vrais, n'en sont pas caricaturaux. Les élèves de sixième jouent au football dans la cours. Deux filles de cinquième se crêpent le chignon dans la cours à propos d'un garçon. Aucun adulte n'intervient d'abord parce que c'est le travail du surveillant et du conseiller d'orientation. Devant cette absence, l'angoisse des filles augmente jusqu'à ce qu'un professeur intervienne et sépare les deux filles en larmes. Une rivalité amoureuse banale, probablement aussi vielle que le monde, devient un `'problème de violence'' appelant une intervention spécialisée et suggérant que les deux élèves ont des `'problèmes''. Evidemment, cette cécité culturelle accroît sensiblement la violence elle-même, elle renforce le contrôle, elle `'criminalise'' des conduites banales, et le niveau des exigences disciplinaires des établissements difficiles se développe sans cesse, renforçant ainsi le sentiment de violence. On exigera bien plus des élèves d'un collège `'difficile'' que les élèves d'un collège `'bourgeois''. Il est vrai que dans le second, la connivence culturelle entre les maîtres et les élèves est immédiate. De tout ce qui précède, le constat qui se dégage reste que, des conduites de déviance tolérées se transforment, peu à peu, en conduites violentes. Le discours dominant sur la violence scolaire consiste à rejeter la violence dans la société. A ce sujet un conseiller principal d'orientation affirme : « A l'origine des manifestations violentes, il y a en bonne place la base même de l'éducation, c'est-à-dire la famille. Comment comprendre que les enfants mineurs s'occupent en famille plus à regarder des films, parmi lesquels les plus violents qui traitent de sexe et de crime, sans que les parents s'en émeuvent ? Et la seule remarque que vous auriez à faire en entrant dans cette maison cossue, fera qu'on vous affuble de qualificatifs tels que `'retrograde'' et autre `'vieux jeu''. Pas étonnant que des enfants mineurs, en regardant des films pornographiques, s'essayent aussi aux amours de jeunesse avec leurs camarades filles, sinon aux ébats homosexuels. Et lorsque s'ajoutent à cela les effets de l'alcool et de la drogue de plus en plus prisés par les élèves, l'effet ne peut être que plus dévastateur »51(*) Ce qui transparait derrière cette opinion, n'est autre chose qu'une violence sociale provoquée par la `'crise'' et entrant dans l'école par effraction. Autrement dit, les déviances, comme les violences, se fabriquent dans le moule familiale. Cette violence recouvre sans doute la représentation la plus courante des enseignants ; car elle offre l'avantage de dégager l'école de toute responsabilité, d'en faire simplement la victime de toutes les violences sociales. Mais le fait qu'elle ne soit pas sans avantages idéologiques et qu'elle assure l'unité du monde de l'école, n'indique pas que cette représentation de la violence à l'école soit sans fondement. Cette violence sociale procède d'un triple mécanisme. En premier lieu, il est peu discutable que nous observions le développement de conduites délinquantes et `'inciviles'' dans les quartiers populaires. Les causes de cette `'galère'' juvénile sont trop connues pour qu'il soit utile de les exposer longuement. On observe depuis plus d'une vingtaine d'année un développement du chômage et de la précarité qui affecte profondément les processus de contrôle social et de socialisation. La pauvreté relative s'instaure, l'avenir paraît incertain ou trop certain, l'image des parents se dégrade. Il se constitue et se renforce une culture juvénile délinquante oscillant entre le jeu, la révolte et les stratégies économiques déviantes des divers trafics de l'économie souterraine. Les jeunes sont alors dans un `'vide sociale'' correspondant très largement au tableau de la désorganisation sociale défini par les sociologues de l'École de Chicago durant les années vingt et trente. Les jeunes peuvent chercher dans des identifications ethniques et territoriales les solidarités et les `'fiertés sociales'' dont ils sont par ailleurs privés. Quoi qu'il en soit, le racket, le vol et la violence, qui sont monnaies courantes dans le quartier, entrent aussi à l'école. En deuxième lieu, avec la massification scolaire qui s'allonge de fait au-delà de 18 ans, il est bien évident que toutes ces conduites et que tous ces problèmes entrent massivement dans l'école. Or, il faut rappeler qu'elle en a longtemps été préservée par la brièveté de la scolarisation et l'exclusion précoce des jeunes issus des couches défavorisées. Les écoles ont donc le sentiment d'être envahies par les problèmes sociaux, par la pauvreté, par la délinquance et par la violence. Elles le sont d'autant plus qu'elles ne sont plus capables de maintenir une barrière entre elles et le monde, quoi qu'en dise le discours du `'sanctuaire'' scolaire. Rappelons que si l'école fut un sanctuaire, c'est autant au nom de ses principes qu'en raison de sa capacité d'éliminer les élèves qui n'acceptaient pas d'en jouer le jeu. L'entrée des problèmes sociaux dans l'école se réalise sous la double représentation des jeunes victimes de la crise et des jeunes violents. Les dispositifs de lutte contre la violence sont toujours associés aux dispositifs sociaux qui doivent venir en aide aux affrontant ses situations intenables. Tous les débats autour de l'exclusion des élèves balancent entre ces deux pôles, et ceci d'autant plus que les élèves les plus violents sont souvent les élèves les plus `'victimes''. En dernier lieu, l'expérience de l'exclusion et de la galère affecte le sens de l'expérience scolaire elle-même et la légitimité de l'institution. En effet, les élèves et leurs parents peuvent ne plus croire à l'école quand celle-ci n'apparaît plus comme étant en mesure d'assurer l'intégration sociale des élèves condamnés à l'échec et au chômage. Très souvent les professeurs parlent de cette chute de la confiance dans l'école et dans l'éducation. Les travaux de l'équipe du sociologue français B. Charlot invitent cependant à nuancer cette représentation. Ils montrent plutôt que les parents croient profondément à l'utilité des études, ils croient que l'école reste la seule manière de s'en sortir honorablement. Cependant, cette croyance ne suffit pas à rendre les parents scolairement `'compétent'', et surtout, elle ne leur permet pas nécessairement de surmonter leurs craintes et leurs appréhensions quand il s'agit de rencontrer des enseignants prompts à leur faire sentir, quand ce n'est pas plus, qu'ils sont des parents incompétents. Quoi qu'il en soit de toutes ces nuances, il reste que la violence qui se manifeste à l'école est souvent une violence sociale, violence qui envahit l'école et la déstabilise parce qu'elle lui pose, à proprement parler, des problèmes non-scolaires, des problèmes psychologiques et sociaux qu'elle n'a pas vocation à traiter. VI.3.1.3. Les violences `'antiscolaires'' Bien des violences qui se manifestent à l'école ne sont ni des violences sociales, ni des violences juvéniles `'normales'' et non interprétables par les acteurs. Ce sont des violences `'antiscolaires'', les destructions de matériel, les injures et les agressions contre les enseignants, provoquée par les élèves et parfois par la famille et leurs amis. Ce sont les violences les plus traumatisantes parce quelles n'ont pas leurs sources en dehors de l'école et parce qu'il n'est plus possible d'accuser `'la société''. Ce sont aussi les violences dont les acteurs de l'école ont le plus de mal à reconnaître la logique. Il faut, pour comprendre ces violences, admettre que les élèves subissent une violence de la part de l'école. Notons à ce propos combien le thème de la violence symbolique, omniprésent dans les années soixante-dix, a aujourd'hui quasiment disparu, au moment même où l'école est affrontée à la violence. Mais le thème de la violence symbolique semble trop général et trop loin des violences observées pour qu'il soit utile de le mobiliser de nouveau. La violence dont il s'agit est avant tout celle qui expose les élèves à des jugements infamants et qui détruit leur estime de soi. Même si ces jugements se déroulent dans les interactions scolaires, ils s'inscrivent dans un mécanisme structurel que l'on doit rapidement démonter. L'école expose les individus à des épreuves qui mettent en jeu leur valeur. Ceci n'est pas nouveau dans la mesure ou toute école hiérarchise, sélectionne, range... Mais le propre d'une école démocratique de masse, c'est qu'elle affirme l'égalité de tous en tant que personne, et qu'elle instaure une compétition entre ces personnes. Celui qui échoue doit gérer la tension entre ces deux ordres de principes, et surtout il ne dispose plus de dispositifs de consolation et de rationalisation, de justification et de critique, que pouvait offrir une école structurellement inégalitaire. Pour le dire cruellement, une école démocratique de masse fait en sorte que les élèves ne s'en prennent qu'à eux-mêmes quand ils échouent. Les diverses pratiques de remédiation accentuent ce phénomène, l'individu souverain doit être responsable de son propre malheur, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même, qu'à son absence de talent et de courage. Ainsi, le jugement scolaire met-il directement en cause la valeur de l'individu. On connaît les réponses des élèves à cette situation vécue comme une violence et un mépris. D'une part, un grand nombre d'entre-eux choisissent l'exit et le retrait. Ils ne jouent plus, abandonnent la partie, mettent en scène un ritualisme scolaire qui fait qu'ils ne perdent plus parce qu'ils ne jouent plus. C'est l'indifférence scolaire sous toutes ses formes. L'individu essaie de sauver une auto-estime en se préservant du jugement scolaire. D'autre part, les élèves refusent le jugement scolaire en retournant le stigmate contre les professeurs. Ils sauvent la face par la violence. Il suffit que le professeur `'dérape'' par une ironie ou une injure pour que les élèves sauvent leur honneur en agressant le professeur. Il sera à son tour agressé ou injurié dans ou en dehors de l'école par l'élève et par ses camarades. Quand l'élève appartient à un groupe ethnique stigmatisé, quand le professeur se laisse aller à quelques attitudes vaguement tribalistes qui sont moins rares qu'on veuille bien le croire, la violence de l'élève devient légitime à ses yeux. C'est aussi une révolte juste aux yeux de ses camarades ; car elle défend l'honneur du groupe. Ces violences antiscolaires sont d'autant plus violentes qu'elles ne reposent souvent sur aucune critique de l'école. Elles restent enfermées dans l'ordre des jugements scolaires. C'est le principe de la `'rage'', c'est-à-dire d'une révolte dépendante contre un appareil et des acteurs qui intègrent pour mieux exclure. Tout ce que nous décrivons n'est pas directement formulé par les élèves qui n'échappent pas à la conscience malheureuse, qui se perçoivent comme les acteurs de leur propre souffrance. Et c'est justement pour cette raison qu'ils sont violents, qu'ils agressent les enseignants, par exemple. Par contre, les enseignants ont une image plus exacte de ce mécanisme ; car, dans la plupart des cas que nous avons analysés, ils sont partagés entre deux attitudes. Du point de vue professionnel et corporatiste, ils défendent sans ambiguïté leur collègue agressé. Ils demandent l'exclusion de l'élève et sa condamnation par les tribunaux. Mais de façon plus personnelle, ils expliquent volontiers qu'il n'est pas surprenant que ce soit justement ce collègue là qui soit visé car il `'méprise'' des élèves, a une attitude `'inacceptable'', n'est pas `'fait pour ce métier''... D'un mot, il ne protège pas les élèves des épreuves du jugement scolaire. Au contraire, il en `'rajoute''. Toutes les logiques de violence qui viennent d'être évoquées se renforcent mutuellement, se conjuguent et contribuent à constituer la violence comme un tout indistinct. Il importe cependant de les distinguer car elles procèdent de mécanismes sociaux différents et appellent donc des réponses différentes. En dernière analyse, il convient dire que la violence juvénile et scolaire résulte à la fois de la faiblesse de l'autorité, des lacunes du système éducatif camerounais et de l'injustice sociale. Si elle apparaît comme une déviance, il n'en demeure pas moins qu'elle est aussi constructrice du lien social. Elle est symptomatique de la socialité scolaire. VI.3.1.4. La violence scolaire comme puissance de la socialité en acte Dans son essai consacré à La Violence Fondatrice, Michel Maffesoli (1984 : 14) entend la violence comme «une manière commode de rassembler tout de qui a trait à la lutte, au combat, en bref à la part d'ombre qui taraude actuellement le corps social » (1984 : 14). Cette approche ne renvoie pas la violence à une forme négative, mais la considère dans l'ambivalence de sa pluralité, simultanément destructrice et constructrice du lien social. La violence n'est donc pas une survivance barbare mais une force de structuration du social. En faire un territoire délimité qu'il est nécessaire de réguler, de canaliser par des experts, par une technostructure (appareil judiciaire, police, travail social) normalisant ainsi les différences traitées, conduit le social à la monotonie de l'équivalence généralisée. Michel Maffesoli note cependant que les rituels d'entente de la violence existent, notamment dans les compétitions sportives. Se trouve aussi exprimée ici une grande opposition, celle des rapports entre l'institué et l'instituant, la dialectique du pouvoir et de la puissance sociale. Car la violence est souvent ignorée par les pouvoirs institués, les appareils bureaucratiques, États, services publics, école et il existe une violence anomique qui est simultanément destruction par rapport à l'institué et fondatrice car elle a sa dynamique propre. Michel Maffesoli part de l'hypothèse selon laquelle, quand existe une imposition absolue, quand l'ensemble de la vie sociale est quadrillé par la norme, alors l'illégalisme jaillit comme expression d'un «vouloir-vivre irrépressible », d'une souveraineté, signe de la puissance du social comme l'exprime la violence urbaine (1984 : 22). En ce sens, l'anomie révèle un aspect utilitaire, elle permet de comprendre la perdurance sociale et d'assurer le fonctionnement de l'ensemble social : elle est facteur d'équilibre structural (ibid., : 137). Mais la violence elle ne peut se réduire à vue utilitariste, parce qu'elle est sans finalité, inquiétante et revêt une forme symbolique comme passion vécue collectivement (dans une grève par exemple). Elle a une fonction rassemblante, génère du lien en brisant la sérialisation sociale, en se fondant sur l'image d'une société à créer. Elle aboutit à l'échange symbolique et en ce sens, elle est l'expression d'un désir de communion. Le désordre crée alors de l'ordre en devenant une force structurante, par la dialectique de l'imaginaire et de l'institué. Cette dialogique de l'ordre et du désordre s'objective dans le plaisir de détruire qui se conjugue avec le désir de construire. La violence affirme un vouloir-vivre social résistant à la soumission. Elle est résistance et affirmation d'énergie. Michel Maffesoli affirme là son goût pour ce dynamisme social qui ouvre à l'excès, au sentiment anarchiste qui sourd des individus et que traduit cette énergie de vie qu'il repère dans la parole qui rompt la sécurité de l'institué, le rire qui exprime la subversion, l'orgiasme et la fête qui jouent de manière paroxystique le rapport à la dépense, à la déperdition, à la dissolution (ibid. : 83). Ce sont là autant de directions qui autorisent l'expression de la solidarité, dans les résistances ou dans les souffrances. La socialité ne signifie pas que le conflit soit absent, elle est faite d'une pluralité d'attitudes et d'idées mêlant le sujet à un collectif, collectif toujours en acte car soumis à l'aléa. En étant assumée par la parole, l'orgie ou la fête, la violence participe d'une manière fonctionnelle à la restauration de l'harmonie. La violence anomique a une fonction fondatrice. Mais il existe aussi une autre violence, banale et qui se lit dans les résistances de la masse, dans les passions sociales, dans le dynamisme dionysiaque. Ici, des passions minuscules constitutives de la socialité et qui se réalisent loin du politique et de l'économique. Une anthropologie qui montre comment le présent compte plus que le devoir-être du temps de la gestion ou de l'économie et qu'il repère dans la jouissance. Dans le quotidien s'affirme la prégnance du sensuel, une résistance passive à l'égard du politique et des discours sur la libération, sans renoncer à un avenir meilleur. Une résistance qui s'affiche dans la ruse et la duplicité, signes de la souveraineté sociale et qui affaiblissent le pouvoir en subvertissant ou en relativisant les valeurs dominantes, en refusant de répondre aux demandes, en développant les formes de l'illégalisme. Des directions qui permettent d'échapper au contrôle généralisé et à la perte d'identité. La socialité s'organise entre deux pôles : celui de l'acceptation et celui de la différence. L'analyse de la violence en milieux scolaire à Yaoundé se comprend ainsi dans le sens de ce que Gilbert Durand a appelé le « Nouvel Esprit anthropologique ». C'est-à-dire que `'la conquête du présent'' participe à cette nouvelle rationalité qui, faisant place au Principe du Tiers donné, au polythéisme cohérent des valeurs antagonistes, réanime par là le vénérable Principe d'identité en le plongeant dans l'océan infini des différences radicalement hétérogènes (Maffesoli, 1979 : préface : 9). C'est l'équilibre entre la rigidité des emplois et les ruses de la vie qui fait réellement survie toute société par le flux dynamique et les réactions contradictorielles de la socialité. La violence se présente comme une duplicité. A partir de la violence, on appréhende la bifrontalité du phénomène humain. La violence est lieu de «l'enracinement dynamique » qu'est le présent. En effet, toute socialité est conflictuelle et que toute harmonie est fondée sur la différence. C'est cette ambivalence assumée qui explique la perdurance de la déambulation de la socialité scolaire (Maffesoli, 1979). Ce qui est au fondement même de la violence dans les établissements scolaires est lié à la nature humaine. Il existe dans la pratique et les créations quotidiennes un esprit «chevaleresque » ou d'aventure qui échappe largement à la morale. Il y a une noblesse de la masse, faite de cynisme, de scepticisme ou de relativisme par rapport aux valeurs qui fait fi des impératifs moraux (tout en s'y pliant apparemment) qui constitue l'essentiel de la socialité, ce par quoi le collectif prend corps (ibid : 49). La présence des violences sous toutes ses formes dans les établissements scolaires se comprend ainsi aisément dans la mesure où lorsqu'on fonctionne sur un projet, lorsqu'on veut rationaliser ou planifier l'existence, en bref lorsqu'on veut `'reformer'' les institutions sociales, l'impact du «devoir-être » se fait de plus en plus prégnant et avec le plus de force. Mais la vie en expansion sait largement ruser avec les impositions normatives et extérieures (ibid. : 50). Elle exerce une indéniable, fascination qui n'est pas toujours en accord avec la morale officielle de l'école. Il ne s'agit pas ici d'accorder au criminel une génialité qui lui fait souvent défaut, il n'est pas question non plus d'en faire un nouveau sujet historique, il suffit de constater que la pratique de la violence n'est pas une exception, et si discrète soit-elle, elle témoigne d'une distance réelle par rapport à une morale uniforme et ses lois. Face aux différentes normes nécessaires dans la vie sociétale, fussent-elles des normes scolaires, les différents groupes peuvent plus ou moins s'y conformer sans pour autant les intérioriser. Comme le rappelait Nietzsche, «c'est la forme communément régnante de la barbarie que l'on ne sache point que la moralité est une affaire de goût ». Il suffit de comprendre le goût dans son acception le plus large pour saisir que la morale ne peut être que très diversifiée. Par ailleurs, du fait de leur localisation dans une urbaine, les établissements secondaires sont des substrats à la socialité en acte de la vie quotidienne. Ici, c'est par la duplicité, plus ou moins consciente, que les élèves apparemment intégrés à l'ordre scolaire, gardent un quant à soi qui leur permet de survivre au travers des diverses impositions de cet ordre. Il est sans cela impossible de comprendre la perdurance de la vie quotidienne. Ainsi que le souligne Baudrillard (cité par Maffesoli, 1979), la masse ne répond pas tout en donnant l'impression de participer, d'être présente, de travailler. « Une telle ruse n'est pas une attitude contemporaine, c'est pourrait-on dire une structure anthropologique qui assure aux travers des histoires humaines un sérieux bouclier contre les agressions des pouvoirs extérieurs » (Maffesoli, 1979 : 77). Les attitudes et comportements des jeunes à l'école permettent donc de comprendre tout ce que la «déambulation existentielle et sociale » a de chaotique, d'imprévu, d'aléatoire. A côté de la direction linéaire et assurée qu'essaie d'organiser la gestion administrative scolaire officielle, il y a un processus hasardeux de mollesse, de passivité mais aussi de violence, qui avance au rythme des passions, des rencontres, des contraintes, de petites morts de tous les jours. Il se déduit par conséquent qu' « Il y a un conflit entre la pratique sociétale qui engendre institutions, contrôle, domination, et le surréalisme empirique qui est tout en concrétude ; le premier renvoie à l'ordre de la morale, le second à une expression éthique qui aide à vivre le destin, au jour le jour, par le biais d'un imaginal luxuriant et désordonné » (ibid. : 80-81). Mais c'est certainement ce second cas qui assure à l'abri de divers masques et par le biais de diverses ruses la perdurance scolaire. Face à une gestion de l'existence qui est avant tout linéaire, planifiée, pleine de sens et rationnelle, le `'double `' introduit la discontinuité, le non-sens, l'accentuation sur le présent. C'est dire le vivre pleinement sans se préoccuper de l'avenir. Un quotidien vécu au jour le jour, pou lequel rien n'est nouveau sous le soleil. Sur tout un autre plan, l'Education Physique et Sportive est un autre lieu où se s'observent incivilités et incivismes des élèves de Yaoundé. Ce que vivent les élèves en Education Physique et Sportive (EPS) est-il conforme aux injonctions, normes et règles imposées par les enseignants, les activités sportives et l'école ? Autrement dit, il est question de lire derrière la tenue du corps, les écarts transgressifs des civilités et de la transparence scolaire. VI.3.2. Le braconnage corporel : normes et détours en éducation physique et sportive Une pensée réductrice et «éducativement correcte » nous pousserait à croire que le rapport de l'élève à l'EPS peut s'envisager en termes de stricte conformité ou de rupture totale, d'adhésion passive ou de passion exacerbée. Le quotidien est bien plus complexe. Ce qui se passe dans l'isolement de la classe, du gymnase, du terrain de football ou de handball, «échappe bien souvent à toute anticipation » (Terret, 1998 : 363). C'est pour cette raison fondamentale que cette étude n'entend pas seulement rester à l'analyse univoque de ce qui se passe entre les quatre murs des salles de classes, dans les cours de recréation, dans les rues, mais s'intéresse aussi à l'Education Physique et Sportive (EPS) qui est présentée ici comme un ordre corporel adoptant les règles et normes dictées par les activités physiques, l'orthodoxie des méthodes d'enseignement et les valeurs de l'école. Une observation des activités d'éducation physique et sportive (activité non moins importante pour la vie d'un établissement), montre que le quotidien des élèves du secondaire yaoundéens s'exprime également à travers une socialité corporelle privilégiant les aspects imprévus, tactiques, émotionnels entre autres. Mille manières de «braconner corporellement », permettant d'exister autrement dans les marges de l'Education Physique et Sportive, et porteuses de sens. A ce titre, cette partie s'inscrit dans la même mouvance que le précédent. C'est-à-dire, la perspective d'une analyse en profondeur des comportements déviants chez les jeunes scolaires de Yaoundé pour mettre en lumière les incivilités, mieux, la socialité qui les marque. L'observation empirique des classes de l'enseignement secondaire à Yaoundé en EPS montre qu'à côté d'une éducation corporelle qui se veut consciente et volontaire, omniprésente, souvent pesante et rationnelle, se retrouve toujours, ce qui relève d'une socialité corporelle ``minuscule'' privilégiant les aspects tactiles, imprévus, émotionnels, conflictuels et aléatoires. Une socialité discrète ou bruyante qui n'en reste pas moins très prégnante et assure de fait la cohésion du groupe-classe. Dans ce sens, il est possible de penser, que l'EPS en même temps qu'elle instaure des attentes normatives et un ordre corporel visible et institutionnel qui font l'objet d'un enseignement, inclut sans qu'elle s'en trouve forcément perturbée, une socialité qui bouillonne dans les marges et interstices. Cet «art de faire » (De Certeau, 1990), permet d'exhumer les formes subreptices que prend la créativité dispersée, tactique et bricoleuse des groupes et des individus pris désormais dans les filets de la surveillance (Foucault, 1975) et auxquels nous donnerons du sens. Il s'agit donc, à partir du cadre théorique et méthodologique que nous avons opté, en l'occurrence ethnographique, d'intégrer une telle socialité, pour saisir, dans leur fugacité, les événements constitutifs de la réalité et du quotidien de l'EPS dans les lycées et collèges à Yaoundé. Une EPS vécue dans les marges («intervalles d'espace ou de temps, latitude dont on dispose entre certaines limites -- marges de liberté, marges de réflexion --» [Dictionnaire Le Robert, 1993 : s.v. « marge »]), faite de ruses, de duplicités, de transgressions et de conflits pour exister et grandir au-delà d'une éducation corporelle volontaire et rationnelle. Ces milles pratiques, comme nous le verrons par la suite, jaillissent durant le cours d'EPS, vécu par les élèves à la fois comme moment d'imposition d'un ordre pédagogique rationnel, technique, sérieux, et en même temps, espace de liberté pour des corps hédonistes, des vagabondages corporels. VI.3.2.1. Les tactiques aux marges de la séance Par tactiques un calcul qui ne peut pas compter sur un propre, ni donc sur une frontière qui distingue l'autre comme une totalité visible. La tactique n'a pour lieu que celui de l'autre. Elle s'y insinue, fragmentairement, sans le saisir en son entier, sans pouvoir le tenir à distance. Elle ne dispose pas de base où capitaliser ses avantages, préparer ses expansions et assurer une indépendance par rapport aux circonstances... Il lui faut constamment jouer avec les événements pour en faire des ``occasions'' (De Certeau M., 1990 : XLVI). Il s'agit à présent de scruter ces tactiques pour évaluer leur degré d'importance dans le comportement des jeunes scolaires yaoundeens. C'est donc à ce titre qu'il est possible de cerne la nature des rapports qu'une rationalité corporelle entretient avec ces «arts de faire » au quotidien, générés par la, jeunesse scolaire de Yaoundé. Quels sont les principaux enjeux anthropologiques véhiculés de manière implicite et explicite par les écarts, les distractions, les évasions en EPS ? Quelles parts d'imaginaire et de symbolique sont sollicitées par ces arts de faire au féminin et au masculin à l'école ? Comment se déclinent ces «arts de faire » au quotidien selon les individus, les groupes, les activités en EPS ? Quelle est leur importance dans le champ de l'EPS considéré comme un système où l'investissement du sujet diminue proportionnellement à la mesure de l'expansion des techniques corporelles ? Autant de questions qui rendent urgente une anthropologie politique de ces «arts de faire » dans le système éducatif. Il nous semble important, dans l'optique de trouver des réponses satisfaisantes à ce questionnement, de procéder à une archéologie de l'EPS. VI.3.2.1.1. La sexualité «dévoilée » entre plaisir et pouvoir La sexualité n'est point considérée en pédagogie pour ne pas dire déniée. Avec des enfants, la phase de latence est invoquée comme justification théorique. La sexualité «agie ou fantasmée, est censée être vécue ailleurs » (Pujade-Renaud, Zimmerman, 1979 : 49). Et pourtant les élèves du secondaire à Yaoundé expriment leur sexualité en tant que processus clandestin de l'acte éducatif. Concrètement, le matériel pédagogique faisant partie de la panoplie professionnelle du cours d'EPS, à savoir, les baguettes de la course-relais, les aires de jeu, ballons de handball ou de football, etc., ont été souvent détournées de leurs fonctions habituelles à maintes reprises. Cest ainsi que nous avons pu observer, par exemple que, certains garçons plaçaient, à hauteur du bassin en guise de sexe, la baguette de course-relais, à plusieurs reprises, durant les séances d'athlétisme, et dans une course effrénée, poursuivaient leurs camarades filles. Des gestes de copulation sont faits sur le poteau de volley-ball ou de saut en hauteur par des garçons provoquant la colère ou les moqueries des filles. Le ballon de basket-ball est utilisé pour jouer à la femme enceinte... notamment par les garçons. Il s'agit bien là d'une forme de sexualité qui s'exprime à travers les faits et gestes. Claude Pujade-Renaud souligne ainsi fort justement que, cette sexualité qui, si elle n'est pas dite explicitement pendant un cours, «est sous-jacente ou tente de s'exprimer clandestinement » (ibid. : 59). Ces élèves des lycées et collèges de Yaoundé, surtout ceux du secondaire premier cycle, en début de crise pubertaire, tentent de parler de cette « sexualité interdite » par l'intermédiaire de papillons circulant en catimini non seulement en classe ou en cours de recréation, mais aussi durant le cours d'EPS mentionnant qu'un tel aime une telle, par les injures et gestes à connotations sexuelles, par les graffiti (coeurs, initiales et sexe masculin, les caricatures d'acte de copulation notamment). Les différents registres sensoriels, visuels, olfactifs entre autres sont sollicités au quotidien. Dans le registre auditif, les trottinements sont accompagnés des claquements rythmés des mains et, parfois, des chansonnettes de « sodome et gomorrhe »52(*), chansons grossières et non conforme à la moralité (Mono Ndjana, 1999 : 5) jusqu'à indisposer l'enseignant. Ce jeu de chanson improvisé impliquant un tiers de la classe surgira à plusieurs reprises durant la même séance et les autres, provoquant les injonctions menaçantes du professeur. Il est possible de récuser que ces dialogues sonores collectifs soient à considérer comme sexuels. Pour l'affirmer nous nous fondons non seulement sur les apparences extérieures (jubilation, regards pétillants et complices, intensité des gestes et gémissement) mais également sur le ressenti exprimé par la suite par les élèves. Ce magma sonore « est peut-être alibi d'une participation non culpabilisante et non dangereuse à une forme de sexualité collective » (ibidem : 56). Dans un autre contexte, les applaudissements répétitifs et appuyés de manière concertée par l'ensemble de la classe, durant l'évaluation des enchaînements en gymnastique, nous semble également relever d'un dialogue sonore à connotation sexuelle. Sexualité clandestine et diffuse permettant de tester l'autorité de l'enseignant, à en croire la joyeuse complicité et la connivence des d'élèves, notamment des garçons impliqués dans ces « chahuts improvisés » et le ton comminatoire de l'enseignant. Les interdits liés à la sexualité dans les collèges et lycées sont évoqués dans les règlements intérieurs de chaque établissement. Cependant, cette sexualité s'érige en point de passage particulièrement dense pour les relations de pouvoir entre homme et femme, jeune et vieux, parents et enfants ainsi qu'éducateurs et élèves (Foucault, 1984). Pour ce dernier, «le rapport pédagogique, les contrôles familiaux peuvent bien avoir pour objectif global et apparent de dire non à toutes les sexualités errantes et improductives ; de fait ils fonctionnent comme des mécanismes à double impulsion : plaisir et pouvoir » (Foucault, 1976 : 62). La sexualité se décline au masculin (ports de vêtements, coiffures, parfums, oeillades, mains aux fesses des filles, etc.) et au féminin (tressage des cheveux entre filles durant les pauses, prêt de bijoux, discussions sur les qualités et défauts des garçons, etc.) mais également sous formes de conflits. Quelques disputes ou bagarres durant les sports collectifs trouveraient leurs origines, d'après un professeur d'EPS du lycée Général Leclerc dans les rivalités amoureuses entre garçons de la classe. Et que peut-on penser de ces élèves qui gardent le short légèrement en dessous du «postérieur », malgré la présence de l'enseignant, pour «plaire aux filles » ? Tactiques de séduction entre filles et garçons qui expliquent les comportements vestimentaires. Le foulard est gardé sur les hanches par certaines filles pour dissimuler un postérieur jugé trop proéminent durant la course d'endurance et en gymnastique. Port des bermudas, des maillots trop moulant. Ces conduites ne sont-elles pas révélatrices de canons corporels à la mode et d'une pudeur personnelle ? Bref un ensemble de minuscules plaisirs braconnés par les élèves en réaction aux interdictions de l'établissement et au déni explicite et implicite de la sexualité à l'école. Ces conduites sexuelles qui s'expriment en marge du cours d'EPS peuvent être également interprétées comme autant de «signes des luttes anthropologiques fondamentales, que sont celles des sexes et des générations » (Balandier 1998). Luttes immergées dans les «spirales perpétuelles du pouvoir et du plaisir » (Foucault, 1976 : 62). VI.3.2.1.2. Les jeux du masculin et du féminin « Faire son beau et être le plus fort » pour les garçons observés ici et là , participe certainement de valeurs masculines pour s'imposer dans la hiérarchie de la classe et affirmer son identité. Etre le plus fort est une insistante préoccupation des élèves garçons. Nombre d'élèves interrogés déplorent tout de même, qu'en foot notamment «tout le monde se croit le plus fort ». Les filles portent une appréciation dévalorisante sur cette « vaine et puérile » quête d'être le plus fort. Pour bon nombre d'élèves filles, «les garçons ne font que les beaux ; ils veulent faire que leurs machos et c'est tout ». Un macho étant défini comme quelqu'un qui veut être « le plus beau et le plus fort et c'est tout » toujours selon les propos des élèves filles interviewées. Les constitutions des équipes pour la pratique des sports collectifs sont vécues sur le mode de la performance avec mise à l'écart des filles «aussi des fois on joue mélangé avec les garçons ils ne font pas des passes ils croient qu'on est nulles » d'après une élève du collège Siantou. L'objectif est de jouer avec les garçons de la classe qui dévalorisent les filles : « on essaye d'être mieux qu'eux, ils croient quand on est nulle alors on essaye justement de leur montrer qu'on n'est pas nulles », notamment quand les activités pratiquées se situent sur un pôle dont les valeurs sont masculines, à savoir la force, le contact, et quelquefois les chocs en, handball et football. À la question de savoir pour quelles raisons le football ne les motive pas, les élèves filles répondent : « parce qu'ils (les garçons) nous gênent, ils nous tapent, à chaque fois que nous ne parvenons pas à faire quelque chose ils nous crient et tout ça ». Le handball et la gymnastique sont appréciés par les filles alors que le basket-ball, le volley-ball et le football, excepté pour certaines filles, constituent un moment où les garçons peuvent se valoriser, entrer en compétition et «faire les forts ». VI.3.1.3. Le détournement de la fonction pédagogique du matériel Lors des temps morts ou des pauses, la raquette fait office de guitare durant les séances de jeu de tennis ou de ping-pong. Un bref concert est improvisé et mimé par quelques élèves récalcitrants qui s'esclaffent de rire. La raquette est également utilisée, comme chasse-mouches, poêle à crêpes avec gestes de haut en bas, à l'appui ou comme instrument afin de frapper le camarade lors d'un conflit portant sur l'évolution du score. Minuscules gestes qui se glissent qui «s'insinuent » comme dirait De Certeau (1990) dans la séance d'éducation physique de manière subreptice, furtive, clandestine comme autant de «pratiques quotidiennes fondées sur le rapport à l'occasion et à l'imprévu » (de Certeau, 1990 : 296). Le bâton monté sur un support est utilisé comme microphone provoquant les déhanchements des uns dans le souci d'imiter un chanteur de makossa, bikutsi, rap ou du hip hop.... Dans la même veine, la bouteille en plastic amenée par le vent fait l'objet d'une partie de football improvisée pendant que l'enseignant dispose les cônes ou trace des lignes pour délimiter les espaces de jeu alors que les élèves avaient pour consigne d'échauffer le corps avant le match de football. Le ballon de handball ou de football, les masses pour le lancé de poids sont utilisés comme projectile lors de fréquentes disputes. Gestes de colère qui envoient la balle ou la masse sur la tête ou le corps des adversaires du moment. Cette pratique prohibée par l'enseignant, fait l'objet de constantes transgressions que ce soit de manière furtive ou prolongée. Lors des moments de rangement en fin de séance, les tapis de gymnastique servent de queue de pie afin de faucher les camarades en effectuant une demi-volte. Ne peut-on rapprocher ces comportements « des tactiques clandestines et des mille manières de braconner inventées quotidiennement ? » (De Certeau, 1990). VI.3.2.1.4. Le rire comme lien et antidote au sérieux de l'école Le rire constitue un des liants de la classe et est en permanence valorisé que ce soit en cours d'EPS, en français et en histoire et géographie. Certains élèves trouvent leur place auprès de leurs pairs parce qu'ils savent faire «le clown ». Ils éprouvent bien du plaisir à faire rire tout le monde. Quelquefois ceux-ci n'hésitent pas d'utiliser leurs talents d'imitateur des tics d'enseignant pour établir un climat convivial. Que les rires soient moqueurs et méchants, admiratifs ou complices, ils revêtent cependant, une réelle importance pour la classe et sont très souvent mentionnés durant les entretiens. Les pitreries, les clowneries sont très pratiquées et appréciées par les élèves lors des séances de gymnastique. Certains, en rupture complète avec le système scolaire et leurs savoirs, existent pleinement à travers les nombreuses facéties appréciées par la majorité de la classe. Les rires à gorges déployées sont très nombreux après une balle ratée par un pair, une chute en pleine cours et en gymnastique, etc. VI.3.2.1.5. Le dehors du regard de l'enseignant : la duplicité en action Une séance de gymnastique sans bagarres et sans disputes pour les tapis de gymnastique aurait-elle eu le même intérêt et ce malgré les recommandations de l'enseignant à chaque séance ? Une élève du collège Vogt de Yaoundé nous confie lors d'un entretien que : « oui on ne fait que de sauter dans les tapis». Les observations nous ont montré que ces conduites étaient répétitives comme pour mieux satisfaire un trop plein d'énergie. Bousculades, prises d'élans et percussions des tapis disposés verticalement contre le mur du gymnase étaient très prisés par l'ensemble des élèves, en début et fin de séance. Dés que l'enseignant tourne le dos pour s'occuper d'un élève ou pour ranger du matériel, la mobilisation des enfants monte d'un cran : « ouais, en fait le prof nous disait de faire par exemple, la chandelle, le saut du lion, l'appui tendu renversé (ATR), la roue et la roulade et nous on fait autre chose carrément » s'exclamait une élève considérée par le professeur, comme une élève sérieuse. Les répétitions de gestes sont diversement suivies. Venir perturber les conduites motrices des pairs, fait également partie des minuscules plaisirs quotidiens de l'EPS. Les bousculés durant l'exécution des exercices, provoquant de brèves courses-poursuites dans le gymnase ou sur le terrain de sport. Couper les angles du terrain de handball ou de football lors des échauffements fait partie des braconnages inclus dans la séance jusqu'à provoquer la colère de l'enseignant qui redéfinit le trajet... qui est à nouveau réduit par quelques élèves, fiers d'avoir ainsi, braver l'autorité professorale. Marcher durant le footing malgré une évaluation séquentielle proposée, a constitué un moment fort de l'année scolaire repris souvent dans les discussions deux élèves surpris en pleine discussion évoquaient se rappelaient avec plaisir non dissimulé, les ruses employées pour s'extraire des contraintes de la course d'endurance : « Des fois ils étaient loin pendant que nous marchions, puisque le professeur ne nous voyait pas et quand il nous regardait, nous on marchait, on courait et on avait quand même des points et puis il avait dit si j'en vois un marcher, il est éliminé en ce moment, quand il se retournait, on faisait semblant de courir». Renouer à plusieurs reprises, les lacets des chaussures durant la course de durée pour s'extraire des contraintes de la tâche demandée...faisait partie des tactiques d'élèves peu motivés par cette activité. Cette duplicité étant partagée par une dizaine d'élèves qui demandent à l'observateur impliqué, de garder bouche cousue. La duplicité comme capacité sournoise d'en prendre et d'en laisser, de ruser avec le système et d'introduire dans quelque activité un « double » qui permet la lucidité, en même temps que « l'investissement » (Maffesoli, 1979). VI.3.2.1.6. La tenue : un passage pas tout à fait conforme Véritable institution dans le paysage scolaire camerounais, la tenue est portée par la plus grande part des élèves tant du système public que du système privé. Selon nos informateurs, « la tenue scolaire est supposée rendre les élèves égaux sur les bancs des classes ». Pourtant, l'observation empirique de l'environnement scolaire yaoundéen montre un « paysage » socialement stratifié au regard des différents accessoires identifiés dans l'accoutrement des élèves : sacs, casquette, montres, lunettes, chaussettes, chaussures dont les prix varient entre 25000 et 100000 CFA , pulls et t-shirt à longues manches(portés sous la tenue quelle que soit la saison de l'années), le nombre de tenues possédées (certains élèves déclarent avoir 2, 3 voire 4 tenue), de la couture sur mesure ou achetée à l'établissement. Ces accessoires permettent de faire la différence entre ceux de la bourgeoisie compradore (5 à 10% de la population de Yaoundé), ceux de la classe moyenne (10 à 15% de la population de Yaoundé) et ceux du prolétariat urbain (70-80% de la population de Yaoundé).53(*) A ce sujet, Françoise, élève de troisième, propose, non sans humour, un début de solution pour restaurer l'égalité : « je pense qu'on devrait faire pareil avec les chaussures ». Jacques (élève de quatrième), par contre, reste catégorique et affirme ainsi : « je considère la tenue comme un vêtement inutile parce que nous les jeunes, nous voulons aller à l'école sans tenue, comme chez les européens »54(*). Un avis que nombre de ses camarades ne partagent pas : « l'uniforme est bien car ça permet à l'élève d'être à sa place en public », concluent les élèves à l'issue d'un entretien de groupe. L'uniforme scolaire rétabli aussi un certain ordre, puisque « l'élève est limité dans ses distractions car l'entrée des bars, des ciné-clubs et autres lieux de divertissement est interdite à toute personne portant la tenue scolaire », rappelle un élève au cours d'un entretien de groupe. La tenue permet aussi d'éviter toute confusion malheureuse : « les jeunes professeurs sont distingués des élèves », fait observer un élève du groupe interrogé. Tout comme l'uniforme de classe, la tenue de sport, objet pour la spécificité de la discipline, est, elle aussi, un espace de détours : espace de conformité à la norme et simultanément de transgression dans le sens où sa relative uniformisation n'efface jamais le travail de singularité que les élèves opèrent à son sujet. La première séance de l'année scolaire avec la classe donne l'occasion à l'enseignant, de préciser de manière solennelle, la tenue ``officielle'' : « tennis avec des chaussettes, les lacets bien serrés, le short et le t-shirt de l'éducation physique d'une couleur bien précise. Le port des pantalons fuseaux, de survêtement ou d'un sweat est dans la majorité des établissements non autorisé ». Cette exigence de tenue en EPS sera respectée par la majorité de la classe durant l'année scolaire, avec des rappels à l'ordre récurrents comme volonté de correspondre à la neutralisation et uniformisation des corps dénoncés par Gleyse (2000 : 31). Mais à regarder de plus près, la tenue en EPS est l'objet de rites de passage d'une discipline à une autre : le cours débute par un changement de vêtements dans le vestiaire du gymnase, de la piste d'athlétisme dans les salles de classe, les toilettes, sur le terrain à l'air libre ou tout simplement derrière les arbres en l'absence de vestiaires. Le changement de tenue donne l'occasion de s'évaluer entre garçons du point de vue morphologique, de mobiliser les biceps de manière ostentatoire pour certains ou d'enfiler rapidement le t-shirt pour d'autres, afin de ne pas s'exposer aux regards des pairs, qui les qualifient de «gros et graisseux ». Les railleries, les moqueries entre filles et garçons fusent surtout lorsque les vêtements n'appartiennent pas aux marques à la mode (nike, addidas, diaddora...) valorisées par les vedettes du monde de la mode, du sport de haut niveau tels Eto'o, Ronaldo, Zidane (Footballeurs) ou de la musique. Le changement de survêtement, est commenté par les filles avec quelques doses de méchanceté : « tu es toujours aussi laid même avec ton nouveau survêt. ». Que dire des chaussures non lacées malgré les incessantes recommandations du professeur d'E.P.S. pour des raisons de sécurité : «celui qui n'a pas serré les chaussures pour faire du footing ou courir... observation ». Les raisons évoquées par les élèves se situent du côté d'une conformité à la mode du moment : « Chaussure en chassée, lacets défaits avec des languettes carrément en liberté, short en taille basse, ou T-shirt démembré...et c'est à la mode !» répond fièrement un élève. Ce sont là autant de signes de ralliement, de reconnaissance d'une génération. À moins que ce ne soit pas tout simplement une manière de se conformer à quelque tic issu du sport de haut niveau. VI.3.2.1.7. Le débordement des consignes de l'enseignant Les consignes dictées par l'enseignant engendrent des effets incontrôlables de la part des élèves qui introduisent le ludique ou l'agressivité et des effets pervers car non attendus. Les élèves de cette classe, comme leurs pairs, appliquent de manière partielle ou redéfinissent les consignes à maintes reprises, soit par manque d'informations soit selon des stratégies bien établies (on délègue ceux qui écoutent durant la transmission des consignes), soit par indiscipline ou par manque de savoir-faire. L'athlétisme offre entre autres, des possibilités de passer outre les consignes comme nous venons de le voir. La course d'endurance révèle des comportements déviants par rapport à la norme explicitée : les élèves courent en alternant accélérations et ralentissements alors qu'il leur a été demandé de courir régulièrement. Ces ruptures de rythme sont souvent usitées et appréciées par la majorité de la classe, déclenchées par quelques meneurs en imitant le bruit d'une mobylette, gestes de poignets à l'appui pour évoquer la mobilisation de la manette d'accélération. Les moments où les consignes de réalisation sont présentées par l'enseignant sont diversement suivis. Si le premier cercle des apprenants, à proximité immédiate du professeur, est très attentif, il n'en est pas de même des autres élèves dont l'attention peut être attirée par une discussion sur une marque de vêtements, sur les performances des célèbres footballeurs Eto'o et Ronaldiho55(*) ou sur les actions qui viennent de se dérouler. Il est très difficile d'obtenir une concentration maximum pour l'ensemble de la classe par rapport aux consignes verbales. Les jongleries avec les ballons, les petits coups dans le dos du voisin sont loin d'être rares alors que le professeur s'exprime. La mise en circulation d'un discours et de représentations par des éducateurs, n'indique nullement ce qu'elle est pour ses utilisateurs. Encore faut-il analyser « sa manipulation par des pratiquants qui n'en sont pas les fabricateurs » (De Certeau, 1990 : XXXVIII). Il est possible de continuer l'énonciation des conduites en marge des règles imposées par l'enseignant de l'EPS ou le lieu et la durée des séances, qu'il s'agisse des pauses, des passages à vide durant les séances de gymnastique, en football, en handball, etc (Goffman, 1974 et Lucas, 1981) comme pour mieux garder ses distances et ne pas être entièrement absorbé par les propositions éducatives ou encore des petits murmures hors des préoccupations de la classe (discussion sur le film de la veille à la télévision56(*), sur la coupe de cheveux d'une fille de la classe ou sur la quantité de gel afin de faire tenir la coupe en brosse de telle ou telle vedette de la mode, sur les liens réels ou supposés entre filles et garçons de la classe...) par rapport aux prescriptions de l'enseignant (Javeau, 1985), ou enfin, comme le laisse entendre Bourdieu, sur l'existence d'un jeu actif et inventif avec les règles, pratiqué dans la cohérence partielle inhérente au sens pratique (Bourdieu, 1980). Minuscules comportements qui contribuent à construire l'histoire de la classe, dans les marges des normes imposées par l'école et les disciplines. De ces multiples observations, sur les normes et le jeu avec les normes, il reste à faire émerger, ce qui fait l'objet d'une recherche en cours, les rites d'interactions dans la classe, le ou les emblèmes fédérateurs ainsi que les préoccupations anthropologiques entre autres, en adoptant une démarche ethnologique. VI.3.2.1.. Vers une EPS transgressive...pour exister S'il y a tentative de régularisation des conduites des élèves et mise en place d'un processus d'uniformisation et d'artificialisation corporelle en EPS (Gleyse, 1995 : 257), force est de constater, de par une observation minutieuse des conduites au quotidien de l'environnement scolaire yaoundéen, que l'élève n'hésite pas à s'engouffrer dans les interstices, dans les marges, déployant une inventivité remarquable et une jubilation souvent communicative. En d'autres termes, si les «procédures de la surveillance scolaire », au sens foucaldien des termes, cherchent à enfermer le désordre corporel dans un périmètre pédagogique, le réussit-elle vraiment ? Un espace de jeu, de liberté, de désordre même, se glisse entre normes, lois et règles permettant aux élèves et au groupe-classe d'exister de manière non convenue et tout à fait singulière. Il ne déplaît pas au professeur EPS des lycées et collèges. Labbé nous révèlent ces ruses du quotidien que l'élève invente au fur et à mesure de sa scolarité pour couper à la gymnastique (Labbé, 1930 : V-VI). Tout de même, on retrouve chez Boigey des critiques qui, elles aussi, indiquent la réalité de l'ennui face à l'exercice physique, face au travail imposé pour ``leur bien'' à ces élèves dont «les plus moroses finissent par rire sous cape de ces gestes de demoiselle, vagues et sans but (...) ils pratiquent mollement une gymnastique molle. Ils ne font rien » (Boigey, 1932 : 209). Nous serions tentés d'insérer ces conduites buissonnières ou de braconnage corporel dans «le réseau d'une anti-discipline » selon l'expression de Certeau (1990 : XL). Comportements dans le dos de l'enseignant, redéfinition des consignes, jeux avec le matériel pédagogique comme autant de « technologies muettes qui déterminent ou court-circuitent les mises en scène institutionnelles » (ibid. : XXXVIII) et interrogent l'EPS. En fait, ce braconnage corporel quotidien pourrait être interprété comme un refus partiel de la rationalité, de la discipline et de la technicité envahissante dans le champ de l'EPS, et de manière positive contribuerait à construire l'identité du groupe à travers anecdotes, transgressions, conflits et tensions. Ces écarts de conduite qui correspondraient à ce que Andrew Pollard, cité par Berthier (1996 : 103) nomme, des «sources d'intérêts disponibles » représentent en réalité les volets multiples des opportunités kaléidoscopiques de la vie de la classe que l'individu saisit ou non afin de satisfaire l'appartenance à un groupe de pairs et la constitution ou le renforcement de l'image de soi. En tant que tel, le travail scolaire, ne représente pas un intérêt premier et l'on peut même suggérer qu'il n'est pas le plus important des intérêts. La socialisation qui passe par l'appartenance à un groupe et le maintien au sein de ce groupe, de son image identitaire priment les préoccupations liées aux apprentissages. Dans cette socialité scolaire vivante des lycées et collèges à Yaoundé, il devient tout à fait impossible à un professeur d'imposer sa ``définition de la situation'', c'est-à-dire d'interdire aux élèves de sortir d'un pur rôle d'apprenant. Un tel coup de force risquerait de la placer, face à beaucoup de classes dans une situation difficile : « La vocation, l'assiduité, l'apprentissage et les savoirs formaient le cadre de l'appréhension traditionnelle de la raison d'être de l'école ; l'implication instrumentale, les ``intérêts disponibles'', les ``stratégies'' et la ``combination'' généralisée fournissent aujourd'hui les catégories de son fonctionnement » (Berthier, 1996 : 104). Les élèves empêtrés dans la scolarité obligatoire se jouent du système. Il est donc nécessaire pour que l'ordre règne que les pédagogues s'aveuglent et laissent s'implanter un tout autre système qui en transgresse constamment les règles sans qu'il y paraisse : « Les élèves en viennent ainsi à déployer une ``concealed deviance'', une déviance dissimulée, secrète, offusquée par le voile que jette sur elle le respect de la ``lettre'' des institutions » (Ibid. : 111). Au total, cet espace de liberté, fait de braconnages corporels, de transgressions ne permettrait-il pas de mieux accepter les contraintes institutionnelles liées à l'EPS et à l'école ? Ces marges corporelles participeraient d'une oeuvre pacificatrice et révéleraient d'autres enjeux. Elles seraient la caution démocratique du système d'ordre scolaire : « Car, sans être influente, elle n'en est pas moins reconnue : on encourage l'expérimentation ou la contestation si elle se confond à un moment donné avec un système dominant qui la contient ou l'absorbe » (Djian, 2000 : 20). Le verrouillage éducatif se ferait en douceur ; le système d'ordre intégrerait les marges comme un mal nécessaire. D'autant que le désordre en éducation ne peut être entièrement évacué, qu'il n'a jamais cessé d'exister sous forme de chahuts, de violence, de conflits en réaction au système de normes, de règles en vigueur selon les cultures de groupe ou individuelles (Lapassade, 1993). En résumé, les observations recensées ci-dessus ont permis ainsi d'étayer une description théorique préalablement définie. Elles ont permis aussi de voir qu'il existe, dans le monde scolaire, des interactions multiples et tout à fait subtiles qui ne se laissent pas stricto sensu, se réduire et qu'il est vain de vouloir nier, de désigner et de reconstruire les objets considérés jusqu'à présent comme infrasociologiques. L'on a ainsi découvert les règles informelles, les adaptations secondaires, les différentes stratégies qui sous-tendent les négociations et maintiennent la cohésion de la société scolaire. « Le métier de l'écolier », tous ces comportements déviants que l'on a observés en milieu scolaire, peuvent être considérés, en dernière analyse, et traités comme des redéfinitions de la situation, opérées par les élèves qui associent ces différentes stratégies. Les procédures de négociation du travail scolaire ont été employées du point de vue des stratégies de survie tant du côté de l'élève que de l'enseignant. Dans une approche idéaliste du fonctionnement scolaire, ces déviances, parfois dénuées de sens peuvent conduire à penser que l'identification des conflits suffirait à résoudre ceux-ci. Cet éclairage spécifique de la scène scolaire a permis de descendre un peu plus en profondeur pour appréhender la socialité scolaire toujours dans sa déclinaison phénoménologique, au travers de laquelle les jeunes scolaires construisent et reconstruisent leur identité et font face à l'imposition totalitaire de l'ordre scolaire. Par ailleurs, à travers le parler (francanglais), les incivilités (les violences) et le braconnage corporel des jeunes scolaires, l'on a appréhendé l'importance de la puissance de la souveraineté de la socialité face à l'ordre et à la logique scolaire dominante et omniprésente. Ce sont ces modulations diverses des comportements des jeunes scolaires qui, tout en refusant l'ordre du sens, accentuent l'investissement du présent scolaire et du tragique qui lui est inhérent (Maffesoli, 1979 : 26). A partir de ces différents cas, nous avons pu saisir comment les acteurs scolaires envoient des signaux à la société, à travers des interactions qui se développent en s'adossant sur des pratiques qui s'écartent de la norme scolaire. En dépit des apparences qui font que les comportements déviants soient considérés comme de simples actes de délinquance, nous constatons que les apparences sous toutes ses formes sont des vitrines de multiples situations et actes sociaux, et contrairement à ce que d'aucuns pourraient penser, les comportements déviants des jeunes scolaires ne sont pas forcément un simple fait de transgression à usage non fondé, mais il est fondamentalement l'effet de la conséquence de toute socialité en acte (Maffesoli, 1979 : 15). Autrement dit, pour comprendre les phénomènes des comportements déviants dans son déploiement dans l'enseignement secondaire à Yaoundé, ce ne sont pas tant les actes qu'il faut suivre et condamnés, mais il s'agit aussi de saisir les motivations qui poussent les acteurs à agir de la sorte. Car les comportements déviants qui envahissent l'école à Yaoundé participent des rituels dans ce que Balandier appelle «les territoires de la socialité », c'est-à-dire cette perpétuelle «tension entre le social et l'évasion du social, entre la relation fondatrice et la disjonction destructrice » (Maffesoli, 1979 : 46). Dès lors, la configuration au sein des espaces scolaires yaoundéens des comportements déviants n'est pas un acte dénué de sens. Elle participe d'un fantasme qui tend à «restaurer un paganisme pluriel face à un monothéisme réducteur et simpliste » des institutions normatives (Maffesoli, 1979). Dans une société où les relations et les interactions sont guidées par les conflits et les rapports de domination, les comportements déviants des jeunes à l'école sont une manière de participer à la vie sociale. Ainsi, le moi s'exprime en tant qu'individualité engagée dans ce processus caractéristique de toute institution où toutes les attitudes se réfèrent à des normes. Dans le contexte yaoundéen, caractérisé comme toutes les sociétés par l'identité problématique dont la quête est permanente dans l'urbanité, les comportements déviants de jeunes scolaires vécus dans le milieu scolaire permettent de comprendre, sinon le degré de l'adhésion, du moins le décalage ou l'exclusion des acteurs scolaires. Adossée à la notion de socialisation, l'institution scolaire s'efforce de faire ressortir les trajectoires sociales dans leur double dimension objective et subjective, dans leur multidimensionnalité. En définitive, les pratiques déviantes de la jeunesse scolaire doivent être perçues comme une recréation d'un univers scolaire en mutation dans la société d'aujourd'hui. Elles peuvent être vues à juste titre non seulement comme des formes de reconstruction et de réinvention d'un vivre-ensemble particulier à une époque de crises multiples, mais aussi comme des élans interactifs et intersubjectifs, d'échanges, de positionnement, de repositionnement et de prolongement émotionnel. A l'heure du bilan de cette modeste investigation, nous entrevoyons mieux l'enjeu de la question des comportements déviants dans leur rapport aux logiques normatives de l'école à Yaoundé aujourd'hui. Symbole d'une cité en mutation, les déviances scolaires résument, pour ainsi dire, toute la dynamique d'une société dont elles sont le produit, mais aussi la vitrine. La déviance scolaire dont nous avons voulu revisiter ne pouvait plus être analysée uniquement sous les angles qui en alimentent une vision parcellaire réductionniste ou encore pathologique. Dans ce travail qui avait pour thème «Déviances scolaires et contrôle social à Yaoundé: essai d'approche sociologique du quotidien des jeunes à l'école », il nous importait prioritairement d'interroger le champ de la déviance scolaire en tant qu'espace particulier et instrument original de production et de promotion de la dynamique scolaire. Dans cette perspective, il était important de sonder les procédures, les raisonnements pratiques et les bricolages par lesquels les acteurs construisent le social et produisent, au jour le jour, les normes sur lesquelles repose l'institution scolaire. Plus concrètement, il s'agissait de dévoiler la méconnaissance ou les intérêts cachés des acteurs et d'étudier «l'inégalité en train de se faire », «en prenant au sérieux la rationalité des acteurs » et en tentant «de rendre compte de la manière dont, en situation, ils construisent le social » (Derouet, 1991). Dans cet ordre de préoccupation, une hypothèse générale a été formulée autour de la société scolaire à Yaoundé et postule que : «Face à la discipline, à la gestion linéaire, normée, planifiée, pleine de sens et rationnelle des institutions scolaires, manifestées par la domination et la subordination, les élèves de Yaoundé développent des comportements déviants qui visent à (re)définir les situations scolaires à leur avantage, bien plus que d'apprendre des savoirs, des savoir-faire des savoir-être.». De cette hypothèse, il en découlera deux étapes saillantes qui constituent l'ossature de cette recherche. La première qui s'appesantit sur une approche analytique de la conception sociale du rapport déviance-école a permis d'identifier et de fréquenter les pistes et les repères du phénomène de déviance, plus précisément en milieu scolaire à Yaoundé. Cette brève incursion dans les méandres de la sociologie de la déviance et de la délinquance nous a, en effet, conduit à l'observation que la déviance, quel que soit le lieu où il se produit, est une propriété, non du comportement lui-même, mais de l'interaction entre la personne qui commet l'acte et celles qui réagissent à cet acte (Becker, 1985 :38). En réalité, comme le soutient Becker, les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme déviants. De ce point de vue, la déviance n'est pas une qualité de l'acte commis par une personne, mais plutôt une conséquence de l'application, par les autres, de normes et de sanctions à un «transgresseur ». Le déviant est celui auquel cette étiquette a été appliquée avec succès et le comportement déviant est celui auquel la collectivité attache cette étiquette (ibid. : 32-33). Cette approche, définissant ce qu'il est convenu d'appeler une «théorie de l'étiquetage », considère la déviance non pas comme le produit objectif d'un dysfonctionnement, mais comme une «qualification », résultant d'une « transaction » entre un groupe social et un individu. Dès lors, le problème n'était pas pour nous alors de connaître les caractéristiques statistiquement pertinentes des populations scolaires déviantes, mais d'étudier le processus par lequel une série d'actes et d'individus en arrivent à être qualifiés de déviants. Raison pour laquelle il nous fallait faire une sorte de téléologie de l'école, pour saisir les logiques, les fonctions et la fonctionnalité de cette dernière. Cette seconde étape sur laquelle s'est appesantie notre recherche a consisté à rechercher dans les aires scolaires yaoundéennes, notamment les établissements d'enseignement secondaire, les traces et les indicateurs de la scénographie des comportements déviants et subséquemment à inscrire sa lecture dans une perspective herméneutique. En revisitant les travaux portant sur la relation éducative et la déviance, mais aussi à partir des données empiriques, nous avons recherché l'expression de pratiques déviantes relevant des interactions quotidiennes, des «transactions » entre l'institution- école et les élèves. C'est ainsi que nous sommes parvenu à mettre en évidence, les «adaptations secondaires » de la communauté éducative à Yaoundé. Celles-ci ont été appréhendées au sein des établissements ainsi que dans la rue, à travers le phénomène de la flânerie, de la tricherie, du harcèlement, des fêtes (entre autre). Par ailleurs, parmi les procédures de négociation du travail scolaire, ont été aussi analysées les stratégies de survie de l'enseignant (car tant du côté de l'élève, que de l'enseignant, il s'agit de `'faire-face'' à la situation). Dans le même ordre des faits, il a été identifié d'autres genres de déviances scolaires, notamment «le parler déviant » (le frananglais/camfranglais), les incivilités et incivismes sous diverses formes que sont les violences physiques, verbales des jeunes scolaires. L'approche interactionniste symbolique et l'ethnographie constitutive inspirée de l'ethnométhodologie, selon laquelle «les faits sociaux sont des accomplissements pratiques », nous ont permis de saisir en profondeur le sens et la signification des comportements déviants des acteurs scolaires à Yaoundé. Elles nous ont ainsi permis de dépasser les perceptions déterministes des théories de la reproduction érigées en paradigmes incontournables de saisie des inégalités et des échecs scolaires. Partant de la conviction que l'acte déviant est porteur d'un sens et d'une signification que les acteurs eux-mêmes donnent de leurs actes, nous nous sommes évertué à démontrer, sur la base de la prospection d'autres paradigmes explicatifs des comportements déviants à l'école, que le comportement est davantage l'expression d'une combinaison de facteurs et motivations psychosociologiques, et donc subjectifs et «compréhensifs », qui transcendent forcément la conception déterministe ou «objective » sous lequel la lecture des comportements déviants et éducatifs était, jusque-là, enfermée. Si l'approche « objectiviste » appréhende l'institution comme une forme sociale définie en dehors des acteurs, comme un ensemble de normes s'imposant à eux, l'approche «subjectiviste » qui illumine ce travail, inverse le rapport que les membres entretiennent avec leurs institutions, qu'ils contribuent au contraire à fabriquer dans un bricolage institutionnel permanent. C'est au cours de ce rapport que les normes sur lesquelles l'institution scolaire repose sont produites et reproduites, au jour le jour, par les partenaires de l'acte éducatif. C'est donc sur cette base que les établissements d'enseignement du second degré ont été examinés. Ici, c'est la situation vécue qui a été prise en considération, sa dramatique même, ses composantes et ses à-côtés, les coulisses à travers une analyse des logiques normatives et les fonctions de l'institution scolaire telle que le suggère l'analyse institutionnelle de Mauss. Les institutions scolaires sont apparues comme l'ensemble d'actes ou d'idées tout institué que les acteurs scolaires (élèves et enseignants) trouvent devant eux et qui s'impose plus ou moins à eux. Il est apparu au sens plus restreint et plus actif, que les logiques normatives renferment toute forme de contrôle et de détermination des conduites au sein d'une société scolaire organisée possédant une structure (établissement), des finalités collectives (socialisation-sélection), et une source de pouvoir (loi, règlement, autorité éducative). L'école apparaît ainsi à la fois instance de sélection et mécanisme d'unification. L'école a pour objectif de socialiser, c'est-à-dire convertir, mieux, transformer un individu d'un être asocial en un être social en lui inculquant des catégories de pensée et un système d'idées, de croyances, de traditions, de valeurs morales, professionnelles ou de classe, dont certaines sont irréversibles et d'autres au contraire changeant en fonction de nouveaux apprentissages et des situations vécues. Derrière un tel but, se cache la primauté du social sur l'individuel, l'exercice de la contrainte, une distribution du pouvoir et enfin, des objectifs telle que l'intégration de l'individu à des communautés idéologiques ou cognitives, par exemple. Cependant, il convient de rappeler qu'elle n'exclut ni résistance, ni même l'échec du contrôle social des individus par l'institution scolaire. En réalité, scolarisation et sélection sont les deux faces d'une même réalité. L'école unifie en socialisant et divise en sélectionnant. En tant que «milieu moral organisé », selon l'expression de Durkheim, elle façonne l'identité de l'élève. Elle le fait de deux façons : en inculquant de façon collective et indistincte un corps d'idées, de conduites et comportements, de valeurs communes, en tentant de transformer l'individu et ses catégories de pensée de telle sorte que son point de vue change de façon radicale pour sa vie. Car «socialiser c'est transmettre des contenus ; mais c'est également incorporer des structures » (Cherkaoui, 1986 : 42). La conception de la nature humaine sur laquelle se fonde cette représentation de la socialisation est d'un pessimisme excessif. Le désordre est d'après elle proscrit. La logique normative de l'école est de créer l'ordre ou, à tout le moins, de contribuer à l'établir. Vue sous cet angle, il ressort que si l'école unifie en inculquant l'ordre expressif, elle divise en sélectionnant. Mais, au fait, ces logiques normatives sont-elles arbitraires ou légitimes ? Au regard de l'analyse des enquêtes menées sur le terrain, il convient de répondre, tout de suite, que «tout ordre social relève de l'artifice ». Le référent à ce dernier argument a pu être éprouvé à partir des observations des comportements déviants qui se développent parmi la jeunesse et envahissent l'école à Yaoundé. L'on a ainsi pu découvrir la socialité scolaire, mieux, des relations sociales particulières qui s'instituent au niveau des établissements scolaires du second degré à Yaoundé. Cette socialité, pour le noter, n'est pas seulement descriptive. Dans l'esprit de ce travail, elle se réfère à un mode particulier de production de relations significatives, en rapport avec la vie quotidienne et les diverses manières de «résister » qu'utilisent les acteurs scolaires à l'égard des contraintes que l'ordre scolaire fait peser sur leur existence (Javeau, 1997 : 160). On peut donc constater que nos hypothèses de travail se trouvent largement confirmées. Une autre vision de l'école S'il fallait tirer une conclusion au terme de cette recherche, celle-ci déboucherait sur constat selon lequel, les comportements des jeunes dans le contexte de l'école mettent en évidence une déviance ordinaire qui se développe quotidiennement dans les interactions avec la production sociale des normes. Ils participent de la construction d'une nouvelle civilité scolaire. Au-delà d'être de simple étiquetage de délinquance ou de violence, les attitudes déviantes sont, au contraire, solidaires de la réalité sociale de l'école, en tant qu'institution où se croisent les représentations souvent antagoniques du système. Au coeur des tribulations d'un climat scolaire précaire, les actions déviantes des acteurs scolaires ne se déclinent pas simplement comme des actes de vandalisme ou de délinquance juvénile ; ce sont des actes à fonctionnalité critique qui valorisent ce que l'on pourrait appeler «une conscience intersubjective », c'est-à-dire un fait de conscience lié à une vie banale, avec sa part de théâtralité, ses enjeux, ses émotions partagées. Les acteurs scolaires, par la dramatisation de leur condition dans les pratiques déviantes qu'ils produisent et s'offrent, créent des «horizons de refuge », participant de «manière de recréer l'espoir dans une société où tout semble perdu » (Taguem Fah, 2001 : 29). Il ne fait aucun doute que de nouvelles valeurs sociales s'adossent désormais sur les comportements déviants des jeunes à Yaoundé. L'individuation devient une valeur sociale qui s'impose au milieu de la trame collective de l'existence et se dégage à partir de certaines manifestations de comportements des jeunes scolaires. Ceux-ci rendent compte non pas tant d'une forme d'affirmation de soi du sujet scolaire face au poids des contraintes, mais d'un «monde intersubjectif de la vie quotidienne » avec sa part de théâtralité, ses enjeux, ses émotions partagées. Tout ceci est le produit d' «une sédimentation intersubjective » (Berger et Luckmann, 1986). Aussi l'individu est-il en possession d'un «stock de connaissances » qui lui est imposé par une socialisation successive. Par ce processus, il élargit son stock de connaissances disponible. Ce dernier est composé de plusieurs zones, selon le degré de connaissance, allant de ce qui est tout à fait familier à ce qui est inconnu, mais pressenti. Si les fonctions manifestes des comportements déviants se lisent à travers les buts et objectifs souhaités par les acteurs socio-scolaires, notamment la conformité à un certain nombre d'institutions et logiques, les fonctions latentes que dévoilent cette recherche et qui en constituent d'ailleurs les conclusions essentielles, démystifient et démythifient les finalités qui ne sont pas consciemment désirées (Merton, 1965). A travers les actes déviants des acteurs scolaires, on peut «lire » le climat social chaotique du monde scolaire, d'une ville comme Yaoundé en situation de crise multiple, qui donnent naissance à un style juvénile particulier, l'expression de « l'individualité valorisée » dans les déviations comportementales qui s'oppose à «l'individualité institutionnelle » bafouée (in Awondo Awondo, 2004 : 159). Tout ce registre rend compte de la vérité selon laquelle la déviance est un moyen de libération et l'expression d'un sujet scolaire en «crise ». Ainsi donc, comme la créativité artistique, la fonction de la déviance scolaire à Yaoundé consiste également à recréer «un cadre de vie qui transcende les interdits » (Taguem Fah, 2001 : 10). Les jeunes scolaires en proie à leur imagination capturent l'objet déviance pour en faire un moyen d'expression du malaise social. Cet imaginaire et cette créativité que l'on observe dans les institutions scolaires à Yaoundé, renforcent, non pas la crise du système éducatif, mais elle est indicateur de la manière avec laquelle ce système se produit et se reproduit par lui-même. A travers les interactions sociales spontanées qui naissent de ces cadres de l'expérience scolaire, à cause de la convivialité et de la promiscuité volontaire, les déviances scolaires offrent des ouvertures vers des liens sociaux plus souples, moins impératifs, moins prescriptifs. Ces relations se trouvent accentuées par l'avènement de la télévision qui charrient un cortège de publicité qui finit par aliéner complètement les jeunes scolaires et à «unidimensionnaliser » leurs comportements. En vérité, cette publicité dont les effets sont beaucoup plus néfastes sur les jeunes en général, grands consommateurs de films d'origines étrangères, de bandes dessinées et de journaux sentimentaux, de ce que Ndiaye appelle les «sous-produits » culturels de l'Occident, renouvelle le lien social et oblige la déviance à se poser en modèles de comportement à fonctionnalité socialisante. En clair, la mise en évidence des comportements déviants des jeunes scolaires à Yaoundé exige donc une analyse complexe. Le déploiement des déviances scolaires au Cameroun n'est pas aussi simpliste qu'on en à l'impression. Car les acteurs scolaires se multiplient et les formes de déviances se diversifient. Les actes déviants divers permettent le prolongement des relations éducatives pédagogiques qu'elles dépassent en même temps, en leur attribuant un caractère sans contrainte. Toutefois, les pratiques déviantes des jeunes scolaires doivent être débarrassées de stéréotypes qui alimentent un imaginaire pathologique à l'endroit des jeunes, liée aux manifestations barbares et «sauvages ». Il s'agit désormais de participer au vaste effort de décryptage par l'analyse les liens illicites qui se nouent derrière l'apparente cacophonie des pratiques éducatives. Il est nécessaire de distinguer le rôle réel de production de la société comme précédemment souligné. Celui-ci s'articule autour de la lutte contre l'isolement des acteurs scolaires dans des logiques normatives de l'école trop contraignantes. Il s'agit d'un «style communautaire » qui renaît dans la ville pour sauver de la contrainte une jeunesse en quête de vie (Ela, 1983). Telles seraient les relations scolaires qui favorisent les espaces multiples de déploiement de l'imaginaire scolaire. « Il est certain que (...), la violence, les contraintes économiques, les menaces du moralisme et autres formes d'aliénation sont ressenties comme autant d'impositions qui brident, altèrent ou gênent une vie sociale et individuelle épanouie. Mais tout cela n'empêche pas que l'on s'emploie à vivre, au mieux, tout ce dont on peut jouir. On peut même dire que face à ces contraintes, il y a une frénésie à jouir du «carpe diem », un surcroît d'énergie sociale qui ne se reporte plus sur l'avenir mais qui s'investit au présent » (Maffesoli, 1993 : 92). Dans une telle perspective, Maffesoli soulignait fort justement que «les acteurs ne sont nullement dupes des valeurs qu'ils pratiquent, ils les jouent, ils se jouent d'elles » (1978 : 16).C'est ce qui fait de la société scolaire un ensemble complexe. Et c'est cette dimension de la déviance juvénile intégrée au coeur du fonctionnement scolaire quotidien qui fonde la perdurance de la socialité. Dès lors, contrairement à ce qu'on pourrait penser relativement aux comportements déviants qui se dramatisent dans la violence, l'incivisme et l'insécurité, la débauche et l'immoralisme, ceux-ci ne sont pas «pathologiques », mais ils sont fondamentalement, l'effet et la conséquence d'une quête de la socialité. Ainsi, la déviance scolaire, participe de signaux, de codes qu'il faut interpréter et comprendre. Tout cela peut être la manifestation de la force de production de la société scolaire et de son maintien malgré les dérives, les dysfonctionnements du système. Ce que l'on peut retenir finalement de cette analyse, c'est que la déviance scolaire quotidienne à Yaoundé dans sa déclinaison dominante peut être le reflet de l'environnement social. Derrière les déviances exacerbées que les acteurs scolaires développent en marge des considérations officielles de l'école, l'institution scolaire, mue par une conjoncture difficile, se contente, elle-même, de favoriser et même de tolérer certains comportements déviants, comme condition sine qua non d'un être-ensemble équilibré. L'on peut donc lire, derrière la «cacophonie » des flâneries, dans les rues festives et mondaines, à travers la quête permanente de l'épanouissement, la revendication des jeunes scolaires d'un bien-être collectif. Les comportements déviants à l'école peuvent revêtir une double dimension tragique et espérante. La première étant la tragédie d'une vie aux lendemains incertains dans une urbanité problématique, et la seconde l'espérance en un présent qui dédouane certes de façon éphémère de l'incertitude et de l'angoisse (Awondo Awondo, 2004 : 165). En cela, la déviance scolaire à Yaoundé est un phénomène complexe, riche de pertinence. Les comportements déviants des jeunes scolaires doivent se lire non pas seulement à partir des grilles juridiques et psychiatriques de la délinquance et de la pathologie, mais cet horizon de lecture doit s'inscrire dans le processus de déchiffrage de cette coagulation de signe et de codes qui sont des instruments de production du vivre-ensemble qui participe de la reconstruction de la réalité de la civilité scolaire. C'est-à-dire la forme d'interaction révélatrice de la façon dont un corps social «gère, négocie sa stabilité et son équilibre en se dotant ou en entretenant des zones anomiques qui sont au fondement de la perdurance sociale », toute chose qui participe de la socialité (Leka, 2004 : 137). En dépit de leur mauvaise réputation et des manifestations pathologiques, les déviances scolaires participent donc de la production de la société par les acteurs scolaires. Et la cacophonie ainsi que les «sauvageries » apparentes qui semblent en sortir, débouchent, en réalité, sur ce que Maffesoli nomme «anomie créative » à partir d'où se recrée le lien social qui permet à la société scolaire de se maintenir (Maffesoli, 1985) et de «perdurer ». La part importante de comportements déviants des jeunes en milieu scolaire inscrits au coeur des dysfonctionnements manifestes du système éducatif camerounais, cache, pour ainsi dire, d'autres interactions constitutives de la fonctionnalité latente, illicite, toutes aussi porteuses de sens. Ainsi, nonobstant les marges officielles, les pratiques déviantes des acteurs scolaires participent davantage des détours sociaux dans la quête de l'équilibre de l'urbanité scolaire enfouie dans le subconscient social. Par ailleurs, l'observation quotidienne des comportements déviants des jeunes scolaires à Yaoundé peut très souvent laisser croire que le côté pathologique du «scolaire » liés notamment à la déliquescence du système éducatif actuel prend le pas sur tout le reste. Il serait très réducteur de ne «lire » ces pratiques des jeunes scolaires que par ce côté-là. Les actes de déviance sont le corollaire d'un relâchement des normes scolaires que l'on ne peut nier. Cette observation peut très rapidement conduire à conclure à une pathologie lorsqu'il est question de comprendre le phénomène de déviance en milieu scolaire. Certes, les comportements déviants qui engendrent l'insécurité s'implantent de plus en plus dans les établissements scolaires et les manifestations qui nourrissent l'imaginaire pathologique autour de ce phénomène se font récurrents. Mais il serait tout aussi erroné de ne pas aller à la profondeur des choses pour dévoiler des «zones anomiques » qui sont au fondement de l'équilibre scolaire. En dépit de ce qui se laisse cerner par la vue, ces pratiques déviantes à l'école jouent, à notre sens, un rôle socio-émotionnel de premier ordre. En outre, il est tout à fait plausible, que les comportements déviants se présentent comme un des facteurs de blocage au fonctionnement normal de l'institution scolaire. Mais, il n'en demeure pas moins qu'ils permettent un double mouvement d'ouverture et de renouvellement constructif des territoires de la socialité, structures existentielles de toute société (Balandier, 1985). Il apparaît donc que, les pratiques déviantes des jeunes scolaires à Yaoundé traduisent un désir de se libérer des frustrations, véritables maladies contractées à l'école et des obligations institutionnelles qui y sont rattachées. A travers des actes déviants, les acteurs scolaires, emportés par l'urbanité, expriment ce que Maffesoli (1985) appelle «l'inconscience populaire » qui surpasse et transcende les interdits socio-scolaires, et l'étroite morale du devoir-être individuel, pour construire un vivre-ensemble collectivement. A côté des institutions, des règlements et des prescriptions officielles qui régulent les comportements et les attitudes des acteurs scolaires, l'on constate que, ce qu'il est convenu d'appeler le «moi social urbain », se crée ses propres normes, se bâtit dans une sorte d'expression et de configuration de la socialité et de l'urbanité scolaire, porteurs du «murmure social » qui bâtit l'équilibre de la société scolaire. En ce sens, les déviations opérées par les acteurs scolaires, traduisent, finalement, une socialité et une sociabilité originale qui forcent le regard, mais un regard renouvelé et débouté des clichés qui empêchent une analyse en profondeur. Ces clichés ont souvent épousé « la forme anormale des comportements, envahissants, méphitiques ou sauvage », pour reprendre les expressions du sociologue anglais Chris Roger. Mais si les pratiques déviantes des jeunes scolaires peuvent succomber à de telles analyses à Yaoundé, ce n'est pas tant à cause de ces pratiques elles-mêmes ; c'est davantage à cause des logiques de l'école qui se veulent trop sélectives, reproductrices et dominatrices qui font que les acteurs scolaires transgressent les normes. Une rapide herméneutique du rapport institution et contexte socio-économique permet de percevoir que la crise économique, la baisse du niveau des revenus et le désir d'assurer l'avenir des jeunes par la scolarisation faussent considérablement l'ambition des catégories sociales issues des classes populaires. Elle permet aussi de constater que les institutions scolaires (les normes) ne sont pas respectées par la communauté éducative, et ne préoccupent vraisemblablement pas l'administration de l'éducation. Ce qui semble préoccuper les autorités éducatives, c'est davantage, une année scolaire paisible et bien pleine. Pour le reste, que les acteurs scolaires se «débrouillent » comme ils peuvent. C'est cet ensemble de constats qui explique cette «visibilité » du système éducatif camerounais comme un espace en crise marqué par la déviance. Cependant, cette dévalorisation ne nous empêche pas de voir qu'au-delà de la déviance tant décriée, que les actes déviants recèlent une richesse insoupçonnable et condensée qui servent de «réservoir » à la perdurance sociale (Maffesoli, 1979 : 66). Quoi qu'il en soit, les pratiques déviantes des jeunes scolaires à Yaoundé exercent aujourd'hui une influence sur les temps socio-scolaires contraints. Cela se laisse cerner au quotidien de la jeunesse scolaire dans les espaces où le «souci de soi » (Foucault, 1986) se démarque des logiques normatives de l'école pour exprimer que «l'individualité devient une valeur sociale » (1984 : 60). Le souci de soi s'exprime au quotidien des acteurs scolaires, à l'école, dans la rue festive, ludique et mondaine qui semblent avoir pour vertu de nourrir les imaginaires des jeunes scolaires portés vers l'autonomie, par rapport aux tutelles institutionnelles qui se trouvent ainsi menacées. Il s'agit donc de voir, derrière cette apparente cacophonie des pratiques déviantes dans l'environnement scolaire de Yaoundé, l'explosion d'une libération de l'individu qui n'est pas seulement réprimé par le poids des logiques normatives de l'école, mais aussi une nouvelle forme d'affirmation de soi du sujet scolaire face à la pluralité «chaotique ». C'est en effet, une aspiration à la liberté plus grande, déniée de ce que Dumazedier appelle les «rouages institutionnels » (1988 : 47), ce qui prend corps dans les comportements déviants des jeunes scolaires vécus dans toute sa «sauvagerie » (Nga Ndongo, 1975 : 84). Ce travail qui est loin d'être achevé peut paraître hétérogène. En vérité, la réalité de la déviance scolaire est complexe ; ce qui justifie l'interrogation de Maffesoli «à quelle conclusion peut-on parvenir lorsqu'il s'agit d'une réalité dynamique et en pleine construction ? » (1993 : 190). Nous nous sommes efforcés toutefois de rendre intelligible sociologiquement une pratique complexe. Etant donné la concentration sur ces minuscules « arts de faire » au quotidien, il est légitime de s'inquiéter de leur pertinence théorique, au-delà de leur vérification empirique. Ce qui revient à poser la question de l'insignifiance des détails. « Déchets habituels » de l'observation sociologique, les détails, les actions parasites, les distractions, les mille ruses du quotidien méritent-ils de retenir le regard du scientifique ? La recherche est complexe parce que ces pratiques, tour à tour, exacerbent et déroutent nos logiques. Elle rencontre les regrets du poète et, comme lui, elle lutte avec l'oubli : « Et j'oubliais le hasard de la circonstance, le calme ou la précipitation, le soleil ou le froid, le début ou la fin de la journée, le goût des fraises ou de l'abandon, le message à demi entendu, la une des journaux ; la voix au téléphone, la conversation la plus anodine, l'homme ou la femme le plus anonyme, tout ce qui parle, bruit, passe, effleure, rencontre » (Sojcher, 1976 : 145). Piette montre que c'est précisément la possibilité de se soustraire aux contraintes des situations, de faire des écarts, de transgresser et d'être distrait, qui contribue à définir les êtres sociaux dans ce qu'ils ont de proprement humain (Piette, 1996). Cette fluidité du réel s'inscrit dans le thêma du désordre cher à Balandier. Aujourd'hui, l'exploration scientifique emprunte des «chemins qui mènent inévitablement à lui. Le désordre, la turbulence, la désorganisation et l'inattendu fascinent » (Balandier, 1985 : 9). C'est en termes de règne de la mouvance, des turbulences, des crises que Georges Balandier résume ainsi «la modernité, c'est le mouvement plus l'incertitude » (ibid. : 9). À un siècle d'écart, Balandier et Durkheim illustrent ce choix épistémique contradictoire opéré à partir d'une prémisse ontologique identique : « Le social -- au sens le plus extensif de ce mot -- s'appréhende en un état de grande fluidité. (...) Parce qu'il est continuel devenir, avec l'accélération propre aux périodes de la modernité, il doit être saisi dans son engendrement et non dans les structures qui le figent et le dénaturent » (ibid. : 243). Sans doute en procédant ainsi (en considérant les faits sociaux comme des choses), on laisse provisoirement en dehors de la science la matière concrète de la vie collective, et cependant, si changeante qu'elle soit, on n'a pas le droit d'en postuler a priori l'inintelligibilité. Mais si l'on veut suivre une voie méthodique, il faut établir les premières assises de la science sur un terrain ferme et non sur un sable mouvant. C'est seulement ensuite qu'il sera possible de pousser plus loin la recherche et d'enserrer peu à peu cette réalité fuyante (Durkheim, 1988 : 46). 1. OUVRAGES Akoun, A. et P. Ansart : 1999 - Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil. Ansart, P. : 1990) - Les Sociologies contemporaines. Paris, Ed. du Seuil. 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Etape 2 : OBSERVER SUR QUI ?
Le travail porte sur les comportements des élèves tant à l'intérieur qu'à à l'extérieur de l'établissement ;
- Carnet de note
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES ENCADREURS
Données de base : * Données socio-culturelles : 1- Effectif total : Filles : Garçons :
LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS iii II. 1 - Hypothèse principale 4 II.2 - Hypothèses secondaires 4 III - JUSTIFICATION ET INTERET DU SUJET 5 IV.1.1. Le «positivisme dogmatique » ou la sociologie des abstractions et de l'homme rationnel 9 IV.1.2. Le jeu possible dans les limites, selon Bourdieu 10 IV.1.3. La sociologie du quotidien : vers une approche intégrée du social 10 IV.1.3.1. L'interactionnisme symbolique 11 IV.1.3.2. Le détour par l'ethnométhodologie 13 V.2. Échantillon de l'étude 16 V.3. Les instruments de collecte des données 17 VII - DEFINITION DES CONCEPTS 21 PREMIERE PARTIE : DEVIANCE, ECOLE ET CONCEPTION DE LA SOCIETE 26 CHAPITRE I : APPROCHE ANALYTIQUE DE LA DEVIANCE SOCIALE 28 I.1. SOCIALISATION ET CONTROLE SOCIAL 28 I.2. LA DEVIANCE : LE DEVIANT ET L'ANORMAL 34 I.2.1. La typologie des déviances sociales 35 I.2.1.1. Déviance matérielle et déviance formelle 35 I.2.1.1.1. La déviance matérielle 36 I.2.1.1.2. La déviance formelle 36 I.2.1.2. Déviance positive et déviance négative 37 I.2.1.2.1. Déviance positive 37 I.2.1.2.2. Déviance négative 38 I.2.2.3. Étiologie de la déviance 39 I.2.2.3.1. Des déviances d'origine physique 39 I.2.2.3.2. Des déviances d'origine psychique ou mentale 39 I.2.2.3.3. Des déviances d'origine sociale 40 I.2.2.4. La délinquance et la criminalité 40 I.3. TRANSGRESSION, STIGMATISATION ET ETIQUETAGE 40 CHAPITRE II : ECOLE ET SOCIETE : QUELQUES PARADIGMES SOCIOLOGIQUES DOMINANTS 45 II.1. L'ECOLE, UN CONCEPT POLYSEMIQUE 45 II.2. LE PARADIGME DE LA DOMINATION 47 II.3. LE PARADIGME DE LA PRODUCTION 48 II.4. LE PARADIGME DE LA REPRODUCTION 50 II.5. L'ANALYSE INSTITUTIONNELLE 54 CHAPITRE III : LES FONDEMENTS DU SYSTEME EDUCATIF CAMEROUNAIS 57 III.1. EDUCATION ET MODELE EDUCATIF 57 III.1.2. Le concept d'éducation 57 III.1.2. Le modèle éducatif 58 III.2. SYSTEME ET POLITIQUES EDUCATIVES 59 III.2.1. Configuration du système éducatif camerounais 60 III.2.2. Le paysage infrastructurel 62 III.2.3. Fréquentation et niveau de scolarisation 65 III.3. NORMES ET NORMATIVITE 66 III.3.2. Les normes pédagogiques 68 III.3.3. L'école et son espace 68 III.4. LES REGLES DE FONCTIONNEMENT DE L'ECOLE 70 III.4.1. L'objet du règlement intérieur 71 III.4.2. Le contenu du règlement intérieur 72 III.4.2.1. Les principes qui régissent le service public d'éducation 72 III.4.2.2. Les règles de vie dans l'établissement 73 III.4.2.3. L'exercice des droits et obligations des élèves 74 III.4.2.4. Le respect d'autrui et du cadre de vie 75 III.4.2.5. La discipline : sanctions et punitions 76 III.4.2.6. Les mesures positives d'encouragement 76 III.4.2.7. Les relations entre l'établissement et les familles 76 III.4.2.8. Élaboration et modifications du règlement intérieur 77 III.4.2.8.1. Élaboration et révision 77 III.4.2.8.2. Information et diffusion 78 DEUXIEME PARTIE : ESSAI D'APPROCHE ETHNOSOCIOLOGIQUE DE LA JEUNESSE SCOLAIRE A YAOUNDE 80 CHAPITRE IV : SOCIETE SCOLAIRE ET PRODUCTION DE LA DEVIANCE : ENTRE IDEAL NORMATIF ET LOGIQUES DES ACTEURS 83 IV.1. LES REGLES DE LA SOCIETE SCOLAIRE 83 IV.1. 1. La désobéissance aux règles : les punitions 85 IV.2. LE «METIER D'ECOLIER » 86 IV.2.1. Les procédures de négociation du travail scolaire 87 IV.2.1.2. La « diplomythe » ou l'école du comment : manifestations et conséquences 88 IV.2.1.4. La flânerie des élevés dans la ville de Yaoundé comme théâtralité de l'ethos underground 91 IV.2.2. La carrière d'enseignant 96 IV.2.2.1. Image du métier et vocation 96 IV.2.2.2. Transaction ou contrat éducatif : une stratégie de survie ? 100 IV.2.2.3. La communauté éducative : entre fonctions manifestes et fonctions latentes 105 IV.3. DANS LES AIRES INTERSTITIELLES DE LA VIE SCOLAIRE : ESPACE DE «SOCIALISATION SECONDAIRE » 107 IV.3.1. Les relations de camaraderie et les jeux à l'école 107 CHAPITRE V : LE PARLER DES JEUNES : 115 TRANSGRESSION LUDIQUE ET DEVIANCE FONCTIONNELLE 115 V.1. AUX ORIGINES, UN BESOIN ENDOGROUPAL. 116 V.1.1. Le degré d'officialité 117 V.1.2. Un parler à enjeux multiples : l'indice de fonctionnalité primordial 118 V.2. UN ENRACINEMENT PROGRESSIF ET GENERALISE 121 V.3. LE FRANCANGLAIS, UNE DEVIANCE FONCTIONNELLE 123 V.3.1. Du francanglais au Camfranglais 125 V.3.2. Au-delà des canons scripturaires et verbaux 127 CHAPITRE VI : INCIVILITES ET INCIVISMES SCOLAIRES : UNE SOCIALITE EMERGENTE 131 VI.1.1. Ce que prévoient les recommandations et la loi 132 VI.1.1.1 Les états généraux de l'éducation 132 VI.1.1.2. Loi d'orientation de l'éducation au Cameroun 133 VI.2- VIOLENCES SCOLAIRES : UNE REALITE EN EXPANSION 134 VI.2.1. Essai de définition de la violence 134 VI.2.2. Repérage de la violence en milieu scolaire 136 VI.2.3. Rapport de cause à effet et modèles explicatifs 138 VI.2.4. Liens sociaux et expériences scolaires 139 VI.3. L'ECOLE DU DESORDRE : ENTRE DYNAMISME, INCIVILITE ET INCIVISME 140 VI.3.1. La violence insaisissable et homogène 141 VI.3.1.1. Les logiques de la violence 145 VI.3.1.2. La déviance tolérée 145 VI.3.1.2. La violence sociale 147 VI.3.1.3. Les violences `'antiscolaires'' 149 VI.3.1.4. La violence scolaire comme puissance de la socialité en acte 151 VI.3.2. Le braconnage corporel : normes et détours en éducation physique et sportive 155 VI.3.2.1. Les tactiques aux marges de la séance 156 VI.3.2.1.1. La sexualité «dévoilée » entre plaisir et pouvoir 157 VI.3.2.1.2. Les jeux du masculin et du féminin 159 VI.3.1.3. Le détournement de la fonction pédagogique du matériel 160 VI.3.2.1.4. Le rire comme lien et antidote au sérieux de l'école 160 VI.3.2.1.5. Le dehors du regard de l'enseignant : la duplicité en action 161 VI.3.2.1.6. La tenue : un passage pas tout à fait conforme 162 VI.3.2.1.7. Le débordement des consignes de l'enseignant 164 VI.3.2.1.. Vers une EPS transgressive...pour exister 165
* 47 Entretien du 08/02/2007 avec un chef d'établissement secondaire de Yaoundé. * 48 Violation sexuelle exercée par plusieurs garçons sur une de leur camarade fille. * 49 Expression qui désigne pour les jeunes garçons un petite amie. * 50 Entretien du 04/02/2007 avec le Proviseur du Lycée Bilingue de Yaoundé. * 51 Entretien du 04 /02/2007 avec le Conseiller principal d'orientation du CES de Ngoa -Ekelle. * 52 Ce que nous désignons ici par l'expressions de «chansonnettes de Sodome et Gomorrhe » renvoient effectivement à ces chansons qui décrivent l'esprit de notre société actuelle, qui la reflètent parce que dites, reproduites et diffusées à l'intention du grand public par la voie officielle de notre pays : radio et télévision nationales. Les chansons en question sont dures à entendre, grossières et insupportables quand on en déchiffre le sens à travers une orchestration parfois trop bruyante, qui masque des aspérités pernicieuses. Elles véhiculent l'immoralisme et des obscénités. Cf. Hubert Mono Ndjana : Les chansons de sodome et Gommorhe (Analyse pour l'éthique), Yaoundé, Editions du Carrefour, 1999.) * 53 Source : inspiré de V. Nga Ndongo, revue et complété par P. Awondo Awondo, dans Loisir et socialité à Yaoundé. Contribution à une sociologie du ludique au Cameroun, mémoire de Maîtrise en Sociologie, Yaoundé, FALSH/Département de Sociologie-Anthropologie, 2004. * 54 En effet, il faut dire qu'un cortège de publicité a fini par aliéner complètement les jeunes et a « unidimensionnaliser » leurs comportements. Cette publicité a des effets beaucoup plus néfastes sur les jeunes qui sont « de grands consommateurs de films d'origine étrangère, de bandes dessinées et de journaux sentimentaux, bref de ce que Jean Pierre Ndiaye appelle les sous-produits culturels de l'Occident » (lire Valentin Nga Ndongo : « La jeunesse camerounaise face aux médias : une aventure ambiguë », in Annales de la Faculté des Lettres. Université de Yaoundé, Volume 3, n° 1, janvier, 1985.). le discours vestimentaire des jeunes, leur engouement pour certaines idéologies (« faire comme en Europe »), illustre cette porosité aux influences extérieures, ces images de l'Occident, associées à la précarité de leurs conditions de vie et à l'incertitude de leur avenir dans leur pays rendent désormais la vie des jeunes insupportables (Cf. Guillaume Manda Mvondo, « Conscience ethnique et conscience nationale camerounaise », mémoire de Maîtrise en Sociologie, Yaoundé, FLSH/Université de Yaoundé, 1988. * 55 Footballeurs camerounais et brésilien (respectivement) jouant à Barcelone, un club de la division n°1 en Espagne. * 56 les jeunes scolaires camerounais aiment bien à se raconter les séries télévisées de la veille. |
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