L'union africaine à l'épreuve de la démocratie( Télécharger le fichier original )par christelle GBOH Université catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité universtaire d'Abidjan ( Côte d'Ivoire) - Maitrise en droit- option : relations diplomatiques et consulaires 2010 |
AVERTISSEMENTLa Faculté de droit de l'Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (UCAO), Unité Universitaire d'Abidjan (UUA) n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions contenues dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteure. ABREVIATIONS ET SIGLESAG : Assemblée Générale AMIB: African Mission In Burundi AMISOM: African Mission in Somalia CADEG : Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance CER : Communauté Economique Régionale CPI : Cour Pénale Internationale CPS : Conseil de Paix et de Sécurité CS : Conseil de Sécurité CSSDCA : la Conférence sur la Sécurité, la Stabilité, le Développement et la Coopération CV : Convention de Vienne DDHC : Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen DIP : Droit International Public DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme LEA : Ligue des Etats Arabes MUASEC : Mission de l'Union africaine pour la surveillance des élections aux Comores NEPAD : Nouveau Partenariat pour le Développement en Afrique OCI : Organisation de la Conférence Islamique OIF : Organisation Internationale de la Francophonie ONU : Organisation des nations unies OUA : Organisation de l'unité africaine SADC: South Africa Developpement Community UA : Union Africaine UE : Union Européenne UNION : Union Africaine Vol. : Volume SOMMAIREPARTIE I : UNE DEMOCRATIE PROMUE 7 CHAPITRE I : L'APPORT NORMATIF 9 SECTION I : UN ORDONNANCEMENT DEMOCRATIQUE ELABORE 9 SECTION II : LES ELECTIONS COMME CLE DE VOUTE DE LA DEMOCRATIE 19 CHAPITRE II : L'APPORT OPERATIONNEL 30 SECTION I : L'APPUI ELECTORAL 30 SECTION II : L'APPUI MILITAIRE 40 PARTIE II : UNE PROMOTION PERFECTIBLE 51 CHAPITRE I : LES LIMITES A LA VULGARISATION DEMOCRATIQUE 53 SECTION I : LES LIMITES ENDOGENES A LA CHARTE 53 SECTION II : LES LIMITES EXOGENES A LA CHARTE 62 CHAPITRE II : LES PERSEPCTIVES SOUHAITEES 72 SECTION I : LA MISE EN OEUVRE DE LA CHARTE 72 SECTION II : UNE MEILLEURE DIFFUSION DE LA DEMOCRATIE 80
INTRODUCTION« Rien ne peut être fait dans la solitude »1(*). Cette conception solidariste de Pablo PICASSO a été palpable dans la quête humaine du bonheur. C'est ainsi que la recherche d'un monde harmonieux et pacifique conduisit les hommes à se réunir en sociétés, en organisations. Ces dernières sont gouvernées par des règles. Cela justifie amplement l'adage latin « Ubi societas ibi uis ». La mise en place de régimes politiques2(*) s'avérait donc nécessaire pour la gestion du pouvoir. Parmi ces régimes politiques, l'on peut citer la démocratie. Cette dernière désigne un corps de principes philosophiques et politiques dans lequel, le peuple est souverain et détient le pouvoir collectivement. Elle s'oppose historiquement aux systèmes monarchiques et oligarchiques. Elle se résume souvent à la formule d'Abraham LINCOLN : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple », La caractérisation, par les articles ou prépositions « du », « par » et « pour », de la relation entre peuple et pouvoir qu'exprime le mot démocratie, peut conduire le plus souvent à une diversité de mise en oeuvre concrète. Ainsi, aujourd'hui encore, il n'existe pas de définition communément admise de ce qu'est ou doit être la démocratie. La démocratie est devenue au fil des ans, un système politique dans lequel la souveraineté est attribuée au peuple qui peut l'exercer de façon : directe3(*) ou indirecte4(*) voire semi-directe5(*) . Elle est, aujourd'hui, la forme légitime d'organisation politique des sociétés humaines tout étant un concept polysémique. Plusieurs auteurs ont donné une approche définitionnelle du concept de démocratie. C'est ainsi que Hans KELSEN la définit comme l'identité du sujet et de l'objet du pouvoir des gouvernants et des gouvernés, en un mot le gouvernement du peuple par le peuple.6(*) Pour Guy HERMET, la démocratie est la faculté que les gouvernés possèdent de remercier les gouvernants en place puis d'en choisir d'autres qu'ils pourront éventuellement renverser à leur tour.7(*) Cette définition qui souligne le choix des gouvernants par les gouvernés est partagée par Christophe JAFFRELOT8(*). Quant à Joseph SCHUMPETER, la démocratie suppose que le peuple est à même d'accepter ou d'écarter les hommes appelés à le gouverner. Ainsi, le critérium de la démocratie est la libre concurrence entre les candidats aux postes de commandement pour les votes des électeurs.9(*) Enfin, Alain TOURAINE la perçoit comme le régime où la majorité reconnaît le droit des minorités car elle accepte que la majorité d'aujourd'hui devienne minorité demain et être soumise à une loi qui représentera des intérêts différents des siens mais ne lui refusera pas l'exercice de ses droits fondamentaux10(*). L'Union Africaine quant à elle, est une organisation internationale, à caractère régional. C'est donc une organisation dont les Etats membres ont une même situation géographique. Elle est essentiellement composée d'Etats africains, de cinquante trois (53) pour être plus précis ; soit la presque totalité ses Etats africains à l'exception du Maroc11(*). Elle a succédé à l'Organisation de l'Unité Africaine. Son avènement constitue un évènement majeur dans l'évolution institutionnelle du continent. Le 9 septembre 1999, les chefs d'Etats et de gouvernements de l'OUA ont adopté une déclaration, celle de Syrte. Ladite déclaration prônait la création d'une union en vue, entre autres, d'accélérer le processus d'intégration sur le continent afin de permettre à l'Afrique de jouer le rôle qui lui revient dans l'économie mondiale, tout en déployant des efforts pour résoudre les problèmes sociaux, économiques et politiques multiformes auxquels elle est confrontée. Par la suite, quatre sommets se sont tenus pour finalement aboutir au lancement officiel de l'UA12(*). Du fait de la mondialisation, de l'écroulement du mur de Berlin, et de l'action de l'Organisation des Nations Unies pour la promotion de la démocratie dans le monde, celle-ci s'est répandue comme une trainée de poudre, gagnant ainsi le continent africain. En effet, à la fin des années 80 et au début des années 90, les débats sur la démocratisation en Afrique étaient dominés par la controverse sur l'influence respective des facteurs externes et internes dans le déclenchement de ce phénomène historique. Ainsi, la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule13(*) du président François MITTERRAND14(*) en sont les facteurs déterminants et externes de la démocratisation du continent africain. Mais, des analyses plus pointues des réalités africaines montraient déjà le caractère avant tout endogène des changements qui se dessinaient. La revendication démocratique telle qu'illustrée par le pluralisme politique et identitaire actuel, plonge ses racines dans l'échec du Parti unique en tant qu'instrument de construction de l'Etat-Nation qui avait été le projet politique des coalitions de libération anticoloniale15(*). De plus, la baisse des prix des matières premières dès le milieu des années 60 et qui sonna le glas de l'optimisme né de Bandoeng16(*), ajoutée au poids de la dette extérieure comme intérieure, allaient conduire à la dégradation du climat économique, et par voie de conséquence à la destruction des bases du projet politique national. La revendication démocratique a été, ainsi, lancée avant tout, par un vaste mouvement de résistance de plusieurs acteurs des différents secteurs des sociétés africaines face à la dégradation de leurs conditions d'existence. Ce qui confère au processus démocratique en Afrique une complexité évidente. Ainsi, la démocratie s'étant implantée en Afrique, l'Organisation de l'Unité Africaine créée le 23 mai 1963 à Addis-Abeba s'en fît l'apôtre. En clair, elle prit en compte le processus de démocratisation, dans son programme, afin de rendre l'Afrique démocratique. C'est pourquoi, à l'issue du sommet de l'OUA tenu à Addis-Abeba en juillet 1990, les chefs d'Etats et de gouvernements ont proclamé leur adhésion aux principes démocratiques tout en précisant que chaque Etat reste libre de choisir la forme de démocratie qui correspond le mieux à ses réalités. Cependant, l'OUA, en butte à de nombreuses difficultés, échouera dans sa quête. En effet, quoique, l'ensemble des Etats africains se soit proclamé démocratique, on dénote de nombreuses atteintes à ladite démocratie, aux droits de l'homme, et le plus souvent à leur propre constitution. Les coups d'états perdureront17(*), mais l'OUA n'y pourra rien, et ce pour deux raisons : d'abord en raison du principe de la souveraineté des Etats qui ne devrait souffrir d'aucune sorte d'ingérence. Ensuite, les gouvernements anticonstitutionnels recevaient, le plus souvent, l'approbation, pour cause d'affinité idéologique ou d'intérêts géostratégiques, des autres Etats membres qui pouvaient se révéler être des membres influents de ladite organisation18(*). L'OUA, néanmoins prend conscience et va à l'encontre de ces pratiques. Elle adopte alors de nombreuses résolutions, allant dans cette même veine. La plus significative, est l'adoption, en juillet 2000 à Lomé, d'une Déclaration sur le cadre pour une réaction face aux changements anticonstitutionnels de gouvernement19(*). Ce texte est d'une importance capitale dans la mesure où, il a non seulement donné un contenu aux changements anticonstitutionnels de gouvernement, mais également a inspiré l'Acte constitutif de l'Union Africaine(UA) adopté en 2000 à Lomé, et favorisé l'adoption de deux autres textes, à savoir « la Déclaration sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique »20(*) en 2002, et l'élaboration d'une Charte régionale sur la démocratie, les élections et la gouvernance en Afrique en 2007. Le remplacement de l'OUA par l'UA, si elle a résolu de nombreux problèmes, n'a pas définitivement résolu ceux des atteintes à la démocratie, qui perdurent jusqu'à ce jour. Du rapprochement de ces deux entités en présence, jaillit un problème majeur : Quelle réaction de l'Union Africaine face aux perpétuelles atteintes à la démocratie ? Mieux, quelle est la contribution de l'union africaine à la démocratisation du continent ? Il est à propos de s'interroger sur les activités de l'Union Africaine en vue de consolider et d'enraciner définitivement la démocratie sur le continent africain. Cette organisation panafricaine ne cesse d'oeuvrer à ce que ce mode de gestion du pouvoir soit adopté par l'ensemble des Etats africains. Mais force est de constater que de cette action ressortent certaines insuffisances qui justifient son caractère corrigible. Ce sujet est d'actualité, en ce sens, que la démocratie est encore aujourd'hui une thématique qui déchaine les passions dans nos Etats. Il ne cesse de se développer autour de ce concept une vive effervescence. En outre, le nombre de morts, au nom et pour le compte de cette démocratie, ne cesse de s'accroitre. C'est donc une notion concrète qui agite l'Afrique. Quant à l'Union Africaine, elle se présente sans trop de difficultés comme l'Organisation la plus « puissante » du continent. Le sujet, l'Union Africaine à l'épreuve de la démocratie, sécrète des intérêts multiples. Elle prétend mettre en avant le relatif engouement des Etats africains pour la vision démocratique de l'Union. A cela, ajoutons, les difficultés de l'U.A à faire adhérer ses membres à sa philosophie. De plus, cette réflexion met en avant les ruses fondamentalement antidémocratiques des dirigeants africains. Enfin, ce travail de recherche apporte sa modeste contribution à l'implantation de l'édifice démocratique dans les Etats africains. Nous nous appesantirons, alors, sur la promotion démocratique de cette O.I. Notre réflexion ne prétend pas faire l'inventaire simplement et purement des actes juridiques faisant l'écho de la démocratie. Mieux, elle visera, dans une démarche structurée, à présenter la stratégie démocratique dominante du continent africain. L'instrument juridique promoteur de la vision africaine de la démocratie est la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Adoptée par la conférence des chefs d'Etats et de gouvernements de l'union lors de son huitième sommet tenu à Addis-Abeba, en Ethiopie, du 29 au 30 janvier 2007, elle constituera la base de notre étude. Nous tenterons sans trop de prétention, de montrer, dans la suite de notre travail, la promotion de la démocratie selon l'UA (PARTIE I). Cette promotion, fruit du géni africain, est, cependant, loin d'être irréprochable. C'est ce qui justifie son caractère perfectible (PARTIE II). * 1 Citation de Pablo PICASSO, sur http://www.evene.fr/citations/mot.php?mot=unite, site consulté le 16 Septembre 2010. * 2 Le régime politique fait référence à la manière dont le pouvoir est organisé et exercé au sein d'une entité politique donnée. Cela renvoie donc à la forme institutionnelle du pouvoir mais aussi à la pratique découlant de cette forme institutionnelle. * 3 Régime dans lequel le peuple adopte lui-même les lois et décisions importantes et choisit lui-même les agents d'exécution. C'est le cas de la démocratie directe. * 4 Régime dans lequel le rôle du peuple élit des représentants. C'est le cas de la démocratie représentative. * 5 Variété de la démocratie indirecte dans laquelle le peuple est cependant appelé à statuer lui-même sur certaines lois, par les référendums, véto ou initiatives populaires. * 6 Hans KELSEN, La démocratie. Sa nature. Sa valeur, Paris, Dalloz, 2004, p. 14. * 7 Guy HERMET, Culture et démocratie, Paris Albin Michel et UNESCO -1993 - p. 29. * 8 Christophe JAFFRELOT, Introduction, comment expliquer la démocratie hors d'Occident ? in Démocraties d'ailleurs. Démocraties et démocratisation hors d'Occident. Paris, Karthala, 2000, p. 12. * 9 Joseph SCHUMPETER, Capitalisme, Socialisme, Démocratie, Paris Payot 1965 p. 389. * 10 Alain TOURAINE, Qu'est-ce que la Démocratie, Paris, Fayard, 1994, P. 29 * 11 Le Maroc s'es retiré de l'OUA pour protester contre l'admission de la République arabe sahraouie démocratique en 1982. * 12 Ce sont :
* 13 Le discours de La Baule a été prononcé par le Président de la République française François MITTERRAND, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d'État d'Afrique et de France qui s'est déroulée dans la commune française de La Baule-Escoublac ( Loire-Atlantique). Ce discours marquera une date importante dans les relations entre la France et l' Afrique, 37 pays africains étaient invités à La Baule en 1990. Selon Roland DUMAS, ce discours se résume ainsi : « Le vent de liberté qui a soufflé à l'Est devra inévitablement souffler un jour en direction du Sud (...) Il n'y a pas de développement sans démocratie et il n'y a pas de démocratie sans développement ». * 14 François MITTERRAND, né le 26 octobre 1916 à Jarnac ( Charente) et mort le 8 janvier 1996 à Paris, est un homme d'État français. Fonctionnaire sous le Régime de Vichy puis résistant, il est onze fois ministre sous la IVe République. Vainqueur de l' élection présidentielle de 1981, Il détient le record de longévité (14 ans) à la présidence de la République française. * 15 Presque partout, dans les pays libérés du colonialisme, le parti unique ou dit dominant a abouti au mimétisme idéologique, au culte de la personnalité du « Père de la nation » ou du dictateur militaire et par voie de conséquence, à l'étouffement des idées politiques, à l'oppression des identités considérées comme minoritaires dans les différents pays africains. A terme, cette orientation a secrété et nourri des tensions de plus en plus vives qui ont fini par annihiler le projet politique de construction d'une nation homogène. Abdoulaye BATHILY, la démocratie en Afrique de l'ouest : état des lieux, juin 2005, p3. * 16 La conférence de Bandoeng s'est tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandoeng, en Indonésie, réunissant pour la première fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques. Cette conférence marqua l'entrée sur la scène internationale des pays du Tiers monde. Ces pays choisirent le non-alignement car ils ne voulurent pas coopérer avec les différents blocs de la guerre froide. Ils formèrent, par conséquent, le 3e Bloc. Et ceci leur donna l'espoir d'une liberté et par voie de conséquence d'un essor économique et une véritable identité sur la scène internationale. * 17 A.ADEYANJU, « Africa records 78 coups in 30 years », The Guardian, Lagos, 9 fevrier, 1997. * 18 Arsène-Joël ADELOUI, l'Union Africaine et la reconnaissance des Etats, DEA Droit Public et de Sciences Politiques, Université d'Abomey-Calavi, 2009, p.2. * 19 Voir Déclaration AHG/Décl.5(XXXVI) * 20 Déclaration sur les Principes régissant les élections démocratiques en Afrique, OUA AHG/Décl.1 (XXXVIII), 2002. |
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