2. Mise à
disposition et médiation
Devenir médium signifie également créer
de la valeur éditoriale, et ce de façon régulière.
Une mise en avant de contenus relève d'une éditorialisation. Idem
pour un choix de chaînes dans un bouquet, surtout eu égard aux
attentes des utilisateurs. En fait-ce un medium pour autant ?
Un medium est créateur de contenus. Quel est
aujourd'hui le meilleur moyen pour être créateur de valeur en tant
que FAI et profiter des avantages liés à la détention des
réseaux ? La création de chaînes, comme l'ont bien
compris Numéricâble et Orange. Elle est une forme d'aboutissement,
comme la remontée dans la verticalité de la chaine de valeur le
suggérait en amont, avec la production de contenus en amont. Cependant,
les chaînes créées par ces opérateurs sont soit
événementielles soit « de stock ».
L'acquisition de droits de football est indispensable à MCS et à
OrangeFoot. Établir une ligne éditoriale, donner un sens à
l'agrégation de contenus, colorer la chaîne à travers un
ton, cela est indispensable à l'acception d'un medium.
Rendre pérenne la mutation vers un « devenir
medium » passe par un engagement vers la qualité
éditoriale. Certes, les FAI ont opté pour une stratégie de
valeur et ont à maintes reprises fait preuve d'une forme d'empathie
« utilisateur ». Cependant, l'acception médiatique
n'est possible quand dans le cas où le contenu est qualitatif. Car, si
les FAI ont su anticiper certaines évolutions des usages et se rapporter
à d'autres pour construire leur offre, il ne leur faut pas oublier
combien les actants médiatiques ont fait preuve d'esprit critique
à l'égard des médias historiques. Les
générations nées avec la télévision comme
celles nées avec Internet sont celles dont l'esprit critique semble
être le plus fort. Les critiques sont généralement
pertinentes, et sont d'autant plus problématiques qu'elles s'expriment
librement sur des espaces d'échange entre utilisateurs. Pour exemple,
Orange et son offre Ligue 1 n'a disposé que d'une audience de 10 000
personnes pour le premier match retransmis en août 2008. La
Fédération Française de Football a demandé à
la production de l'opérateur télécom d'augmenter la
qualité du rendu, les téléspectateurs étant
habitués à des diffusions de très bonne qualité
avec CanalPlus ou TF1. Par conséquent, la direction d'Orange envisage un
enrichissement de la chaîne via la production de reportages et magazines
destinés à agrémenter le contenu premium d'un habillage
éditorial. C'est le signe que l'opérateur réalise que
créer une chaîne n'est pas aisé. C'est le fruit d'un long
travail visant à agrémenter la chaîne de contenus de
valeurs. Il ne s'agit pas seulement de la diffusion du contenu premium de
façon brute.
De plus, le fait que l'offre soit disponible dans une offre
fermée rend confuse l'accessibilité au service, Xavier Couture
estime qu'il faut un temps d'adaptation à l'offre. Que le nombre
d'abonnés (déçus) à l'offre soit si faible en ce
début de diffusion montre combien l'acception médiatique n'est
pas automatique. Elle suppose un savoir-faire, une expérience.
La combinaison d'une qualité éditoriale
insuffisante et d'une accessibilité réduite est
rédhibitoire dans la logique de « devenir medium ».
De plus, la télévision des FAI ne peut exister que grâce au
medium de masse qu'est la télévision. La prise en compte des mini
segments dans une logique de remontée de la chaîne identitaire de
l'individu est un bienfait puisqu'elle s'adosse aux besoins énonciatifs
de l'utilisateur. Ajoutée à cela la réduction de
périmètre de diffusion et vous n'obtenez qu'une
télévision de minorité.
Les éditeurs historiques et les Fai doivent comprendre
que les logiques de niche et de masse ne sont pas opposées mais
complémentaires, puisque c'est une composante aussi importante de
l'individu médiatique, dans son besoin d'une base culturelle
identitaire.
La centralisation du « moi » dans le
dispositif médiatique pose la question de la dimension sélective
de l'information. Avant la fragmentation intensive des audiences, le
récepteur du flux déléguait à la
télévision la responsabilité de préfiltrer
l'information. Basée sur la confiance, cette relation était le
dépositaire du jeu médiatique, avec les excès que cela
comporte. Il demeure que cette délégation implicite des pouvoirs
façonne des repères pour tous. Le filtrage effectué par un
certain nombre de média de masse est une sorte de boussole dans la
compréhension des enjeux sociétaux et politiques. Le filtrage
crée une grille de lecture compréhensible par tous.
La dilution du flux émissif dans une masse
réduit considérablement sa portée. Le télécom,
agrège et édite des contenus, compile des films et commente des
matchs et par conséquent se considère en média. Mais on
peut s'interroger sur la dilution des rapports médiatiques, dans le sens
où le rapport communicationnel est médié. Le principe de
réserver l'accession au flux aux seuls abonnés à une offre
d'un autre ressort (accès à internet) va à l'encontre de
la dimension médiatique. L'acception du medium par la
société veut qu'il soit celui qui sélectionne et valide
les informations qui intégreront le flux émissif. La
société a besoin de repères érigés par la
masse, ce qui sous-tendrait que la micro niche n'est qu'une composante de la
personnalité médiatique d'un individu, mais en aucun cas sa
définition première.
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