UNIVERSITE DE PARIS IV - SORBONNE
CELSA
Ecole des hautes études en sciences de l'information et
de la communication
MASTER 2ème année
Mention : Information et Communication
Spécialité : Communication, médias et
médiatisation
« FAI : vers un devenir
médium ?»
Fournisseur d'accès à Internet : une
stratégie d'adhérence aux nouveaux usages médiatiques vers
un « devenir medium ».
Préparé sous la direction du Professeur
Jacqueline Chervin
Rapporteur professionnel : Alban Martin
de Prittwitz Gregory
Promotion : 2008-2009
Option : Communication, médias et
médiatisation
Soutenu le : 27/11/08
Note du mémoire :
Mention :
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d'abord à remercier ma chère
Mère, Fiona, Igor.
Merci du courage dont vous avez fait preuve dans ces moments
si difficiles.
Merci aussi à mes grands parents pour leur
inébranlable soutien, eux qui furent de tout temps présents.
Merci à Hélène pour son soutien qui rend
notre vie meilleure.
Et puis un grand merci à Eve, ma compagne de tous les
instants, merci pour ton courage et ta soif de vie.
Merci à tous les `amis' sans qui la vie n'aurait pas la
même saveur.
Un merci tout singulier à Didi. Merci d'avoir
été là...
Pour terminer, le plus grand des MERCI à mon
père.
INTRODUCTION 4
I. UN CONTEXTE
SOCIO-ÉCONOMIQUE FAVORABLE À UNE ÉVOLUTION DES USAGES ET
ATTENTES DES UTILISATEURS
8
A. Sociologie des
usages ou l'assimilation d'un nouveau medium
8
1. Rappel sémiologique sur le
multimédia et Internet
8
a) Interactivité et
multimédia
8
b) Un faire-émissif plus actif
9
2. Du déterminisme technologique et
des usages
10
3. De la quotidienneté et de son
impact
12
4. Des objets aux contenus
13
5. Le paradigme diffusionniste
14
B. Une consommation
media en pleine restructuration
15
1. D'une baisse de la consommation Tv vers
une consommation convergente des média
15
2. Une augmentation des contacts et de la
participation
16
3. La dimension politique du contournement
médiatique
18
C. Les
communautés au centre du processus de réappropriation des
media
21
1. Formation et valeur des
communautés
21
a) Typologie des communautés
21
b) Les motivations d'adhésion
24
2. Le marketing face au défi
communautaire
26
3. L'inéluctable marketing de
l'ethnique
27
D. Vers une
restructuration de la politique de l'offre ; logique de la longue
traîne
29
II. TRANSPOSITION
DES NOUVEAUX USAGES À TRAVERS L'OFFRE ÉDITORIALE ET MARKETING DE
L'IPTV DANS UNE LOGIQUE D'ADHÉRENCE UTILISATEUR
33
A. Logique
d'adhérence aux évolutions des utilisateurs
34
1. Transposition du faire-réceptif
multimédia sur l'IPTV
34
a) De la télécommande...
34
b) ...à l'objet
télévision
35
c) Des films à domiciles
40
2. Collecte de données et
écoute: une perception précise et centrale
41
a) La collecte de données
41
b) Des utilisateurs dont l'avis fait foi
42
B.
Ecosystème de l'agrégation de chaînes et
perspectives communautaires
43
1. Composition du bouquet, consommation et
valorisation du contenu
43
a) L'exclusivité au centre du
processus de valorisation
44
b) Les chaînes thématiques,
pivots de l'offre
46
2. Les chaînes locales, ou
l'avènement de la proximité
47
3. Les chaînes
étrangères, ou l'avènement de la micro segmentation
communautaire
49
C. De la
séduction à la valeur; dichotomie stratégique des
médias historiques et des FAI
51
1. D'une stratégie de
séduction à une stratégie de valeur
51
2. Où comment les FAI ont
diversifié l'adhérence client face à des medias
amorphes
56
III. FAI: DES
STRATÉGIES D'EXTENSION DE MÉTIER VERS UN « DEVENIR
MEDIUM » PÉRENNE ET LES LIMITES DE LA
DÉMÉDIATION
59
A. Le contenu au
centre de la stratégie de valeur
60
1. L'éditorialisation de contenus
délinéarisé décloisonne les TC du rôle de
simple distributeur de services éditorialisés
61
2. La distribution de contenus dans une
démarche d'interdépendance
63
3. Une pression croissante à
l'obtention de contenus de valeur
64
B. Vers un devenir
medium ultra-concurrentiel
66
1. Des capacités et des règles
déséquilibrées
66
2. Orange, où l'extension de
métier par excellence
66
3. Création de chaîne ;
paroxysme du devenir medium
69
4. Des logiques de groupe vers une
convergence des supports
70
C. FAI: comment
pérenniser l'implantation dans le secteur des media
73
1. Vers une remontée dans la
chaîne de valeur sur le TV linéaire et non linéaire.
73
2. L'interactivité et la webisation
des supports
74
3. Après les réseaux, les
terminaux ?
76
4. Les éditeurs historiques :
quelles parades ?
77
D. La
démédiation où les limites du « devenir
medium »
79
1. Périmètre de diffusion et
acception médiatique
79
2. Mise à disposition et
médiation
81
3. Vers une dilution du socle
commun ?
83
· CONCLUSION 85
· BIBLIOGRAPHIE 89
· ANNEXES 91
Introduction
La démocratisation de l'outil Internet a sensiblement
modifié l'émission et la réception des informations. La
multiplicité des émissions et réceptions de flux a
remanié en profondeur la place de chaque acteur du dispositif
médiatique. Sa nature si singulière a entraîné la
propagation d'une onde de choc dans le rapport entre émetteur et
récepteur, jusqu'à permettre à tout individu de devenir
créateur de contenus, parfois même repris sur des medias
traditionnels. Des nouveaux termes ont pris une autre portée à
mesure que les usages spécifiques à cette plateforme se
développaient : réseau, communauté, espace
personnel,...
Comment un support a-t-il pu laisser apparaître de si
rapides développements ? Nous imaginons ici que cela a dû
découler d'un certain nombre d'attentes que les media traditionnels
n'ont pas su satisfaire.
Dans un contexte où la presse connaît une crise
sans pareil, où la télévision perd des auditeurs pour la
première fois depuis des décennies, où le nombre de
médias, de flux, d'émetteurs et de récepteurs n'a jamais
été aussi important, il convient de s'intéresser à
Internet et plus particulièrement à ses usages.
La conditionnalité du déploiement
énonciatif du web s'est progressivement opposée à la
linéarité du flux autonome du media télévisuel, qui
implique une forme de réception passive. Il en a découlé
de nouveaux comportements médiatiques qui bouleversent en profondeur le
rapport entre émetteur et récepteur. Si nous considérons
Internet comme un nouveau média, c'est qu'il est une plateforme
d'échanges d'information, qu'il est capable d'en émettre et d'en
recevoir de façon instantanée ou non. En quoi ce nouveau media
a-t-il modifié la perception de l'énoncé par les individus
médiatiques ? De quels usages concrets cela a-t-il accouché ? De
la diffusion de l'outil dans la société a émané une
fragmentation des échanges communicationnels à travers une
myriade de sites web, favorisant la naissance d'une nouvelle typologie
économique, celle ciblant ostensiblement les micro-niches.
Ces modèles commerciaux se sont appuyés sur des
usages qui s'ancraient graduellement au sein de ce nouveau media. Comment se
sont matérialisés ces nouveaux modèles et comment ont-ils
participé au mouvement de modification de la perception du « moi
» dans l'énoncé ? Comment ces nouveaux usages nés du
web ont favorisé l'appartenance à des communautés
répondant à ces exigences ? En quoi cette tendance s'est-elle
inscrite dans une forme de contournement vis-à-vis des médias
historiques ? De quelle manière cela s'est-il traduit sur la
consommation de télévision ?
Distribués par des opérateurs
télécoms, les flux internet ont permis à de nouveaux
acteurs d'intégrer le marché de l'émission de flux.
Comment les fournisseurs d'accès à Internet ont-ils
procédé pour intégrer progressivement le marché de
l'éditorialisation ? Se sont-ils inspirés des usages
développés sur le web pour introduire le marché de
l'accès au contenu ? Dans le cadre de cette étude, nous pensons
qu'effectivement, ces fournisseurs de flux ont su s'inspirer des
évolutions des usages inspirés par le web. Le lancement d'une
offre triple play, qui agrège accès à Internet,
téléphonie et télévision a également
participé à une modification des modes de consommation. Quelles
sont les vecteurs de transposition des usages relatifs au web sur une offre de
télévision par un FAI ? Quelles en sont les raisons et les effets
? Nous nous interrogerons sur la dimension stratégique de ces
distributeurs de flux puisqu'ils ont progressivement investi des champs
commerciaux et sociaux dont ils étaient originellement
éloignés.
Hypothèses et Problématique
Nous imaginons un FAI aux prises avec la réalité
des usages, tant dans le dispositif médiatique que le confort d'usage,
la recentralisation d'un « moi » au sein de l'énoncé et
la stratégie de valeur. Nos hypothèses veulent que cette
faculté du FAI à s'extirper de son marché de base soit le
corollaire d'une détention de moyens de diffusion qui va progressivement
déstructurer la nature même du marché des médias.
Cela nous laisse à penser que la capacité du FAI à
répondre favorablement aux attentes énonciatives des usagers
s'inscrit dans une stratégie globale d'extension de métier. Les
FAI se sont inspirés des nouvelles typologies économiques que le
web a fait naître pour faire converger un certain nombre d'axes de
développement qui visent à remonter la chaîne identitaire
d'un individu médiatique plus encore que les media traditionnels. Ces
hypothèses et les questions qui les accompagnent nous conduisent
à la problématique suivante :
« Alors que les éditeurs historiques
peinent à répondre aux attentes énonciatives de
l'utilisateur, les services audiovisuels des FAI optent pour des
stratégies de valeur et des logiques de niches. Dans quelle mesure
peut-on affirmer que cette stratégie d'adhérence aux nouveaux
usages médiatiques correspond à une logique d'extension de
métier et de concurrence des media historiques vers un « devenir
medium»? »
Méthodologie
Cette problématique a pris forme dans le cadre d'un
stage de fin d'étude au sein du service TV du FAI NeufCegetel. En charge
du développement de l'offre à travers l'acquisition de
chaînes locales et internationales, j'ai progressivement pris la mesure
de la capacité d'un FAI à s'attacher à répondre
à des attentes que la télévision traditionnelle peinait
à satisfaire. La logique de profusion de chaînes m'a
interpellé dans la mesure où elle s'apparentait à une
volonté de toucher le maximum de segments de la population. Je consens
une appétence pour les sujets relatifs à l'expression d'une
personnalité ou d'une communauté au sein d'un dispositif de
masse. Mon premier angle d'approche s'inspirait d'ailleurs largement des
ressorts ethniques de l'offre TV. En se penchant sur ce sujet, j'ai
réalisé au fur et à mesure que cette capacité
à répondre aux attentes de segments de population était
diffus dans l'ensemble de l'offre. C'est pourquoi j'ai approfondi le sujet en
m'intéressant aux dispositifs médiatiques et aux besoins qui
pouvaient en découler. Pour mener à bien cette recherche, une
étude empirique au travers d'une expérience quotidienne avec les
chiffres, les objectifs, les stratégies a nourri le développement
des hypothèses.
Evidemment, s'attacher à comprendre pourquoi les
communautés étaient choyées de cette façon par
l'offre TV d'un FAI revenait à s'intéresser à leurs
formations au sein des dispositifs médiatiques. Il a fallu cerner les
raisons de tels mouvements. La baisse de la consommation de la
télévision et la hausse des offres ethniques ne pouvaient
être détachées d'un contexte global de mutation des
pratiques médiatiques. Il était nécessaire de comprendre
comment la perception énonciative des individus médiatiques
relevait d'une volonté d'implication supplémentaire. La
théorie de la Longue Traîne1(*) de Chris Andersen a donc servie de pivot à ce
travail de recherche puisqu'en tant que théorie économique
basée sur des tendances médiatiques globales, elle a
été un référent stratégique
déterminant dans l'élaboration des hypothèses.
Couplée à une mise à disposition d'une
multitude de services proches de ceux du web, la faveur donnée à
une meilleure maîtrise de l'énoncé par l'utilisateur a donc
nourri l'idée d'une corrélation entre usages du web et IPTV. Par
le biais d'un contact quotidien avec les services visant à
améliorer l'offre, la différence d'approche de l'utilisateur avec
la télévision s'est ainsi matérialisée dans mon
esprit. L'observation régulière des réunions
stratégiques d'une division « contenus » d'un FAI
établit progressivement une perception des enjeux du marché mais
surtout une conception de la composition d'une offre. De cette posture de
nouvel entrant se dégage un rapport à l'individu
médiatique qui se différencie des discours propres aux
éditeurs historiques. La capacité du FAI à se faire
empathique a suscité l'envie d'approfondir cette nouvelle
définition du rapport entré émetteur et récepteur.
Cette notion d'empathie émane d'un autre élément pivot du
corpus, Les Mystères de l'offre2(*), d'Henri de Bodinat. L'auteur voit dans cette notion
une prise en compte des attentes énonciatives des individus
médiatiques. A la lecture de cet ouvrage, j'ai pu mettre en
corrélation les capacités d'empathie de certaines entreprises
citées par l'auteur et les FAI. Il est intéressant de noter que
l'auteur ne classe pas ces derniers dans la caste des entreprises de
« valeur » comme il les dénomme. Comme nous le
verrons dans la suite de ce travail de recherche, une de mes hypothèses
s'est fondée sur la posture empathique des ces FAI, recoupant par un
certain nombre de fondements des stratégies de »
valeur ».
Du double postulat d'une perte d'influence du media
traditionnel et d'une introduction graduelle du FAI dans
l'éditorialisation de contenus s'est révélé
l'érection d'une nouvelle typologie d'entrant sur le marché
médiatique : le FAI. S'agissant d'un métier totalement
nouveau pour ces distributeurs de flux et que cela les inscrit dans situation
de concurrence partielle avec les éditeurs historiques, il s'agissait
donc de s'interroger sur les motivations de ces « contenants »
à investir ce marché.
Plan
Nous débuterons cette étude par une partie qui
déterminera les éléments socio-économiques qui ont
favorisé une évolution des usages médiatiques. Il s'agira
tout d'abord d'approcher le sujet de façon théorique afin de
comprendre comment des usages se répandent. À travers une
étude sur le déterminisme technologique et le
socio-constructivisme, nous prendrons la mesure du paradigme diffusionniste et
de l'assimilation d'internet en tant que nouveau media. Par la suite, nous nous
attacherons à montrer comment la consommation médiatique se
restructure. Il sera question de consommation médiatique convergente et
délinéarisée et de contournement médiatique. Cela
permettra d'ouvrir sur la montée en puissance des communautés et
des conséquences sur les rapports communicationnels et
énonciatifs. La conclusion de cette première partie aura pour
objet la modification de paramétrages économiques qu'Internet a
permis. Nous montrerons comment ces stratégies collent à
l'évolution des usages et élargit le périmètre des
cibles aux micro-niches. Cette première partie aura donc permis de
cerner les conséquences d'une assimilation d'un nouveau medium sur les
usages et les comportements médiatiques et économiques.
La deuxième partie s'attachera à montrer comment
les opérateurs télécoms ont su se servir de ces
évolutions pour façonner une offre qui corresponde aux attentes
du marché et comment les usages du web ont su être
transposés à la télévision, faisant ainsi sortir
cette dernière de son carcan énonciatif. Nous chercherons
à déterminer comment cette adhérence aux nouveaux usages
médiatiques relève en amont d'une stratégie
d'écoute des clients et d'une capacité à se faire
empathique. L'analyse de l'écosystème de l'agrégation de
chaînes à travers la quête de l'exclusivité permettra
de comprendre les ressorts concurrentiels. Il s'agira également de
cerner la façon dont est façonnée l'offre en fonction des
attentes des utilisateurs. Enfin, nous conclurons cette partie par une approche
comparative des rapports communicationnels entre FAI et éditeur
historique à travers leur typologie énonciative.
La troisième partie expliquera les tendances à
éditorialiser à travers les prismes des stratégies
d'entreprises dans un marché mouvant. Nous verrons combien la
détention des réseaux s'avère déterminante. Il en
découlera une approche des rapports entre media traditionnel et nouveaux
éditeurs de contenus, oscillant entre concurrence et collaboration. Nous
déterminerons par la suite les vecteurs stratégiques de
pérennisation du FAI au sein du marché des média. Ce sera
l'occasion de préconiser des orientations à adopter par les
éditeurs historiques et les FAI. Nous essaierons d'estimer les risques
et opportunités du marché pour conclure sur les limites de
l'approche par les FAI du marché des media. Il s'agira de
révéler les manquements et risques d'une partie de la
transposition des usages nés du web sur la télévision.
La fin de cette partie révèlera ainsi les
raisons de l'usage du terme « devenir medium ».
I. Un
contexte socio-économique favorable à une évolution des
usages et attentes des utilisateurs
Le déroulement de ce chapitre s'attachera à
éclairer comment la démocratisation du nouveau medium qu'est
Internet a participé à la restructuration des rapports
communicationnels. Tout d'abord, nous nous attarderons sur la sociologie des
usages. Plus précisément, la façon dont l'outil Internet
s'est répandu dans la quotidienneté des échanges et
comment ses usages ont révélé une nouvelle forme
d'échange. La deuxième partie permettra de se pencher sur la
consommation des medias en France, où comment l'évolution des
usages nés du web a influé sur le rapport entre les media
historiques et les utilisateurs. Ensuite, la troisième partie aura pour
propos la formation des communautés sur le web et comment elles
illustrent une forme de décentration face à
l'unilatéralité de l'énoncé discursif chez les
medias historiques. La fin du chapitre se voudra plus tournée vers la
nouvelle donne économique qu'induit le web et la façon dont elle
répond aux attentes de chacun, à travers la logique de la
longue traîne.
Ce chapitre permettra donc de prendre la mesure des
évolutions des usages dans les rapports communicationnels
initiées par l'arrivée massive du support Internet dans les
foyers. Cela nous permettra de saisir comment cela impacte les modèles
économiques et modifie l'ensemble de la chaîne de valeur des
médias.
A.
Sociologie des usages et assimilation d'un nouveau medium
1. Rappel
sémiologique sur le multimédia et Internet
Interactivité et multimédia
L'accès aux services disponibles sur la toile par des
fournisseurs d'accès Internet a permis d'élargir sensiblement les
possibilités d'interaction entre utilisateurs. Le rapport
communicationnel propre aux média historiques implique un contexte
d'émission-réception quasi unilatéral. A contrario, le
support Internet a pour corollaire les termes multimédia et
interactivité.
Passive ou active, l'interactivité fait du
multimédia un objet et une pratique distincts des autres objets
médiatiques et de leur usage. Le Dictionnaire des Arts
Mediatiques3(*) la
définit comme suit : « Propriété des
médias, des programmes et des systèmes liés de
façon plus ou moins constitutive à un ordinateur de pouvoir
entretenir un dialogue plus ou moins poussé avec
l'utilisateur. » Elle repose sur l'illustration
suivante : « Les hypermédias (...) sont des
entités (...) fondamentalement interactives, qui nécessitent
constamment, pour procéder, les réponses des utilisateurs aux
choix qu'ils leur offrent par les interfaces logicielles et matérielles
qui leur sont propres. Ces réponses relèvent du processus de
navigation des utilisateurs dans ces programmes et ces
systèmes. »
Le terme « multimédia » a pris
forme dans le langage commun à travers l'usage de l'ordinateur. Le
Dictionnaire des Arts Médiatiques l'assimile comme étant un
« environnement de communication et installation artistique dans
lesquels plus d'une technologie est employée et où
l'interactivité n'est pas essentielle ». L'outil informatique
a permis l'utilisation de l'écrit, de l'image et du son. La forme la
plus aboutie du multimédia interactif à ce jour est Internet, qui
par ses attributs d'interaction interpersonnel, d'image, de son, et tout autre
type de relation communicationnel permet à l'actant l'utilisation de
plusieurs media. À ce titre, radiodiffusion et télévision
ne rassemblent pas les mêmes attributs interactifs et multimédia
que le support Internet.
Un
faire-émissif plus actif
Selon Eleni Mitropoulou4(*), « les textes médiatiques des
typologies radiophonique et télévisuelle relèvent d'un
faire-émissif autonome contrairement aux textes multimédia en
ligne de typologie Internet qui relèvent d'un faire-émissif
conditionnel ». L'auteur explique que
« l'autonomie du faire-émissif dans la
typologie radiophonique et télévisuelle relève d'une
relation avec le faire-réceptif qui doit son autonomie à la
relation de présupposition réciproque qui lie flux et
déploiement lors du faire-réceptif, qu'il soit passif (être
là) ou actif (écouter/regarder). Le faire-émissif de
la typologie Internet doit sa conditionnalité au principe que ses effets
énonciatifs sont soumis à la condition technologique d'un
faire-réceptif actif (cliquer) qui fait croire à une relation de
présupposition réciproque, d'une part entre flux et
déploiement, d'autre part entre flux, déploiement et
savoir-faire. Selon cet angle, le multimédia est assimilé
à l'espace discursif écranique. C'est en effet là que se
passe sa mise en énonciation par la pratique interactive du
faire-réceptif ».
Le terme multimédia est ici
assimilé à un « médium
intégré interactif » en ligne, qui résulte de la
convergence de trois univers technologiques : les
télécommunications, l'informatique et l'audiovisuel et
« dont les spécificités morphologique et syntaxique
reposent sur l'interactivité comme propriété des
médias, des programmes et des systèmes liés de
façon plus ou moins constitutive à un ordinateur de pouvoir
entretenir un dialogue plus ou moins poussé avec
l'utilisateur » comme le définit le Dictionnaire des arts
médiatiques.
Eleni Mitropoulou met en relief le rôle indispensable de
l'utilisateur dans le déploiement narratif :
« l'interactivité en Internet est transformation du mode
d'existence d'un texte par faire-réceptif en ligne. Le
faire-réceptif en ligne est désigné comme actif en
Internet. L'interactivité est donc, également, ce qui permet au
multimédia d'acquérir la configuration des médias en
ligne : le flux au sens radio-télévisuel. »
L'interactivité offre la possibilité au
multimédia de combler l'écart entre faire-émissif
conditionnel et faire-émissif autonome.
« L'interactivité dote le faire-réceptif du pouvoir
d'opérateur axiologique dans l'évaluation de l'échange, en
prenant le statut d'assistant participant »5(*). Le déroulement
énonciatif, en somme le coeur du medium ne bat pas de la même
façon selon le flux. En effet, en Internet, le changement de mode
d'existence sémiotique d'actualisation du stock en déploiement
par le flux n'est possible que s'il y a « agir » de la part
du récepteur. Mais, « une fois qu'il y a actualisation par le
faire-réceptif, et donc disjonction qui déclenche le
déploiement, le récepteur est en conjonction avec un état
émissif qui subit des transformations autonomes, comme l'actualisation
ou les irruptions publicitaires » selon l'auteur.
L'obligation de prévoir la prise en charge du
faire-réceptif installe ce dernier comme indispensable pour la
réalisation des programmes narratifs liés au déploiement
et « le renforce dans son pouvoir d'opérateur
axiologique ». « Cette place incontournable du
faire-réceptif dans le flux fait du récepteur, par projection, le
protagoniste du déploiement ». Ce constat du
déploiement par le faire-réceptif illustre la portée de
l'évolution des technologies au cours des quinze dernières
années mais aussi la façon dont l'utilisateur a été
repositionné au centre de l'énoncé à travers
l'utilisation d'un support multimédia.
La lecture des analyses de Mitropoulou sur les
déploiements de flux illustre combien les rapports communicationnels
divergent selon le medium. Ceci est un bon indicateur de la place
laissée à l'utilisateur dans l'énoncé, ce que nous
démontrerons de diverses façons par la suite.
2. Du
déterminisme technologique et des usages
L'assimilation de la jonction par interactivité comme
expliqué plus haut, à travers l'institutionnalisation du media
Internet a révélé des évolutions dans les habitudes
de consommation. Le paradigme technologique attribué à Marshall
Macluhan prend ici toute sa dimension. Macluhan prophétisa
l'avènement d'un réseau planétaire issu des nouvelles
technologies de la communication électronique formant un immense «
village global » qui s'est concrétisé avec le
développement de la micro-informatique, de l'Internet et du
multimédia. Macluhan parle alors de la « simulation technologique
de la conscience »6(*).
Michel Fillon7(*) reprend
l'auteur canadien et analyse le medium Internet comme une refonte de
l'espace-temps communicationnel : « Le canal devient plus
important que le contenu, le médium devient le message. L'abolition de
l'espace et du temps amène une nouvelle échelle des perceptions
humaines et entraîne la résurgence de l'homme « tribal »
à l'ère électronique et mondiale. Nous pensons comme
nous communiquons ».
Pierre Lévy s'est attaché à
l'étude des potentialités des nouvelles technologiques, notamment
sur le plan cognitif, pour faire valoir une forme de déterminisme
technologique. L'auteur aborde la technique selon ses incidences sur les
structures mentales et les modes de pensées : « le
cyberespace manifeste des propriétés neuves, qui en font un
instrument de coordination non hiérarchique, de mise en synergie rapide
des intelligences, d'échange de connaissances et de navigation dans les
savoirs »8(*). Le
paradigme technologique est ici pondéré par la
nécessité d'une jonction entre outil et utilisateur :
« l'hypertexte ou le multimédia
interactif se prêtent particulièrement aux usages
éducatifs. [...] Plus activement une personne participe à
l'acquisition d'un savoir, mieux elle intègre et retient ce qu'elle a
appris. Or, le multimédia interactif, grâce à sa dimension
réticulaire et non linéaire, favorise une attitude exploratoire,
voire ludique, face au matériau à assimiler. C'est donc un
instrument bien adapté à une pédagogie
active».9(*)
Pierre Lévy considère les potentialités
de mutation anthropologique inspirée par le cyberespace :
« l'intelligence collective est basée sur le partage des
savoirs : ces technologies intellectuelles [...] peuvent être
partagées entre un grand nombre d'individus et accroissent donc le
potentiel d'intelligence collective des groupes humains »10(*).
Il en est pour qui l'avènement du multisignal Internet
relève plus du déterminisme sociologique que du
déterminisme technologique, parmi lesquels les socio-constructivistes.
Le déterminisme technologique strict semble
déséquilibré, parce que cela impliquerait une
prédictabilité du comportement humain à l'intérieur
de contraintes technologiques. Selon Florence Millerand, la tendance des
années 80-90 veut que « les chercheurs vont s'attacher
à l'étude du sens que chaque micro-acteur social entend
donner à sa vie et les comportements de refus, de détournements
ou de contournements d'usages imposés vont être
questionnés.11(*) »
Le propos n'est pas ici de statuer qui de la technologie ou de
l'Homme a enclenché la modification des comportements. Il demeure que la
démocratisation (évolution du taux de pénétration
en France) d'Internet coïncide avec l'augmentation de nombre de media mis
à disposition du faire-réceptif. En effet, « en
devenant plus nombreux et plus divers, en élargissant l'offre, les
supports ont agi sur la demande, tandis que la culture de masse, que les
médias contribuaient à développer, a fait naître de
nouvelles attentes.»12(*)
La technologie joue de toute évidence un rôle
central dans l'évolution de la pratique communicationnelle. Cependant,
comme nous le verrons plus tard, la façon dont Internet a proposé
de nouvelles perspectives s'est accompagnée d'un élan des actants
révolutionnaire dans les pratiques médiatiques. Cette analyse est
corroborée par un certain nombre de recherches scientifiques
récentes qui semblent faire fi des positions symétriques
réductrices du déterminisme social et du déterminisme
technologique. « La démarche de la psychologie cognitive a
consisté à prendre au sérieux cette analyse, et à
formuler à titre d'hypothèse l'idée qu'une très
grande partie des représentations humaines, et des connaissances
correspondantes, est inscrite, coulée dans le moule
propositionnel »13(*) affirme Jean-Pierre Meunier. « Formuler
cette hypothèse, c'est supposer que les représentations humaines
sont organisées, pour l'essentiel, comme l'est le
langage. »
Portées par Piaget, l'interactionnisme social et le
constructivisme, en opposition à l'innéisme, sont les
théories qui présupposent une assimilation par l'action: "On ne
connaît un objet qu'en agissant sur lui et en le transformant."14(*). Il insiste sur la dimension
disjonctive de l'acquisition : « l'acquisition d'une information
se traduit par une "perturbation" qui va entraîner chez l'individu un
"déséquilibre" du champ cognitif et exiger un travail de
synthèse pour assimiler, intégrer, critiquer, admettre, ajouter
cette nouvelle dans un champ cognitif alors enrichi."15(*) Selon Meunier, « la
conception piagétienne présente l'activité cognitive comme
une activité intra-individuelle issue de l'intériorisation de la
relation interindividuelle ».16(*)
Le psychologue russe Vygotsky a quant à lui
insisté davantage encore sur le rôle du social dans le
cognitif : "[...] toutes les fonctions mentales supérieures sont
des relations sociales intériorisées [...] leur organisation,
leur structure génétique et leurs moyens d'action - en un
mot, leur nature entière est sociale. Même les processus mentaux
(internes, individuels) conservent une nature quasi sociale. Dans leur propre
sphère privée, les êtres humains conservent les fonctions
de l'interaction sociale»17(*). L'analyse de Vygotsky sur le rôle de
l'organisation sociale dans le cognitif valorise ainsi la thèse d'une
acception globale d'Internet comme nouveau medium, validée par les
structures inter et intra personnelles.
Cette acception d'un nouveau medium renvoie à une
analyse pragmatique de ce mouvement de masse : celle de l'usage quotidien,
terreau de la diffusion du medium Internet dans l'ensemble de la
société.
3. De la
quotidienneté et de son impact
Depuis la démocratisation de la radio, puis de la
télévision, les pratiques médiatiques se sont
étendues à l'ensemble de la population française. Les
usages des outils de communication se sont inscrits avec le temps dans la
quotidienneté et en sont devenus des pivots de la vie en
société. Vivre sans pratique médiatique relève
aujourd'hui de comportements `antisociaux' ou de contournement volontaire.
Antonio Gramsci avait en son temps parlé d'une
« hégémonie culturelle », portée sur
la diffusion d'une culture de masse. Les media en sont une composante
déterminante et font preuve chaque jour de leur influence sur la vie en
société. La prégnance du medium dans la
société se fait sentir dans sa capacité à se rendre
utile et accessible. Les pratiques médiatiques et les usages des outils
de communication sont indissociables des activités quotidiennes; elles
font partie intégrante de "la vie ordinaire".
Chambat voit dans le quotidien le vecteur d'une diffusion des
usages, « les pratiques de communication, à la
différence des pratiques de loisirs souvent perçues comme
résiduelles ou compensatrices par rapport au travail aliénant,
apparaissent centrales, car les TIC se diffusent dans l'ensemble des
activités quotidiennes. »18(*). Josiane Jouët insiste sur « les
pratiques associées aux technologies de communication » qui
« viennent renforcer la sphère domestique comme centre de loisirs
et d'information ».19(*)
En effet, les possibilités d'obtention d'information
à partir du foyer, de réalisation d'opérations de gestion
bancaire, d'achat...« confortent le rôle croissant pris par le
domicile dans l'évolution des modes de vie »(ibid). Cette
évolution de la place du medium dans le quotidien de l'usager, permet de
mettre en exergue le rôle primordial du « quotidien comme
véritable « terreau » de formation des
usages »20(*).
Le quotidien est ainsi indispensable dans l'appropriation et l'assimilation des
usages et des technologies, qu'il soit appréhendé dans le
contexte spatial, temporel ou encore social.
A l'analyse de la quotidienneté des usages, il convient
de considérer que la combinaison des usages professionnels et
domestiques a pleinement participé à l'acception du medium
Internet dans la société de communication.
4. Des objets aux
contenus
Prendre la mesure de l'impact des technologies de
communication en tant qu'objets techniques pose également le
problème de leur nature, directement liée à leur contenu.
Les outils évoqués étendent la liste de leurs
capacités pour tendre de plus en plus vers des terminaux
« multimédia », « branchés sur des
réseaux et qui délivrent des services » 21(*). On peut légitimement
mettre en parallèle le développement des objets technologiques et
l'augmentation de la part des services dans les économies occidentales.
Chambat interroge sur une éventuelle remise en cause des analyses
centrées sur les objets, au bénéfice d'analyses
centrées sur les services, qui aboutiraient à
« disqualifier les approches en terme d'équipement, de
consommation et de demande au profit de réflexions centrées sur
les services, la commutation et le lien social » (ibid).
À travers les services que les technologies
délivrent, l'analyse sur la nature des outils « renouvelle le
problème de la prescription des usages dans la mesure où on
distingue l'offre technique (les objets) de l'offre de services (les contenus)
; et également dans la mesure où les services deviennent plus
importants que l'équipement lui-même »(ibid). L'exemple
de l'ordinateur branché sur l'Internet reflète le
rééquilibrage des forces, et montre bien comment un même
objet peut servir une visée instrumentale, ludique ou encore sociale.
Remettre en question la primauté du canal sur le contenu revient
à aller à l'encontre des théories de Macluhan, mais par la
nuance apportée aux écoles du déterminisme technologique
et du déterminisme sociologique, il semblerait que l'avènement du
multimédia Internet relève plus d'une conjugaison de forces
convergentes que d'une unilatéralité dogmatique qui minorerait
largement le rôle de l'usager ou de l'outil.
5. Le paradigme diffusionniste
L'approche de la diffusion est née de la théorie
de la diffusion des innovations d'Everett M. Rogers. Ses travaux s'inscrivent
dans une longue tradition anthropologique connue sous le nom de
"diffusionnisme", dont le principal instigateur est un anthropologue, Kroeber
(1923) qui s'est intéressé à la pénétration
des innovations techniques dans le tissu culturel.
Le modèle diffusionniste22(*) perçoit l'adoption
comme un processus caractérisé par plusieurs phases, depuis la
première exposition de l'usager à l'innovation, jusqu'à la
confirmation ou le rejet de l'adoption. Selon Rogers, ce sont les
caractéristiques de l'innovation telles qu'elles sont perçues par
les individus, qui déterminent son taux d'adoption. Une innovation est
caractérisée par cinq attributs : son avantage relatif, sa
compatibilité avec les valeurs du groupe d'appartenance, sa
complexité, la possibilité de la tester, et sa visibilité.
Les usagers sont classés selon cinq profils types : les innovateurs, les
premiers utilisateurs, la première majorité, la seconde
majorité et les retardataires.
Rogers établit sa théorie sur un ensemble de
typologies dans le but de suivre l'évolution du taux d'adoption (qui
décrit une courbe en S), considéré comme la variable
descriptive essentielle de la diffusion. Les typologies des adoptants
permettent selon Rogers de les classer en plusieurs catégories selon le
processus de diffusion dans le temps : le profil des adoptants passerait d'un
groupe restreint et marginal à un groupe plus large d'adoptants, puis
à un bassin de plus en plus représentatif de la population en
général. La finalité de ces études met en relief la
nature prescriptive dans le processus d'adoption des innovations. Les facteurs
déterminants dans la décision d'adoption sont ainsi de l'ordre de
l'inter-personnalité. Le modèle diffusionniste « a
permis de décrire tout le réseau social de circulation d'une
innovation au sein d'une société »23(*), avec lequel la formation et
les usages des communautés forment des parallèles explicites
quant aux usages et attentes du web.
Comme l'explique Georges Vignaux "la médiation se place
à la frontière du symbolique et d'une sphère de
l'expérience. La technique n'explique pas les contenus sans les usagers,
les usagers n'ont pas la même pratique technologique selon les contenus
qui les motivent, les contenus n'ont pas la même charge symbolique selon
le dispositif". Et il précise "le média est donc identifié
comme lieu et format du lien entre un acteur et un
contenu. »24(*)
Le diffusionnisme de l'outil Internet dans la
société de consommation médiatique, articulée
autour d'un déterminisme sociologique et/ou technologique a pleinement
participé à l'acception de cet outil en tant que medium. Nous
verrons dans la deuxième partie comment cela s'est traduit dans la
consommation de media.
B.
Une consommation media en pleine restructuration
1. D'une baisse de la
consommation Tv vers une consommation convergente des média
En 2008, la France compte 18 millions d'abonnés
à Internet dont 16,7 millions en haut débit, ce qui correspond
à 61% des ménages nationaux25(*).
La télévision est depuis plusieurs
décennies un catalyseur de la consommation médiatique. Neuf
français sur dix sont en contact avec la télévision au
moins une fois par jour.26(*)Les dernières mesures audimétriques de
Médiamétrie constatent une baisse exceptionnelle de la
durée d'écoute de la télévision par les
français, toutes chaînes confondues. Elle est passée
à 3 h 27 au premier semestre, contre 3 h 32 sur la
même période en 200727(*). Cette baisse pourrait être
corrélée de prime abord à une baisse de l'intensité
de l'actualité, cependant, on observe que l'été 2006,
pendant lequel l'élection présidentielle occupait largement
l'espace médiatique présente des statistiques de durée
d'écoute similaires à l'été 2007, dont la teneur en
grands évènements médiatiques de masse fut moindre.
«Que l'on cumule toutes les chaînes sur cette
période ou que l'on ne s'intéresse qu'aux grandes chaînes
hertziennes, comme TF1 ou M6, la durée d'écoute de la
télévision baisse de 2 à 9 % sur toutes les
cibles», note Isabelle Vignon-Rambaud, directrice des études chez
Aegis Media Expert (ibid). Si Médiamétrie ne peut encore produire
de chiffres définitifs, les experts affirment que c'est chez les
détenteurs de Box ADSL soit près de 14 % des foyers
français aujourd'hui que se dessinerait la plus forte baisse de la
durée d'écoute de la télévision classique
(ibid). Or ce sont en partie ces équipements qui permettent
notamment de consommer sur Internet les programmes à la carte et de se
dégager de la linéarité du flux. Les équipés
en box triple play présentent des profils de sur-consommateurs de media,
dans le sens où ils sont capables de consommer plusieurs media dans le
même espace-temps.
Autrement appelée consommation convergente, cette
tendance connaît une progression de près de 10% sur un an,
d'après IPSOS. « Même si la radio est toujours le
premier média consommé de façon convergente, le
développement de l'offre et la mise en place par la majorité des
groupes audiovisuels du service de rattrapage « catch-up TV » a eu
pour effet d'augmenter le nombre de convergents Télévision de
19,4% comparé à mars 2007, soit 1,9 millions de
personnes. » selon Jean-Charles Grout d'IPSOS28(*). Premier support
pluri-média, l'ordinateur : plus de 7 personnes sur 10 (72%) en
possèdent un au sein de leur foyer, et plus de 6 sur 10 (61,8%) sont
connectés à Internet chez elles, principalement en haut
débit (92,3%). La consommation de vidéos issues de sites
généralistes ou spécialisées dans le partage de
vidéo illustre la portée du phénomène vidéo
sur le web 2.0, avec une progression de plus de 43%. La communauté des
convergents vidéo représente désormais 14,2 millions
d'individus, soit un internaute sur deux (ibid). Parmi les nombreuses
possibilités qu'apporte l'offre de convergence, la première
citée par les internautes est le fait de pouvoir « choisir le
moment de fréquentation des différents medias » (78%). Cette
opinion est confirmée par l'augmentation de la consommation des contenus
radios et TV en différé (en streaming29(*) ou après
podcast30(*))(ibid).
« Il n'y a plus de complicité réelle
entre l'émetteur et le récepteur. Le consommateur se nourrit de
miettes éparses et l'émiettement du pouvoir médiatique
est, à ses yeux, gage de liberté. Comme si la recherche
d'objectivité et de recul avait en réalité aboutie
à installer, entre le consommateur et ses médias, une distance de
plus en plus grande et irrémédiable. Une distance qui pousse de
plus en plus de personnes à multiplier les sources d'information. (...)
Le lien entre l'émetteur et le récepteur d'actualité se
joue de plus en plus sur le registre de la méfiance ou de
l'ignorance. »31(*)
Denis Muzet illustre à travers ces propos les
conséquences des usages nés avec le web dans la consommation de
media. Cela démontre combien le rôle conditionnel dans le
déploiement du flux par le faire-réceptif est un
élément incontournable dans la consommation de média
d'aujourd'hui. Cela laisse perplexe sur la capacité des éditeurs
historiques à avoir su s'adapter aux velléités
implicatives de l'utilisateur dans l'énoncé. Le web et sa
conditionnalité dans le déploiement du dispositif a permis une
recentralisation de l'utilisateur dans l'énoncé, qui y voit une
source plus grande d'indépendance. Cette défiance vis-à de
la linéarité discursive est paradoxale puisque il convient
d'admettre que les contacts entre média et utilisateurs croissent.
2. Une augmentation
des contacts et de la participation
La propension à consommer moins de
télévision est notamment palpable chez les jeunes. Selon
Médiamétrie, les 15-24 ans ont regardé la
télévision sept minutes de moins en moyenne par jour en 2006. La
consommation s'établit à 1h58 par jour sur cette cible, pour 217
minutes chez les adultes. Cette génération, née avec
l'ordinateur domestique, maîtrisant les outils liés à
l'utilisation de plusieurs media est celle dont les contacts avec les media
sont les plus nombreux. 30 % des 15-24 ans consomment même jusqu'à
cinq médias sur une journée32(*). Notons que les personnes qui vivent en France sont
de plus en plus nombreux à être en contact avec les media et les
loisirs numériques, on recense par ailleurs en moyenne 41 contacts avec
une activité media par jour. Globalement, la part des loisirs
numériques (téléphone mobile, musique, jeux-vidéo,
vidéo) dans les activités médias des Français est
passée de 11,5% en 2006 à 14,7% en 2008. Internet
représente 9,1% des contacts médias des Français (7,9% en
2006). Les médias traditionnels (télévision, radio et
presse) restent majoritaires avec 76,2%.33(*)
Denis Muzet estime que cette évolution dans la
consommation relève d'une mutation de l'individu dans sa perception
médiatique: « sans s'en rendre compte, l'individu a
muté. Il est devenu «mediatico-sensible». »34(*) Cette augmentation de
l'activité peut être justifiée par une tendance à la
participation des utilisateurs. La part croissante que prend Internet dans les
contacts media est à mettre en parallèle avec la part des
utilisateurs contributeurs sur le net. Le contact media qu'est Internet permet
de passer d'un statut de faire-réceptif passif, comparable au rapport
communicationnel relatif au medium traditionnel à un statut de
faire-réceptif actif indispensable au déploiement du flux ;
qui, de plus conditionne le rôle du faire-émissif et participe
à sa graduation dans la valeur d'Internet en tant que medium.
La différence entre le web 1.0 et le web 2.0 se situe
principalement dans la transformation de la relation de présupposition
réciproque flux et déploiement vers flux, déploiement et
savoir-faire. Ainsi, cette stature de l'actant récepteur devenu acteur
est confirmé par des chiffres éloquents : en effet, 83% des
internautes assidus sont des contributeurs, soit 14,8 millions d'internautes
qui utilisent toutes les possibilités du Web pour s'exprimer et
participer en ligne. 3,1 millions des internautes assidus seraient même
devenus des « créateurs » de contenus multimédias
(création de son propre blog, diffusion de ses propres contenus
vidéo ou audio).35(*) La moitié des internautes de 15/19 ans ont
créé leur blog. (ibid)
Lionel Barbe voit dans la participation de l'utilisateur
à la création de valeur éditoriale une restructuration des
rapports communicationnels : « les sites participatifs,
ceux-là même qui drainent la majorité des contributions
préfigurent une nouvelle forme éditoriale, non plus
centralisée autour d'un modèle pyramidal mais fonctionnant sur un
modèle réticulaire, où chaque individu est à la
fois consommateur et producteur du média. » 36(*)
L'étiolement progressif de la verticalité de
l'information ne saurait être délié d'un contexte global
relatif à la sociologie des groupes. Les tendances aux prescriptions
citoyennes et regroupements par affinités convergent vers une
intégration à une communauté auquel s'apparente
l'utilisateur. Mais, comme nous allons le voir par la suite, ces
démarches peuvent également relever d'une dimension politique de
contournement médiatique.
3. La dimension
politique du contournement médiatique
L'histoire de l'information s'est accompagnée d'une
volonté croissante du peuple d'exprimer ses avis à mesure que les
technologies d'usage s'ouvraient à lui. Du 18ème au milieu du
20è siècle, la presse est notablement investie du devoir
d'opinion. La construction d'un espace public est au centre des
velléités journalistiques puisque débats et avis
contradictoires occupent les pages du journal d'opinion. Cette nouvelle
façon d'aborder la politique place les média comme un
prolongement de l'opinion publique. En réalité, celle-ci
émane d'une certaine élite intellectuelle et politique qui croit
s'approprier la pensée d'un peuple auquel on ne donne pas la parole.
Cette presse voit arriver la concurrence d'une presse moins engagée, qui
base son traitement de l'information non pas sur une prise de position mais sur
une mise en page de faits rapportés, expliqués, analysés.
L'épaississement de la concurrence contrecarre les
velléités de mise en texte d'une agora rêvée au
profit d'une logique marchande dont le but est de plaire au plus grand nombre.
D'aucuns voient dans cette récession de la place du débat la
conséquence logique d'une société où les avis sont
moins tranchés en cette période post deuxième guerre
mondiale.
L'émergence de dispositifs audiovisuels n'est pas
étrangère à la crise de la presse d'opinion.
L'aplanissement des opinions résulte d'une volonté plus grande
encore de toucher l'ensemble de la population. Nonobstant le fait que les
chaînes de télévisions sont sous le contrôle de
l'Etat, les prises de postions politiques sont réservées à
ceux dont on accepte encore la subjectivité : les experts et les
intellectuels qui prennent place dans des débats dont ils sont le centre
et à qui on délègue le devoir de les alimenter avec des
avis contradictoires.
Les travaux de Lazarsfeld et Katz ont mis en exergue la
faculté du récepteur à filtrer l'information et à
la réinsérer dans son cadre idéologique afin de construire
une opinion individuelle et par prolongement une opinion collective37(*). Cette démarche
intellectuelle ne prend forme qu'à travers l'existence d'un lien de
confiance entre le faire-émissif et le faire-réceptif. La presse
d'opinion était caractérisée par ces deux
éléments d'appropriation et de confiance. Seulement, cette presse
a décliné tant en influence qu'en popularité au profit de
nouveaux supports médiatiques dont les ressorts communicationnels
semblent plus équilibrés. Théorisant sur la
différenciation des émissions énonciatives selon le
medium, Régis Debray a insisté sur la capacité ou pas d'un
medium à adapter son discours à son support,
énonçant que « le support est ce qui se voit le moins
et qui compte le plus ».38(*) Marshall Macluhan a marqué le monde de la
communication avec cette sentence: « Le canal est le
message »39(*).
La spécificité des usages de chaque canal est bien réelle
et implique des différences de traitement de l'information.
Par sa nature, l'image conglomère des
éléments cognitifs multiples pour lesquels l'assimilation est
instantanée et peut être partagée dans le prolongement
émotif. La télévision au fil de son histoire a
englobé l'image dans une mise en spectacle favorisée par le
direct ou par le montage, qui implique par essence un choix. Ce choix n'est pas
toujours celui de la mesure ou de la nuance, les effets cognitifs sont tels que
les acteurs décisionnaires des chaînes de télévision
optent pour un énoncé impactant. Cette mise en scène
télévisuelle de l'information ne favorise guère le
débat d'idées. L'échange d'idées a
été réduit au fur et à mesure à une mini
mise en scène dans le sens où le spectaculaire a pris le dessus
sur la variété des avis.
"Il est évident que tous les locuteurs ne sont pas
égaux sur le plateau, des professionnels de la parole et du plateau, et
en face des amateurs, c'est d'une inégalité extraordinaire. [...]
La télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation
des cerveaux d'une partie très importante de la population."40(*) Bourdieu dénonce en
quelque sorte la théâtralisation des échanges et des
débats. Il insiste sur les codes du plateau, où comment un
citoyen lambda ne saurait exposer ses idées. Les enjeux
démocratiques sont fondus dans une masse d'informations parasites et
dans des arguments simplificateurs dont les tendances sont
exagérément manichéennes ou passablement uniformes.
Les contraintes énonciatives de la
télévision empêchent la mise en forme d'argumentations
progressives et structurées. Sa nature est fondée sur la parole
et l'écrit et la dimension passive du faire-réceptif oblige
l'énoncé linéaire à tenir impliqué le
téléspectateur pour qu'il n'y ait disjonction dans la narration.
Même si la presse confine tout autant l'actant à un rôle de
faire-réceptif passif devant le discours énonciatif, il
nécessite de sa part plus d'implication intellectuelle. Il est
indéniable que la télévision et sa mécanique
communicationnelle participent à la formation d'une culture de masse car
ses principes narratifs sont aisément assimilables et connus de tous.
La France connaît depuis vingt ans un essor du niveau
d'éducation moyen de ses habitants. Cela n'est pas sans effet car il
s'accompagne en théorie d'un développement du sens
critique. Le dialogue communicationnel s'en trouve changé dans le
sens où le faire-réceptif passif se voudrait plus actif. Cette
tranche de la population se replie vers d'autres espaces d'échanges,
dans des journaux d'analyse clairement engagés, dans des associations et
surtout sur les fora de discussion sur Internet. La communication
multimédiatique dilue le monopole du savoir inhérent aux media
traditionnels dans une multiplicité des émissions
énonciatives. L'élaboration du savoir via la multipolarité
des échanges remplace dans le cadre de ces fora participatifs
l'émission autonome de l'information. La prise en compte des opinions de
chacun dans l'élaboration du débat, qu'elle soit illusoire ou pas
rompt avec la passivité auquel les media ont majoritairement restreint
leur audience.
Denis Muzet illustre cette tendance en appuyant sur le fait
que « le lien entre l'émetteur et le récepteur
d'actualité se joue de plus en plus sur le registre de la
méfiance ou de l'ignorance. »41(*) découle aussi d'un sens. Cette critique accrue
du traitement médiatique a pour corollaire la mutation du
faire-réceptif vers un faire-réceptif-émissif. Plusieurs
paramètres participent à cette défiance.
Le premier est la collusion progressive des média et
des industriels, de façon logique puisque ces derniers prennent la
direction de grands quotidiens, de radios ou de chaînes de
télévision. Ces propriétaires au coeur de métier
originel parfois très éloigné du monde des media sont des
entreprises dont les marchés sont régis par l'Etat à
travers des appels d'offre publics. Certains voient dans ces investissements un
rapprochement des industriels avec les politiques. Certes, la presse d'opinion
n'a plus le même poids que dans le passé, cependant, la
transparence de certains propriétaires quant à leur
préférence politique laisse à certains un goût amer
à ceux qui prônent l'indépendance de la presse. Denis Muzet
élargit le champ des acteurs concernés par une déperdition
d'influence et d'impact sur les opinions:
« Le mouvement qui s'opère (...) touche
l'ensemble des élites et, d'une manière générale,
les groupes sociaux qui, dans notre pays, détiennent un pouvoir
fondé sur un savoir. Un lent discrédit ronge les corps
institués, ceux dont la connaissance suffisait jusqu'alors à
fonder l'autorité et la légitimité. Il affecte et met en
cause non seulement les hommes politiques ou les patrons, mais aujourd'hui
pêle-mêle experts, scientifiques, professeurs, corps
médical, autorités judiciaires, religieuses, et même, dans
le domaine de la consommation, les marques. »42(*)
Le second paramètre est évoqué plus haut
dans la typologie du consommateur de medium interactif. Le web permet à
chacun de d'exprimer, de mettre en scène sa vie. Cette forme
d'extimité conduit également à donner le sentiment que
tout comme dans la vie réelle, chacun peut exprimer son opinion sur
n'importe quel sujet qui l'intéresse. La multiplicité des erreurs
de traitement médiatique, tantôt dues à une trop forte
réactivité, tantôt dues à une manipulation de
l'information a réduit graduellement la confiance du citoyen dans le
journalisme. L'individu multimédiatique s'enquiert d'avis qui convergent
vers son opinion puisque la quantité d'espaces informatifs le lui
permet.
Denis Muzet voit dans les blogs une forme
d'institutionnalisation médiatique divergente, dont l'épaisseur
et la légitimité informative est considérablement
dépendante de son public:» les blogs sont crédibles parce
qu'ils n'émanent pas d'une institution, mais qu'ils établissent
un lien direct, sans intermédiaire, entre des individus en quête
d'information et d'autres qui y affirment un point de vue, le leur, auquel on
peut répondre et qu'on peut éventuellement contredire.
»(ibid)
Le débat que la télévision mimait a
laissé place à des espaces de dialogue bien plus impliquants et
participatifs. L'accès à l'échange communicationnel peut
répondre à un besoin de valorisation. D'après Jean Pierre
Meunier et Daniel Peraya,
« la notion de décentration
-- à laquelle il faut adjoindre son contraire, la
centration -- concerne l'ensemble des rapports sociaux dans la mesure
où ceux-ci contiennent toujours de la représentation
mentale -- d'autrui ou du monde partagé. Dans ce contexte, ce qui
retiendra surtout l'attention ici, c'est que cette notion psychologique et
même socio-psychologique s'articule étroitement avec la
sémiopragmatique43(*). Celle-ci a montré que toute
communication - orale, écrite, audiovisuelle - relève
d'un dispositif d'énonciation mettant en place un ou plusieurs
énonciateur(s) s'adressant à un ou plusieurs destinataire(s) au
moyen de divers actes de discours de forces variables. Il en découle un
système relationnel qui détermine largement les opérations
de décentration possibles pour les destinataires.44(*)»
Appliquée à la notion de contournement
médiatique, la centration et décentration de l'échange
communicationnel se rapporte à la dichotomie énonciative entre
supports médiatiques historiques et Internet.
La concomitance entre le déploiement conditionnel du
flux et son enrichissement par l'utilisateur nourrit l'idée d'un medium
plus enclin à la décentration. Cette dernière est
corroborée par le fait que le floutage du rapport entre
faire-émissif et faire-réceptif correspond à un
élargissement de l'émission de flux à tous, notamment aux
communautés. Leur activité médiatique en tant
qu'émetteurs et récepteurs a marqué une rupture dans
l'émission d'un flux destiné à tous. La mise en
scène énonciative d'un flux en circuit fermé a suspendu
l'idée d'une centration politique et sociale du discours
énonciatif.
C.
Les communautés au centre du processus de réappropriation des
media
1. Formation et valeur
des communautés
a)
Typologie des communautés
La communitas, c'est le partage d'une ressource le "munus".
Roberto Esposito45(*) a
montré que ce "munus" relève de l'économie du don, un
donum (don) qui crée un officium (devoir) particulier, le devoir donner.
Esposito définit la communauté comme « l'ensemble des
personnes unies non pas par une propriété, mais exactement par un
devoir ou une dette ». Il prend le parti d'une communauté
où le devoir prend le pas sur le don : « La
communauté ne s'appartient pas elle-même, l'être en commun
qui la constitue l'extériorise en la rappelant au principe de la dette
qui la fonde précisément sur l'exercice d'un devoir, sur la
nécessité de remplir un vide inextinguible. » La
logique vitale d'une communauté est qu'on ne peut pas ne pas donner.
Même si le mot a glissé vers une acception positive (un supra
individu né de l'addition des sujets et d'une mise en commun), le sens
de communauté relève encore du sacrificiel. Le terme
"Communauté" corrobore l'idée qu'il s'agit de créer des
regroupements qui reposent sur un « devoir donner », que ce
soit, du temps, du sens, du document, de l'information que le collaborateur,
« l'autre » membre de la communauté saura juger.
Esposito analyse la communauté comme la mise en exergue de
« notre altérité constitutive».
Cette « obligation de rendre », participe
à la formation d'un paradoxe avec le terme de collaboration. On retrouve
chez Marx cette notion de coopération. L'auteur de Le
Capital46(*)
considère la coopération comme une valorisation commune des
valeurs unitaires : « il s'agit non seulement d'augmenter les
forces productives individuelles mais de créer par le moyen de la
coopération une force nouvelle ne fonctionnant que comme force
collective ». Il ajoute que « le seul contact social
produit une émulation et une excitation des esprits animaux qui
élèvent la capacité individuelle
d'exécution,[...] cela vient de ce que l'homme est par nature,
sinon un animal politique, suivant l'opinion d'Aristote, mais dans tous les cas
un animal social ». Chez Marx, la coopération n'est pas
consentie. Sa notion de la communauté englobe la notion
d'élévation, ce qu'il faut rapprocher de la dimension de
contournement qui émane de la formation de communauté sur des
supports non médiés.
En couplant les visions d'Esposito sur la communauté et
celles de Marx sur la coopération, on pourrait arbitrairement en
déduire que la communauté, c'est une forme sociale artificielle
qui favorise une économie du don.
Dans le cadre de l'étude sur les communautés
présentes sur Internet et de leur poids croissant dans l'actualisation
des usages médiatiques, on complétera la définition
précédente par « c'est une forme sociale artificielle
médiée par des techniques qui favorise une économie du
don ». L'occasion de rappeler l'importance du déterminisme
technologique cher à Macluhan à cette question que l'on aurait
tendance, voir plus haut, à traiter sous la seule lumière de la
sociologie. On pourrait ainsi conclure que le mot communauté est
très pertinent pour une économie de l'échange de biens
symboliques (codes, données, contenus). La souplesse structurelle
d'Internet a permis la création d'une myriade de sites de toute taille
centrés sur des thèmes particuliers.
La dimension de contournement médiatique, la
nécessité d'accession à une forme de décentration
du rapport communicationnel et la faculté du récepteur à
réinsérer l'information dans son cadre idéologique ont
participé à la formation des communautés sur Internet.
Une communauté virtuelle, centrée sur un
intérêt commun, fonctionne selon des principes établis.
Chaque communauté à ses propres règles, mais on recoupe un
certain nombre de dispositions communes à l'ensemble des sites. Il est
intéressant de noter, que la communauté du don, proclamée
égalitaire et libertaire, recense une hiérarchisation des
intervenants. Selon la fréquence des collaborations, chacun des
utilisateurs est classé par ordre d'importance au sein de la
communauté. Le niveau le plus élevé dans la graduation de
la valeur collaborative, par ailleurs uniquement mesuré de façon
quantitative est assimilé à celui de super utilisateur. Cette
typologie d'internautes, souvent chargée de l'auto régulation de
la communauté, a des pouvoirs et un degré d'implication qui
dépassent amplement ceux des simples participants. Il est envisageable
que cet engagement répond souvent à une dynamique de
reconnaissance communautaire, au-delà d'un comportement altruiste.
Certains spécialistes de la sociologie des groupes ont
tenu à valoriser les réseaux. La loi de Metcalfe47(*) veut que la valeur d'un
réseau soit proportionnelle au carré du nombre de points
connectés, la loi de Reed48(*) (1999) ajoute une dimension humaine à la
dimension technologique: «Les réseaux qui encouragent la
construction de groupes qui communiquent créent une valeur qui
croît de façon exponentielle avec la taille du réseau,
soit, beaucoup plus rapidement que la loi de Metcalfe. J'appellerai de tels
réseaux des réseaux formateurs de groupes». Sur son site
Web, Reed explique que sa loi et celle de Metcalfe « sont des lois de
croissance qui indiquent comment la valeur d'un réseau est
créée pour ses usagers ». La valeur est ici
conçue comme celle de la « connectivité
potentielle », c'est à dire « le nombre de choix que
les participants d'un réseau peuvent faire (pour s'affilier à des
groupes) dans une architecture donnée ».
Jean Heutte, blogueur spécialisé dans
l'étude de la communication de groupe, classe les communautés
sous trois niveaux : les communautés d'intérêt, les
communautés de pratiques et les communautés de projet.
Même virtuelle, la communauté est bien
réelle, mais les interactions sortent du cadre spatio-temporel d'une
relation physique. Internet permet à une relation virtuelle de prendre
forme dans un espace infini, et dont la quantité des interliens se
compte en milliard dans le cadre d'une relation Internet. Pour Prax49(*), comprendre le fonctionnement
des communautés, c'est comprendre les mécanismes de
création de valeur dans la société du savoir, sachant
qu'une communauté est un échange entre au moins deux personnes,
qui s'enrichissent mutuellement.
b)
Les motivations d'adhésion
La pyramide des besoins schématise une théorie
élaborée à partir des observations réalisées
dans les 1940 par Abraham Maslow50(*) sur la motivation. Maslow estime que le besoin,
indispensable à la vie de l'homme, a des origines physiologiques,
instinctives, mais aussi culturelles et sociales. Il engendre des motivations.
D'où l'idée d'une pyramide des besoins : organiques, de
sécurité, d'appartenance, d'estime, et enfin de
réalisation de soi. Ils doivent être satisfaits dans l'ordre, avec
passage d'un niveau à un autre. L'intégration à une
communauté, non pas en tant que simple lecteur, mais en tant que
collaborateur semble correspondre aux étages les plus hauts dans la
pyramide de Maslow, ceux relatifs au sentiment d'appartenance et à
l'estime des autres et de soi. Cependant, le premier niveau, s'il est
nuancé rassemble des paramètres inhérents à
certains usages sur le net, notamment à travers les communautés.
La notion de besoin organique est sous tendu dans le contexte des
communautés par le terme
« nécessité ». L'individu - fragilisé
par les contraintes du monde non virtuel, trouve dans les communautés
l'environnement, les contacts, les informations dont il a absolument besoin
pour parvenir à ses fins : trouver un emploi; trouver une âme
soeur, développer son réseau social professionnel, apporter de
l'aide en qualité de citoyen, choisir, sans se tromper, un produit
impliquant pour lui. Dans ce cas, le recours à la communauté est
ressenti comme un soutien, même si la dimension ludique n'est jamais
absente de l'activité qui y est déployée.
À travers le terme « estime», il s'agit
plutôt de traduire l'idée de combler un désir ou une envie
plutôt qu'un besoin ou une nécessité. Le champ de
motivation de la reconnaissance relève plus de la seule volonté
de l'individu que de la réponse à une contrainte. Participer
à une communauté de ce type ne traduit pas un état de
fragilité mais plutôt une capacité à s'affirmer au
sein d'un groupe ou à en tirer un avantage, voire à y asseoir une
forme de leadership. Cependant, on peut s'interroger sur la viabilité
non pas de la teneur des besoins de l'être humain du schéma de
Maslow, mais sur la hiérarchisation qu'en fait l'auteur dans le cadre
d'une intégration à une communauté virtuelle. En effet, un
point semble rompre cette hiérarchisation. La participation à une
communauté virtuelle ne semble plus relever aujourd'hui d'un
prolongement du sentiment d'appartenance jusqu'à l'estime des autres.
Internet et sa myriade de communautés ont vu l'apparition des avatars.
L'anonymat est par essence un des points forts de ce médium, à
travers duquel on laisse croire à l'ensemble des protagonistes à
une forme de liberté sans frontières que l'emprunt d'un nom
imaginaire ne fait que renforcer. Il est aujourd'hui évident que
l'anonymat est un des leviers de la prise de possession par le public des
contributions. Derrière son écran, untel n'est plus son
état civil, il est son avatar. Très peu d'utilisateurs inscrivent
leur nom de famille dans l'espace émetteur d'identité. Cette
inscription des collaborations dans l'anonymat civil nuance ainsi la
théorie de Maslow hiérarchisant les besoins.
À la lumière de la pyramide de Maslow, il
convient de noter que ces besoins ne sont que partiellement comblés par
les éditeurs de contenus historiques, puisqu'ils ne savent
répondre à la dernière étape -la réalisation
de soi- qu'à retardement. En effet, seule l'accumulation de
données et de connaissances dans la durée peut procurer ce
sentiment, alors qu'Internet et de façon sous-jacente les
communautés savent répondre à ce besoin dans des
délais plus courts, puisqu'il y'a échange et
démédiation.
Cependant, malgré la dimension anonyme que revêt
la majorité des communautés, on assiste avec le
phénomène Facebook51(*) à une divulgation de l'identité de
l'utilisateur. Facebook met en relation non pas des avatars mais des personnes
physiques qui ont des liens sociaux réels. Facebook peut donc être
considéré comme une excroissance virtuelle de la vie
réelle. Pour pouvoir se connecter à ses amis, pour pouvoir
consulter leurs profil, et surtout, et c'est la rampe de lancement de Facebook,
retrouver des anciens amis, il faut divulguer son identité. Pour la
première fois, tout à chacun est disponible dans les moteurs de
recherche de Facebook, mais aussi ceux de google. Cette tendance va à
l'encontre des usages qui ont régi le web pendant des années.
Pour la première fois, les intervenants ont leur identité propre.
Même le développement massif des blogs n'avait pas réussi
à forcer leurs propres auteurs à se démasquer autant.
Facebook a réussi ce tour de force puisqu'il propose des prolongements
réticulaires dont les issues sont improbables mais ô combien
ludiques. Facebook a investi la toile à une vitesse que jalousent
l'ensemble des grands acteurs de la toile. Les possibilités qu'offrent
Facebook sont étonnantes dans le sens où pour la première
fois, l'existence virtuelle a un impact immédiat sur la vie
réelle. Les employeurs visitent les profils et l'on peut devenir ami
avec son supérieur hiérarchique. On pourrait expliquer ce
phénomène à travers le terme d'extimité, qui sous
tend que chacun des membres de cette communauté fasse non plus preuve de
discrétion mais qu'au contraire, qu'il mette en exergue sa
réussite virtuelle dans la vie réelle et réciproquement
à travers une mise en scène savamment étudiée.
On pourrait donc en conclure, qu'en fin de compte, les
théories de Maslow s'avèrent avec le temps, alors qu'elles furent
contredites jusqu'il y'a peu par les usages du web. Cela illustre plus encore
la complexité des usages liés aux besoins de l'être humain
sur la toile. Cette tendance à l'extimité corrobore l'idée
d'un besoin davantage assumé d'une recentralisation de son
« moi » au sein du rapport communicationnel, de
l'énoncé. FaceBook relate à chaque instant les
déroulements énonciatifs de sa communauté. Ceux-ci sont
écrits par chacun des utilisateurs et sont une extériorisation
publique de son intimité. Il faudrait en conclure que les écarts
dans la perception et l'accès à l'énoncé du
« moi » sont immenses entre le medium historique et le
réseau communautaire.
2. Le marketing face
au défi communautaire
L'histoire du marketing semble étrangement suivre celle
des media. Comme il est expliqué plus haut, l'apparition progressive de
communautés sur Internet illustre combien le medium de masse (mais aussi
quasi exclusif) semble révolu au bénéfice de segments
médiatiques plus fins. Les stratégies marketing de Ford à
aujourd'hui suivent la même direction que les médias.
Évidemment, cela n'est pas anodin puisqu'elles s'appuient sur une
valorisation du produit ou du service sur des supports destinés à
influencer la cible désirée dans son acte d'achat. Par
conséquent, media et marketing sont intimement liés. Il est
envisageable de considérer que leurs problèmes respectifs
à accéder à leur cible sont endogènes à
leurs liens, parfois collusifs.
La conditionnalité du déploiement du flux
implique une toute autre façon d'appréhender le rapport entre
l'actant, le citoyen, le consommateur et l'ensemble des grandes structures
économiques ou médiatiques. Puisque l'industrie médiatique
dépend en partie de sa capacité à toucher la cible
désirée, il paraissait improbable de voir les stratégies
marketing fidèles à ce mariage de circonstance.
Les marketeurs52(*) semblent avoir enfin compris l'importance de
l'observation des usages et des comportements relatifs à Internet,
notamment en ce qui concerne les communautés. Les jeunes, le hip-hop, la
tectonique53(*), les
adulescents54(*), les
no-childs55(*) ou encore
les passionnés d'art lyrique, tout est sujet à se retrouver
autour d'un sujet commun. La communauté peut être sociologique,
politique, économique, culturelle, sportive...Chacun des utilisateurs
sur le net est un actant qui veut se faire entendre, que ce soit dans sa bande
d'amis ou dans une communauté scientifique. Ce champ de motivation
relève plus de la seule volonté de l'individu que de la
réponse à une contrainte. Participer à une
communauté ne traduit pas un état de fragilité mais
plutôt une capacité à s'affirmer au sein d'un groupe ou
à en tirer un avantage, voire à y asseoir une forme de
leadership. Les marketeurs ont ainsi pris la mesure de l'hyper segmentation et
de la nécessité de remonter la chaîne identitaire de
l'individu médiatique.
Deux tendances corroborent la réalisation de cette
hypothèse : comme écrit ci-dessus, la convergence des moyens
d'accès Internet rendra la participation à la vie de ces
communautés encore plus simple, encore plus régulière. La
deuxième tendance est celle de l'arrivée à l'âge
adulte -pendant lequel le prescripteur est aussi acheteur- de la
génération née avec l'usage de l'Internet dans la
sphère domotique. Pour cette part de la population, les usages sont
banalisés sur des outils banals. Il est probable que leur participation
à la vie de ces communautés sera l'un des constituants de leur
personnalité d'adulte.
Installons cette tendance dans le contexte de la consommation
de media. Même si on évoque la propension des jeunes
générations à consommer plusieurs media en même
temps, il n'empêche que le temps passé par les individus à
participer à la vie de ces communautés a de fortes raisons
d'être un temps où leur attention ne se porte pas sur d'autres
médias, que l'on qualifierait de linéaires. Cette tendance
affecte par conséquent l'efficacité de la communication des
entreprises.
Plus perturbant encore pour les entreprises, les individus
développent à travers leur participation aux communautés
des réflexes d'autonomie en matière de création et de
diffusion de contenu. Par extension, cela tend à aplanir les
écarts dans la puissance d'émission entre l'entreprise et
l'individu créateur, le flux étant le même pour tous,
à l'inverse des flux linéaires. De plus, les capacités de
partage d'une appréciation, renforçant l'impact réel ou
ressenti des individus dans le développement d'une opinion, encouragent
dès lors à s'exprimer. À travers ces lignes, il convient
également de mettre en perspective la dimension de contournement
médiatique évoqué en amont. Il importe ainsi de
s'interroger sur l'éventuelle fin des « majorités
silencieuses ». La démocratisation galopante des usages sur le
net risque en effet de réduire plus encore la
pénétrabilité cognitive des messages publicitaires.
La mise en relief de comportements dits autonomes, tant dans
le déploiement du flux que dans l'implication à la
création du medium Internet participent à la mise en
distanciation de l'actant face aux discours que l'on peut qualifier
d'institutionnels (politiques, experts, marques, medias,...). A cela, on peut
ajouter l'agrégation d'avis individuels dont la portée est
grandissante dans la capacité de prescription qu'elle implique. Ces
facteurs conjugués font de la génération active sur
Internet un ensemble d'individu pour lesquels le libre-arbitre n'est pas un
choix, mais est en passe de devenir un état. Nous verrons plus loin
comment cela se matérialise dans la composition d'une offre
médiatique, particulièrement pour les FAI.
3.
L'inéluctable marketing de l'ethnique
Le marketing ethnique, né aux USA, est une façon
d'aborder commercialement une segmentation en fonction de l'origine ethnique de
la cible. Les USA abordent le marketing ethnique non pas comme une menace
à l'intégrité nationale, mais plutôt comme outil
d'intégration social, au nom de la consommation de masse et des
spécificités de chacun. « Si l'Amérique aime
ériger le marketing en outil d'intégration sociale, elle n'a
aucun scrupule à admettre cependant que l'appât du gain est la
motivation première de tout homme d'affaires à l'assaut d'une
part de marché que constituent les ethnies aux états
unis. » concède Anne Senges56(*). Elle part du principe que « les
consommateurs sont de plus en plus difficiles à cibler, l'industrie de
la publicité cherche à affiner son tir en visant le plus juste
possible ». Plutôt que de diluer les minorités dans la
masse, les entreprises américaines investissent des millions pour
connaître les différences de comportement de chaque groupe
ethnique en fonction de son degré d'acculturation. Le marketing ethnique
aux USA s'adresse à une communauté en tant que telle, adapte son
message à ses caractéristiques, en parlant le langage du
consommateur. Les années 60 ont vu l'avènement de la
contre-culture, qui a formé un contexte particulièrement
favorable à l'affirmation des droits identitaires. Aujourd'hui le
marketing ethnique s'adresse même à des cibles n'appartenant pas
à la communauté en question. Le contre-courant Rap au
début des années 90 marquait un pas supplémentaire dans la
dimension vindicative des `Noirs' américains. Depuis plusieurs
années, le rap vend plus aux `Blancs' qu'aux `Noirs' américains.
Replacé dans le contexte français, le phénomène est
différent mais tout aussi révélateur des désirs
d'appartenance à la non-masse : « Aujourd'hui, c'est chic
d'être une minorité, comme il est de bon ton d'appartenir à
un groupe social particulier et de s'en montrer fier » regrettent les
auteurs de La République Minoritaire, n'hésitant pas à
dénoncer le `coming out'57(*) d'individus, qu'ils soient corses, gays ou basques,
savoyards ou musulmans et l'idéologie funeste de la totale
transparence » cite Anne Sengès.
Politiquement, sociologiquement et économiquement, tous
les paramètres sont susceptibles en France d'orienter les
stratégies vers des messages uniques diffusés sur des supports
segmentés. L'unité républicaine n'est pas encline à
la différenciation ethnique du message publicitaire, seul le support en
incombe. Cependant, ces communautés existent avec leurs
spécificités, leurs cultures, leurs attentes, leurs envies, leur
pouvoir d'achat, leurs priorités, leurs sensibilités. Le medium
de masse se retrouve face à un dilemme dont il n'est pas le seul
décideur. Adapter son message à une communauté
ethnique ? Difficilement envisageable pour deux raisons, l'une est que la
majorité du public n'est pas visée par ce type de messages, et
l'autre est que le principe républicain inscrit dans la constitution
veut qu'il n'y ait pas de références religieuses ou ethniques
officielles. Certes, officieusement, les minorités sont
« visibles » pour reprendre les termes de certaines
personnalités politiques, et leurs spécificités n'en sont
pas pour autant réduites par leur inexistence administrative. L'auteur
cite Karim Stambouli:« même si les marketeurs sont encore
réticents, ils devront se rendre à l'évidence que
finalement il existe vraiment des leaders d'opinion et des communautés
fortes en France et l'apparition de nouveaux media permettra de les rassurer ou
de rassurer leurs annonceurs en terme de communication ».58(*)
Anne Sengès reprend Howard Buford, spécialiste
du marketing gay pour mettre en avant les avantages à remonter la
chaîne identitaire d'un individu: « la communauté
apprécie particulièrement que les annonceurs s'intéresse
à elle à partir du moment où elle la respecte, [...] ses
membres préfèrent cautionner des annonceurs qui reflètent
et respectent leur identité ». « Dorénavant
les minorités ethniques en Amérique veulent être
ciblées en tant que telles. Plus personne ne veut du `melting pot' mais
du `salad bowl', où chaque culture apporte sa spécificité
à la culture dominante. Les ethnies sont fières de l'être
et les marketeurs ont plus de chance de forger une relation avec elles s'ils
s'adressent à ces communautés en mettant en valeur leur
spécificité culturelle » remarque Alfred Schreiber de
Multicultural Marketing (ibid). Alors que le grand public devient de moins en
moins réceptif à la publicité (lassitude et overdose), les
immigrés fraîchement arrivés sont plus susceptibles
d'être charmé par la publicité. On dit d'ailleurs qu'ils
sont tellement flattés de l'intérêt commercial qu'on leur
porte qu'ils achètent presque en guise de remerciements.
Les communautés qu'elles soient ethniques ou pas sont
ce que l'on appelle communément en marketing des cibles de niches. Les
chaînes historiques de télévision catalysent aujourd'hui la
majorité des investissements publicitaires, signe que les medias de
masse sont pour les annonceurs le meilleur moyen de toucher sa cible.
Cependant, la démocratisation d'Internet a vu naître une nouvelle
forme d'économie, qui remonte la chaîne identitaire d'un individu
jusqu'à ses appétences les moins communes. C'est la logique de la
prise en compte des niches. Nous verrons par la suite comment les
opérateurs Internet ont su s'emparer de ces tendances pour les
transposer dans leur offre de services.
D.
Vers une restructuration de la politique de l'offre ; logique de la longue
traîne
La théorie de la longue traîne prend
forme à travers Chris Andersen59(*) qui explique comment Internet a permis à une
nouvelle économie de prendre forme. Selon Andersen, « Nos
postulats sur les goûts du public ne sont en fait que des illusions dues
à une inadéquation entre offre et demande. Il s'agit en fait une
réponse du marché à l'inefficacité de la
distribution. » Le monde matériel, c'est-à-dire
l'économie que nous connaissons tous à travers les magasins
physiques présuppose un nombre de limitations quant à l'ouverture
du marché à tous. Les limitations sont d'ordre
géographique et physique. Les media de radio-télédiffusion
sont par exemple très gourmands en ressources et supposent une
restriction des fréquences aux plus importants d'entre eux.
En ce qui concerne le divertissement, Andersen met en doute la
volonté des grandes industries de vouloir répondre aux attentes
de niches au profit de produits de masse. « Ces dernières
années, les autres voies (du contenu) ont été
marginalisées au profit de grosses machines commerciales
fabriquées sur commande par des industries incapables de vivre
autrement. » Car, s'il évoque les attentes des niches, c'est
que l'auteur estime qu'Internet a permis à chacun d'exprimer ses envies
et ses passions au sein de communautés rassembleuses. Le médium
interactif a permis d'outrepasser le discours énonciatif des grands
medias. « Ce ne sont pas les possibilités offertes qui lui
apportent des avantages, c'est le fait de pouvoir choisir », avance
Andersen pour illustrer cette tendance au libre-arbitre de l'individu dans ses
choix.
Andersen prend pour exemples Amazon et Google qui
réalisent une bonne partie de leurs chiffres d'affaires grâce aux
segments de niches. La longue traîne est donc la queue des
ventes réalisées en petite quantité par une grande
quantité de produits. La tête de la traîne représente
les « hits » qui génèrent en théorie
80% du chiffre d'affaires selon la loi de Pareto.
Cependant, ce qu'explique l'auteur, c'est que la loi de Pareto
n'a de valeur que dans les marchés matériels. Le principe de
la longue traîne n'est effectif qu'à certaines
conditions : démocratisation des outils de production (tout le
monde devient éditeur), baisse des coûts de consommation due
à la démocratisation des coûts de production (tout le monde
devient distributeur) et connexion entre l'offre et la demande, qui fait
connaître aux consommateurs les biens nouveaux qui tirent la demande vers
l'aval de la traîne.
Ce paramètre est essentiel puisqu'il reflète
combien les inter-connexions, les communautés et les réseaux
jouent un rôle primordial dans l'avènement du support Internet en
tant que medium collaboratif. De leur dimension prescriptive découlent
des recommandations appropriées, agrégées en amont. Cela a
pour effet économique d'inciter le client potentiel à aventurer
ses recherches plus loin en dehors du monde qu'il connaît
déjà, ce qui provoque un glissement de la demande vers les
niches. «Du fait de l'élargissement de nos centres
d'intérêts dû à l'explosion de la diversité
disponible, la demande de conseils éclairés et fiables
s'étend désormais aux niches les plus
étroites. » Andersen60(*) politise sa théorie en soulignant que
« les recommandations sont une force de démocratisation dans
une industrie remarquablement peu démocratique. »
L'auteur est favorable à la théorie de
l'abondance et insiste sur les qualités de filtrage qui ne sont plus du
ressort unique des industries mais tendent à prendre forme en
aval : « Dans le marché de la longue
traîne, la dématérialisation doit permettre de
réduire le préfiltrage et d'augmenter le post filtrage, qui se
fait la voix du marché. Il canalise les réactions des
consommateurs et s'en fait l'écho au lieu de chercher à les
anticiper. » La loi des 80/20 subit donc trois mutations dans le
marché de la longue traîne : une offre beaucoup plus
étoffée devient possible ; comme il est plus facile de
trouver les produits les ventes se répartissent ; et il est
possible de faire des bénéfices à tous les niveaux de
popularité.
La corne d'abondance qu'évoque Andersen est susceptible
de répondre favorablement à l'extension du
« moi » dans le rapport communicationnel. La logique de
micro-niches fait écho à la notion d'affranchissement face
à l'hégémonie énonciative des médias
historiques. Elle est capable d'adhérer aux besoins identitaires de
chaque utilisateur et répond à la multiplicité des
émetteurs et récepteurs de flux. Elle est un
élément déterminant dans la remontée de la
chaîne identitaire d'un individu. En quelque sorte, il s'agit du pendant
économique des évolutions des usages observées à
travers l'assimilation progressive d'Internet.
L'ensemble des évolutions évoquées dans
cette première partie cristallise la disjonction initiée par
l'assimilation du médium Internet dans la linéarité des
rapports medium-public. La crise de la presse, de la musique et dans une
moindre mesure, les problèmes rencontrés par la
télévision et la radio sont là pour illustrer leurs
difficultés face à l'évolution du faire-réceptif.
Internet a permis à ce dernier de se défaire d'une forme de
passivité face à la linéarité des flux. Le
rôle indispensable et incontournable de l'actant dans le
déploiement conditionnel du flux a bouleversé les codes de
l'échange communicationnel.
Amorcée par cette révolution technologique, le
rôle de l'actant s'est graduellement transformé de
récepteur à contributeur. De ce paradigme, profondément
révolutionnaire, est née une myriade de communautés dont
la teneur diffère à l'infini. Chacun des utilisateurs lit,
conseille, condamne, vilipende, porte aux nues, aide, se confie dans des
échanges qui sont pour la première fois sur un support
démédié. Les utilisateurs sont devenus des filtres dans
l'aide à la décision et se muent en prescripteurs, au grand damne
des entreprises dont les stratégies sont à repenser en
conséquence des évolutions sociologiques. On assiste par
conséquent à une démédiation des rapports
communicationnels que certaines entreprises contournent en s'adressant
directement en communautés. Cette démédiation est un
concept que les entreprises de media ont du mal à cerner. C'est de ce
postulat que les frontières que l'on croyait inamovibles se sont
fissurées. Nous avons assisté alors à des
stratégies d'entreprise inédites, matérialisées
notamment, et c'est l'objet de notre propos, par des fournisseurs
d'accès Internet proposant des bouquets de chaînes dans le cadre
d'une offre globale illimitée comprenant Internet,
téléphonie, et télévision.
Cette démarche s'inscrit aussi dans une logique de
stratégie de l'offre propre à Internet et totalement
inédite. « Nos postulats sur les goûts du public ne sont
en fait que des illusions dues à une inadéquation entre offre et
demande une réponse du marché à l'inefficacité de
la distribution. »61(*) Chris Andersen s'interroge sur les limites du
marché matériel, et met en exergue la capacité de
certaines entreprises à comprendre les évolutions des attentes
des consommateurs à travers une stratégie de l'offre ad hoc.
C'est dans ce cadre que nous nous interrogeons sur la
portée de cette stratégie d'extension de métier. Au
préalable contenant, nous assistons aujourd'hui à des
télécoms en passe de devenir éditeurs de contenus. Cette
propension à investir sur un marché comme celui des média
peut-elle être corrélée à la capacité qu'ont
FAI à connaître les nouveaux usages nés sur le web,
révélateurs d'une transformation globale des attentes du public
?
C'est à travers l'analyse de l'offre éditoriale
et marketing de l'agrégation de chaînes que nous mettrons en
perspective les prises en compte des transformations de la consommation media
dans la stratégie de l'offre des FAI. Le propos de la deuxième
partie sera de mettre en exergue la propension de ces nouveaux acteurs
médiatiques à transposer l'évolution des usages sur
l'offre de TV sur IP.
« Les masses n'existent pas, il n'existe que des
façons de considérer les personnes comme des masses »
Raymond Williams
« Nous sommes tous des niches » Virginia
Postrel
II. Transposition des nouveaux usages à travers l'offre
éditoriale et marketing de l'IPTV dans une logique d'adhérence
utilisateur
À travers l'analyse du contexte socio-économique
de la consommation médiatique faite en amont, plusieurs
évolutions notables ont été mises en lumière.
L'objet de cette partie est de matérialiser la façon dont la
stratégie d'intégration des FAI dans le marché des
média s'est accompagnée d'une prise en compte de ces
évolutions de consommation, qu'elles dépendent des usages ou des
facteurs économiques. Au travers des supports matériels et de la
prise en compte des données et des avis des utilisateurs, nous verrons
en amorce de ce chapitre l'adhérence aux nouveaux usages par les FAI.
Cela nous conduira à nous pencher sur l'agrégation de
chaînes et son écosystème. La mise en place d'un bouquet de
chaînes a initié le bouleversement médiatique auquel nous
assistons aujourd'hui. La somme des chaînes proposées est le
résultat d'une prise en compte des attentes des abonnés. Enfin,
ce chapitre démontrera combien l'écart entre les media
historiques et ces nouveaux entrants s'est réduit par le biais de
politiques divergentes. La stratégie de valeur des FAI s'est ainsi
opposée à une perception erratique des attentes des utilisateurs
par les éditeurs historiques.
Communément dénommée IPTV pour Internet
Protocole, la télévision que proposent les FAI rappelle ses
origines télécoms à l'ensemble des utilisateurs. L'IPTV
utilise donc les ressources nécessaires à l'acheminement du
signal téléphonique (Internet) pour faire passer dans ces dits
cuivres62(*) des
informations de type audiovisuel. NeufCegetel est l'initiateur de ces offres
Triple Play, pour Internet, téléphone, TV, appelées aussi
Box. En opérant sur le marché de l'agrégation de
chaînes, les télécoms participent une fois encore du
bouleversement technologique, peu après avoir cannibalisé le
marché du téléphone fixe. La convergence de trois supports
de communications répondant à des besoins distincts du
faire-réceptif sur une base tarifaire très abordable a remis en
question l'étanchéité présupposée des
frontières entre les supports de communication existants.
A.
Logique d'adhérence aux évolutions des utilisateurs
1. Transposition du
faire-réceptif multimédia sur l'IPTV
Les FAI ont graduellement développé leur offre
de télévision. Les atermoiements du début ont
laissé place à une offre de plus en plus qualitative. Les
supports matériels ont été associés à
l'adhérence progressive des attentes et usages des utilisateurs. La
télécommande comme la télévision ont
accompagné l'acceptation d'un nouvel entrant par les abonnés au
travers du recentrage de l'actant dans l'énoncé.
Ces deux supports, à la source de l'échange
communicationnel entre faire-émissif et faire-réceptif ont
pleinement participé à l'évolution de ce rapport.
a)
De la télécommande...
Histoire
En 1956, Robert Adler et Eugène Polley, alors que la
télévision était presque expérimentale,
créent la télécommande. Zénith Electricity demande
à ses ingénieurs un moyen de changer de chaînes à
partir de l'endroit d'où l'utilisateur regarde la
télévision. Cette invention marque un tournant dans l'histoire
communicationnelle des rapports d'émission-réception.
Cet objet permet à tout à chacun d'augmenter son
pouvoir de décision tout en réduisant ses efforts. Cela a pour
effet que l'actant s'adonne plus facilement au choix du programme, il dispose
d'un pouvoir de décision matérialisé dans un objet qui
prolonge ses ordres. Ces injonctions discontinuent le discours
énonciatif. Elles resituent l'utilisateur dans une
bilatéralité communicationnelle, premier pas vers
l'individualisation des choix.
Certains, comme Michel Serres voient même dans la
télécommande un outil politique de contournement, de refus, ou
d'adhésion. Médiamétrie identifie et matérialise
les choix du téléspectateur. Cette prise d'informations est
devenue capitale pour les annonceurs désireux de toucher un public de
masse. Ces informations sont recoupées et monnayées pour leur
caractère informatif des clients potentiels.
Les FAI et les télécommandes
Les télécommandes des FAI sont conçues
pour correspondre aux attentes actuelles et futures des utilisateurs. La
conception d'une télécommande requiert une connaissance des
usages et de leurs évolutions et doit faciliter les choix de
l'utilisateur.
Les FAI ont opté à leur début dans l'IPTV
pour des télécommandes austères, peu ergonomiques ni
même esthétiques. L'implication progressive de ces acteurs dans un
marché duquel ils n'étaient pas coutumiers s'est
accompagnée d'une augmentation progressive de la qualité de leurs
télécommandes. Comme si les FAI avaient compris les efforts qu'il
fallait consentir pour se faire accepter en tant que véritable support,
les télécommandes ont agrémenté les services TV
d'un outil de plus en plus ergonomique et esthétique. NeufCegetel a
opté par exemple pour une télécommande
« design ». Cela a pour effet de conforter l'utilisateur
dans son choix non plus seulement pour des raisons purement
économiques : le fait de disposer de chaînes gratuites avec
la télévision, mais aussi pour des raisons qualitatives. Les FAI
ont pris la mesure de la valeur de la télécommande dans
l'imaginaire qu'elle créée chez l'abonné dans le sens
où elle est le lien directe entre lui et l'IPTV. Les boîtes
étant sommaires pour des raisons de coûts, la priorité mise
sur les télécommandes semble correspondre aux attentes des
utilisateurs pour lesquels ce genre d'outils légitime le FAI, non plus
en tant qu'alternative économique, mais en tant que concurrent direct
des autres éditeurs de services télévisuels.
Free a récemment poussé l'expérience plus
loin encore avec la livraison à ses nouveaux abonnés d'une
télécommande multifonction. Il est à noter que les
différentes versions des box se sont accompagnées de la
même télécommande. Celle-ci propose à
l'abonné la possibilité d'utiliser l'objet d'une façon
verticale et d'une façon horizontale. L'usage vertical rappelle les
manettes de consoles de jeux avec des boutons placés à des
endroits similaires, Free n'a pas encore dévoilé l'usage
précis de cette dimension « manette de jeu » mais
les utilisateurs s'attendent légitimement à une interaction
accrue. La nouvelle télécommande de NeufTV intègre des
boutons qui dirigent directement vers des services comme la VoD et le media
center, un signe supplémentaire du surgissement du non-linéaire
dans les outils issus des usages du linéaire.
b)
...à l'objet télévision
Une évolution lente
Bien que la télécommande innerve la relation
d'émission-réception entre le médium
télévision et l'utilisateur, celle-ci n'a d'intérêt
que si elle agrémente un médium qui justifie son utilisation. Les
dernières télécommandes ont gagné en nombre de
boutons pour répondre aux nécessités des nouveaux services
que proposent les FAI.
La télévision a lancé le
télétexte il y'a une dizaine d'années. Cet outil, qui
rassemble de l'actualité et des services comme la météo et
les courses utiles à l'époque, parait aujourd'hui quelque peu
obsolète. Depuis, la télévision et ses diffuseurs n'ont
mis en place aucune offre de service interactif alors que la demande de
participation de l'utilisateur se faisait de plus en plus sentir. Entre
l'époque de lancement du télétexte et aujourd'hui se sont
installés des usages qui ont bouleversé le rapport
d'émission-réception. Le discours énonciatif
écranique propre à la télévision du début
des années 90 s'est progressivement révélé
inadapté aux besoins communicationnels du moment. Jack Goody rappelait
que « les modes de communication d'une société
comprennent à la fois les moyens de communication et les rapports
sociaux de communication »63(*). C'est à dire que la démocratisation
des outils liés à l'Internet émane d'un mouvement
d'appropriation de masse. Ce qui, finalement, illustre dans ce cas la
corrélation entre avancée technologique et avancée
sociologique.
De son côté, la télévision a connu
plusieurs mutations de l'ordre du contenu, mais assez peu en ce qui concerne la
forme. Les écrans plats et la haute définition sont les
exceptions. CanalSatellite et TPS ont marqué un tournant en poussant les
possibilités d'interaction de l'actant avec l'affichage du programme en
cours ou à venir, la possibilité de changer la langue ou les
sous-titres ou encore l'achat de films sur Kiosque, en quelque sorte les
prémices de la VOD. Ces deux agrégateurs de contenus proposent
également des jeux, des services utiles, des radios...Le pas en
matière d'implication dans l'énoncé est franchi avec
l'arrivée sur le marché de ces deux éditeurs issus
d'importants groupes média : CanalPlus et TF1.
Les FAI se sont inspirés de ces avancées. La
logique de concurrence qui prévaut sur ce marché a
favorisé une intense activité des secteurs de recherche et
développement, ce qui a permis d'offrir de nouveaux services. Free a
installé un disque dur dans son boîtier pour enregistrer
directement la télévision, NeufTV a mis en place un media center
qui permet d'afficher l'écran de son ordinateur sur sa
télé et a poussé à son paroxysme la logique de
convergence en lançant la chaîne Dailymotion dans son plan de
service, qui diffuse en haute qualité les vidéos présentes
sur le site Internet. De plus l'opérateur, désormais
intégré au groupe Vivendi à travers sa fusion avec SFR
envisage de lancer une chaîne, voire deux, qui diffusent les meilleures
courses du jeu vidéo exclusif en réseau Exalight64(*), auquel peuvent jouer tous les
abonnés. Les logiques de convergence évoquées dans le
chapitre I sont corroborées par ce type de services. Le marché
étant désormais mature, les fournisseurs arguent leurs
innovations pour se démarquer.
La page d'accueil ou la fin de la linéarité
discursive
De plus, la gratuité des services
télévisuels à travers une offre triple play permet aux FAI
de s'arroger du droit à certaines démarches purement marketing
qu'un service payant n'oserait pas mettre en avant de façon aussi
explicite. La page d'accueil après l'extinction-allumage de la
box65(*) est la
fenêtre de mise en avant censée favoriser l'attractivité de
services rémunérateurs. Cette page d'accueil chez NeufCegetel est
composée d'un écran reprenant la dernière chaîne
visionnée ; des services météo, radio et horoscope,
un bandeau publicitaire reprenant les nouveautés pour la VOD et enfin la
liste des chaînes aux meilleures audiences de l'instant. Cette
chaîne est dénommée « page d'accueil »,
référence sémantique à Internet. L'architecture de
cette chaîne rassemble d'ailleurs certains codes ergonomiques d'une page
Internet standard. L'écran est quadrillé en deux verticales,
intitulées « frames »66(*) dans le langage du web, l'une
centrale avec sa fenêtre de diffusion, l'autre sur le côté
proposant un accès rapide aux chaînes et aux nouveaux films de la
VoD.
Cette page est un des pivots de l'énoncé
émis par les services TV des FAI. La palette de possibilités
proposée à l'abonné ne relève pas ici d'un simple
choix de chaînes et d'informations relatives, mais d'un ensemble de
services plus ou moins liés au contenu télévisuel. Les
services radio, horoscope, météo répondent à des
besoins dits du quotidien. Ces dits-services se rapportent à des usages
relatifs à la presse quotidienne pour l'horoscope et la
météo, et la radio est le medium que l'on affuble souvent du
terme « matinal ». Le media center est le lien entre
l'ordinateur et la télévision. La VOD est une forme de
consommation délinéarisée des contenus audiovisuels.
La résultante de la somme de ces services est que le
FAI ne se contraint pas à être un simple relais de
l'énoncé télévisuel. L'usage habituel de la
télévision implique l'appui sur une touche de la
télécommande relative à une chaîne
désirée sur laquelle l'utilisateur arrive directement. Le FAI,
dans ce cas, innerve l'échange discursif traditionnel entre la
télévision et le téléspectateur à l'aide
d'outils de promotion ou de service. La différence est majeure dans le
sens où les chaînes subissent l'apparition d'une médiation
qui ne leur est pas favorable puisque force de propositions alternatives.
L'innervement dans l'énoncé émis par les éditeurs
historiques annonce une prise de position stratégique de remise en cause
des historiques rapports communicationnels entre faire-émissif et
faire-réceptif.
Les FAI, lors du lancement d'offres TV dans leur Triple Play,
étaient considérés comme de simples fournisseurs de
chaînes. La teneur médiatrice de cette page d'accueil s'inscrit
dans une démarche ouverte de rétablir le rapport de force entre
fournisseur de contenu et opérateur, en indiquant que sans moyens de
livraisons, le signal n'a aucune valeur. Le transport du signal, comme nous le
verrons par la suite, s'avèrera être un élément
déterminant dans l'évolution structurelle du marché.
Cette page d'accueil a pour cadre une prise en compte globale
des attentes des abonnés. Le paradigme diffusionniste segmente
l'appropriation d'une technologie selon des typologies de personnes
graduellement proactives dans l'assimilation de l'outil. Les
« innovateurs » comme les dénomme Everett
Rogers67(*) se rapportent
dans ce cadre à une population plutôt jeune et urbaine.
L'étude sur la sociologie des groupes et des communautés
révèle la part croissante de la méfiance voire de la
défiance envers les médias de cette typologie d'utilisateurs
fervents utilisateurs du web. Cette distanciation amorcée par le FAI
dans le cadre de l'IPTV trouve son parallèle dans la métamorphose
de la consommation médiatique. On pourrait en conclure que cette
démarche répond à un double enjeu : la demande
croissante d'interactivité et l'adhérence à la
défiance vis-à-vis des média d'une certaine typologie
d'abonnés. Cependant, même si 74%68(*) des abonnés TV de NeufTV sont satisfaits de
cette page d'accueil, les mécontents arguent l'orientation trop
commerciale de la page, l'excès d'information et
préféreraient arriver directement sur une chaîne, comme le
veulent les usages historiques de la télévision. Le point
d'amélioration central doit être l'utilité du portail.
L'indicateur d'audience ou l'altérité
prescriptive
La fenêtre intitulée « guide des
programmes » indique les parts d'audience de l'instant sur l'ensemble
des chaînes dont l'abonné dispose. Cela n'est pas anodin, il est
inédit pour un téléspectateur de jouir des audiences
instantanées. Les mesures audimétriques de la
télévision hertzienne sont instrumentalisées par un
boitier intitulé « audimètre MCS »
informée des visionnages de chacun des membres du ménage.
Collectées puis analysées par Médiamétrie, les
informations sont utilisées pour établir la popularité
d'un programme ou d'une chaîne. Quelques 8000 personnes font partie de
cet échantillon destiné à représenter justement la
population française. Chacune d'entre elles dispose d'un pouvoir sur la
popularité d'un programme.
En septembre 2005, grâce à un partenariat avec
Médiamétrie et Netgem69(*), NeufCegetel est le premier FAI à proposer un
service de mesure d'usage en temps réel des chaînes
diffusées par l'opérateur. Top 9 présente le classement
des 9 chaînes les plus sélectionnées par les abonnés
parmi toutes les chaînes TNT et ADSL du bouquet NeufTV. Cette initiative
a rapidement été suivie par Free qui propose le même
service sur les 15 chaînes les plus choisies.
Les mesures d'audiences du FAI NeufCegetel ne fonctionnent pas
sous le même processus. Elles prennent en compte les boîtiers
allumés et la chaîne choisie. Les paramètres sont
notoirement différents de ceux de Médiamétrie concernant
les audiences hertziennes ou TNT. Médiamétrie appelle
régulièrement ses foyers audimétriques pour
corréler les informations fournies par le boîtier et les
comportements de consommation des habitants du ménage. Ce n'est pas le
cas des FAI qui reçoivent des données brutes reversées
directement dans la fenêtre « guide des programmes »
ou dans la mosaïque. Il faut ajouter que les audiences des FAI ne sont pas
représentatives de la population et ne sont à aucun moment
pondérées. La divergence dans la mesure d'audiences entre media
historique et FAI tient en deux mots : qualité et quantité.
Le choix de la quantité chez les FAI résulte
d'une adhérence à certains usages types sur le web. Comme
expliqué dans La longue traîne70(*), « les
recommandations sont une force de démocratisation dans une industrie
remarquablement peu démocratique. » L'auteur fait
référence à l'écosystème du web dont
certaines méthodes de recommandations entre acheteurs ont
été préemptées par des entreprises comme
Amazon71(*) ou
eBay72(*). La somme des
avis donnés par les utilisateurs d'un produit est perçue de
façon plus positive que les recommandations d'entreprises marchandes. Et
pour cause puisqu'il est dénué à priori de
partialité.
Pour revenir à la page d'accueil de NeufTV, cette
fenêtre recensant un instantané des audiences installe les
abonnés au centre du système évaluateur de performance.
Cette intention délibérée de mettre en avant les choix des
« confrères » abonnés en direct répond
à une tendance lourde observée sur le web, sur lequel tout est
noté, commenté, puis conseillé, admiré,
porté aux nues ou pointé du doigt. Ainsi, les programmes mis en
avant ne relèvent pas d'un choix éditorial de l'opérateur
mais de la somme des libres choix de l'ensemble des abonnés
branchés sur l'IPTV. Cela n'est pas sans rappeler les mises en avant par
« nombre de visionnages » des sites vidéo comme
Youtube73(*).
Des jeux-concours ou la banalisation du canal
NeufCegetel a lancé un jeu-concours sur TV au mois de
juin 2008. Grâce aux touches de la télécommande,
l'abonné répond à des questions portant sur le bouquet de
chaînes avec à la clé des cadeaux offerts par les
chaînes sur lesquelles les questions portent. La page d'accueil met en
avant le jeu-concours. L'abonné décide d'interagir à
l'aide de sa télécommande et se voit diriger vers un canal, comme
pour une chaîne, qui affiche le jeu, et envoie les réponses
à un serveur central qui recoupe les réponses avec les
informations personnelles du client. L'attribution d'un canal pour ce
jeu-concours, comme c'est le cas pour la chaîne Exalight, rappelle la
faculté des FAI à s'extirper des réglementations usuelles
de la télévision hertzienne pour laquelle l'attribution du
moindre canal prend des années et nécessite l'intervention de
l'état à travers le CSA. Cela invoque une banalisation des
canaux, des flux, au profit de services interactifs. Les différents
choix de marketing éditorial évoqués plus haut sont
conformes à des usages communs à Internet et ses utilisations.
Notons aussi que la perception des canaux de télévision par les
FAI s'apparente à une forme de relais de croissance. L'utilisation de
canaux à des fins promotionnelles, comme le sont les barker74(*) ou les pop-up75(*), s'inscrivent dans une logique
de mise en avant d'un non-linéaire rémunérateur par le
biais du linéaire. Certains opérateurs travaillent actuellement
sur les perspectives ouvertes par l'EPG76(*). Informant les téléspectateurs du
programme, de sa durée, éventuellement de ses acteurs ou
réalisateurs, ces guides seraient amenés à renforcer les
liens entre linéaire et non linéaire. Il s'agirait d'utiliser les
informations relatives au programme afin de les recouper avec la base de
données du non-linéaire. Les recommandations qui en
découleraient seraient un vecteur supplémentaire de
délinéarisation des programmes. L'extraction de l'orthodoxie
énonciative inhérente à la télévision
conforte l'idée que les FAI se refusent au confinement d'un rôle
de simple distributeur.
c)
Des films à domiciles
La VOD peut se draper du voile de la révolutionnaire
médiatique. Ce service, pourfendeur de la linéarité
discursive et grand protecteur de la fragmentation des audiences est un
prolongement de l'indépendance progressive des spectateurs face à
la chronologie de diffusion. La délinéarisation des services
éditoriaux émane de la conjonction de la profusion des medias
disponibles et de la volonté de plus en plus prégnante des
utilisateurs d'adapter leur consommation dans un espace-temps dont ils sont les
détenteurs. La VOD propose de regarder un programme au moment
souhaité. Elle a deux fonctions principales : regarder un programme
diffusé sur une chaîne ou visualiser un programme non
diffusé à la télévision et qui s'inscrit dans la
chronologie des media. Ce type de service est disponible sur le web et sur
l'IPTV. Les principaux éditeurs de VOD ont d'abord
préempté Internet avant de prendre en charge
l'éditorialisation de service de vidéo
délinéarisées sur l'IPTV, ce qui illustre une fois encore
les passerelles entre le net et la télévision à
l'initiative des opérateurs Internet. Depuis, certains FAI se sont
affranchis de ce partenariat pour monter leur propre service, ce qui d'une
autre façon fait montre de leur pugnacité quant à devenir
un véritable éditeur.
Revenons à la dimension interactive des services VOD
disponibles sur l'IPTV. Thématisée, classée par
nouveautés, paquetée autour d'un acteur ou d'une typologie de
films, la mise à disposition des contenus implique une bonne
lisibilité. L'acception populaire veut que la VOD soit assimilée
au VideoClub77(*) à
domicile. Ceci est vrai en partie, mais les FAI ont augmenté le
bénéfice client à travers plusieurs points.
L'écart de confort se situe dans le paiement. Les FAI
ont systématisé le report sur la facture de l'abonné de
ses achats en VOD. Cela réduit sensiblement le frein à l'achat
par la disparition de l'acte physique d'achat avec une carte bancaire et la
composition du code. Ce mode de paiement s'inscrit dans la logique de floutage
des coûts réels par les opérateurs mobiles ou Internet
grâce à l'étalement des paiements de façon mensuel.
Les cautions et les déplacements liés à la location en
vidéoclub disparaissent. Le fait d'être déjà
abonné auprès du fournisseur réduit les incertitudes
d'achat liées aux angoisses des problèmes bancaires sur Internet.
Les opérateurs inscrivent les consommations sur la facture totale et
cela permet à l'abonné de faire converger une fois de plus des
consommations vers un nombre réduit de factures. Matérialisation
directe de toutes les théories de convergence des media, la facture
comptabilise des services différents qui utilisent au final le
même signal. Elle symbolise le regroupement de services
médiatiques autour d'entités restreintes, mais aussi
l'assimilation d'usages car elle est de plus en plus envoyée dans une
boîte électronique au profit d'envois postaux.
Les FAI se font également empathiques puisque les films
pornographiques ne sont pas nommés dans l'édition de la facture.
La consultation des consommations sur deux supports, la boîte mail et la
télévision s'inscrit dans une pratique multimédia et
interactive.
La somme des avantages promis par les FAI ne se résume
pas à des paramètres fiduciaires. Mesurant la mutation des usages
et des attentes qui en découlent, l'architecture des services de
vidéo à la demande s'est agrémentée d'outils
interactifs riches. Les résumés de films ne sont pas une
nouveauté dans la location de films. La possibilité de visionner
une bande-annonce en est une, tout comme l'apparition des notes de critiques et
des spectateurs. Ces avis émanent du site Allocine.fr, institution sur
Internet. Fort de son agrégation de résumé, photos, bande
annonces, critiques professionnelles et avis de spectateurs pour chaque film,
Allocine.fr78(*) dispose
d'une forte potentialité en termes de contenus. Ce partenariat
démontre une fois de plus la capacité des FAI à
établir des passerelles entre Internet et l'IPTV. Il est à noter
que les premières notes auxquelles est confronté le potentiel
acheteur de film sont celles des spectateurs, transposition directe des usages
liés au web et de la prise en compte de l'avis de l'Autre. En effet, le
fait que les notes « spectateurs » soient valorisées
met en relief la faculté des FAI à saisir les exigences des
téléspectateurs dans la prise en compte de
« l'altérité prescriptive » à travers
l'évolution des usages. Les stratégies marketing s'orientent vers
une offre plus exhaustive tant en termes de quantité que de
qualité. Le nombre de films ne cesse d'augmenter. La Haute
Définition dispose désormais d'une thématique à
elle seule et prend de l'envergure.
Il faut ajouter que la VOD se démarque de la
télévision non seulement en termes d'architecture mais aussi dans
sa capacité à prendre en compte l'égotisme de
l'utilisateur. Et ce, afin de le rendre central dans le dispositif
médiatique, de « lui permettre de se faire sa propre grille de
programmes », comme le souligne Xavier Couture, directeur des
contenus d'Orange, décidé à « inventer la
télévision de demain ».
2. Collecte de
données et écoute: une perception précise et
centrale
a) La collecte de données
Les FAI diligentent des enquêtes de satisfaction
auprès de leurs abonnés qui visent à connaitre leur
appréciation de l'usage de la télévision, de l'offre et
des services. Chaque service est sujet à appréciation, que ce
soit la télécommande ou la composition de l'offre de
chaînes. La télécommande est par exemple
décryptée par les abonnés selon sa facilité
d'utilisation, son design, son ergonomie, la qualité du faisceau. La
télévision sur IP est caractérisée selon
différents paramètres, de la qualité du signal et de
l'image à la fiabilité du service en passant par la
qualité des chaînes disponibles dans l'offre gratuite, payante.
L'enquête n'omet pas d'interroger sur l'appréciation de l'ensemble
du service, et sur les raisons qui pourraient pousser à une
résiliation. Il est à noter que la satisfaction du client est, en
théorie du moins, érigée en objectif global à
l'ensemble des métiers de l'opérateur.
Les parcours des utilisateurs sont également
examinés avec minutie à l'aide d'outils techniques similaires
à ceux du web. La typologie d'enquête s'en rapproche dans le sens
où le click équivaut à l'appui sur une touche de la
télécommande. Cela n'est pas anodin puisque l'analogie des
structures écraniques et des usages accrédite la thèse
d'une transposition des observations faîtes sur les évolutions de
consommations médiatiques. La télécommande est ainsi
considérée par les enquêtes sous la même typologie
que la souris d'ordinateur. Le cheminement de l'utilisateur est
spécialement analysé quand il y'a volonté d'achat. Les
étapes injonctives du faire-réceptif actif sont-elles le fruit
d'une architecture incitative? Quels sont les meilleurs espaces d'annonces des
offres? Quels sont les éléments inhibant, pouvant faire avorter
un acte d'achat? Ces processus sont analysés comme ceux du web. Les
parcours des utilisateurs sont étudiés et
mémorisées, dans le dessein de parvenir à recouper un
certain nombre d'informations afin de personnaliser le rapport
communicationnel, tout comme des outils le permettent sur le web.
b) Des utilisateurs dont l'avis fait foi
Terreau des projets d'amélioration des services, ce
type d'enquête illustre une prise en considération réelle
des attentes des utilisateurs, qui peut en un sens marquer une
différence avec les stratégies de clientèle des
éditeurs de chaînes ou des opérateurs mobiles. Cet
écart peut s'expliquer par la méconnaissance initiale du
marché des opérateurs et dans leur volonté de
l'introduire. La prise en compte de l'avis des utilisateurs ne se fait pas
seulement à partir d'études qualitatives et quantitatives. Les
départements marketing s'adaptent eux aussi les évolutions des
usages. En effet, une veille est organisée sur les fora de neuf.fr, lieu
d'échanges relatif à l'ensemble des services entre abonnés
ou abonnés potentiels. Ce site est considéré par les
départements marketing comme une véritable mine d'or. Henri de
Bodinat estime même que «les entreprises de valeur
considèrent les plaintes comme de riches informations, comme une
donnée précieuse concernant un problème, structurel ou
d'exécution.» La remontée de l'information en interne est
essentielle dans la prise en compte des avis d'utilisateurs.
Cependant, l'offre de NeufCegetel souffre de quelques lacunes
dans la valorisation du client. Même si elle retranscrit les opinions sur
un contenu d'un site populaire comme allocine.fr, la fenêtre VOD est
encore étanche à une forme plus aboutie d'implication de
l'utilisateur dans l'énoncé puisqu'il est dans
l'impossibilité de donner une note au contenu.
Son concurrent Free a opté pour une stratégie
d'adhérence plus assumée encore. La plateforme Internet de Free a
mis en place une enquête demandant aux abonnés la chaîne
étrangère qu'ils désiraient le plus. La stratégie
de valeur prend forme dans ce cas, puisque l'entreprise est plus dans le
sondage que dans l'estimation des attentes. Il s'agit ici de montrer comment
l'écoute du client est déterminante dans la composition de
l'offre. Cette démarche rassemble conjointement la logique de
décentration du web et la logique d'adhérence
client. D'autant plus qu'elle est un vecteur de satisfaction des
abonnés, à qui on donne la possibilité d'influer sur les
futurs contenus. C'est aussi un moyen subtil de satisfaire leur volonté
d'être décisif dans le rapport communicationnel et central dans la
mise en place de l'énoncé.
À la lumière des actions d'adhérence
menées par les FAI, on comprend mieux que les enjeux pour les acteurs du
secteur sont concentrés en direction du public, dans un marché
où la multiplicité de l'offre audiovisuelle s'allie au flux
continu d'applications interactives. Chris Andersen79(*) n'y voit rien d'autre qu'une
logique de partage des filtres : « Dans le marché de
la longue traîne, la dématérialisation doit
permettre de réduire le préfiltrage et d'augmenter le post
filtrage, qui se fait la voix du marché. Il canalise les
réactions des consommateurs et s'en fait l'écho au lieu de
chercher à les anticiper. » La partie qui suit
déterminera la transposition de ces stratégies dans la
composition du bouquet de chaînes.
B. Ecosystème de l'agrégation de
chaînes et perspectives communautaires
L'étude des logiques d'adhérence à
l'évolution des usages par les FAI a mis en relief la capacité de
transposition et d'adaptation à travers différents outils et
services. Ici, nous nous attacherons à déterminer comment la
composition du bouquet de chaînes correspond aux logiques
évoquées en amont, celles de l'adhérence aux nouveaux
usages et de contournement médiatique. Plus précisément,
nous mettrons en avant la capacité des FAI à composer des offres
correspondantes aux nouvelles attentes médiatiques des utilisateurs,
à travers les chaînes locales ou les chaînes
étrangères.
1. Composition du
bouquet, consommation et valorisation du contenu
Près des deux tiers des foyers français
équipés d'un poste de télévision accèdent
désormais à une offre étendue de chaînes,
gratuitement ou sur abonnement, ce qui représente une multiplication par
trois du nombre de « foyers multichaînes » depuis 2001.
NeufCegetel a préempté l'offre de télévision dans
le cadre du service de livraison du signal Internet dans les foyers.
L'agrégation de chaînes gratuites comprises dans une offre plus
globale marque un tournant dans la marchandisation de services audiovisuels.
Bien avant la TNT, un opérateur propose des chaînes non
hertziennes sans sur-tarification. Alors que les deux groupes de chaînes
privés les plus importants se font férocement concurrence sur
l'agrégation de chaînes, un opérateur télécom
utilise ses réseaux téléphoniques pour y introduire des
signaux de chaînes de télévision.
En innervant de cette façon le marché de
l'agrégation de chaînes, NeufCegetel a cristallisé à
lui seul la mutation systémique d'un marché dont les bases
semblaient inamovibles. Se présentent face au consommateur non seulement
des opérateurs historiques proposant une offre de bouquet de
chaînes, mais également un fournisseur qui fait passer pour
gratuit, car à tarification égale, des chaînes de
télévision en plus de l'accès Internet. Le
bénéfice utilisateur se retrouve pour la première fois
corrélée aux termes de convergences médiatiques.
L'intense concurrence entre TPS et Canalsatellite voit poindre
son crépuscule le 21 mars 2007 lorsque le deuxième rachète
la propriété de TF1 et M6. Inéluctable, la mise en place
du monopole répond à des logiques marchandes inhérentes
à toute logique de domination, dans un marché où les coups
se rendent chaque fois plus forts. La perspective d'un lancement progressif de
mise à disposition de chaînes hertziennes numériques sur le
territoire français couplée à des offres ADSL80(*) aux bouquets de plus en plus
complets a scellé le sort de TPS81(*).
À ce jour, les agrégateurs de chaînes sont
pléthores, que ce soit par câble avec Numéricable, par
l'ADSL avec Free, Orange et NeufCegetel ou encore par satellite avec
Canalsatellite ou BIS Sat. Bien que ces sociétés mènent
des stratégies qui ont toutes la même finalité, attirer le
client potentiel selon un prix et une offre, les méthodes ne sont pas
les mêmes. Les composantes de ce marché ne sont pas
égalitaires et un certain nombre de paramètres biaisent la
concurrence. Pour les chaînes, en dehors des chaînes de la TNT
gratuite, financées par la publicité, les principaux
critères de négociation avec les distributeurs sont en
général les suivants : les conditions financières et
ensuite la visibilité et les conditions de mise en valeur de la marque
au sein du bouquet. Sur ce point, Canalsat offre à ce jour, la meilleure
exposition aux yeux de la plupart des chaînes.
Sur le premier point, peu de chaînes peuvent
espérer des FAI une rémunération aussi importante que
celle que leur offre Canalsat aujourd'hui car NeufCegetel est limité
dans le développement de son offre de chaînes exclusives; Free n'a
pas encore manifesté d'intérêt pour les contenus et Orange
s'est attelé en priorité au premium.
a) L'exclusivité au centre du processus de
valorisation
En tant qu'opérateur historique, CanalSatellite dispose
d'atouts liés à l'expérience, mais également d'un
passé concurrentiel dont les dividendes tombent aujourd'hui.
Générée par une concurrence frontale entre TPS et CSAT, la
pression à la création de valeur n'a jamais cessé. Elle a
pris différentes formes, de la création de chaîne à
l'achat de droits exclusifs. La logique économique d'intégration
verticale a plaidé pour une distribution exclusive de chaînes. Les
chaînes cinéma du Groupe Canal étaient diffusées en
exclusivité sur Canalsat, les chaînes du groupe TF1 en
exclusivité sur TPS. Cette situation était acceptée par le
régulateur, dans la mesure où la concurrence entre TPS et
Canalsat était jugée suffisante pour animer le marché. En
revanche, la fusion a généré une position dominante en
concentrant la diffusion exclusive des chaînes premium82(*) (notamment cinéma)
entre les mains d'un unique opérateur. Le nouvel ensemble a donc
dû s'engager à lever la clause d'exclusivité pour sept
chaînes. Pour le reste des chaînes adossées au Groupe
Canalsat/TPS, qu'elles soient premium ou non, l'exclusivité reste la
norme. On retrouve la même logique chez Orange (distribution exclusive
d'Orange Sports TV, lancement annoncé d'Orange Cinéma
Séries en exclusivité). Nous reviendrons plus
précisément sur ce sujet plus tard, puisqu'il symbolise en partie
la perméabilité graduelle des frontières entre
opérateurs Internet et éditeurs de contenus.
La concurrence récente qu'imposent les FAI met en
relief les avantages liés à la fusion capitalistique. La
profusion de chaînes trouve son différenciant dans la valeur que
le client accorde aux contenus. Ceux-ci sont classés selon les attentes
des utilisateurs, les plus demandés étant
considérés «premium». C'est le nerf d'une guerre dans
laquelle les FAI se sont engagés en éditorialisant des offres que
les éditeurs de chaînes comme TF1 et Canal avaient
préemptées.
Pour un bouquet comme pour une chaîne, la
détention d'une exclusivité relève d'une
capacité à se différencier. Obtenir un contenu exclusif
est gage d'adhérence d'un certain segment de la population, puisqu'il
rend impossible son accès sur d'autres plateformes de diffusion. La
substitualité mesure la possibilité selon laquelle le client
désireux d'accéder au contenu peut combler son besoin à
travers d'autres offres. Le corollaire de cet avantage est celui de
l'augmentation des parts de marchés. Même si le coût de
l'acquisition de l'exclusivité n'est pas amorti, comme c'est souvent le
cas avec les évènements sportifs majeurs, il en résulte
tout de même une attractivité accrue.
Ces avantages participent aux fondements éditoriaux et
commerciaux d'un medium. Ils sont le ciment qui comble l'écart entre
simple distributeur et éditeur. Tout comme une radio ou un journal
dispose d'un style, le diffuseur dispose de contenus qui, selon la façon
dont il les modèle et les éditorialise renvoient à une
image, un des fondements du devenir medium, car identifiable et impliquant.
La composition d'un bouquet est le résultat d'un dosage
entre substitualité et attractivité. Le cinéma
français est aujourd'hui l'illustration d'un type de contenu dont la
substitualité est renforcée par plusieurs paramètres: des
obligations légales de préachat de droits de diffusion,
ajoutée à cela une forte attractivité des formats plus
courts que sont les séries et une concurrence du cinéma
américain toujours solide. De plus, l'utilité qu'en font les
chaînes à travers le marché de la rediffusion et la
profondeur des catalogues réduisent la dimension attrayante de
l'exclusivité.
L'objectif d'un agrégateur est de rendre sa composition
attractive pour les segments les plus larges possibles de la population
ciblée avec des contenus à la substitualité faible. Ce
type de contenus étant clairement identifiés, les coûts
d'acquisition sont élevés, même lorsque sans
exclusivité. Car hormis les exclusivités, les points
différenciants entre les agrégateurs se font sur les
chaînes consensuelles, thématiques mais rassembleuses. LEquipeTV,
Eurosport ou encore ParisPremière en sont. Vendues au prix fort, elles
font parfois l'objet d'exclusivité lorsqu'elles sont adossées
à un éditeur historique, comme c'est le cas pour Eurosport avec
TF1 et par extension Canal.
L'ensemble des contraintes tarifaires et capitalistiques ont
permis l'éclosion d'une stratégie d'agrégation
alternative, ciblé en partie sur des segments de population plus fins.
Free a opté pour une mise à disposition d'une myriade de
chaînes. NeufCegetel propose un bouquet de type pyramidal, gratuit puis
payant. Orange compose son offre avec des thématiques payantes.
Les chaînes, de thématiques diverses, sont celles
qui ont subi les conséquences de la fusion TPS et CanalSat et la fin de
la concurrence. Cela a eu pour effet de réduire considérablement
l'attrait des chaînes non premium. Privilégiant majoritairement
une diffusion la plus large possible plutôt que des négociations
tarifaires peu enclines à aboutir, les chaînes de second choix ont
adhéré à la stratégie de profusion d'un
opérateur comme Free. Les opérateurs Internet, eux-mêmes au
coeur d'une concurrence intense, sont soumis à des obligations de
limitations des dépenses. Le tarif de base que paye un abonné est
utilisé pour répondre aux dépenses de trois services
(Triple Play) ainsi qu'à des investissements lourds. Émane de ces
contraintes budgétaires une mise à disposition de quantité
de chaînes de télévision gratuites ou très peu
chères. Cette politique de la corne d'abondance fait écho
à celle que Chris Andersen évoque sur le medium Internet dans les
stratégies marketing des sites commerçants. La logique de la
longue traîne83(*) répond à deux logiques convergentes, le
sentiment de satisfaction de l'utilisateur devant la quantité de choix
qui lui est proposée et l'adhérence probable à un produit
d'un segment. Free, et les autres FAI qui ont suivi cette méthode se
sont inspirés de l'évolution des usages relatifs au web.
À l'analyse des typologies de chaînes et de leur
capacité à répondre aux attentes d'un certain nombre de
consommateurs de media, il est plus aisé de comprendre comment les FAI
se sont accommodés des impératifs économiques et
capitalistiques dans la composition de leur offre.
b) Les chaînes thématiques, pivots de
l'offre
On recense aujourd'hui en France 148 chaînes
diffusées dont 125 conventionnées. Chaque année voit son
lot de chaînes disparaître ou apparaître. L'A.C.C.e.S
relève qu'en 2006, « ce sont surtout des thématiques de
niche qui ont été développées par les
éditeurs de programmes, tels l'art de vivre, le téléachat
ou encore les jeux »84(*). L'organisme de représentation des
chaînes thématiques indique également que « le
mouvement se poursuit en 2007 : la thématique communautaire enregistre
la plus forte diversification avec cinq chaînes créées. La
création de la chaîne Vivolta85(*), destinée aux seniors, marque le début
d'une nouvelle thématique générationnelle. »
Toutes les chaînes thématiques ne se valent
pas : elles ont des contributions variables à l'audience, au volume
d'abonnement et à l'image des distributeurs. En 2007, les
thématiques « musique » et « sport » sont les mieux
représentées avec 15 chaînes. Dans le cadre d'une
étude sur les comportements de consommation des abonnés
NeufTV86(*), les genres
plébiscités sont la jeunesse et le sport, respectivement
cités à 57% et 54% à la question de la thématique
incitant à l'abonnement.
Comptabilisées depuis leur lancement dans l'ensemble
« Autres TV », les chaînes de la TNT sont le moteur de la
croissance du poste « Autres TV » qui a gagné 1,6 point de
part d'audience au cours de la première année consécutive
au lancement de la TNT en mars 2005.87(*)
Les chaînes thématiques sont le pivot d'un
bouquet de chaînes. L'étude de l'agrégation de
chaînes par les FAI à travers les chaînes locales et les
chaînes communautaires mettra en lumière la prise en compte des
évolutions des usages et attentes des consommateurs de
télévision. La logique de la longue
traîne88(*)
prend forme dans la démarche des FAI de voir en chaque produit ou
service la possibilité de toucher un segment de la population et
d'augmenter la satisfaction du client à travers une prise en compte de
tous les goûts. Comme Andersen le théorise, la logique de la
longue traîne a des ressorts économiques. La vente de
produits à des micro-niches est très rentable puisque les
coûts d'acquisition liées à l'offre et la demande est
moindre.
2. Les
chaînes locales, ou l'avènement de la proximité
Les chaînes locales ont directement profité des
logiques d'agrégation insufflées par les FAI. Toujours dans une
logique d'abondance, Free a mis à disposition une quantité de
chaînes locales. Jusqu'ici confinées à des moyens de
diffusion limitées à l'hertzien et parfois au câble, ces
chaînes qui diffusent à des bassins de population qui flirtent
parfois avec le million ont vu le CSA bouleverser la donne. En effet,
l'attribution de canaux numériques hertziens à des chaînes
locales ainsi que le décret 14.2 de la loi de 86 sur les
télécommunications a permis à ces chaînes dont les
bassins de population touchée varie de quelques dizaines de milliers de
personnes à plusieurs millions de disposer d'une visibilité
inédite. En revanche, certains opérateurs comme Neufcegetel ou
Orange n'ont pas fait preuve d'activisme sur ce sujet pendant que Free voyait
dans ces éditeurs une possibilité d'étoffer leur bouquet.
Aujourd'hui, les opérateurs réfractaires ont compris que chaque
utilisateur est en quelque sorte « local ».
Il convient de retenir qu'au delà de la dimension de
profusion du bouquet, il persiste chez les opérateurs
télécoms, aujourd'hui tous enclins à offrir des canaux
à ces chaînes dans leur plan de service une dimension empathique
forte. Gageons que CanalSat s'inspirera de ses concurrents pour diffuser
à l'avenir plus de chaînes locales, puisque aujourd'hui, en 2008,
seule une chaîne locale est présente dans l'offre contre 13 pour
Free, auxquelles il faut ajouter les 22 canaux de France 3 Région.
Contrairement aux éditeurs historiques, les
opérateurs télécoms se sont attachés à
toucher l'ensemble des segments de la population, non plus seulement selon des
critères sociologiques, professionnels, mais aussi géographiques.
S'attarder sur les fora des sites des opérateurs permet de prendre la
mesure des attentes des abonnés. Ces plateformes de dialogue, dont la
prise en compte par les opérateurs est réelle, comme il a
été expliqué plus haut, a révélé
aussi le désir des utilisateurs de pouvoir disposer de la chaîne
de leur localité où qu'ils soient en France. La quantité
d'expatriés attachés à leur région est un
élément que les opérateurs historiques ont semble t-il peu
pris en compte.
De plus la dématérialisation des services,
générée par la quantité d'espace disponible dans
les tuyaux des télécoms permet une mise en production des
chaînes les plus petites. Et ce, d'autant plus que toutes les
chaînes locales ne touchent pas de rémunération. Elles
trouvent malgré cela une fenêtre de diffusion nouvelle pour
laquelle les annonceurs voient un moyen de toucher un public
géographiquement ciblé.
La prépondérance des chaînes locales dans
le paysage audiovisuel français a suscité l'intérêt
de groupes de média comme Hersant ou NRJ, qui y voient une ouverture
stratégique, preuve que les FAI ont su préempté
éditorialement une offre laissée pour compte et qu'ils ont par
conséquent participé à la modification d'une part du
marché audiovisuel.
La mise en perspective de la typologie des chaînes
locales évoque une réponse à la centralisation
géographique du traitement médiatique. La quasi-totalité
des éditeurs de chaînes, de quotidiens et de radio sont
situés en région parisienne. L'avènement du web a permis
à l'actant de se départir de la dimension dogmatique du
traitement de l'information et du divertissement, grâce à une plus
importante décentration des rapports communicationnels. La diffusion de
chaînes locales ou ethniques, comme nous le détaillerons par la
suite participent à une forme d'adhérence au contournement
médiatique, évoqué en amont.
3. Les
chaînes étrangères, ou l'avènement de la micro
segmentation communautaire
De la formation des bouquets de chaînes comme CanalSat
et TPS ont naquis des chaînes étrangères dans le paysage
audiovisuel français. La typologie des premiers consommateurs de
bouquets était urbain, de classe socioprofessionnelle supérieure
et qui voyait dans la mise à disposition de chaînes
étrangères d'information comme BBC ou CNN une possibilité
de satisfaire son besoin de culture, élément fondateur de
l'adhérence à un bouquet à l'époque du
marché bipolaire.
L'information est toujours la thématique la plus
représentée avec l'arrivée de chaînes arabes,
maghrébines, chinoises,... Depuis quelques années, on assiste
à la mise en service de chaînes étrangères
généralistes. Cette démarche des opérateurs
répond à une véritable prise en compte des segments dits
communautaires voire ethnique de leur base d'abonnés. En effet, la
décentration progressive du rapport communicationnel entre public et
médias historiques a généré sur le web une
activité des groupements communautaires ethniques.
Certains sociologues évoquent même une
défiance à l'encontre de média qu'on institutionnalise
tout autant qu'un appareil étatique. Les collusions entre pouvoir et
information ont discrédité le traitement médiatique
auprès d'une frange de la population dite en marge. La France,
même si dans son souci d'unité ne saurait reconnaître les
différences ethniques ne peut empêcher les desiderata d'expression
d'appartenance culturels, voire cultuels. Anne Sengès explique comment
les stratégies marketing des grands groupes industriels aux USA ont
appréhendé les communautés ethniques non pas comme des
entités à assimiler au sein de la société tant dans
les traits culturels que dans leurs désirs et dans la façon de
communiquer auprès d'eux, mais comme des segments avec des leaders
d'opinion et un pouvoir d'achat.
Grâce en partie aux services des FAI, on assiste depuis
plusieurs années à l'émergence de communautés
actives de toutes tailles. Les FAI sont donc au fait de ces tendances aux
regroupements par affinités ou par sensibilités. La prise en
compte des centres d'intérêts des clients se fait très
facilement. Les acteurs de l'économie Internet, parmi lesquels les FAI
(musique, blogs, affichage,...) axent prioritairement leur stratégie sur
la connaissance des communautés. Les FAI ont su outrepasser
l'hégémonie des faisceaux médiatiques au profit d'une
prise en compte des particularités des clients potentiels. En proposant
des chaînes généralistes étrangères, à
l'unité ou en pack plus souvent, il est possible de toucher la
sensibilité culturelle d'un client, qui verra dans l'abonnement à
ce type de service une prise réelle avec son pays d'origine, au
delà de l'information. C'est ce qu'ont ainsi entrepris les FAI en
proposant des bouquets arabes, chinois et plus récemment d'Afrique
noire.
Les probabilités de réussite de ces options sont
établies selon divers sondages informels. Tout d'abord les sites
Internets communautaires relatifs au FAI, qui permet de connaître les
attentes de certains abonnés, ensuite les sites communautaires ethniques
qui recensent les désirs des membres et enfin les estimations
officieuses des segments ethniques en France.
Il est extrêmement valorisant pour un individu sensible
à la culture de son pays d'origine d'abord de pouvoir accéder
à des contenus dont il se sent particulièrement proche, à
travers duquel il s'implique dans une communauté, mais aussi de sentir
que sa communauté représente des opportunités mercantiles,
qu'elle existe dans les stratégies marketing. Anne Sengès
évoque cette tendance à la satisfaction des communautés
d'exister en tant que cible marketing89(*). NeufCegetel a ainsi pu assisté à la
convergence de deux phénomènes qui a permis à son
concurrent Free de préempter une communauté importante: le
premier est que le lancement d'un pack Chine chez l'opérateur filiale
d'Iliad a fait naître une vague d'enthousiasme chez les clients
potentiels concernés, qui se sont empressés de communiquer cette
information, le second est la forte adhérence de la communauté au
projet; en s'abonnant elle fait montre à l'initiateur combien il a eu
raison de voir en elle une opportunité mercantile. L'exemple d'Apsara
est également révélateur de la malléabilité
d'une communauté à une offre qui lui est proposée. Free a
été le premier opérateur à diffuser cette
chaîne cambodgienne. Aujourd'hui les services marketing des
différents opérateurs estiment que 75%90(*) des cambodgiens de France sont
abonnés à Free.
Le principe du pack communautaire ethnique est singulier dans
sa définition médiatique. C'est tout d'abord un pack de plusieurs
chaînes que seule une minorité de la population nationale est
capable de comprendre, tant linguistiquement que culturellement. Cela
reflète l'adhérence graduelle du faire-réceptif à
des processus de décentration des rapports communicationnels, mettant
à mal une forme d'hégémonie des médias historiques.
La dimension nationale du discours énonciatif voit son
périmètre se réduire chaque fois qu'un actant fait le
choix d'être un faire-réceptif d'une chaîne non nationale.
Comme évoquée en amont dans cette étude, la dimension du
contournement médiatique est réelle. En effet, les abonnés
ont conscience que l'univers discursif alternatif répond à un
besoin de mise en connexion avec le pays d'origine mais aussi à une
forme de différenciation médiatique. Les faisceaux
médiatiques se sont donc enrichis d'une nouvelle thématique. Elle
prend racine dans la prise en compte de la communauté, qui reproduit le
schéma communicationnel du web à travers une diffusion en univers
clos, au sein d'un plus grand univers médiatique. Le pack communautaire
n'est effectivement visible que pour les abonnés, mais il existe au sein
d'une offre plus grande encore.
La mise en forme de ces préceptes du web illustre
combien la logique de la longue traîne imprègne
l'actualisation systémique du traitement communicationnel. Ces mises en
services de packs91(*)
dont le nombre d'abonnés ne se compte souvent qu'en centaines suffisent
à mettre en exergue la prise en compte de l'ensemble des segments et
leurs désirs.
Evidemment, les opérateurs ne font pas uniquement
preuve de sollicitude en lançant des packs communautaires, ils y voient
également un vecteur d'augmentation du revenu moyen par abonné.
Chris Andersen voit dans le marché de la longue traîne
une forme de démocratie, qui laisserait à chaque individu la
possibilité de choisir: »dans le marché de la longue
traîne, la dématérialisation doit permettre de
réduire le préfiltrage et d'augmenter le post filtrage, qui se
fait la voix du marché. Il canalise les réactions des
consommateurs et s'en fait l'écho au lieu de chercher à les
anticiper.»92(*)
Cette dimension de responsabilisation des utilisateurs
émane des évolutions des usages liées au web et marque par
conséquent la différence entre nouveaux opérateurs dans
leur manière d'appréhender le marché et le consommateur et
média historiques, pour qui consensus et masse sont des maîtres
mots.
Les deux parties précédentes balayent le champ
des logiques d'adhérence client, à travers les supports et les
compositions des offres. Il s'agit de montrer de façon sous-jacente
comment les FAI ont transposé les usages liés au web à une
offre audiovisuelle. La troisième partie s'attachera à
démontrer l'écart entre les stratégies des médias
historiques et celle de ces nouveaux entrants en termes de positionnement et de
valorisation de l'utilisateur dans l'énoncé.
C. De la séduction à la valeur; dichotomie
stratégique des médias historiques et des FAI
Le dessein de cette partie sera de matérialiser les
écarts dans la perception des clients entre les éditeurs
historiques et les nouveaux acteurs du marché. Il sera question de
séduction et de valeur dans les stratégies des différents
acteurs. Par la suite, le dynamisme des nouveaux entrants sera opposé
à une supposée apathie des éditeurs historiques dans le
positionnement du faire-réceptif au sein de l'énoncé.
1. D'une
stratégie de séduction à une stratégie de
valeur
«A la différence de la domination ou de la
séduction, la valeur consiste à produire une offre parfaitement
alignée sur les besoins du marché, annoncée pour ce
qu'elle est, sans illusion ou surpromesse, reposant sur des priorités ou
des arbitrages optimums pour le client, qui lui donne une satisfaction
réelle à l'usage.» C'est par ces termes qu'Henri de Bodinat
résume la stratégie de valeur dans Les mystères de
l'offre93(*).
A l'étude de l'insatisfaction constante des services
après ventes des FAI par leurs clients, il serait aisé
d'intégrer ces opérateurs dans la liste de ces entreprises dont
l'offre n'est pas à la hauteur des promesses. En effet, la
fiabilité de la livraison du signal servant à l'utilisation
d'Internet n'a cessé d'être stigmatisée par les
associations de consommateurs. La concomitance des problèmes et du
coût élevé des appels pour l'aide à leur
résolution n'ont pas aidé à construire une image positive
des opérateurs auprès des clients; acquis ou potentiels.
Cependant, l'intense concurrence qui fait loi dans ce
marché à obliger chacun des acteurs à opérer
à une valorisation de leur offre, ce qui a abouti aux offres triple
play. Trois services pour le prix d'un semblait être le crédo des
opérateurs. L'adhérence est ici prégnante dans ce qu'elle
a permis aux clients d'économiser des factures de
téléphone voire de bouquets de chaînes s'ils le
désirent. Cette schizophrénie trouble la façon dont on
pourrait classer les FAI dans leur respect des attentes clients.
Il est indéniable que les FAI recoupent un certain
nombre d'éléments inhérents à toute entreprise dont
la promesse est supérieure à l'offre. L'annonce de débit
de bande passante n'est qu'exceptionnellement correspondante aux
résultats effectifs, tout comme il est extrêmement rare que cette
offre concerne réellement plus qu'une infime minorité de la
population. Cette démarche de promesses a été
initiée par l'arrivé de l'ADSL sur le marché
français. Les acteurs du marché se sont échinés
à proposer des offres aux débits toujours plus
élevés auprès de clients qu'on laissait aux prises avec
des services techniques peu efficients en cas de problèmes. La
montée de l'insatisfaction des clients a permis à Orange d'assoir
sa domination sur le marché, parce que elle est l'opérateur
historique et donc plus enclin à rassurer les clients dits
«suiveurs», mais aussi parce qu'elle est l'entreprise à
laquelle on a attribué le statut de meilleur service client. De ce
postulat s'est inspiré Free pour proposer une offre triple play qui
regroupe pour la première fois, la voix, la tv et l'accès
à Internet.
Les éditeurs historiques n'ont pas suivi la même
courbe de valeur que les FAI. Jean Louis Missika hiérarchise l'histoire
de la télévision selon l'évolution du rapport entre
émetteur et récepteur. Reprenant Umberto Eco dans La Guerre
du Faux, l'auteur affuble le premier âge de la
télévision de la terminologie de
`paléo-télévision'. Cette période illustre le
contrat auquel souscrit le téléspectateur, qui est «somme
toute assez sommaire, et repose sur une conception du monde d'une extrême
simplicité: il y'a d'un coté les détenteurs du savoir, de
l'autre ceux qui ont la chance inestimable de se le voir
transmettre»94(*).
Missika y voit l'effet d'un «droit à la parole
réservé aux détenteurs du pouvoir», au
«téléspectateur, on réclame de la
révérence voire de la déférence». Cette
période d'orthodoxie énonciative est l'émanation de deux
paramètres convergents : diffusionnisme et individualisme restreint.
Le paradigme diffusionniste d'Everett Rogers prend toute sa
dimension dans le cas de l'appropriation par les masses de la
télévision. En effet, l'avantage relatif de cet outil avec
l'apparition de l`image est réel et se combine avec une volonté
politique d'équiper les foyers. Le deuxième paramètre
correspond à un contexte historique et politique d'après guerre
pendant lequel les desiderata personnels sont étouffés par un
`Etat Providence' très interventionniste et décisionnaire.
«Si individualisme il y'a, c'est d'un individualisme passif,
encadré et limité qu'il s'agit» reprend Missika. L'auteur
dénonce une télévision très
« discrète sur les thèmes de
société » et « peu encline a laissé la
parole aux auditeurs ». Le chamboulement politique et social qu'a
permis d'opérer Mai 68 n`a pas été suivi d'une
évolution parallèle de la télévision. Le changement
en découlera car la demande a changé mais aussi parce que les
forces économiques ont perçu le potentiel de cet outil de masse.
Missika dénomme cette nouvelle période la «néo
télévision». La privatisation de chaînes annonce une
mutation sensationnelle dans le rapport entre faire-émissif et
faire-réceptif, puisque la mise à disposition de plusieurs
chaînes dont l'état ne contrôle plus entièrement la
programmation révèle l'outil télévisuel sous un
nouveau jour: celui du choix.
Le téléspectateur semble être au centre de
la bataille entre chaînes. «C'est le surgissement de
l'intime»(ibid), la désacralisation du medium. La
télévision devient une excroissance du quotidien, elle est
missionnaire, dépositaire d'un rôle social central dans l'aide aux
gens, dans sa capacité à faire rêver ou à faire
pleurer, rire, rassembler en somme. L'individu est enfin central, «on
passe du général au particulier», la dimension cathartique
de la télévision est prédominante dans le rapport entre
faire-émissif et faire-réceptif. Le `reality-show' propulse
l'individu lambda au centre de l'énoncé, il «fait figure de
héros». «Le téléspectateur-récepteur est
bien au coeur du dispositif de la néo télévision».
La montée en puissance de « l'individualisme
positif » comme le décrit Missika va de paire avec
l'avènement de la `post télévision', qui «doit
être «le soutien inconditionnel de sa volonté de
l'affirmation de soi». « N'importe qui peut accéder
à l'espace écranique, même s'il n'a rien à dire de
singulier, «il suffit d'être». » Il importe de
nuancer cette affirmation de Missika dans le sens où faibel est la part
de la population à accéder à l'espace écranique.
« La télévision façonne sa créature et
lui permet de transcender son état d'origine » pour Missika,
reprenant la légende du Pygmalion. L'auteur s'interroge sur la
portée sociétale d'une baisse d'influence de la
télévision via une égalisation des statuts entre
émetteur et récepteur. Cette banalisation de l'accès au
flux est selon Missika la dilution de la création de valeur de la
télévision.
On peut légitimement s'interroger sur la dimension de
séduction de ces entreprises de média. En effet, «le citoyen
ordinaire qui n'avait rien vécu avait le droit à la parole, mais
elle lui était encore octroyée par un responsable
éditorial professionnel». Cependant, la prise en compte des
évolutions sociologiques par les éditeurs et l'avènement
de l'individu lambda qui n'a qu'à «être» ne semble pas
suffire à endiguer la progressive baisse de la consommation de
télévision. L'exemple de l'arrêt probable de la diffusion
de la Star Academy95(*) en
2009 illustre cette tendance.
Le fait même de médier la relation, et c'est le
cas à partir du moment où un programme est
éditorialisé, s'oppose en partie aux attentes de l'actant
médiatique en matière de décentration dans les rapports
communicationnels. Ses aspirations à exister en tant qu'individu social
tout autant qu'en tant qu'individu médiatique vont à l'encontre
des velléités discursives du medium télévision. Le
désir de l'utilisateur d'être au centre du dispositif
médiatique va à l'encontre même des modes de diffusion du
support télévisuel. Le fait que la télévision soit
un faisceau de masse, un support qui s'adresse à plusieurs,
l'empêche de répondre à l'égotisme croissant
qu'impliquent les usages du web. L'écart entre promesses et
réalité se creuse chaque jour davantage.
L'éditorialisation télévisuelle n'adhère pas
à la démédiation croissante qui prend forme dans les
usages, qui passe par un déterminisme technologique et une affirmation
de son soi. Le diffusionnisme et la quotidienneté des usages sur
Internet ont démarqué l'actant médiatique des dogmes
énonciatifs propres aux médias historiques. La valeur
présupposée du medium télévision s'en est
retrouvé changée, sans même que son contenu ne soit
significativement sujet à transformation.
La télévision, usant de sa dimension de medium
de masse a de tout temps sacralisé son propre énoncé. Cela
est endogène au système même de diffusion. Cette dimension
de dominant-dominé revêt peu à peu l'uniforme de la
désuétude puisqu'en progressive inadéquation avec
l'évolution des usages de consommation de media. La
télévision a toujours été une excroissance de la
réalité, une forme de rêve accessible qui présuppose
un statut qui relève plus de séduction que de la valeur.
Henri de Bodinat oppose à cet état la
stratégie de valeur, qu'il considère comme étant «en
rupture avec la domination car l'entreprise n'essaie pas de restreindre la
liberté de choix du client pour l'obliger à consommer le produit
ou le service de l'entreprise. Elle est en rupture avec la séduction,
car l'entreprise ne cherche pas à surpromettre ou à masquer la
réalité au client.»
Même si la baisse de consommation de la
télévision confirme en partie les théories avancées
en amont, il faut pondérer ce propos. Il est certain que les FAI font
preuve de dynamisme tant dans leur adaptabilité aux attentes d'une
partie de la population mais cela n'exonère pas les éditeurs
historiques d'une forme d'adhérence aux désirs de l'audience.
Mettre en avant des personnalités appréciées sur des
plateaux de télévision, diffuser une série populaire,
programmer des soirées spéciales à l'attention d'une cause
fédératrice, divulguer les prévisions
météorologiques ou les résultats hippiques, diffuser un
événement sportif capable de rassembler vingt millions de
téléspectateurs,...Un tas d'actions menées par ces
éditeurs relèvent d'une forme d'adhérence, c'est le
principe même de l'audience. Ce que nous essayons de montrer ici, c'est
comment l'assimilation progressive des usages inhérents à
Internet se diffuse dans la consommation de médias. Plus populaires
seront ces usages, plus les écarts entre utilisateur et éditeur
historique se creuseront dans la mesure où ce dernier saura ou pas
s'adapter aux velléités réceptives de l'utilisateur.
Notons tout de même que les éditeurs historiques rassemblent
chaque jour des millions de téléspectateurs et que 9
français sur 10 ont un contact avec elle au moins une fois par jour. Ce
qui prouve en un sens que les éditeurs historiques savent encore comment
plaire à leur auditoire.
Si les Fai ont surpromis une qualité de service pendant
longtemps, l'intense concurrence et l'avènement du triple play ont
sensiblement modifié la perception du client. La
téléphonie gratuite et illimitée en direction de plusieurs
dizaines de pays, la profusion de chaînes de télévision
sans oublier un débit Internet élevé y ont
participé. Selon de Bodinat, «la stratégie de domination
implique (...) une attaque systématique des concurrents
éventuels, (...) la stratégie de séduction implique(...)
la capacité financière à investir massivement en
communication ou une capacité exceptionnelle à gérer les
relations publiques. La stratégie de valeur suppose à la fois une
R&D importante et maîtrisée, une connaissance intime des
clients, une grande créativité dans la définition de
l'offre, une capacité supérieure à mettre en oeuvre des
processus de production efficaces, et une maîtrise de tous les points
contacts clients.»96(*) Le paramétrage des attributs
stratégiques définis ici correspond en partie à celui des
FAI depuis que le triple play a été lancé. Comme il sera
évoqué par la suite, la R&D et la créativité
des offres sont des éléments déterminants dans la
stratégie de différenciation qui oppose les principaux acteurs du
marché.
Décrite en amont, l'écoute des attentes des
clients est aujourd'hui un véritable support de composition de l'offre,
non pas dans l'estimation d'une attente, mais dans la prise en compte d'une
attente effective. De Bodinat met en exergue le sentiment de valorisation du
client dans l'offre à laquelle il soumet son acte décisionnaire
quand «l'entreprise satisfait de façon exceptionnelle les besoins
dans son domaine d'activité, (...), à un coût qui autorise
un prix accessible et raisonnable par rapport à la valeur fournie.»
L'auteur intègre cette stratégie dans un contexte social en
mutation : «la stagnation des classes moyennes dont le pouvoir
d'achat n'augmente plus, concilié à l'augmentation des riches et
des pauvres bouleversent l'ordre établi des besoins. La structure
pyramidale est abandonnée. Résultat : une pression forte sur
les revenus des ménages moyens et une sensibilité croissante au
prix et à la qualité durable» (ibid).
La profusion de services fournis par les FAI est un autre
élément fondateur de la relation de valeur entre le distributeur
et le client: «l'abondance a une valeur très forte pour les
clients. Elle sécurise un niveau de dépense. Et surtout elle fait
disparaître le côté culpabilisant et négatif de la
consommation à l'acte, où le plaisir est gâché par
le coût et le risque.»(ibid)
Les relations au client entre les FAI et les éditeurs
historiques sont vraisemblablement antinomiques puisque de tout temps,
l'utilisateur de télévision n'a pu que rarement ou jamais
accéder à son attente, sa place au coeur du dispositif
médiatique. L'histoire de la télévision a
été dominée par des dimensions coercitives tant politiques
que technologiques qui ont réduit l'utilisateur à son seul statu
de faire-réceptif passif. La suite s'est plus ancrée dans une
démarche d'illusion, de rêve, de séduction auquel on
semblait promettre sans que rien n'arrive à extirper l'utilisateur de
son statut immuable de faire-réceptif passif. Les FAI ont opté
pour une valorisation de l'expérience du produit, de sa qualité,
de la satisfaction que le client en retire. Le fossé dans la prise en
compte des évolutions de consommation médiatique entre les media
audiovisuels et les télécoms est illustré par la prise en
compte ou non des communautés. « Miroir d'une
société de l'individu-roi, de l'immédiateté et de
l'interactivité, la téléréalité a
manifesté un nouveau comportement psychologique », note Xavier
Couture, nouveau responsable des programmes chez l'opérateur Orange.
« C'est le règne du "Je veux me voir à l'écran".
Il ne s'agit donc plus de s'adresser à une masse de spectateurs, mais
chaque fois à un spectateur unique », cristallisation de la
stratégie de valorisation des FAI.
2. Où
comment les FAI ont diversifié l'adhérence client face à
des medias amorphes
Comme il a été décrit en amont,
l'entreprise «pratiquant la stratégie de valeur avec succès
a le don d'empathie» (ibid). Cette mise en situation permet aux
entreprises d'identifier les besoins du client. Elle se met à la place
du client pour identifier ses besoins et mesurer leur importance relative.
Selon de Bodinat, «les entreprises à stratégie de valeur
savent mieux que les autres surmonter une difficulté commune à
toutes les entreprises : le changement permanent des marchés. Les
marchés bougent, sous la pression de transformations sociologiques,
d'évolution technologiques, de mutation
économiques.»(Ibid)
L'A.C.C.è.S confirme la façon dont les
télécoms ont su corréler innovation technologique et
sentiment de bénéfice chez le client :
« Les abonnements aux offres multi-services des
fournisseurs d'accès à Internet bénéficient
toujours d'un taux de croissance élevé. Ceci profite
mécaniquement à la distribution de la télévision
par ce vecteur. L'attractivité des offres de télévision
sur ADSL est garantie à la fois par des forfaits multiservices qui
incluent la télévision, et par la course à l'innovation
des FAI qui les pousse à introduire toujours plus de services
audiovisuels : magnétoscope numérique, media center97(*), VoD, haute définition,
vidéos autoproduites... »98(*).
A travers leurs innovations, les FAI savent autant
répondre aux attentes des utilisateurs pluri-media que de les
créer.
Les FAI ont développé des outils qui semblent
être une transposition directe des usages du web sur l'IPTV. Freeplayer
est une solution logicielle qui transforme la Freebox en plate-forme
multimédia, permettant de diffuser sur un téléviseur ou
une chaîne Hi-fi les contenus multimédias se trouvant sur
l'ordinateur. Free a en sus développé la convergence
technologique au point d'intégrer de la voix (indirecte) sur l'IPTV. En
effet, l'utilisateur peut accéder à ses messages
téléphoniques laissés sur la boîte vocale
directement sur l'interface de télévision, tout comme le propose
Orange par exemple sur son site Internet, où l'identification en tant
que client permet l'écoute de ses messages. Le fait même de
pouvoir choisir de s'abonner à une chaîne ou de s'en
désabonner directement depuis l'interface de télévision
s'approche des usages du web, avec le confort qui l'accompagne. Rappelons-nous
que les abonnements à CanalPlus se faisaient jusqu'il y'a peu en
majorité en magasin.
Revenons à l'opérateur Free dont la
préemption sur un certain nombre d'avancées technologiques se
conforme aux usages du web, confirmant la tendance à la forme
d'interaction indirecte entre les deux medias. L'opérateur propose TV
Perso, espace d'expression d'échange de vidéos dans lequel
l'utilisateur peut consulter et noter l'ensemble des vidéos personnelles
de la communauté d'abonnés, légèrement
éditorialisées puisque regroupées en thématiques et
classées par popularité, ce qui fait écho à
Youtube. L'abonné lambda dispose ici du format écranique de la
télévision avec tout ce que cela implique en terme de
valorisation pour s'exposer en tant qu'actant médiatique dans un univers
proche d'Internet. Son rôle n'est plus défini et restreint par des
professionnels mais par des utilisateurs lambda. Il est à noter que cet
espace met également à disposition du stockage pour les
vidéos et d'une boîte de réception sur laquelle
l'utilisateur reçoit les nouvelles vidéos des autres freenautes.
L'outil Télésite permet de surfer sur Internet depuis le
téléviseur sur des sites spécifiquement adaptés
à la Freebox et de diffuser le site web personnel de l'abonné en
y intégrant également les vidéos de TV Perso. Rares sont
les services sur la télévision qui ont autant poussé la
transposition des codes et des usages du web, tant dans la place de l'actant
que dans les outils.
Dans une logique moins transpositive et plus proche de
l'univers de la télévision, le service de «Contrôle du
direct» illustre combien la somme des services proposée par ce FAI
s'inscrit dans une logique de stratégie de valeur. Il s'agit
également dans ce cas d'une adhérence à la fragmentation
des audiences, en permettant à l'utilisateur de décider en partie
de la temporalité de ses visionnages, s'affranchissant des diktats du
linéaire.
L'ensemble de ces démarches répondent aux
attentes d'une minorité importante de la population d'abonnés,
parmi les plus pro-actifs dans le rapport communicationnel. Cette
capacité à hétérogénéiser les
émissions et les réceptions de flux ne s'est pas encore
diffusée dans l'ensemble de la société. Les FAI se
démarquent particulièrement des éditeurs historiques dans
leur capacité à remonter la chaîne identitaire de
l'individu médiatique, de la masse au très singulier. La
profusion de chaînes mises à disposition comme les locales ou les
étrangères s'inscrivent dans cette dans le sens où il
existe une prise en compte des segments les plus fins de la population dans
leur volonté de faire exister leurs centres d'intérêts.
Dans la prise en compte de la profondeur des appétences
médiatiques d'un individu, l'écart entre FAI et éditeur
historique est décelable.
Cependant, les éditeurs historiques, même s'ils
ont fait preuve d'une certaine lenteur ont su enclencher des processus de
décentration pour répondre aux attentes de certains utilisateurs.
Quand TF1 inaugure un site internet sur le modèle de Youtube permet la
mise à disposition de contenus créés par des individus
médiatiques non professionnels, il s'agit d'une prise en compte du
besoin d'expression de l'utilisateur. Idem pour Crea+99(*) de CanalPlus.
La dématérialisation des espaces
dédiés aux contenus a permis aux opérateurs de mettre
à disposition un ensemble de services audiovisuels. Ceux-là
favorisent l'adhérence de chacun des actants dont les
sensibilités à l'existence dans le dispositif médiatique
semblent prégnantes.
Les écarts dans l'adhérence à
l'évolution des usages entre les éditeurs historiques et les
nouveaux entrants posent quelques questions. Nous nous sommes interrogés
sur les raisons sociologiques, historiques, et sémiologiques de ces
divergences. Il est indispensable de compléter cet état de fait
en se penchant sur les sujets déterminants pour l'avenir du
marché des media.
Le troisième chapitre pose les questions relatives au
contenu, à la concurrence, et à la pérennisation du FAI
dans le secteur des medias. Que les FAI disposent aujourd'hui d'une partie des
contenants, et ce, en circuit fermé, marque une rupture historique dans
la distribution des flux en France. Les présages qui en découlent
nourrissent les pages média des journaux. La guerre entre un
éditeur historique, CanalPlus et un opérateur
télécom privatisé pose des questions quant à
l'accession de distributeurs de flux au marché des media. De plus, il
est ici central de montrer comment la transposition des usages liés au
web vers une adhérence utilisateur fait partie d'une stratégie
d'extension de métier. Les FAI feront donc l'objet d'une
démonstration quant à leurs velléités
éditoriales, apparentée à un déplacement progressif
du coeur de métier.
Ce troisième chapitre ouvrira des perspectives et se
permettra de faire quelques recommandations pour la pérennité de
ces nouveaux entrants sur le marché des média.
Enfin, nous nous interrogerons ensuite sur les
conséquences de cette introduction des FAI dans le secteur de la
télévision. Nous verrons dans quelle mesure cela est susceptible
de modifier les dispositifs médiatiques et les effets sur la
société.
III. FAI: stratégies d'extension de métier vers
un « devenir medium » pérenne et limites de la
démédiation
Ce chapitre mettra d'abord en exergue comment et pourquoi les
FAI ont amorcé une éditorialisation de contenus et les
conséquences de cette stratégie dans les relations avec les
éditeurs historiques. Ensuite, il sera question de la concurrence dans
la création de valeur, ainsi que l'aboutissement médiatique
qu'est la création d'une chaîne de télévision par un
FAI. Cela prendra sa dimension dans un contexte de convergence des supports et
des logiques de groupe. Enfin, le chapitre se penchera sur les perspectives
à envisager sur le marché des médias et les
recommandations en terme de pérennisation des acteurs au sein de ce
marché en mouvement perpétuel. Enfin, nous nous interrogerons sur
les conséquences de l'introduction des FAI sur le marché des
médias. Quels en sont les impacts médiatiques et sociaux ?
Quels sont les points d'achoppement du FAI à « être
médium » ?
S'il est aujourd'hui envisageable de comparer des
éditeurs de contenus historiques avec des fournisseurs d'accès
à Internet, c'est en partie due à une mutation du marché
à travers une réduction de leur nombre. On compte aujourd'hui
trois principales entités de FAI qui, hormis Orange, ont
procédé à des acquisitions-fusions. Cette tendance,
prégnante à partir de 2003 a permis à un marché
tripolaire de se structurer. Free a entrepris l'acquisition d'Alice,
propriété de Telecom Italia en mai 2008, juste après que
NeufCegetel, qui avait auparavant acheté AOL, Cegetel et ClubInternet
rejoigne le groupe SFR et par extension Vivendi. Orange, fort d'une part de
marché sur le mobile et le fixe d'environ 50% s'est vu refuser des
acquisitions pour position dominante par la DGCCRS. Il est à noter que
le fait que SFR rachète NeufCegetel dépend de paramètres
structurels primordiaux dans l'évolution du marché, qui illustre
l'écart stratégique et par conséquent financier entre FAI
et opérateurs mobiles. Le Conseil de la Concurrence rend en
décembre 2005 un jugement confirmant l'entente entre les trois
opérateurs mobiles principaux100(*). Le tribunal est convaincu des collusions
stratégiques entre ces derniers, avec une entente tant sur les parts de
marché, Orange ne devant pas dépasser les 50% que sur le manque
de stimulation concurrentielle. La guerre des prix n'a donc pas eu lieu et par
conséquent les taux de marges et les bénéfices de chacune
de ces entreprises étaient faramineux. Ce jugement permet de
matérialiser l'antagonisme entre le mobile et le fixe, tant dans le
rapport au client que dans les ressources économiques.
Les opérateurs fixes n'ont cessé d'investir dans
la recherche et le développement, plaçant l'innovation au coeur
de la bataille concurrentielle. Cela converge avec la vision qu'a Henri de
Bodinat des entreprises optant pour la stratégie de valeur,
qui « suppose à la fois une R&D importante et
maîtrisée »101(*). Les opérateurs du fixe se sont mués
en véritable forces de proposition, et ce de façon permanente et
graduelle. C'est cette concurrence qui leur a permis aujourd'hui d'être
comparés à des éditeurs historiques de contenus
grâce à la mise en service d'une offre TV. Les acteurs du
marché du mobile ont pendant ce temps, et ce peut être
inconsciemment, réduit leur champ de recherche et développement
et se sont confortés dans une stratégie de statu quo que les MVNO
n'ont que très partiellement réussi à bousculer.
Le nombre restreint de canaux hertziens et le monopole de
CanalSat sur les bouquets de chaînes s'inscrit dans une analogie avec les
opérateurs mobiles dans leur incapacité à surpasser les
structures du marché, qu'ils ont eux-mêmes favorisé
à stabiliser. La preuve en est avec TF1 et son lobbying pour retarder la
promulgation des décrets quant au développement de la TNT.
À la lumière des stratégies d'un
opérateur comme Orange, qui profite de la convergence de ses supports,
les marchés, auparavant imperméables semblent tendre à
s'enchevêtrer et inscrivent chacun des acteurs dans un contexte assez
flou. La concomitance de la convergence des supports et de la réduction
du nombre d'entités sur le marché laisse entrevoir des
stratégies de groupes volontaristes dans une logique de
redéfinition du marché autour du contenu. S'il est un
élément différenciant aujourd'hui dans le marché
des media, il s'agit du contenu. Dans un contexte de fragmentation des
audiences, de profusion des offres, la valeur éditoriale est au centre
de l'attention des acteurs du marché.
A. Le contenu au centre de la stratégie de valeur
Quand Time Warner, premier groupe mondial de communication se
fait racheter par America On Line, premier fournisseur d'accès à
Internet aux USA, cela symbolise la tournure que prend le marche de la
communication. L'originalité de ces fusions- acquisitions provient du
fait que ce sont les « nouvelles entreprises » qui
reprennent les entreprises traditionnelles. Les bases structurelles du
marché, jusqu'ici stables, vacillent à travers ce type de
fusion-acquisition. Ces mouvements capitalistiques mettent en relief les
stratégies d'extension de métier des opérateurs Internet
qui sont jusqu'ici cantonnés à un rôle de simple
distributeur de flux. Philippe Boure affirme sur Acrimed.fr
que « le medium Internet correspond à un vecteur
communicationnel nouveau qui souffre jusqu'à présent d'un manque
de contenu qualitatif. »102(*) Le contenu et les catalogues d'oeuvre sont au coeur
des mutations économiques du marché des médias. En
investissant dans le contenu, les entreprises d'accès à
l'Internet transforment totalement le marché audiovisuel, tant dans sa
structure que dans l'offre qui s'en suit.
1.
L'éditorialisation de contenus délinéarisé
décloisonne les TC du rôle de simple distributeur de services
éditorialisés
La fragmentation des audiences est endogène à
l'évolution des usages médiatiques, mais la
délinéarisation des contenus sur les services audiovisuels de la
télévision correspond à une adaptation des usages et des
offres. L'adhérence utilisateur dans le cadre de l'offre VOD est forte
puisqu'elle répond aux exigences de l'actant d'être central dans
l'énoncé médiatique, à travers une maîtrise
temporelle de la diffusion du flux. Ces nouvelles fenêtres de diffusion
sont forces de proposition alternative à la linéarité
discursive.
La chronologie des médias matérialise
involontairement les déséquilibres qui prennent forme entre les
FAI et les éditeurs historiques. Ces derniers concluent des accords avec
la production d'une fiction en amont afin d'assurer sa diffusion
télévisuelle deux ans après la sortie en salle. Entre
temps, la VOD est autorisée à distribuer le film 33 semaines
après sa sortie. Le temps d'arriver sur les écrans de
télévision à des heures de grande écoute, le film
aura jalonné les différents supports, et son attractivité
aura fatalement été réduite.
Les Français sont majoritairement équipés
d'écran de télévision dont la taille est plus grande que
celui de leur ordinateur domestique. Les usages domotiques veulent
également que la télévision reste géographiquement
centrale au sein du foyer. Il faut en conclure que l'espace-temps
dédié au divertissement privilégie l'utilisation de
l'outil télévision à l'ordinateur pour le moment en tout
cas. Nous évaluerons en aval les perspectives d'un ordinateur
supplantant la télévision dans les usages domotiques. Les usagers
auront donc tendance à se tourner vers des injonctions d'achats sur leur
écran de télévision, et par essence vers les services VOD
des FAI. Cependant, les éditeurs historiques, qui souffrent
immédiatement de la fragmentation des audiences n'ont pas
été les plus pro-actifs dans la démarche de mise à
disposition délinéarisée de leurs contenus. Seuls leurs
sites web ont fait office de fenêtre de diffusion
délinéarisée.
Les éditeurs historiques ont donc fait preuve d'une
certaine réticence à proposer ses contenus de façon
délinéarisée. L'arrivée de « pure
players »103(*) sur le net a enclenché la réponse des
éditeurs sur ce même medium avec une mise à disposition
progressive de leurs contenus. Comme explicité en amont, TF1 et
CanalPlus ont su attirer un public nombreux avec leurs sites Wat et Crea+. Mais
la réflexion stratégique de ces mêmes éditeurs
est : « Comment monétiser une
délinéarisation de contenus »? Cette question devient
légitime lorsque l'on connaît les investissements consentis en
production et en achat de droits par les éditeurs. La baisse des
audiences entraînant une baisse des revenus publicitaires, la question
des retours sur investissement se pose.
Pendant que les éditeurs estimaient les risques d'une
délinéarisation de leurs contenus, certains opérateurs
fixes mettaient en place des structures internes visant à
développer une plateforme VOD propre, comme NeufCegetel et Orange. Cette
démarche, par exemple chez NeufCegetel, est jalonnée d'une
étape pendant laquelle l'opérateur fixe est simple
agrégateur de plateformes, notamment, celles de Glowria, CanalPlus, TF1
Vision ou encore M6 Replay. En 2007, la direction de l'innovation estime
judicieux de se lancer dans la fabrication d'une plateforme en propre, NeufVOD.
L'activisme du FAI dans ce cas marque le détachement progressif de ceux
que l'on appelait communément les « tubes »
vis-à-vis des éditeurs historiques. L'animation de la boutique
VOD en est l'illustration patente.
L'éditorialisation détermine des choix de films,
des agrégations selon des thématiques, des mises en avant et des
recommandations. Ces actions permettent d'augmenter sensiblement les ventes des
contenus mis en valeur. Un certain nombre de ces actions recoupent les
prérogatives de la programmation d'une chaîne de
télévision. À cette démarche incluse dans une
stratégie globale, il faut ajouter l'affranchissement des boutiques VOD
de leurs fournisseurs de contenus : les catalogues des éditeurs
historiques. Aujourd'hui, NeufCegetel dispose d'une plateforme propre, et
propose l'accès à celles de TF1 Vision ou CanalPlay. La boutique
axe son éditorialisation, son animation et son architecture autour des
titres dont l'opérateur est directement distributeur, court-circuitant
par conséquent les réseaux de distribution logiques. Il
semblerait également qu'à ce jour, la question se pose
d'agréger les boutiques en « stand alone »104(*) de TF1 ou M6 à
NeufVOD afin d'en faire une seule boutique, ce qui ne semble pas réjouir
les éditeurs-distributeurs historiques. La création de boutiques
de chaînes devait émaner à l'époque d'un besoin de
contrôler le non-linéaire au profit du linéaire. En effet,
ces nouvelles fenêtres de diffusion constituent une concurrence indirecte
et directe pour les éditeurs et distributeurs historiques. Indirecte
dans l'exemple de la diffusion de Titanic par TF1, qui n'a pas drainé
des audiences proportionnelles aux entrées en cinéma, directe
pour Canal+ qui a demandé la fermeture de la fenêtre de VOD
locative au moment où s'ouvrent ses propres droits de diffusion
exclusive en pay TV105(*): la chaîne payante ne souhaite pas voir les
films qu'elle diffuse, disponibles parallèlement en VOD.
L'éditorialisation par les FAI de contenus
délinéarisés pourrait être assimilé à
une forme de stratégie de valeur, dans sa capacité à
répondre aux attentes des utilisateurs et à s'adapter aux
évolutions sociologiques, aux transformations des usages. Didier Lombard
a matérialisé cette tendance lors du MIPTV à Cannes
en Avril 2008 : « La plupart des utilisateurs veulent
désormais deux choses : accéder aux contenus de
qualité ; et une flexibilité et une interactivité
universelles : des contenus où ils veulent quand ils
veulent. »
2. La distribution
de contenus dans une démarche d'interdépendance
La solution des éditeurs historiques pour combler la
baisse de leurs points d'audience est de mettre au point la
télévision de rattrapage106(*).« Pour les éditeurs historiques du
petit écran, c'est avant tout le moyen de reprendre aussi l'initiative
face à la montée en charge de la concurrence de la VOD à
l'acte et des nouvelles pratiques « Atawad107(*) »108(*).
Au départ sur le web, ces télévisions de
rattrapage n'ont pas réussi à trouver un public suffisant pour
créer une véritable valeur marchande, supposée combler les
pertes d'audience sur le linéaire. La délinéarisation des
chaînes n'a de valeur pérenne que si elle est
intégrée au sein d'une offre de télévision, les
écrans d'ordinateur n'étant pas aujourd'hui à même
de supplanter la télévision, tant en confort qu'en taille et
qu'en disposition domotique. Comme les dispositifs de diffusion avec voie de
retour, nécessaire à l'utilisation de la VoD, sont aujourd'hui
restreints au nombre de deux, le satellite et l'ADSL, les éditeurs
historiques ont dû envisager une collaboration avec des distributeurs
dont ils savent qu'ils peuvent représenter à terme un danger
concurrentiel. On assiste par conséquent à la mise en place d'un
contexte particulier : celui d'une interdépendance entre les FAI et
les éditeurs de contenus. Pour les FAI, c'est une occasion
d'agrémenter leurs boutiques de contenus de qualité. Pour les
chaînes, la télévision de rattrapage est
considérée comme un moyen de dompter la fragmentation des
audiences, par une prise en considération des usages des utilisateurs.
De plus, ce type de service peut être audimétré et offre la
possibilité de le monétiser avec des inserts publicitaires.
L'intérêt pour les FAI de récupérer du contenu de
qualité d'autant plus quand cela s'adapte à l'évolution
des usages se monétise et les éditeurs historiques y trouvent des
revenus supplétifs. FranceTélévision et Orange ont
passé par exemple un accord exclusif de trois ans pour la
télévision de rattrapage.
Derrière ces manoeuvres pour accroître
l'audience, quel que soit le support, il ne peut être occulté le
fait que, pour la première fois, les éditeurs historiques
trouvent réponse à leurs besoins chez un FAI. Cela
démontre comment la démarche d'éditorialisation des FAI
couplée à leur connaissance des usages est gage de qualité
et d'efficacité, au point que les chaînes de
télévisons comblent leurs manquements chez un fournisseur
d'accès Internet, qui justifiraient la transformation du terme
générique en « fournisseur d'accès aux
contenus ». Les services de SVOD109(*) de Free prochainement imités par ses
concurrents sont thématisés et sont vendus comme des bouquets de
chaînes, sauf qu'il s'agit de seuls contenus
délinéarisés, visionnables à tout moment et de
façon illimitée. En plus d'affermir l'adhérence client, ce
service marque une forme de point de non-retour quant au dogme de la
linéarité discursive chère aux éditeurs de
chaînes. Le point noir de l'offre de prix réside dans sa
qualité. En l'état, le catalogue proposé ne saurait
satisfaire durablement une large population d'abonnés.
3. Une pression
croissante à l'obtention de contenus de valeur
Les acteurs du marché des FAI ont diminué
progressivement, au gré des acquisitions. Ceux qui ont survécu
présentaient de toute évidence les garanties capitalistiques les
plus sûres. Les investissements qui ont cours en 2008 concernant le
développement de la fibre sur le territoire national sont colossaux et
répondent à une anticipation des besoins en matière de
réseaux. Le retour sur investissement de ces coûts pour une
entreprise comme NeufCegetel serait estimé à 30 ans. Les
investissements se comptent en milliard d'euros. Afin d'assurer son assise
capitalistique, le FAI est dans l'obligation d'augmenter son revenu moyen par
abonné, tout en réduisant le taux de résiliation et de
voir croître son nombre d'abonnés. La somme de ces contraintes a
pour résultats différents types de stratégies. Celle qui
semble prévaloir à ce jour est portée par le leader du
marché, Orange, qui mise sur le contenu comme le spécifie son
président directeur général Didier Lombard
« nous sommes dans la situation unique où les réseaux
ont besoin de contenus de qualité pour satisfaire leurs
clients ».
Dans un contexte concurrentiel féroce, l'acquisition de
contenus premiums est déterminante puisqu'elle est un
élément de différenciation majeur. Puisque la
télévision est le vecteur d'abonnement principal pour
42%110(*) des
abonnés Orange, l'obtention de contenus de valeur est effectivement
primordiale. L'élasticité des FAI est grande avant la
contractualisation, mais faible après car les options ne peuvent
être prises qu'avec l'opérateur. C'est une des raisons de
l'attrait croissant des FAI pour le contenu de valeur, puisque s'il peut
être un élément déterminant dans l'acte d'abonnement
ou dans la fidélité du client, il est aussi un moyen de
créer des abonnements en circuit fermé, sûr,
régulier, et monopolisé.
On peut estimer que le marché de l'ADSL arrivera
à maturité en France aux alentours de 2012, à la vue des
estimations de couverture de la population. Il en résultera un
marché dont le taux de nouveaux abonnés à la technologie
ADSL ne progressera que mollement. Les acteurs centreront leurs
stratégies marketing sur l'acquisition d'abonnés
déjà existants chez les concurrents, avec pour objectif
d'augmenter les résiliations à leurs profits. La
télévision est donc déjà un moteur pour
l'accroissement des parts de marché de chacun des acteurs du
marché des éditeurs. Jusqu'ici simples distributeurs des offres
existantes, y compris celle de Canalsat, les fournisseurs d'accès se
veulent désormais agrégateurs et distributeurs à part
entière, comme en témoignent les récentes acquisitions de
droits exclusifs d'Orange : catch-up111(*) TV de France Télévisions, lots de la
Ligue 1 de football, films et séries de HBO, Warner Bros International
Television, Fidélité Films et Gaumont. On assiste à une
affirmation identitaire des FAI à travers l'éditorialisation des
contenus qui dénote d'une stratégie globale de remontée
dans la chaîne de valeur.
La signature d'obtentions de droits de diffusion des contenus
dits premiums est régulièrement accompagnée d'une clause
d'exclusivité. Ces clauses sont achetées à des tarifs
élevés, puisqu'elles sont les éléments
déterminants d'abonnement des clients. Les distributeurs jouent sur
l'exclusivité au cas par cas, en arbitrant entre le coût de
l'exclusivité et la concurrence liée à la
non-exclusivité. Free a dû ainsi cesser en octobre 2006 la
diffusion de L'Equipe TV en raison de la clause d'exclusivité liant la
chaîne à Canalsat : le bouquet satellite conservait ainsi le
monopole de l'information sportive face aux FAI. Orange a depuis réagi
en lançant en septembre 2007 sa propre chaîne d'information
sportive Orange Sports TV.
Les exclusivités sont essentielles dans un contexte
socio-économique qui dévalorise les produits dits de stock,
puisque les usages de consommation intense des médias, de
détournement massif des règles d'achat des contenus pas les
utilisateurs à travers le P2P112(*), ainsi que la multiplication des fenêtres de
diffusion augmentent de concert la substituabilité de ces programmes.
Les contenus premium sont ceux dont la substituabilité est faible, pour
lesquels les clients potentiels ressentent un besoin patent.
Si proposer du contenu de valeur aujourd'hui à ses
abonnés est si central, c'est aussi parce que les métiers se sont
mélangés. La convergence cristallise une
perméabilité entre les secteurs, et la période pendant
laquelle les FAI se concurrençaient sur une offre TV dite basique a
laissé place à une véritable course au contenu de valeur.
Les utilisateurs de ce type d'offres sont de plus en plus exigeants et
n'hésitent pas à résilier si l'offre du concurrent est
plus en phase avec leurs appétences éditoriales. La transposition
des usages du web sur l'IPTV rend les utilisateurs plus exigeants, plus
critiques. La notion de valeur présente la particularité de
s'attacher à l'offre intrinsèque, moins à la marque qui
l'entoure. On en revient ainsi au rôle central de la valeur, et par
extension du contenu dans l'offre des opérateurs Internet, et ce dans
une logique économique de satisfaction des attentes des clients.
Si le contenu est aussi central, c'est aussi que s'articulent
autour de lui des stratégies d'extension de champs de compétences
ou de sauvegarde des positionnements éditoriaux. Cela accouche de
logiques de convergence de groupe et de supports mais aussi de création
de chaîne par un FAI, paroxysme du « devenir
medium ». Il est intéressant de noter que la logique de
création de chaîne via des contenus standards est normalement du
ressort des éditeurs historiques. On peut s'interroger sur la
stratégie d'Orange dans ce cas. Editer des séries et des films
comme le font les chaînes ne relève plus de la stratégie
d'adhérence montrée en amont. Aucune place n'est
préposée au faire-réceptif au sein du dispositif
médiatique. Seule la maîtrise du contexte spatio-temporel qui lui
est laissée émane d'une forme d'adhérence.
B. Vers un devenir medium ultra-concurrentiel
1. Des
capacités et des règles déséquilibrées
Si Orange suscite tant d'inquiétudes et de
questionnements, ce que l'on pourrait considérer comme une forme
d'acception de la part de la corporation, c'est qu'elle a les capacités
financières de se lancer sur un marché très
spécifique qui nécessite des investissements
élevés. À titre de comparaison, l'opérateur fixe et
mobile produit un chiffre d'affaires de 53 milliards d'euros en 2007 quand le
groupe CanalPlus n'en produit que 4,3. Il faut ajouter à ce
déséquilibre capitalistique, dû à une typologie de
marché particulière ainsi qu'à un passé
d'opérateur public, une différence dans les obligations
réglementaires entre l'éditeur qui rend des comptes au CSA, et
l'opérateur à l'ARCEP. C'est un élément majeur de
friction entre un éditeur historique et un opérateur glissant
vers l'édition puisque les obligations en matière
d'investissement dans la production européenne et française sont
conséquentes. Les règles anti-concentration, que le gouvernement
Fillon envisage en 2008 de remettre en question, empêche un groupe
média de s'étendre de trop sur le marché.
Ce point est essentiel dans la compréhension de
l'opposition systémique entre les éditeurs historiques et les
opérateurs télécoms. L'éditeur type, qui a
construit son image de medium sur les réseaux hertziens appartient
à des groupes privés dont les objectifs sont mercantiles, parfois
politiques. Il demeure que ce type d'entité est un des
dépositaires du jeu médiatique, au centre de la
société. Les média concernent l'ensemble de la population
et sont soumis à un ensemble de réglementations qui permettent de
maintenir une forme d'équité entre les différents acteurs,
d'empêcher la mainmise d'une entité sur la diffusion de
l'information. Les opérateurs télécoms, en cela, n'ont pas
encore le statut juridique d'un éditeur historique. Qu'Orange rassemble
50% du chiffre d'affaires d'un marché est impensable dans le secteur des
médias. Le combat est semble-t-il déséquilibré sur
des questions juridiques et financières. Le marché du contenu est
à l'évidence beaucoup moins rentable que celui du mobile. C'est
la raison pour laquelle le groupe CanalPlus demande aux autorités
concernées de réguler le principe selon lequel Orange finance les
fortes pertes de sa division contenu grâce aux profits de la distribution
fixe et mobile. Ce type de bundle113(*) `accès plus contenu' est en l'occurrence
refusé par les autorités au groupe Vivendi avec SFR et CanalPlus.
Une partie de ces éléments sont aujourd'hui sujets à
discussion politique sans pour autant qu'Orange ne ralentisse le rythme de son
introduction dans le secteur des contenus.
2.
Orange, ou l'extension de métier par excellence
Didier Lombard déclare au MIPTV de Cannes en avril 2008
au monde de la production de contenu : « Nous croyons
profondément que notre rôle d'opérateur est d'amplifier la
distribution de vos contenus grâce à des usages innovants
correspondant aux attentes des consommateurs que nous connaissons
bien. » Tout d'abord, il faut analyser cette intervention à la
lumière des théories explicitées en amont. La connaissance
des consommateurs par les opérateurs qu'il met en exergue dénote
une certaine forme de condescendance corporative, mais qui fait écho
à la capacité des opérateurs télécoms
d'être à l'écoute des utilisateurs, de leurs
évolutions, de leurs attentes, mais aussi de l'évolution des
usages. Le PDG d'Orange valorise ainsi la capacité de transposition sur
les services audiovisuels des observations faîtes des usages du web. Il
n'omet évidemment pas de spécifier de façon sous-jacente
que l'opérateur « distribue » les contenus des
producteurs. Cela implique que les réseaux sont les décideurs,
puisqu'ils transportent les flux, mais aussi combien un opérateur comme
Orange se dispense aujourd'hui des agrégateurs de programmes que sont
les éditeurs historiques pour s'adresser directement à ces
façonneurs de contenus.
Orange compte assurer sa conquête aujourd'hui selon
trois axes principaux : l'exclusivité de contenus, l'offre de
services spécifiques, et l'accroissement de la base adressable. L'offre
de services spécifiques a été explicitée en amont
puisqu'elle représente l'ensemble des services que les FAI ont
progressivement mis à disposition des utilisateurs en s'appuyant sur
leur connaissance de leurs attentes et besoins, et sur l'évolution des
dispositifs énonciatifs dans le cadre de la consommation de média
en France. Que ce soit une valorisation de l'interactivité, la mise en
place d'une boutique VOD, la télévision de rattrapage ou encore
la convergence des supports, cela relève de la combinaison de
l'adhérence utilisateur et de la stratégie de valeur.
L'accroissement de la base adressable est central dans la
logique que l'on pourrait appeler `cannibale' du groupe Orange dans sa
volonté d'étendre son territoire, tant dans les contenants que
dans les contenus. Par sa filiale Globecast, Orange compte étendre son
offre triple play grâce au satellite. Offre de complément à
l'ADSL, puisque cette dernière ne couvre pas l'ensemble du territoire,
elle tend à toucher potentiellement 98% de la population contre
seulement 50% aujourd'hui. Cette démarche s'inscrit dans une logique de
concurrence des réseaux de distribution étatiques puisque
diligenté par des décrets, comme la TNT. Ces résolutions
visent à couvrir le territoire le plus large dans une logique
d'équité territoriale. Le corollaire de ces obligations est une
somme d'investissements lourds pour les opérateurs, parfois
réfractaires. Aujourd'hui, Orange décide d'optimiser la
complémentarité de ses réseaux et de démocratiser
plus encore le Triple Play. Cela permettra au groupe d'étendre
l'attractivité de son offre puisque disponible partout, elle sera
l'égale en terme de couverture de CanalSat, ou du réseau
câblé. Le groupe compte d'ici à 2012 gagner des parts de
marché en conquête et en fidélisation de son offre Triple
Play, et atteindre une base éligible en télévision
d'environ 10 millions de clients. L'objectif à terme est de faire migrer
les clients CanalSat vers Orange. De plus, en augmentant la diffusion de son
offre et en épaississant la base de son offre de
télévision payante, Orange compte rentabiliser l'acquisition de
ses contenus.
L'acquisition de contenus est effectivement centrale dans la
stratégie d'Orange, le groupe a conclu un accord en 2007 avec
FranceTélévision pour le service de « catch up
TV »114(*),
qui permet de revoir les programmes de la chaîne de façon
délinéarisée. Selon Xavier Couture, le nouveau bouquet
«a la capacité d'apporter de la valeur ajoutée aux
programmes des chaînes. Après France Télévisions, on
discute d'ailleurs actuellement avec TF1 et M6 sur l'enrichissement de leurs
contenus»115(*)
a-t-il déclaré au Journal du Dimanche. Il a aussi
été négocié l'acquisition exclusive des productions
de la chaîne américaine HBO, réputée pour la
qualité de ses productions de série. TF1 serait à ce jour
susceptible de vendre TF1 International116(*), sa filiale de droits audiovisuels et Orange serait
acheteur. Si un tel accord était signé, cela légitime plus
encore la thèse de l'enchevêtrement des métiers vers un
« devenir médium » des FAI. C'est l'illustration
supplémentaire de la capacité des FAI à axer leurs
stratégies d'extension de métier à travers les service
audiovisuels, mais aussi « pied de nez » de ces derniers
aux éditeurs historiques, qui voyaient en les opérateurs la
possibilité de diffuser plus encore leurs services. Les
difficultés du groupe TF1 dues à la baisse des recettes
publicitaires prennent forme dans une fragmentation des audiences et une baisse
de la consommation de la télévision au profit d'autres supports.
Cela peut permettre de mesurer aussi les répercussions de la lenteur des
éditeurs historiques à s'adapter à l'évolution des
usages mais aussi de leur manque d'activisme dans le renouvellement de l'offre.
L'acquisition d'un tel catalogue permettrait à Orange
d'étoffer son offre en vue du lancement de nouvelles chaînes de
télévision consacrées au cinéma et aux
séries. L'opérateur a d'ores et déjà signé
des accords de première exclusivité avec la major117(*) Warner et la chaîne
américaine HBO. Les raisons qui ont poussé l'opérateur
télécom historique à se lancer sur le marché du
contenu sont nombreuses : « Les contenus sont un
élément différenciant ayant pour objectif de
protéger la facture moyenne, voire de l'augmenter
légèrement au cours des années à venir »,
explique Antoine Pradayrol118(*). Le responsable des nouvelles activités de
croissance Raoul Roverato voit en partie dans cette démarche une
valorisation boursière:
« Les secteurs qui affichent les plus belles
perspectives de croissance sont les contenus et la publicité en ligne.
C'est sur cette base que les marchés financiers nous valorisent. Au
moment où les géants de l'Internet comme Google et Yahoo !
montrent de l'intérêt pour les télécoms,
l'élargissement de notre palette est un élément primordial
pour que France Télécom garde son rang parmi les grands.
»119(*)
Signes que si le développement d'Orange s'articule
autour du contenu, c'est pour protéger ses parts de marché dans
le secteur des télécoms, mais aussi prévenir les attaques
de géants mondiaux de la communication.
3. Création
de chaîne ; paroxysme du devenir medium
Numéricâble lance en octobre 2007 sa chaîne
Ma Chaîne Sport, qui propose une véritable programmation de
chaîne, avec des temps forts dans la journée. Du contenu, pas
premium mais exclusif sert la création de la chaîne. Orange avait
devancé son concurrent du câble avec OrangeSport TV. "Nous avons
créé Orange Sports TV car nous n'avons jamais pu diffuser
l'Equipe TV, dont CanalSat a l'exclusivité [...] et Canal nous a
retiré la diffusion de la chaîne Infosport, qui était
filiale de TPS "120(*)
explique Hervé Payan, directeur des partenariats et services chez
Orange. Un exemple supplémentaire de la capacité des FAI à
s'affranchir des diktats des éditeurs historiques qui font valoir
l'exclusivité obtenue sur certaines chaînes. Orange prévoit
par ailleurs une mise en service de ses chaînes Cinéma et
Séries pour fin 2008. Au nombre de six, elles seront diffusées
sur téléviseur, Internet et mobile dans une logique de
convergence sur laquelle nous reviendrons en aval. Il convient de s'attarder
sur le principe de créer une chaîne. La particularité de
cette démarche réside dans la capacité du FAI à
répondre aux données du marché, à anticiper avec
promptitude les évolutions des usages et à considérer le
marché comme une course vers l'innovation, vers la création.
L'agrégation de ces aptitudes correspond à la description que
fait Bodinat de la stratégie de valeur.
Créer une chaîne pour une entreprise dont le
métier de base est de mettre en place des outils de diffusion
d'information n'est pas anodin. La rapidité à laquelle une
entité comme Orange sait se métamorphoser en véritable
éditeur de chaîne est époustouflante, quand on sait la
difficulté que représente le lancement d'une chaîne,
à en croire les résultats d'exploitation de nombreuses
chaînes thématiques. L'approche contextuelle nous offre la
possibilité d'imaginer la verticalité progressive de la
stratégie du groupe Orange, qui de l'utilisation de tuyaux est
passé à l'agrégation de contenus
délinéarisés, puis à l'achat de catalogues et de
contenus pour déboucher vers le lancement de plusieurs chaînes,
qui, logique de domination oblige, ne seront disponibles que sur l'offre Orange
TV. Pour Xavier Couture, patron de la division `Contenus' de France
Télécom, «chaque chaîne est un service premium
éditorialisé»121(*), affirmant que «la technologie lance un
défi à la création» par l'enrichissement de l'offre
qu'elle permet.
À travers le lancement de plusieurs chaînes
linéaires, Orange colle aux dispositifs médiatiques
inhérents aux chaînes de télévision historiques. On
peut s'interroger dans ce cas sur la stratégie d'adhérence de
l'opérateur. Celle-ci s'apparentait-elle au final à un vecteur
d'acception plus qu'à une finalité ? Il semblerait que oui,
puisque même si les stratégies d'adhérences conformes
à la longue traîne sont profitables, cette tendance
illustre une recentralisation de l'opérateur vers le linéaire.
Bien que la délinéarisation des contenus de ces chaînes sur
plusieurs supports doive être mis en parallèle avec une forme
d'adhérence aux usages dans la maîtrise du contexte
spatio-temporel par l'utilisateur, il demeure une volonté de s'adresser
à la masse.
Il n'empêche que dans le monde des médias, le
lancement de chaînes par un groupe télécom est une
véritable révolution. Elle illustre la puissance de frappe des
détenteurs de réseaux et de leur propension à investir le
marché du contenu. Cet investissement massif est le paroxysme de la
tendance au « devenir medium » d'au moins un FAI sur le
support le plus populaire, la télévision. Cela remet en question
les rapports fondamentaux entre éditeurs et fournisseurs d'accès,
mais aussi la capacité d'accès aux contenus. Bien que l'on
puisse considérer qu'il s'agit là de l'extinction progressive des
monopoles sur l'édition de contenus, il subsiste un écueil
majeur, systémique.
Le fait qu'un fournisseur de flux soit aussi éditeur de
contenus pose quelques questions. Pour attirer toujours plus de clients, les
nouveaux éditeurs réservent leurs offres à leurs
abonnés. Légitime est la question de la démocratisation
des accès aux contenus. On peut estimer qu'il est paradoxal de
s'ériger en éditeur de contenus et de refuser leur accès
à une majorité de la population. Nous nous attarderons sur ce
point lorsque nous évoquerons la pérennisation des FAI sur le
marché des contenus. Il n'empêche qu'à travers cette
démarche, l'ère des éditeurs inamovibles semble prendre
fin, matérialisée par un marché stagnant autant qu'une
incapacité à prendre en compte l'évolution des usages.
La somme de toutes les activités constitutive de
l'identité d'Orange se solde par une extension de son territoire
médiatique, à laquelle il faut associer une intégration
progressive à chaque niveau de la chaîne de production de contenu
jusqu'à la diffusion sur une chaîne, en propre, à travers
un canal de diffusion, en propre. Car, selon Didier Lombard, PDG d'Orange,
« les contenus sont l'oxygène de s(m)es réseaux
».122(*)
4.
Des logiques de groupe vers une convergence des supports
L'ancrage médiatique se fait donc toujours plus fort au
sein des stratégies du groupe Orange. La concurrence, aussi
récente soit-elle s'inquiète de voir un acteur aussi puissant
s'inscrire profondément, et semble-t-il durablement dans
l'éditorialisation de contenus. Le premier concurrent est le groupe
CanalPlus, puisqu'il est autant éditeur qu'agrégateur que
propriétaire de chaînes. La concurrence est moins forte avec un
éditeur comme TF1, qui a réduit ses activités à
l'éditorialisation de chaînes, capitalisant sur la valeur de ses
espaces publicitaires et de la distribution de programmes. Les relations entre
Canal et Orange se sont distendus dès lors que Canal a fait montre de sa
volonté de garder « le monopole sur la
télévision payante. Orange a créé sa propre
chaîne de sport après son refus de lui céder Infosport
» selon Xavier Couture.
L'exemple qui met le mieux en perspective la guerre frontale
qu'Orange veut mener à l'égard de CanalPlus sur le contenu est
celui des droits d'acquisition des programmes de football de la Ligue 1.
L'offre Ligue 1, si elle est capable de soulever de telles enchères est
qu'elle est centrale pour la vitalité d'un groupe média comme
Canal. La bipolarité du marché des opérateurs satellite
s'est muée en monopole lorsque TPS a perdu les enchères
menées sur l'acquisition de ces droits, puisque ce type de contenu
premium à la substitualité très faible est un
élément majeur de souscription mais aussi de résiliation
pour l'opérateur qui n'en dispose pas. En 2006, Orange investit 8
millions d'euros par an pour les droits sur le support mobile. En 2008, ce sont
200 millions d'euros par an. Illustration claire de la stratégie
d'Orange sur le premium, elle démontre aussi sa capacité
financière pour acquérir la diffusion de 34 matchs sur leur
nouvelle chaîne en propre, OrangeFoot.
Il est légitime de s'interroger quant à la
capacité de Canal à prolonger sa mainmise sur les droits premium
de l'offre Ligue 1 en 2012. Si Orange venait à les acquérir, et
cela est envisageable, comment CanalPlus pourrait-il survivre ? La
réponse se trouve sûrement dans le fait que CanalPlus n'est pas un
acteur indépendant. En effet, la guerre frontale menée par Orange
à l'encontre de CanalPlus prend une dimension supérieure, puisque
le rachat de NeufCegetel par SFR contribue à donner au groupe Vivendi
les mêmes capacités de convergence : fixe, mobile,
télévision.
Les convergences sont ainsi au coeur de la concurrence qui
prend forme entre le groupe Vivendi et Orange. Cependant, Vivendi reste un
groupe capitalistique, ses arbitrages se font rares, et les coopérations
qui paraitraient cohérentes entre propriétaire des réseaux
et éditeurs de contenus sont à la merci des échanges entre
CanalPlus et SFR. Il est tentant d'imaginer aujourd'hui la teneur du combat que
se mènent Orange et Vivendi à travers ses filiales CanalPlus et
SFR. Bien que la direction de SFR estime que la société n'a pas
vocation à être éditeur de contenus et à coller par
extension à la stratégie, il demeure que CanalPlus et SFR sont
aujourd'hui concurrents dans l'édition de contenus, sur le mobile et sur
le fixe à travers la VOD, ou encore le maintien d'exclusivités au
seul Canalsatellite. On peut s'interroger sur la stratégie de Vivendi.
Devant l'hyperpuissance du groupe Orange, comment SFR, dans le fixe et mobile
et Canal, dans le contenu linéaire et non linéaire, seront-ils
respectivement aptes à affronter un adversaire plus puissant
financièrement, mais aussi capable d'interconnexions entre les supports,
poussant au bout les logiques de convergences ? Puisque SFR refuse de
prendre le pas d'Orange en matière d'investissement dans le contenu,
quelle sera à terme l'alternative aux offres TV d'Orange ?
Probablement CanalPlus. Même si l'offre de CanalPlus est aujourd'hui plus
qualitative que celle d'Orange, le pouvoir financier de l'éditeur
historique représente à peine un dixième des
capacités d'Orange. Ce à quoi il faut ajouter une capacité
à amortir les investissements sur différents supports ainsi que
la détention des réseaux. Il ne faut pas omettre qu'Orange est
capable de faire supporter ses coûts d'investissements pour les contenus
à travers les gains que génèrent le fixe ou le mobile.
Sans une intervention de l'Etat qui scinderait les activités d'Orange
pour une concurrence par secteur plus juste, il est difficile d'estimer les
chances respectives de SFR et Canal dans la course aux contenus face à
Orange.
À ce jour, Orange ne parvient pas encore à
égaler les offres de Canal, même s'il faut faire preuve de
prudence avec le lancement des cinq nouvelles chaînes de fiction. Canal
dispose tout de même de 400 exclusivités par an, d'un accord-cadre
avec cinq grands studios américains, d'un circuit de production et de
distribution rodé, d'un studio de création
plébiscité, d'une image de marque forte et
appréciée, d'une très large base d'abonnés, et des
contenus premium les plus forts, notamment avec le football ou les
séries les plus demandées.
À la lecture de cette liste, il paraît peu
probable de voir Orange détrôner l'éditeur historique.
D'autant plus lorsque l'on compare les taux de couverture d'Orange et de
CanalPlus. Ce dernier est disponible partout en France, par câble,
satellite, ADSL, et distribué par l'ensemble des fournisseurs
d'accès. L'opérateur téléphonique historique n'est
aujourd'hui capable de fournir sa télévision qu'à la
moitié de ses abonnés. Le taux de couverture national est donc
sans commune mesure entre les deux éditeurs. Cependant, comme
indiqué en amont, Orange a annoncé que les zones blanches, qui
qualifient les endroits qui ne sont pas couverts par l'ADSL en triple play
seront comblées par une diffusion satellite. Cette solution
résout donc les problèmes de couverture d'Orange.
Quelles que soient les volontés de chacun des acteurs
dans le contenu et sa distribution, un élément est constitutif de
l'ensemble des stratégies globales : la convergence. Elle est
effectivement très présente dans l'approche de ces groupes, pour
qui le Quadruple Play123(*) est déterminant dans les gains de parts de
marché. Une fois de plus, Orange fait preuve d'une capacité
d'adhérence aux attentes des utilisateurs tout en menant à bien
leur entreprise de convergence. En effet, le lancement de chaînes
linéaires est accompagnée d'une logique de prolongement du
contenu, tant dans le temps que sur les supports. Les films proposés
seront accessibles à la demande pendant trente jours après leur
première diffusion en direct. Les contenus proposés sur le
linéaire seront disponibles à la demande pendant trente jours, ce
qui illustre la prise en compte des évolutions des usages, dans la
volonté de l'actant médiatique d'être décideur de la
temporalité de la réception du flux.
Selon Xavier Couture, « il s'agit d'offrir aux
abonnés plus que de la télévision»124(*). L'offre de prolongement des
cinq chaînes sur les mobiles Orange, pour un abonnement de 6 euros par
mois, relève d'une capacité de l'opérateur à
extirper le contenu de son support initial. On peut parler de la fin du dogme
du linéaire et d'une prise en compte des différents supports dans
l'élaboration d'une offre de contenus.
Cette capacité de réactivité et
d'adaptation met en relief la propension des opérateurs à
être force de proposition et à s'adapter aux besoins des
utilisateurs. La dichotomie avec les éditeurs historiques est
prégnante et marque plus encore combien la détention des outils
de transport des flux est aujourd'hui déterminante. Les logiques de
convergences entre les supports sont au coeur des mutations médiatiques
auxquels prennent part des groupes aux stratégies diverses. Après
avoir mis en relief les stratégies des acteurs, tant en termes
d'éditorialisation qu'en termes de logiques économiques, nous
verrons par la suite comment cette implantation peut être pérenne.
Nous nous interrogerons sur les perspectives qui s'offrent à ce
marché et aux différents acteurs.
C.
FAI: comment pérenniser l'implantation dans le secteur des media
Évoquées en amont, les différentes
stratégies des FAI visent à une création de valeur dans un
marché ultra-concurrentiel. Nous verrons par la suite comment
pérenniser le statut d'acteur médiatique pour les FAI à
travers une remontée dans la chaîne de valeur. Enfin, nous nous
attarderons sur les perspectives qui s'ouvrent au marché des
médias, les risques et opportunités qui en découlent.
1. Vers une
remontée dans la chaîne de valeur sur le linéaire et non
linéaire.
La chaîne de valeur initiale prend forme dans la
production de contenu, dont découlent l'agrégation des
productions, puis la distribution. Les opérateurs télécoms
appartiennent à l'origine à une autre partie de la chaîne
de valeur : les infrastructures réseau et les équipements.
L'arrivée du triple play décloisonne ces deux parties de la
chaîne de valeur, notamment lorsque les FAI deviennent distributeurs de
flux linéaires et non linéaires. Lorsque NeufVOD crée sa
propre boutique VoD et compose des bouquets de chaînes, elle met un pied
à l'étage supérieur : celui de l'agrégation de
contenus. Entre l'agrégation et la production de contenu, il y'a la
création de chaînes de télévision qu'Orange
matérialise à travers ses différentes chaînes. En
investissant dans le contenu et sa production, Orange complète sa
présence dans l'ensemble de la chaîne de valeur, ce qu'aucun autre
éditeur ou acteur de marché médiatique n'avait
réussi jusqu'ici. En effet, afin de fournir une partie des contenus des
nouvelles chaînes, Orange a agrémenté ses achats de
catalogue du lancement d'une société de production de
cinéma français : Studio 37. C'est l'expression d'une
implantation sur la totalité des champs que les éditeurs de
chaînes ont pour coutume de gérer. Le groupe
télécom, mué par une zone de flou juridique, en a
profité pour investir des marchés dans des proportions qui sont
refusées aux éditeurs de chaînes.
Cela explique comment les opérateurs historiques ont
envisagé leur introduction sur le marché des médias. Cette
vision globale qui les accompagne se différencie de celle des
éditeurs historiques pour qui le marché qui les concerne est
celui du contenu. Les problématiques de convergence ont pris forme chez
les FAI. Bien qu'elles relèvent probablement d'une dimension mercantile
à travers la possibilité d'étendre ses perspectives
économiques à d'autres marchés, elles sont constitutives
d'une adhérence aux attentes des utilisateurs, pour qui la convergence
représente un certain nombre d'avantages.
2.
L'interactivité et la webisation125(*) des supports
La pérennité des FAI dans l'édition de
contenus passe par un renforcement des principes d'adhérences aux
évolutions des usages. Les lacunes des FAI à palier
relèvent de l'écart des usages entre le web et la
télévision, car même si cette dernière
bénéficie toujours de la primauté des usages en
matière de confort, elle doit être au coeur du
développement.
Si l'on retrouve encore aujourd'hui au sein d'une boutique VOD
la loi de Pareto, c'est qu'il subsiste des différences d'usages entre
les deux supports. La facilité d'utilisation de l'ordinateur n'est pas
encore égalée. La navigation y est instinctive, infinie, libre et
répond à des comportements salvateurs en terme de centralisation
du faire-réceptif dans l'énoncé. La
télécommande répond à un certain nombre d'exigences
en termes d'usages et semble anticiper des évolutions mais elle souffre
de la comparaison avec la souris. La rapidité d'exécution, la
variété de l'espace disponible (cliquable) et la
variété de typologies énonciatives (textes, vidéos,
sons) sont inapprochables par la télécommande pour l'instant en
ce qui concerne le confort d'usage. L'architecture d'une
télévision avec voie de retour, comme c'est le cas de la boutique
VOD aujourd'hui ne répond pas aux usages développés sur le
web. Il n'existe à ce jour aucune solution technologique qui pourrait
reprendre les usages injonctifs de l'ordinateur. Récemment, seule la Wii
de Nintendo a su reproduire ces dits usages sur la télévision,
avec succès.
En terme de positionnement intellectuel, la
télévision est encore le medium d'un faire-réceptif
passif, déterminé par des années de « diktat
éditorial ». Le web a libéré le
faire-réceptif du joug de la non-expression intellectuelle, composante
de la consommation de télévision. Les usages de la
télévision sont encore imprégnés de ces
décennies d'un medium dominant, dont l'échange avec le
faire-réceptif tient plus d'un rapport dominant-dominé, comme le
souligne Missika que d'un rapport d'échange discursif. C'est donc la
raison pour laquelle les usages du web auront besoin d'un temps de latence pour
pouvoir s'appliquer pleinement sur la télévision.
L'interactivité peut, à terme, rassembler certains usages des
deux supports, la télévision et l'ordinateur.
L'attribut interactif sera celui qui permettra au support
télévisuel de dépasser son statut originel, celui d'un
rapport d'un signal émis en direction d'une multitude de
récepteurs. La personnalisation des échanges entre
émetteur et récepteur permettra l'assimilation des outils
interactifs. La connaissance de l'utilisateur dans ses
préférences d'utilisation, ses loisirs, ses contenus
préfères laisse envisager une monétisation du support
télévisé. Il serait logique que les opérateurs
profitent des informations concernant les utilisateurs pour concevoir des
espaces commerciaux en rapport avec les attributs de chaque consommateur. Le
groupe anglais Sky, éditeur de chaînes a préempté ce
type d'opérations en attribuant des bandeaux publicitaires cliquables
à des annonceurs, qui offraient au client des offres promotionnelles, ou
lui permettaient de faire des paris en direct. Le prolongement de l'espace
discursif vers un espace alternatif non continu soumis aux injonctions de
l'utilisateur rappelle les usages du web.
Si l'interactivité se doit d'être si centrale,
c'est tout d'abord parce qu'elle illustre une transposition des usages du web,
comme explicité en amont, mais surtout parce qu'elle sera à terme
le nerf de la guerre entre éditeurs historiques et FAI. Elle laisse
présager de nombreux développements économiques. La
libéralisation des jeux d'argent, jusqu'ici monopole de la
Française des jeux laisse entrevoir des opportunités quant aux
paris en ligne. L'idée est de proposer au téléspectateur
la possibilité de parier en direct sur un contenu qu'il visionne de
façon linéaire.
L'interactivité doit servir la personnalisation des
rapports entre le faire-émissif et le faire-réceptif. Elle doit
être le lien entre les usages du web et ceux de la
télévision. En effet, elle profite de la capacité de la
télévision à drainer des masses de population autour d'un
énoncé linéaire en y ajoutant des usages typiques du web,
le vote, le pari, l'interactivité en somme. Elle sera aussi une source
non négligeable de revenus puisqu'elle sera une fenêtre à
laquelle l'utilisateur aura accès via le linéaire, avec la mise
en place d'un pop-up, laissant ainsi la possibilité de monétiser
cet espace comme un support publicitaire, de valeur puisque le boitier ADSL,
dispose d'une voix de retour permettant d'interagir avec le supposé
client.
Vecteur de recentralisation de l'utilisateur dans
l'énoncé, l'interactivité offre la possibilité
d'interagir avec le programme, d'avoir le sentiment de discontinuer la
linéarité du programme en votant, en donnant son avis en direct.
L'interactivité rapatriera le faire-réceptif lassé de
l'unilatéralité du rapport avec le faire-émissif. Elle
sera déterminante dans l'évolution des usages, puisqu'elle
pourrait à terme être le dépositaire d'une autre
transposition d'usage : le jeu vidéo. Le groupe Vivendi est
détenteur de SFR mais aussi de Vivendi Games, numéro deux mondial
du jeu vidéo. Le jeu vidéo, dont le chiffre d'affaires mondial
dépasse aujourd'hui en France celui du cinéma est
révélateur de la centralisation du « moi » au
sein de l'énoncé. Les interactions entre le support et ce type de
contenu laissent envisager le franchissement d'un pas supplémentaire
dans les convergences de groupe.
Seulement, si ce type de rapprochement entre supports et
contenus paraît aujourd'hui farfelu, il est nécessaire de se poser
la question de la future place de la télévision dans le
schéma domotique moyen. La télévision est toujours
perçue comme une forme de culture de consommation à la fois
domestique et nationale, privée et publique. Seulement, l'agrandissement
progressif des écrans d'ordinateur présuppose un confort meilleur
et pose la question de son emplacement au sein du foyer. Poser les jalons de la
convergence entre les supports et le contenu, et permettre une implication de
l'usager dans le rapport communicationnel avec la télévision
doivent être les leviers de contrôle par les FAI de l'ensemble de
la chaîne de valeur, de l'équipement à la production. La
valorisation financière des contenus et de ses supports passe par une
maîtrise des réseaux de distribution.
Si l'ordinateur venait à supplanter la
télévision au centre des usages domestiques, il s'agirait d'une
redistribution des cartes qui impliquerait l'ouverture du marché
à d'autres acteurs, éventuellement encore moins issus du contenu.
La donne changerait radicalement pour les FAI pour qui la détention des
réseaux en circuits fermés façonne la primauté de
l'offre. Des entreprises comme Carrefour ont semble-t-il fait le pari d'une
évolution des usages domotiques. Le lancement d'une offre VOD de la part
du deuxième groupe de distribution au monde suscite quelques
interrogations quant à l'avenir de l'édition de contenus. Si les
opérateurs télécoms se sont appuyés sur leurs
réseaux pour s'emparer des circuits de diffusion et imposer leur
stratégie de « devenir medium », qu'en
sera-t-il si le marché s'ouvre à des nouveaux venus, moins rompus
encore aux joutes du marché, mais forts d'un capital financier
extraordinaire.
3. Après les
réseaux, les terminaux ?
S'intéresser à la place de la
télévision ou de l'ordinateur à terme pose la question des
terminaux. Julien Billot, directeur général Numérique chez
Lagardère Active estime que « dans la chaîne de valeur
de la distribution de contenus, l'accès au terminal et à ses
logiciels devient un élément critique pour les groupes de
contenus ».126(*) La portabilité du contenu sur
différents supports s'érige en vecteur de développement
incontournable. CanalPlus a développé par exemple une `clé
usb'127(*) qui permet de
recevoir le bouquet de chaînes n'importe où, n'importe quand.
À l'observation de l'évolution du marché de la musique,
l'arrivée des terminaux sur le marché du contenu doit être
envisagé. Julien Billot affirme que « le nouveau champ de
bataille se déplace dans la distribution des contenus des réseaux
vers les terminaux. » L'irruption sur le marché de la VoD d'un
acteur comme Microsoft à travers sa Xbox360, console de jeu vendue
à des millions d'exemplaires devrait inquiéter les
opérateurs télécoms. La centralisation de l'utilisateur
dans l'énoncé par ce type de terminaux est exemplaire.
Ni les opérateurs télécoms ni les
éditeurs historiques de télévision n'ont su aussi bien que
les fabriquants de console faire de l'utilisateur un
« héros » de l'énoncé. La
capacité financière de ces groupes mondiaux renforce la menace
qui pourrait peser sur les opérateurs télécoms, pour qui
la détention des réseaux est l'élément fondateur du
développement vers un « devenir medium ». La
capacité des terminaux dits « consoles » à
rendre le rapport communicationnel si impliquant rend l'offensive plus
menaçante encore pour deux raisons. La première est qu'elle
favorise davantage de liberté injonctive sur l'espace écranique.
La seconde est que ces terminaux s'adressent à des utilisateurs pour qui
les usages entre consoles et ordinateur sont complémentaires. Chacun
comble les déficits de l'autre support. Il convient d'ajouter que les
consoles de jeux s'adressent à des populations certes jeunes, mais dont
la cible ne cesse de s'étendre en terme d'âge. Le 30 octobre 2008,
Gong Video, éditeur et distributeur de films d'animation japonais
annonce la mise à diposition de ses contenus sur l'Ipod et l'Iphone,
terminaux du groupe Apple. Un signe supplémentaire que des groupes
mondiaux commencent à investir le marché du contenu par le biais
de leurs terminaux.
4. Les
éditeurs historiques : quelles parades ?
Les perpectives établies ci-dessus font fi des
éditeurs historiques. La réalité est que la
détention des réseaux et son exploitation avec des visées
éditoriales est en train de bouleverser le marché des
éditeurs de contenus. La question des terminaux exclut les
éditeurs de chaînes des hypothèses de développement.
La remontée dans la chaîne de valeur perturbe actuellement les
acteurs historiques, d'autant plus que leurs contraintes sont aujourd'hui plus
restrictives que celles des nouveaux entrants. Les éditeurs historiques
ne sont pas au bord d'un précipice sans fond, ils sont simplement en
train de perdre progressivement la primauté de leur position longtemps
dominante, qu'avait déjà entamée la TNT.
Si les « best sellers »128(*) perdent de leur emprise,
leur influence reste sans pareil. Ils la doivent à leur nature de servir
de base à une culture collective autour de laquelle peuvent se former
des marchés plus pointus. Les micros niches n'ont de raison d'être
qu'en la présence d'une cible de masse, puisqu'elles s'apparentent en
partie à une forme de contournement politique et à des
réflexes identitaires dits de communautés. Les éditeurs
historiques n'ont pas su voir la montée en puissance d'une alternative
médiatique, celle de la non-masse. Cela ne les empêche pas
d'être encore les détenteurs de contenus destinés à
la masse, ceux-là mêmes qui façonnent une culture commune
à une majorité d'habitants d'un pays. « Si vous vous
limitez aux niches, le client ne saura pas par où commencer pour faire
son choix puisqu'il ne connaît aucun des articles proposés. Les
produits situés vers la tête servent de phares» selon
Andersen.
Les opérateurs historiques ont innervé le
marché de l'édition et de distribution de contenus, mais les
logiques ultra-concurrentielles qui s'y apposent limitent leur diffusion. Cela
corrèle les velléités des opérateurs à
allier détention des réseaux de distribution et diffusion de
contenus exclusifs. Le principe de distribuer en circuit fermé, s'oppose
à la logique de masse inhérente à la notion de medium
populaire. Il ne faut pas occulter le fait qu'en dépit du
développement des nouveaux réseaux TNT, ADSL et mobile, qui tous
accueillent des offres élargies de télévision payante,
câble et satellite demeurent les supports privilégiés des
offres de télévision payante multichaînes avec 85 % de part
de marché.
Dans un contexte où l'interactivité
répondrait aux stratégies de développement de l'ensemble
des acteurs de la diffusion de contenu, les éditeurs historiques doivent
profiter de l'apathie actuelle pour jouer un rôle majeur dans le futur.
Sky, éditeur de chaînes au Royaume-Uni illustre la
véracité de la `prime au premier entrant'. En effet, Sky
s'est appuyé sur la détention du contenu pour éditer des
espaces alternatifs ou complémentaires à la diffusion dans lequel
l'utilisateur pouvait parier, jouer, acheter,...Le groupe a
déjoué les positions dominantes des
opérateurs-agrégateurs de chaînes.
Le deuxième point sur lequel doivent se concentrer les
éditeurs historiques réside dans l'étirement du programme
linéaire vers d'autres supports. « Dans un pays
anglo-saxon », explique ainsi Pascal Josèphe, président
de l'International Média Consultants Associés (IMCA),
« un programme de "Thalassa" sur Madère permettrait, en un
seul clic sur le site de l'émission, de réserver un billet
d'avion, un hôtel, et de se renseigner sur les activités à
faire sur l'île... On en est loin en France. »129(*) Soumises à des
logiques de séduction dans les rapports qu'elles tissent avec leurs
publics, les chaînes seront amenées à approfondir et
innover. La place accordée au public dans les mises en scène des
messages audiovisuels suit la voie d'un enrichissement et Internet devient un
moyen incontournable de cette stratégie salvatrice. Hélène
Duccini explique dans La Télévision et ses mises en
scène : "la «néotélévision» a
désormais pour objectif essentiel de créer une relation avec le
téléspectateur."130(*) Cette relation se traduit par une
interactivité entre l'émetteur et le récepteur au moyen
d'un autre mode d'émission et de réception, lorsque le
téléspectateur devient "multimédiacteur" ou
"télénaute ». « le
téléspectateur accède à un nouveau statut, il
devient acteur à part entière du programme audiovisuel, il exerce
un pouvoir que la chaîne a consenti à lui
laisser. »(ibid). Que TF1, co-producteur et distributeur du film au
succès historique Les Ch'tis, lance en parralèle l'édition
DVD et une édition numérique sur le net à 12,99€
(visionnable à volonté) marque une rupture avec le passé.
Il s'agit dans ce cas d'une prise en compte de la diversité des
diffusions et des consommations d'un contenu.
Seulement, le point d'achoppement majeur pour les
éditeurs historiques réside dans le fait que les coûts de
grille ne cessent de baisser, comme leurs audiences. Il ne semble pas
être dans l'air du temps du côté des directions de ces
chaînes de se lancer dans l'interactivité ou dans une moindre
mesure dans une recentralisation de l'actant au sein de l'énoncé.
Afin de pérenniser l'émergence des FAI dans le
marché des media, il est primordial d'accompagner leurs
stratégies globales d'une valorisation qualitative des contenus
édités. La volonté de remonter la chaîne de valeur
ne doit pas se faire sans garder à l'esprit ce qui a fait la
réussite des FAI, à savoir l'adhérence utilisateur. La
satisfaction des abonnés aux bouquets de chaînes n'est pas
optimale à ce jour. Certes, les FAI sont restreints par des
exclusivités auxquelles ils n'ont pas accès, mais ils doivent
perdurer dans leur adhérence client. Il semblerait utile dans la
composition du bouquet de faire valoir les avis des abonnés autant que
les audiences dans la sélection des chaînes. Les FAI doivent
continuer à opter pour le post-filtrage, cher à la logique de
la longue traîne, plutôt que le préfiltrage, cher
à tous les éditeurs de contenus de masse, pour qui la
connaissance de l'utilisateur semble à tort innée. Le point
d'achoppement pour les FAI serait de reproduire les schémas des
éditeurs historiques à l'égard des faire-réceptifs,
et d'avoir le sentiment de comprendre instinctivement les besoins des
utilisateurs. Les FAI doivent se confronter aux problématiques
inhérentes à la pérennité de leur incursion dans le
monde des media.
La partie suivante, qui clôturera ce travail se penchera
sur les limites de la télévision par les FAI. En substance, cela
dessinera les contours des acteurs historiques et montrera le rôle
essentiel de la linéarisation et de la médiation en tant que
socle commun à la société.
D. La démédiation ou les limites du
« devenir medium »
Les FAI ont su valoriser leurs connaissances des usages dans
le cadre d'un « devenir medium ». L'intégration
progressive d'outils d'éditorialisation, l'affranchissement des
éditeurs historiques, l'utilisation à leurs profits de leurs
propres réseaux de distribution, la création de valeur, les
innovations au service des utilisateurs, et pour certains acteurs des
créations de chaînes et des obtentions de droits premium, tous ces
éléments ont participé à la mutation d'un
détenteur de tuyaux vers un éditeur de contenus.
L'adhérence aux évolutions des usages a
démontré la capacité des FAI à comprendre les
changements de consommation de media et parfois à les anticiper. L'abord
de l'actant médiatique selon un éditeur ou un FAI s'est
révélé bien différent. De façon
caricaturale, les éditeurs historiques ont perçu leur propre
marché comme une offre créant la demande, pendant que les FAI,
nouveaux entrants, ont favorisé la demande, centrale dans la
création de l'offre.
L'objet de cette partie sera de montrer en quoi les
stratégies des FAI de « devenir médium » sont
limitées par plusieurs paramètres comme le
périmètre de diffusion et l'absence de médiation. Enfin,
nous nous attacherons à pointer les conséquences d'une dilution
du media télévisuel à travers la profusion de l'offre.
1.
Périmètre de diffusion et acception médiatique
Il était inenvisageable il y'a quelques années
de mettre sur un pied d'égalité un éditeur de contenu
linéaire et un FAI. Si cela est possible aujourd'hui, il ne faut pas
pour autant occulter les éléments qui séparent les FAI
d'une acception médiatique.
Le premier facteur d'acception médiatique est la
disponibilité du médium. Un medium, par essence, est
médiateur entre l'émetteur et le récepteur. Le
faire-réceptif, même s'il peut être apparenté
à une cible en terme marketing, doit être dans la
possibilité d'accéder au médium. Deux
éléments empêchent aujourd'hui les FAI d'être
disponibles partout. Tout d'abord, la logique qui prévaut est celle
d'une guerre frontale entre les acteurs du marché de diffusion de
contenus. À la lumière de ce paramètre, il est plus
aisé de comprendre pourquoi les services éditorialisés qui
voient le jour progressivement sont considérés par leurs
créateurs comme exclusifs, voyant là un moyen de conquérir
de nouveaux clients. Seul Numéricâble a permis une distribution de
sa chaîne MCS à d'autres opérateurs télécoms.
Le deuxième élément est endogène
au système de circulation des flux des FAI. Il s'agit ici de circuits de
distribution fermés, auxquels n'ont accès que les abonnés.
Peut-on par conséquent parler d'un médium de masse lorsque
l'accès à l'information est réservé aux seuls
abonnés ? La création de chaînes opérée
par Orange peut ainsi être soumise à la question de l'objectif
poursuivi : relève-t-il d'une volonté de « devenir
medium » ou n'est-ce simplement qu'un argument de conquête de
parts de marché ? Thierry Dahan, rapporteur du conseil de la
concurrence stigmatise cette tendance : « Les problèmes
apparaissent lorsque l'exclusivité descend jusqu'à l'étage
du transport[...]. C'est le trop fameux effet de levier qui permet de gagner
des clients, non pas sur ses mérites propres mais grâce à
un pouvoir tiré du monopole ».131(*)Cela permet de mettre en
perspective les ambitions de valorisation boursière et d'accroissement
de parts sur un marché bientôt arrivé à maturation.
Il est tout à fait imaginable que cette diffusion en circuit
fermé déséquilibre le marché et qu'il soit à
terme un frein à l'ancrage de l'opérateur sur celui-ci.
La mise en perspective de cette diffusion en circuit
fermé pose la question de l'espace-temps public. La
télévision avant qu'elle ne subisse la
délinéarisation de ses contenus était légitimement
érigée en espace public. Nous avons assez pointé ses
manquements en amont pour concéder que ce media populaire a la
capacité de drainer de larges pans de la société sur un
même flux. Ce media est celui dont l'espace-temps rassemble le plus. Sa
mise à disposition est essentielle puisqu'elle favorise la
création d'une culture commune à la société. Quand
les autorités étatiques obligent la diffusion d'une technologie
(TNT) à tout le territoire, c'est que ce media est un
élément fondateur de débat public. Si seuls les
éditeurs décidaient de la population à équiper, il
faudrait imaginer une diffusion de la technologie en fonction des
intérêts économiques.
L'émission et la réception en circuit
fermé par les FAI va à l'encontre de ce qui définit un
medium. L'émission d'une information et sa réception est
destinée à être partagée par la population la plus
importante. Même si Canal+ a le premier occulté sa diffusion
à une population non abonné, cela ne représentait qu'une
partie du temps de diffusion total. La partie « en clair »
devait donner envie au non abonné de s'abonner, à travers la
valorisation d'une image de marque.
La détention d'une partie des réseaux semble
avoir fait oublier la notion de media aux FAI. La nécessité pour
la structure sociale d'un espace commun ressurgira. L'appétence pour des
sujets référents, accessibles à tous ne risque pas de
s'amenuiser au point que seuls des abonnés au même
opérateur puissent avoir les mêmes références. La
propension des FAI à considérer la télévision et
les contenus comme de simples vecteurs de développement
économique risque de leur porter préjudice dans le sens où
le média est un pilier du pluralisme dans une société
démocratique. La rétention à outrance de l'information
dans un périmètre restreint risque de mettre en branle un des
pivots de la structure sociale.
2. Mise à
disposition et médiation
Devenir médium signifie également créer
de la valeur éditoriale, et ce de façon régulière.
Une mise en avant de contenus relève d'une éditorialisation. Idem
pour un choix de chaînes dans un bouquet, surtout eu égard aux
attentes des utilisateurs. En fait-ce un medium pour autant ?
Un medium est créateur de contenus. Quel est
aujourd'hui le meilleur moyen pour être créateur de valeur en tant
que FAI et profiter des avantages liés à la détention des
réseaux ? La création de chaînes, comme l'ont bien
compris Numéricâble et Orange. Elle est une forme d'aboutissement,
comme la remontée dans la verticalité de la chaine de valeur le
suggérait en amont, avec la production de contenus en amont. Cependant,
les chaînes créées par ces opérateurs sont soit
événementielles soit « de stock ».
L'acquisition de droits de football est indispensable à MCS et à
OrangeFoot. Établir une ligne éditoriale, donner un sens à
l'agrégation de contenus, colorer la chaîne à travers un
ton, cela est indispensable à l'acception d'un medium.
Rendre pérenne la mutation vers un « devenir
medium » passe par un engagement vers la qualité
éditoriale. Certes, les FAI ont opté pour une stratégie de
valeur et ont à maintes reprises fait preuve d'une forme d'empathie
« utilisateur ». Cependant, l'acception médiatique
n'est possible quand dans le cas où le contenu est qualitatif. Car, si
les FAI ont su anticiper certaines évolutions des usages et se rapporter
à d'autres pour construire leur offre, il ne leur faut pas oublier
combien les actants médiatiques ont fait preuve d'esprit critique
à l'égard des médias historiques. Les
générations nées avec la télévision comme
celles nées avec Internet sont celles dont l'esprit critique semble
être le plus fort. Les critiques sont généralement
pertinentes, et sont d'autant plus problématiques qu'elles s'expriment
librement sur des espaces d'échange entre utilisateurs. Pour exemple,
Orange et son offre Ligue 1 n'a disposé que d'une audience de 10 000
personnes pour le premier match retransmis en août 2008. La
Fédération Française de Football a demandé à
la production de l'opérateur télécom d'augmenter la
qualité du rendu, les téléspectateurs étant
habitués à des diffusions de très bonne qualité
avec CanalPlus ou TF1. Par conséquent, la direction d'Orange envisage un
enrichissement de la chaîne via la production de reportages et magazines
destinés à agrémenter le contenu premium d'un habillage
éditorial. C'est le signe que l'opérateur réalise que
créer une chaîne n'est pas aisé. C'est le fruit d'un long
travail visant à agrémenter la chaîne de contenus de
valeurs. Il ne s'agit pas seulement de la diffusion du contenu premium de
façon brute.
De plus, le fait que l'offre soit disponible dans une offre
fermée rend confuse l'accessibilité au service, Xavier Couture
estime qu'il faut un temps d'adaptation à l'offre. Que le nombre
d'abonnés (déçus) à l'offre soit si faible en ce
début de diffusion montre combien l'acception médiatique n'est
pas automatique. Elle suppose un savoir-faire, une expérience.
La combinaison d'une qualité éditoriale
insuffisante et d'une accessibilité réduite est
rédhibitoire dans la logique de « devenir medium ».
De plus, la télévision des FAI ne peut exister que grâce au
medium de masse qu'est la télévision. La prise en compte des mini
segments dans une logique de remontée de la chaîne identitaire de
l'individu est un bienfait puisqu'elle s'adosse aux besoins énonciatifs
de l'utilisateur. Ajoutée à cela la réduction de
périmètre de diffusion et vous n'obtenez qu'une
télévision de minorité.
Les éditeurs historiques et les Fai doivent comprendre
que les logiques de niche et de masse ne sont pas opposées mais
complémentaires, puisque c'est une composante aussi importante de
l'individu médiatique, dans son besoin d'une base culturelle
identitaire.
La centralisation du « moi » dans le
dispositif médiatique pose la question de la dimension sélective
de l'information. Avant la fragmentation intensive des audiences, le
récepteur du flux déléguait à la
télévision la responsabilité de préfiltrer
l'information. Basée sur la confiance, cette relation était le
dépositaire du jeu médiatique, avec les excès que cela
comporte. Il demeure que cette délégation implicite des pouvoirs
façonne des repères pour tous. Le filtrage effectué par un
certain nombre de média de masse est une sorte de boussole dans la
compréhension des enjeux sociétaux et politiques. Le filtrage
crée une grille de lecture compréhensible par tous.
La dilution du flux émissif dans une masse
réduit considérablement sa portée. Le télécom,
agrège et édite des contenus, compile des films et commente des
matchs et par conséquent se considère en média. Mais on
peut s'interroger sur la dilution des rapports médiatiques, dans le sens
où le rapport communicationnel est médié. Le principe de
réserver l'accession au flux aux seuls abonnés à une offre
d'un autre ressort (accès à internet) va à l'encontre de
la dimension médiatique. L'acception du medium par la
société veut qu'il soit celui qui sélectionne et valide
les informations qui intégreront le flux émissif. La
société a besoin de repères érigés par la
masse, ce qui sous-tendrait que la micro niche n'est qu'une composante de la
personnalité médiatique d'un individu, mais en aucun cas sa
définition première.
3. Vers une
dilution du socle commun ?
Nous avons vanté en amont la capacité des FAI
à remonter la chaîne identitaire d'un individu médiatique
par le biais de la prise en compte des micro-segments. Nous évoquerons
ici les conséquences d'une fragmentation totale de la
télévision.
Le premier point qui mérite qu'on se penche sur la
fragmentation des flux émissifs concerne la désynchronisation
médiatique. La délinéarisation réduit la
portée du débat public autant qu'elle conforte chacun dans ses
avis. La notion de forum démocratique télévisuel perd de
son sens lorsque les flux principaux sont noyés dans une multitude de
flux concurrents. Bien que les éditeurs historiques soient
obligatoirement repris sur tous les supports de diffusion, la
délinéarisation tend à déstabiliser les fondements
du socle commun.
De son côté, Missika estime que la même
« si les télévisions ont réussi le pari de
banaliser l'accès à l'émission du flux et
l'égalisation des statuts, l'individualisation des rapports
communicationnels est en train de diluer le rôle central de forum des
sociétés démocratiques »132(*). Quel univers
médiatique s'offre à nous ? La centralisation du
« moi » dans l'énoncé met-elle en
péril le socle commun à toute la société ? Ce
socle qu'est la télévision est d'autant plus important quand on
se réfère à la propension de chacun à assimiler et
filter les informations comme il l'entend. Tant que cela est ancré dans
un contexte où le socle commun oblige tout à chacun à
échanger, cela coïncide toujours avec la notion de forum.
Il faut imaginer que la dilution d'un socle commun soit sous
tendue par une régénération du dispositif
médiatique. Nous avons évoqué en amont la pyramide de
Maslow. Les deux derniers étages sont ceux de l'estime et de la
réalisation de soi. La capacité des communautés sur
Internet à répondre à ces deux sentiments ne sont que
partiellement vrais. La participation à l'énoncé et
l'inscription dans un dispositif communautaire répond à ces
besoins. Mais on peut s'interroger sur la pérennité de ces
sentiments. Ancré dans un micro espace, derrière un écran,
avec l'utilisation d'un pseudonyme, l'actant médiatique peut-il
satisfaire complètement son besoin d'estime ? Certes, il est
galvanisant d'échanger et d'être maître de son propre
énoncé. Il faut évoquer que la réalisation de soi
est un sentiment humain qui justifie une reconnaissance. Ne vivant pas dans un
monde dématérialisé, le regard de l'autre est
invariablement corrélé à la réalisation de soi. La
perte d'un espace public aussi grand que la télévision ne saurait
satisfaire les desiderata de beaucoup d'exister à travers son prisme
déformant et grossissant. Même si le web est capable de produire
ses « référents », la télévision est
le medium qui fédère tous les éléments essentiels
à l'érection d'un individu au-delà de son statut originel.
Il ne faut pas pour autant en conclure la fin prochaine du
besoin de l'actant d'être plus central et libre dans le dispositif
médiatique. Il faut plutôt envisager une forme de
complémentarité entre processus de décentration et de
centration des rapports communicationnels. L'avenir de la consommation de media
ne peut se concevoir que dans un partage de l'actant médiatique entre un
medium de moins en moins passif avec l'arrivée prochaine d'outils
interactifs et un medium au déploiement conditionnel nécessitant
une activité. Ces deux typologies énonciatives se nourrissent
l'une et l'autre et sont en partie aujourd'hui dépendante l'une de
l'autre. Un intitulé ne saura exister seulement sur un seul de ces deux
media. Par extension, Il faut également envisager la combinaison des
appétences de masse et de micro-niches, puisque un accès
médiatique partiel ou une hégémonie de quelques media de
masse ne sauront satisfaire un individu médiatique devenu bien
complexe.
Conclusion
Nous nous sommes interrogés sur la qualité de
« devenir medium » du FAI par le biais d'une
stratégie d'adhérence aux nouveaux usages médiatiques. Le
déroulement de ce travail de recherche a permis de montrer et d'analyser
les points qui sous-tendaient une transformation médiatique de ce nouvel
acteur du marché. Il était d'abord question de montrer comment la
diffusion du media internet a modifié les rapports communicationnels
entre émetteur et récepteur. L'incursion tardive des
éditeurs télévisuels sur ce médium n'a pas suffi
à circonscrire la baisse de consommation de la télévision
et la montée en puissance des consommations convergentes. La dimension
de contournement des médias historiques est un des corolaires de la
démocratisation des usages liés à Internet. Nous avons pu
décrire dans ce travail de recherche comment la compréhension de
ces usages révélés sur Internet a permis au FAI
d'établir des principes d'approches du client dans une logique de
stratégie de valeur. La transposition des usages inhérents au web
découle d'un double objectif. Tout d'abord capitaliser sur les
bénéfices d'usages ressentis par l'utilisateur et ensuite
rééquilibrer le marché des médias. Ce
rééquilibrage a permis de révéler la
primauté de la détention des réseaux sur la
création de contenus. Il a eu pour clé de voute une aspiration
à la délinéarisation et au contournement du flux
linéaire. Ainsi, la somme des avantages proposés a soudainement
placé la télévision et ses éditeurs dans une
situation instable. La capacité à remonter la chaîne
identitaire de l'individu médiatique s'est démarquée de
l'apathie énonciative des éditeurs historiques. De
surcroît, la capacité à recentrer l'utilisateur au sein du
dispositif énonciatif sur la télévision a
découlé d'une prise en compte des évolutions de ses
besoins.
Par la suite, nous avons cherché à comprendre
les raisons de cette stratégie d'adhérence aux nouveaux usages
médiatiques. Il n'a guère fallu de temps pour comprendre que
cette stratégie fut motivée par des logiques économiques
d'envergure. Le contenu nous est apparu comme le nerf de la guerre, puisque
décisif dans les gains de parts de marché. La mise en perspective
contextuelle des stratégies des acteurs principaux a permis de
comprendre l'évolution du marché à travers une oscillation
entre collaboration et concurrence. Ainsi, la remontée de la
chaîne de valeur d'un acteur comme Orange laisse imaginer des
orientations stratégiques que nous sommes impatients de vérifier.
Le déroulement de ce travail a permis de comprendre
comment l'éditorialisation de contenus, l'agrégation de
chaînes et d'autres services ont permis de façonner une
identité médiatique au FAI. Seulement, la troisième partie
a révélé que cette identité n'est que partielle.
Les hypothèses de départ ont été en partie
écornées par les insuffisances de l'IPTV. L'utilisation des
termes « devenir medium » dans la problématique a
pris tout son sens. D'après le Petit Robert
« Devenir, c'est passer d'un état
à un autre, commencer à être ». Les faiblesses
éditoriales et identitaires des FAI dans leur postulat médiatique
corroborent la dimension du « commencer à être
media ». Son acception médiatique s'heurte donc à la
restriction de son périmètre de diffusion de ses services
éditorialisés, à sa faible dimension de
sélectionneur de l'information. L'insuffisante valorisation
éditoriale est un point d'achoppement majeur dans cette
évolution. Les responsabilités qui sont implicitement
incombées aux média n'ont pas encore trouvé écho
chez les FAI. Il faut cependant pondérer ces analyses par la combinaison
d'inexpérience et de stratégies éditoriales en amorce.
Les limites actuelles des FAI vers un « être
medium » doivent permettre de poser les questions de l'avenir du
marché des media.
La télévision en tant que support semble vivre
une deuxième jeunesse. Plusieurs éléments risquent de
faire converger vers une fortification de ses bases, que seul un
déplacement des usages relatifs à la télévision
vers l'ordinateur, catalyseur de la majorité des nouveaux usages
médiatiques saurait remettre en cause. Si l'ordinateur venait à
supplanter la télévision au centre des usages domestiques, la
donne changerait radicalement pour les FAI pour qui la détention des
réseaux en circuits fermés façonne et légitime
l'offre. Des entreprises comme Carrefour, Microsoft ou Apple ont, semble-t-il,
fait le pari d'une évolution des usages domotiques. Le lancement d'une
offre VOD de la part du deuxième groupe de distribution au monde suscite
quelques interrogations quant à l'avenir de l'édition de
contenus. Si les opérateurs télécoms se sont
appuyés sur leurs réseaux pour s'emparer des circuits de
diffusion et imposer leur stratégie de
« devenir medium », qu'en sera-t-il si le
marché s'ouvre à des nouveaux venus, moins rompus encore aux
joutes du marché, mais forts d'un capital financier extraordinaire. Cela
laisse-t-il présager une excroissance de la vente de contenus
immatériels sur des points de ventes matériels, à travers
des mécanismes d'échanges nouveaux, comme le mobile saura
bientôt le proposer avec la lecture de codes barre sur des espaces
publicitaires physiques ?
La linéarité discursive, propre à
l'édition de chaînes semble être, pour le moment du moins
à la merci d'une évolution globale des usages qui se joue entre
les détenteurs de livraison des flux. Ces opérateurs ont su
coller aux évolutions sociologiques en termes d'attentes et d'usages.
Le principe de décentration cher à Peraya est au
coeur de ces évolutions médiatiques. Il faut envisager le
marché de l'émission de flux comme un mélange entre
contenu de valeur et centralisation de l'individu au coeur de
l'énoncé. Le support télévisuel doit envisager la
combinaison de ces deux prérogatives, la masse et la micro-niche. Ces
deux cibles doivent être envisagées différemment mais avec
la même importance stratégique, puisque l'individu
médiatique est susceptible de se confondre dans cette
schizophrénie énonciative. La personnalisation des rapports
communicationnels doit être le prisme au travers duquel les acteurs du
marché doivent entrevoir l'avenir. Accepter de responsabiliser l'actant
médiatique, de comprendre ses choix, de s'affranchir de
l'unilatéralité des échanges communicationnels propres au
passé, voilà les axes de progrès auxquels doivent
s'atteler les éditeurs historiques.
De leur côté, les FAI ont l'obligation de faire
perdurer leur stratégie de valeur, d'adhérence aux usages. La
distribution en circuit fermé ne semble pas répondre à ce
type d'exigence puisqu'elle est restriction et fait ressurgir à nouveau
un déséquilibre entre l'émetteur et le récepteur.
Il convient à tous les acteurs d'adhérer aux usages qui
s'apparentent à une responsabilisation du faire-réceptif à
travers l'interactivité et la personnalisation des rapports. Pour les
FAI qui veulent s'ériger en medium à part entière, nous
devons imaginer qu'il leur sera nécessaire de donner un ton, une
couleur, un style à leur éditorialisation. Il leur faudra sans
doute composer avec la nécessité de médier le rapport
communicationnel sans pour autant rogner la liberté nouvelle de
l'utilisateur au sein du dispositif énonciatif.
Si les FAI et les éditeurs continuent de concert
à favoriser la délinéarisation des flux, on peut
s'interroger sur la pérennité de l'espace public
télévisuel. La logique de niche doit elle être un substitut
ou plutôt un complément ? Nous estimons ici que la logique de
niche et de masse sont complémentaires puisqu'elles se nourrissent
mutuellement. Elles répondent à des besoins différents
mais sont indissociables dans le tissu médiatique. Les usages et
l'accessibilité des media internet et télévision ne
peuvent se départir l'un de l'autre. Bien qu'il paraisse essentiel de
cerner les conséquences des mouvements du marché sur la
société, il faut bien admettre que cela n'est évidemment
pas au centre des intérêts des groupes médiatiques et qu'il
faut, à priori, se résoudre à observer une lutte dont la
notion civile semble exempt.
D'un point de vue économique, on peut s'interroger en
ces temps de crise sur la pérennité des offres payantes,
l'opérateur anglais Sky133(*) prévoit une baisse de 40% des abonnements
dans les mois qui viennent. Certains voient dans la crise des
opportunités économiques, spéculant sur une
réduction de certains postes de dépenses, au profit de la
consommation de télévision. Faut-il envisager une restructuration
du marché qui découlerait de cette crise, avec une
réduction des dépenses mais une augmentation de la
consommation ? Quelle que soit la portée de cette crise
économique, on peut se poser les questions suivantes: quel sera le
meilleur équilibre à adopter entre les contraintes
éditoriales imposées par l'évolution des usages et les
contraintes économiques à venir ? Quelle sera la
pérennité de l'adhérence aux évolutions des
usages ? De plus, dans quelle mesure la portabilité des contenus
peut-elle déréguler l'offre audiovisuelle au point que les
terminaux puissent jouer un rôle déterminant à
l'avenir ? Enfin, il faut s'interroger sur la notion d'espace public
télévisuel. Ce forum est un pilier de la vie en
société et même s'il ne répond pas à
entièrement à l'évolution des usages, il n'empêche
qu'il est encore le seul à drainer autant d'audience de façon
synchronisée.
Il sera évidemment complexe d'imaginer un
équilibre entre décentration, centralisation de l'individu au
sein du dispositif énonciatif, nécessité de socle commun,
tout cela sous-tendu par des logiques économiques d'envergure.
BIBLIOGRAPHIE
-MITROPOULOU Eleni (2007) Thèse : Média,
multimédia et interactivité : jeux de rôles et enjeux
sémiotiques - Laboratoire de Sémio-Linguistique Didactique
Informatique (LASELDI) - Université de Franche-Comté
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Fitzgerald - Département de travail social et des sciences sociales -
Université du Québec en Outaouais
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anthropologie du cyberespace. La Découverte, Paris.
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Montréal
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épistémologie », Paris, Denoël.
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-MEUNIER Jean-Pierre, PERAYA Daniel (1999) « Vers une
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-VYGOTSKY L., cité par J.V Wertshc -« La
médiation sémiotique de la vie mentale » - in J-P
Bronckart, V. John-Steiner, C.P Panofsky, B. Schneuwly, Vigotsky aujourd'hui,
Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1985
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-MALLEIN, Philippe, TOUSSAINT, Yves. 1994. «
L'intégration sociale des TIC : une sociologie des usages »,
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innovations »
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chemins de l'intelligence, Seuil
-MUZET Denis, 2006, « La mal info. Enquête sur des
consommateurs de médias »
-BARBE Lionel. « Les médias participatifs : des
modèles éditoriaux émergents sur Internet » CNRS
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-KATZ Elihu et LAZARSFELD Paul, 1955 « Personal
Influence. The Part Played by People in the Flow of Mass
Communications », Glencoe, The Free Press,
-DEBRAY Régis, 1991 « Cours de médiologie
générale », Gallimard
MAC LUHAN M. 1968 - Pour comprendre les medias
-BOURDIEU Pierre. 1996. « Sur la
télévision »
-MUZET Denis, 2006, « La mal info. Enquête sur des
consommateurs de médias »
-Meunier Jean-Pierre, Daniel Peraya (1999)Vers une
sémiotique cognitive
-ESPOSITO Robert. 2001 « Communitas, origine et destin
de la communauté ». puf, college international de
philosophie
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-REED David, 2001 « The Law of the Pack »
(Harvard Business Review)
-PRAX, Jean-Yves 2003 « Le management territorial
à l'ère des réseaux »
-MASLOW A., 1989 Vers une psychologie de l'être, Fayard,
Paris.
-SENGES Anne, 2003 - « Ethnik ! Le Marketing de la
différence » Autrement.
-ANDERSEN Chris, 2007 - « The long tail, why the future
of business is selling less of more ». Broché
-GOODY Jack, 1979 - « La raison graphique », Minuit.
-ROGERS Everett. 1962. « The Diffusion of
innovations »
-MISSIKA Jean-Louis, 2006 « La Fin de la
Télévision » La République des Idées
-DUCCINI - 1998 - « La télévision et ses
mises en scène » Nathan Université
ANNEXES
1. ARCEP : Publication : Le marché des
services de télécommunications en France au 2ème trimestre
2008
2. Les Français, la télévision et la
convergence
Les Français regardent moins la
télévision
|
La Convergence Média boostée par la consommation de
la télévision, des vidéos, en différé et en
soirée.
|
|
|
3. Media in Life, Médiamétrie 2006 : La
consommation média en France
4. Guide des chaînes numériques 2008.
5. BOURE Phillippe (2004) « Régulations
et dérégulations libérales des médias
audiovisuels » ACRIMED
6. La Lettre de L'ARCEP - Septembre 2008
7. « Les défis de la
télévision de demain » Le Monde. DELAHAYE Martine
-29.06.08-
L'audiovisuel fait vivre 200 000
personnes, soit plus que l'aéronautique." C'est avec ce
préambule que Jean-François Boyer, producteur et président
de l'Association pour la promotion de l'audiovisuel (APA), a lancé la
cinquième édition de la Journée de la création TV
organisée le 16 juin, en partenariat avec la chaîne Public
Sénat. Une journée qui réunissait des professionnels
particulièrement sensibles à la "révolution des
écrans" en cours, leurs productions devant aujourd'hui répondre
aux spécificités et à l'économie d'une
multiplicité de canaux : ceux de la télévision hertzienne
bien sûr, mais aussi ceux de la télévision numérique
terrestre (TNT), de la vidéo à la demande (VoD), d'Internet, du
téléphone mobile et des web-télés. Tout cela sur
fond de crise financière, la publicité se détournant en
partie des médias traditionnels pour s'adresser aux clients de ces
nouveaux venus.
"Nous sommes cernés par une multitude de tuyaux qui sont
là, la gueule ouverte, avides d'images et qu'il faut absolument nourrir.
C'est une potentialité gigantesque, mais nous ne sommes pas
nécessairement préparés à y répondre parce
que, historiquement, nous avons le modèle du cinéma, et qu'on ne
connaît pas les programmes que veulent ces tuyaux", reconnaissait Jacques
Peskine, délégué général de l'Union
syndicale de la production audiovisuelle (USPA). Tout un métier à
réinventer donc.
Et le téléspectateur, qu'attend-il ? Il a
lui-même considérablement évolué au cours des dix
dernières années, adoptant instantanément, surtout parmi
les plus jeunes, tout ce que pouvaient lui apporter les nouvelles technologies.
Non seulement il consomme des images sur de multiples écrans, mais,
dorénavant, il se veut aussi acteur, qu'il soit simple zappeur, fouineur
sur Internet ou producteur de vidéos à partager avec d'autres sur
les plates-formes d'hébergement que sont YouTube ou Dailymotion. Il
n'est plus un réceptacle passif et captif de quelques chaînes de
télévision : face à une offre pléthorique, il
s'impose au centre du dispositif.
Miroir d'une société de l'individu-roi, de
l'immédiateté et de l'interactivité, "la
téléréalité a manifesté un nouveau
comportement psychologique", notait Xavier Couture, nouveau responsable
des programmes chez l'opérateur Orange. C'est le règne du "Je
veux me voir à l'écran". "Il ne s'agit donc plus de
s'adresser à une masse de spectateurs, mais chaque fois à un
spectateur unique", a précisé M. Couture.
Ce qui est possible avec Internet, où chacun peut picorer
ce qu'il veut quand il veut, voire se mettre en scène ; ce que
permettent aussi les capacités démultipliées du
réseau téléphonique via l'ADSL ; mais ce à quoi les
chaînes de télévision sont beaucoup moins
préparées. Dans un pays anglo-saxon, expliquait ainsi Pascal
Josèphe, président de l'International Média Consultants
Associés (IMCA), un programme de "Thalassa" sur Madère
permettrait, en un seul clic sur le site de l'émission, de
réserver un billet d'avion, un hôtel, et de se renseigner sur les
activités à faire sur l'île... On en est loin en France.
Pour autant, créer sur Internet n'empêche pas de
travailler pour les opérateurs traditionnels : le duo de "La Chanson du
dimanche", dont les vidéos sont nées sur le Net - notamment sur
Dailymotion -, a été signé par Universal, et l'un des deux
trentenaires du duo qui l'a conçue commencera à travailler cet
été pour Arte. Un nouveau vivier de créateurs de
télévision viendra peut-être du Net. De quoi
peut-être répondre à l'enjeu actuel pour les chaînes
: comment mettre l'individu au coeur de l'offre créative ?
Martine Delahaye Article paru dans
l'édition du 29.06.08.
8. Référence des Equipements Multimedia -
Chiffres Médiamétrie
9. Diffusion multisupports de contenus
exclusifs-Orange
10. Orange foot
11. Orange: les six nouvelles chaînes Cinema
Séries
12. Les terminaux s'engagent dans la course : Apple
et Gong
13. TF1 contre l'offre numérique
14. L'ARCEP et la guerre Orange Canal+
15. Orange et CanalPlus: divergences et
convergences
16. Conflit de canal à l'orange
Bouquet. Avec cinq chaînes ciné et séries,
l'opérateur provoque la chaîne cryptée.
RAPHAËL GARRIGOS et ISABELLE ROBERTS
«Ce n'est pas de la télévision,
c'est plus que de la télévision.» Voilà le
discours pas du tout boursouflé que l'on entendait hier chez Orange,
dans la bouche de son directeur général de la division contenu,
Xavier Couture, qui présentait son bouquet de cinq chaînes de
cinéma et de séries, supposé batailler avec Canal +
à partir du 3 novembre. «Plus que la
télévision», parce que les fameux films et
séries ne seront pas disponibles que sur le vieux poste de papa, mais
aussi le PC de fiston ou le téléphone portable de fifille. Mieux,
si toute notre gentille famille ne souhaite pas attendre son film comme
Mémé ses Chiffres et des lettres, elle pourra choisir
ses programmes à la demande et se créer sa proche chaîne.
«Casimir».Bon d'accord, on peut les
regarder dans tous les sens et sur tous les supports, mais il y a quoi dans ces
cinq chaînes disponibles pour 12 euros par mois (en plus de
l'abonnement) ? «Un magnifique line-up de programmes»,
balance Couture, décidément inspiré. L'annonce avait fait
sensation au Marché international des programmes (MIP), à Cannes,
au printemps : Orange avait chouravé les contrats Warner et HBO à
Canal +, lequel s'était agacé que «Casimir, le gros
Orange», comme la chaîne cryptée surnomme la filiale de
France Télécom, lui barbote ses jouets avec ses 53 milliards
de chiffre d'affaires (contre 4,3 milliards pour Canal +).
Et les voilà donc ces cinq chaînes. Rien
d'ébouriffant sur les thématiques : Orange cinémax (les
blockbusters en HD), Orange cinéhappy (pour la famille), Orange
cinéchoc (pour l'action), Orange cinénovo (films
indépendants) et Orange cinégéants (les vieux classiques).
Au menu, quelques séries alléchantes signées HBO :
John Adams, In Treatment, Generation Kill ou
True Blood. Côté cinoche, le téléspectateur
sera servi pour les classiques, mais il aura plus de mal à se
régaler d'inédits, car si Orange a pour «objectif
75 exclusivités par an», pour l'instant, les nouveautés
devraient tourner autour de 30 par an, en attendant que la filiale de
production ciné maison, Studio 37, fasse son office.
Reste quelques soucis à régler : Couture a
indiqué qu'Orange était en négo avec le CSA pour les
conventions des nouvelles chaînes qui doivent formaliser leurs
obligations envers le cinéma. Problème : doivent-elles être
calculées par rapport au riquiqui chiffre d'affaires des chaînes
ou par rapport à celui, maousse, de France Télécom ?
Cafouillage. Orange va devoir aussi faire preuve
de pédagogie : la naissance d'Orange Foot, en août,
destinée à mettre en valeur le match de Ligue 1 chèrement
acquis (203 millions d'euros), a donné lieu à un cafouillage
des plus rares. Les téléspectateurs ne comprenant pas s'il
s'agissait d'une chaîne sur la télé ou sur le web, et
surtout n'ayant pas saisi que pour y accéder il fallait être
abonné à l'offre triple play d'Orange. Jusqu'à Raymond
Domenech qui, n'y entravant que dalle, a eu la bonne idée d'appeler...
Canal +.
17. Le poste « Autres TV » passe devant
TF1.
18. Interview sur les chaînes ethniques
François Thiellet a été le directeur de
la première chaîne musicale française, MCM, puis de MCM
International. En 2001, il fonde MCM Africa. Il dirige ensuite la chaîne
Fashion TV. Depuis janvier 2005, François Thiellet est le
président-fondateur de Thema. L'entreprise fournit des programmes
multi-chaînes. Elle opère notamment dans les pays arabes, en Asie
et en Afrique. En France, Thema s'est spécialisée notamment dans
l'offre de chaînes ethniques (russes, turques, etc...). Son point fort,
selon François Thiellet, son indépendance vis-à-vis des
grands groupes de medias. La majorité de Thema est détenue par
ses managers.
Afrik.com : Comment est née l'idée ce concocter
ce Bouquet africain ?
François Thiellet : Deux éléments sont
à l'origine de ce projet. Le premier tient au fait que j'ai pendant
longtemps envoyé des programmes vers l'Afrique, notamment à
travers MCM Africa, Fashion TV. J'ai estimé qu'il serait
intéressant de faire l'inverse, de restaurer une sorte
d'équilibre. La seconde raison est liée à
l'opportunité de distribuer des chaînes ethniques. Depuis trois ou
quatre ans, les offres IPTV ont ouvert ce marché : les opérateurs
proposent des chaînes russes, turques, chinoises... Pourquoi n'y
aurait-il pas de chaînes africaines alors que les communautés
africaines sont importantes en France ? En somme, Le Bouquet africain est le
produit de la rencontre d'une envie et d'une opportunité technique et
financière.
Afrik.com : : La RTS, la 2sTV pour le Sénégal,
la CRTV pour le Cameroun, l'ORTM pour le Mali, la RTI pour la Côte
d'Ivoire et la RTB, pour le Burkina Faso. Six chaînes africaines
représentant cinq pays. Quels sont les critères qui ont
prévalu au choix des premières chaînes de ce bouquet ?
François Thiellet : Le choix s'est d'abord
opéré en fonction de l'importance des communautés. Il a
fallu déterminer les communautés africaines francophones les plus
importantes. Ensuite, nous nous sommes interrogés sur la
faisabilité technique du projet : sélectionner les chaînes
de bonne qualité et penser à la façon de les ramener.
Afrik.com : Le Mali, le Sénégal, la Côte
d'Ivoire, le Cameroun, on comprend bien la présence des chaînes de
ces pays dans le bouquet compte tenu de l'importance de ces communautés
en France. Mais la diffusion d'une chaîne burkinabé est moins
évidente...
François Thiellet : La présence de la RTB dans
ce bouquet est un peu plus inattendue mais nous avons une tendresse
particulière pour le Burkina Faso, patrie de la fiction africaine. C'est
le pays du cinéma africain : il accueille tous les deux ans le Fespaco.
Par ailleurs, nous avons d'autres projets avec le Burkina...
Afrik.com : Quelles sont les principales contraintes pour
diffuser des chaînes africaines en France ?
François Thiellet : Il y a une double contrainte.
D'abord, comment arriver à acheminer le signal de base ? C'est simple
pour certaines chaînes et plus difficile pour d'autres. Ensuite, il y a
le problème des droits des programmes diffusés sur ces
chaînes, notamment quand il s'agit s'événements sportifs.
Les droits acquis sont généralement valables pour les territoires
nationaux. On a donc l'obligation d'occulter les programmes concernés.
Il est important que nous nous pliions à cet impératif majeur
auquel sont soumises nos chaînes partenaires. Au début, les
émissions seront donc occultées mais nous pensons par la suite
à des programmes de substitution produits par les
télévisions concernées.
Afrik.com : Le Bouquet africain sera commercialisé
à partir de ce mercredi ?
François Thiellet : Nous proposons Le Bouquet africain
depuis une semaine chez Neuf Cegetel via la Neuf Box. C'est ce nous appelons
dans notre jargon la période de "Soft Launch". C'est une période
pendant laquelle le bouquet est proposé gratuitement. A compter de
mercredi, Le Bouquet africain sera commercialisé à 6,90 euros
TTC.
Afrik.com : Neuf Cegetel vous permettra-t-il de toucher
l'audience qu'aurait peut-être pu offrir Orange (France
Télécom), l'opérateur historique, ou encore
l'opérateur IPTV Free ?
François Thiellet : J'ai commencé avec celui qui
a été le plus réactif et qui s'est engagé à
investir dans une campagne de promotion. Neuf Cegetel, c'est tout de même
plus de 800 000 abonnés, ce qui n'est pas loin de ceux qui le sont
à Free. L'idée, c'est évidemment qu'un large public ait
accès à ce Bouquet africain. Nous sommes en discussion avec
l'ensemble des opérateurs câble et ADSL afin que ce bouquet soit
disponible dans leur offre.
Afrik.com : Sur quelles bases fonctionnent votre partenariat
avec ces chaînes africaines qui participent au Bouquet africain ?
François Thiellet : Nous avons un accord qui stipule
que nous prenons en charge les coûts techniques et les coûts
marketing. Les chaînes sont rémunérées par rapport
au nombre d'abonnés.
Afrik.com : Y-a-t-il une chaîne que vous auriez
aimé avoir dans ce bouquet que vous n'avez pas ?
François Thiellet : Une chaîne congolaise (RDC,
ndlr).
Afrik.com : Le Bénin et le Togo ne vous
intéressent pas ?
François Thiellet : Il y a plus de Congolais que de
Togolais et de Béninois en France... Le critère numérique
reste important. Mais dans tous les cas, le bouquet va s'étoffer
progressivement et sera complétée par une offre VOD pour devenir
une offre de l'audiovisuel africain. On a très peu accès aux
productions africaines, que ce soient des téléfilms,
séries ou tout simplement qu'il s'agisse de cinéma. Nous
souhaitons remédier à cela et c'est dans ce sens que nous allons
évoluer.
Afrik.com : Pourquoi avez-vous jusqu'ici si peu
communiqué sur le lancement de ce bouquet africain ?
François Thiellet : Nous voulions d'abord nous assurer
que la période d'essai gratuite serait concluante avant de communiquer
plus largement. Nous allons lancer dans les prochains jours une vaste campagne
de promotion dans les médias concernés.
Afrik.com : Vous vous êtes associé dans ce projet
à Canal Overseas Africa, qui distribue Canalsat Horizons en Afrique.
Pourquoi ?
François Thiellet : Canal Overseas Africa est un
partenaire technique et éditorial. Le groupe constitue un atout pour
nous d'un point de vue technique et relationnel. Ils ont une expérience
considérable dans l'audiovisuel africain. Ils avaient déjà
des partenariats avec certaines des chaînes avec lesquelles nous
travaillons dans le cadre du bouquet. Ils sont un véritable atout, et
ils ont accepté et souhaité nous accompagner dans ce projet.
Afrik.com : Peut-on imaginer un bouquet qui reprendrait la
production nigériane de téléfilms et de séries qui
ont beaucoup de succès en Afrique ?
François Thiellet : Nous envisageons de faire quelque
chose, mais je ne sais pas encore quelle forme cela prendra. Nollywood dispose
d'une production foisonnante qui mérite d'être mise en valeur.
Nous avons déjà noué des contacts dans ce sens.
Afrik.com : Combien d'abonnés au Bouquet africain
espérez-vous ?
François Thiellet : Beaucoup. Plus, ce serait encore
mieux !
19. NOMBRE d'ABONNES DSL en FRANCE
Vnunet.fr a refait le tour du Plan Besson en dix
thématiques synthétiques.
Philippe Guerrier 22-10-2008
Le gouvernement affiche son ambition de couvrir 100 % de la
population française en haut débit d'ici à 2012. Un appel
à candidature sera lancé en 2009 pour la fourniture d'une
prestation d'accès universel à Internet haut débit
à compter du 1er janvier 2010.
Avec un minimum de débit requis (512 kbit/s) à
un "tarif abordable" (inférieur à 35 euros/mois). Eric Besson
laisse le soin aux opérateurs de choisir la technologie d'accès
adéquate (satellite, WiMax...).Une mesure qui concernerait entre deux et
quatre millions de Français exclus du haut débit. Au
deuxième trimestre 2008, la France comptait 18 millions d'abonnés
à Internet dont 16,7 millions en haut débit, la plupart utilisant
l'ADSL. Avec un taux de pénétration du haut débit de 61 %
des ménages, la France arrive en troisième position en Europe,
derrière les Pays-Bas (74 %), la Suisse (69 %), et à
égalité avec le Royaume-Uni.
* 1 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ».- Broché
* 2 de BODINAT Henri, 2007
« Les mystères de l'offre » Village mondial
* 3 Le Groupe de recherche en
arts médiatiques (GRAM) : Dictionnaire des Arts Médiatiques
(1989) - Université de Montréal
* 4 MITROPOULOU
Eleni (2007) Thèse : Média, multimédia et
interactivité : jeux de rôles et enjeux sémiotiques -
Laboratoire de Sémio-Linguistique Didactique Informatique (LASELDI) -
Université de Franche-Comté
* 5 MITROPOULOU
Eleni (2007) Thèse : Média, multimédia et
interactivité : jeux de rôles et enjeux sémiotiques -
Laboratoire de Sémio-Linguistique Didactique Informatique (LASELDI) -
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* 6 MAC LUHAN M. (1968) -
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* 7 FILION Michel (2005) sur
« Marshall Macluhan», par Judith Fitzgerald - Département
de travail social et des sciences sociales - Université du Québec
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* 8 LEVY Pierre (1994)
« L'intelligence collective. Pour une anthropologie du
cyberespace ». La Découverte, Paris.
* 9 LEVY Pierre (1990)
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* 10 LEVY Pierre (1994)
« L'intelligence collective. Pour une anthropologie du
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* 11 MILLERAND Florence (1998)
Thèse : « Usages des NTIC : les approches de la
diffusion, de l'innovation et de l'appropriation »- Université
de Montréal
* 12 EVENO Patrick, SONNAC
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d'argent ? » Le temps des Media-CAIRN
* 13 MEUNIER Jean-Pierre,
Daniel Peraya (2004) « Introduction aux théories de la
communication » - de Boeck Université
* 14 PIAGET Jean (1970)
« Psychologie et épistémologie », Paris,
Denoël.
* 15 PIAGET Jean (1940)
Citation
* 16 MEUNIER Jean-Pierre,
PERAYA Daniel (1999) « Vers une sémiotique
cognitive »
* 17 VYGOTSKY L., cité
par J.V Wertshc -« La médiation sémiotique de la vie
mentale » - in J-P Bronckart, V. John-Steiner, C.P Panofsky, B.
Schneuwly, Vigotsky aujourd'hui, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé,
1985
* 18 CHAMBAT, Pierre. 1994.
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Technologies et Société
* 19 JOUËT, Josiane. 1993.
« Pratiques de communication et figures de la médiation »,
Réseaux.
* 20 MALLEIN, Philippe,
TOUSSAINT, Yves. 1994. « L'intégration sociale des TIC : une
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* 21 CHAMBAT, Pierre. 1994.
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* 22 ROGERS Everett. 1962.
« The Diffusion of innovations »
* 23 FLICHY Patrice. 1995.
« L'innovation technique. Récents développements en sciences
sociales vers une nouvelle théorie de 'innovation ». Paris: La
Découverte,
* 24 VIGNAUX Georges. 2003. -
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* 25 ARCEP :
Publication : Le marché des services de
télécommunications en France au 2ème trimestre 2008
* 26 Source :
Médiametrie - Media In Life - 2008
* 27 Paule Gonzales dans Le
Figaro le 20/08/2008 « Les Français regardent moins la
télévision ». Source :
Médiamétrie
* 28 Interview d J-C Grout sur
le site d'IPSOS : http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/2455.asp
* 29 Lecture en continu
* 30 Podcast : moyen
gratuit de diffusion de fichiers audio ou vidéo de façon
délinéarisée
* 31 MUZET Denis, 2006, «
La mal info. Enquête sur des consommateurs de médias »
* 32 Source : Media in Life,
Médiamétrie 2006 : (source
Médiamétrie)http://medialinks.unblog.fr/tag/etudes-media/media-in-life/
* 33 Source : Media in Life,
Médiamétrie 2006 : (source
Médiamétrie)http://medialinks.unblog.fr/tag/etudes-media/media-in-life/
* 34 MUZET Denis, 2006, «
La mal info. Enquête sur des consommateurs de médias »
* 35 Interview d J-C Grout sur
le site d'IPSOS : http://www.ipsos.fr/CanalIpsos/articles/2455.asp
* 36 BARBE Lionel.
« Les médias participatifs : des modèles
éditoriaux émergents sur Internet » CNRS - Laboratoire
Communication et Politique, France
* 37 KATZ Elihu et LAZARSFELD
Paul, 1955 «Personal Influence: The Part Played by People in the Flow
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* 38 DEBRAY Régis, 1991
« Cours de médiologie générale »,
Gallimard
* 39 MAC LUHAN M. 1968 - Pour
comprendre les medias
* 40 BOURDIEU Pierre. 1996.
« Sur la télévision »
* 41 MUZET Denis, 2006, «
La mal info. Enquête sur des consommateurs de médias »
* 42 MUZET Denis, 2006, «
La mal info. Enquête sur des consommateurs de médias »
* 43 Concept de Roger
Odin : la fonctionnalité en tant que système de
signification repose sur des connaissances du spectateur.
* 44 Meunier Jean-Pierre,
Daniel Peraya (1999)Vers une sémiotique cognitive
* 45 ESPOSITO Robert. 2001
« Communitas, origine et destin de la communauté ».
puf, collège international de philosophie
* 46 MARX Karl,
1867 « Das Kapital »
* 47 METCALFE Robert, -
Citation -
* 48 REED David, 2001
« The Law of the Pack » (Harvard Business Review)
* 49 PRAX, Jean-Yves 2003
« Le management territorial à l'ère des
réseaux »
* 50 MASLOW A., 1989 Vers une
psychologie de l'être, Fayard, Paris.
* 51 FaceBook : Site
Web de réseau social destiné à rassembler des personnes
proches ou inconnues
* 52 Marketeurs :
Personnes en charge dans une entreprise de la meilleure façon de vendre
au consommateur
* 53 TeckTonik :
désigne une danse fondée sur des mouvements atypiques.
Véritable mouvement populaire depuis 2006
* 54 Adulescence :
Selon le psychanalyste
Tony
Anatrella, l'adulescence est le prolongement de l'adolescence en
dépit de l'entrée dans l'âge adulte
* 55 No-Childs : terme
marketing qui désigne les personnes sans enfants
* 56 SENGES Anne, 2003 -
« Ethnik ! Le Marketing de la différence »
Autrement.
* 57 Coming-out :
désigne principalement l'annonce volontaire d'une orientation
identitaire
* 58 SENGES Anne, 2003 -
« Ethnik ! Le Marketing de la différence »
Autrement.
* 59 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ».- Broché
* 60 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ».- Broché
* 61 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ».- Broché
* 62 Cuivre :
Matière utilisée pour transporter les flux
* 63 GOODY Jack, 1979 -
« La raison graphique », Minuit.
* 64 Exalight est un jeu
vidéo de courses de véhicules édité par Neuf, et
qui se joue en réseau sur ordinateur.
* 65 Box : servant
d'équipement de terminaison de réseau, qu'un fournisseur
d'accès à Internet fournit à ses abonnés au haut
débit pour bénéficier du triple play,
* 66 Frame : colonne
* 67 ROGERS Everett. 1962.
« The Diffusion of innovations »
* 68 Chiffres internes
extraits d'une étude sur l'utilisation des services audiovisuels de
NeufTV
* 69 Netgem :
société technologique spécialisée dans
l'équipement de télévision IP,
* 70 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ». - Broché
* 71 Amazon :
entreprise de commerce électronique mondiale d'origine
américaine..
* 72 Ebay: site Web de
ventes aux enchères créé en 1995 et compte aujourd'hui
plus de 275 millions de membres inscrits
* 73 YouTube : site web
d'hébergement de vidéos sur lequel les utilisateurs peuvent
envoyer, visualiser et partager des vidéos
* 74 Barker: bande-annonce
promotionnelle.
* 75 Pop-up :
fenêtre surgissante qui s'affiche sans avoir été
sollicitée par l'utilisateur
* 76 EPG: détaille
les programmes présents et à venir en aplat sur la diffusion
d'une chaîne TV
* 77 VideoClub: boutique de
services permettant la location sur support vidéo afin de les visionner
à son domicile, avant de les rapporter.
* 78
AlloCiné.fr : société fournissant des services et des
informations cinématographiques en ligne.
* 79 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ».- Broché
* 80 ADSL: technique de
communication qui permet d'utiliser une ligne téléphonique
d'abonné pour transmettre et recevoir des signaux numériques
à des débits élevés, de manière
indépendante du service téléphonique.
* 81 TPS: opérateur
de bouquet numérique de télédiffusion satellitaire
français et éditeur de chaînes de télévision
thématiques. En avril 2007, TPS disparaît au profit de
CanalSatellite.
* 82 Chaîne
premium : de qualité supérieure
* 83 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ». Broché
* 84 Guide des chaînes
numériques. Mars 2008
* 85 Vivolta :
chaîne dédiée aux plus de 45 ans. Créée par
Philippe Gildas
* 86 Chiffres internes
extraits d'une étude sur l'utilisation des services audiovisuels de
NeufTV
* 87 Guide des chaînes
numériques 2008 -Direction du Développement des Media
* 88 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less of
more ». Broché
* 89 SENGES Anne, 2003 -
« Ethnik ! Le Marketing de la différence »
Autrement.
* 90 Chiffres estimés
par le distributeur.
* 91 Packs:
agrégation de chaînes par thématique ou par cible
visée.
* 92 ANDERSEN Chris, 2007 -
« The long tail, why the future of business is selling less -
Broché
* 93 de BODINAT Henri, 2007
« Les mystères de l'offre » Village mondial
* 94 MISSIKA Jean-Louis,
2006 « La Fin de la Télévision » La
République des Idées
* 95 Les parts de
marché atteignent leur plus mauvais score depuis la création du
programme en 2001 - Source : Ozap.net
* 96 de BODINAT Henri, 2007
« Les mystères de l'offre » Village mondial
* 97 Media Center :
Outil et logiciel fournissant certains des services suivants : lecture de
fichiers multimédias (image, son, vidéo), diffusion de ces
fichiers
* 98 Guide des chaînes
numériques. Mars 2008
* 99 CREA+ : Site
Internet du Groupe CanalPlus hébergeant, recensant et classant des
contenus video amateurs.
* 100 Le Conseil de la
concurrence sanctionne à hauteur de 534 millions d'euros les
sociétés Orange France, SFR et Bouygues Télécom
pour échanges d'informations stratégiques et l'existence d'accord
sur la stabilisation de leurs parts de marché.
* 101 de BODINAT Henri,
2007 « Les mystères de l'offre » Village mondial
* 102 BOURE Philippe (2004)
« Régulations et dérégulations libérales
des médias audiovisuels » ACRIMED
* 103 Pure Players :
désignerune entreprise dont l'activité est exclusivement
menée sur l'Internet
* 104 Stand Alone :
Application qui se suffit à elle-même
* 105 Pay TV : Contenu
nécessitant un achat
* 106 Canal+ à la
demande (en attendant le pendant sur CanalSat), M6 Replay, Arte+7, Rewind TV de
France Télévisions et prochainement TF1.
* 107 Atawad :
anytime, anywhere, any device ; « quand je veux, où je veux et
sur n'importe quel écran »
* 108 BOURE Philippe (2004)
« Régulations et dérégulations libérales
des médias audiovisuels » ACRIMED
* 109 SVOD :
Vidéo à la demande illimitée
* 110 Sources :
extraits d'une source interne sur les motivations de souscription
* 111 Catch-up :
télévision de rattrapage
* 112 P2P :
Système d'échange de fichier sur internet entre utilisateurs du
monde entier. Une des causes de piratage.
* 113 Bundle :
Signifie littéralement paquet. Désigne souvent un lot d'articles
destiné à la vente dans le cadre d'une offre.
* 114
Télévision de rattrapage
* 115 DININ Alexandre -
02/07/08 - Journal du Dimanche
* 116 TF1 International
détient un important catalogue de plus de 600 films et oeuvres de
télévision et est aussi le premier distributeur
indépendant de films en salle avec sa filiale TFM dont elle
détient 50% des parts
* 117 Major : acteur
majeur dans le secteur de l'industrie cinéma
* 118 Interview
réalisé par Les Echos - 16/10/08 - Antoine Pradayrol :
analyste financier chez Exane-BNP Paribas
* 119 Interview
réalisé par Les Echos - 16/10/08
* 120 DUMOUT Estelle -
20/09/07 - ZDNet
* 121 GONZALES Paule
-08/10/2008- Le Figaro
* 122 Interview
réalisé par Les Echos - 16/10/08
* 123 Quadruple Play :
voix Fixe, voix mobile, télévision, Internet
* 124 GONZALES Paule
-08/10/2008- Le Figaro
* 125 Webisation :
opération de migration d'une application informatique vers une solution
de type web (utilisation des techniques de l'Internet).
* 126 La Lettre de L'ARCEP
- Septembre 2008
* 127 Clé USB :
dongle contenant une
mémoire de masse utilisable sur tout type d'ordinateur.
* 128 Best Seller :
terme qui désigne à l'origine les meilleures ventes de livre,
vulgarisé à tout type de contenu culturel.
* 129 DELAHAYE Martine
-29.06.08- « Les défis de la télévision de
demain » Le Monde.
* 130 DUCCINI - 1998 -
« La télévision et ses mises en
scène » Nathan Université
* 131 Source : La
Lettre de l'ARCEP : Septembre 2008
* 132 MISSIKA Jean-Louis,
2006 « La Fin de la Télévision » La
République des Idées
* 133 SKY :
agrégateur et éditeur de chaines au Royaume Uni.
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