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4. Les éditeurs historiques : quelles parades ?Les perpectives établies ci-dessus font fi des éditeurs historiques. La réalité est que la détention des réseaux et son exploitation avec des visées éditoriales est en train de bouleverser le marché des éditeurs de contenus. La question des terminaux exclut les éditeurs de chaînes des hypothèses de développement. La remontée dans la chaîne de valeur perturbe actuellement les acteurs historiques, d'autant plus que leurs contraintes sont aujourd'hui plus restrictives que celles des nouveaux entrants. Les éditeurs historiques ne sont pas au bord d'un précipice sans fond, ils sont simplement en train de perdre progressivement la primauté de leur position longtemps dominante, qu'avait déjà entamée la TNT. Si les « best sellers »128(*) perdent de leur emprise, leur influence reste sans pareil. Ils la doivent à leur nature de servir de base à une culture collective autour de laquelle peuvent se former des marchés plus pointus. Les micros niches n'ont de raison d'être qu'en la présence d'une cible de masse, puisqu'elles s'apparentent en partie à une forme de contournement politique et à des réflexes identitaires dits de communautés. Les éditeurs historiques n'ont pas su voir la montée en puissance d'une alternative médiatique, celle de la non-masse. Cela ne les empêche pas d'être encore les détenteurs de contenus destinés à la masse, ceux-là mêmes qui façonnent une culture commune à une majorité d'habitants d'un pays. « Si vous vous limitez aux niches, le client ne saura pas par où commencer pour faire son choix puisqu'il ne connaît aucun des articles proposés. Les produits situés vers la tête servent de phares» selon Andersen. Les opérateurs historiques ont innervé le marché de l'édition et de distribution de contenus, mais les logiques ultra-concurrentielles qui s'y apposent limitent leur diffusion. Cela corrèle les velléités des opérateurs à allier détention des réseaux de distribution et diffusion de contenus exclusifs. Le principe de distribuer en circuit fermé, s'oppose à la logique de masse inhérente à la notion de medium populaire. Il ne faut pas occulter le fait qu'en dépit du développement des nouveaux réseaux TNT, ADSL et mobile, qui tous accueillent des offres élargies de télévision payante, câble et satellite demeurent les supports privilégiés des offres de télévision payante multichaînes avec 85 % de part de marché. Dans un contexte où l'interactivité répondrait aux stratégies de développement de l'ensemble des acteurs de la diffusion de contenu, les éditeurs historiques doivent profiter de l'apathie actuelle pour jouer un rôle majeur dans le futur. Sky, éditeur de chaînes au Royaume-Uni illustre la véracité de la `prime au premier entrant'. En effet, Sky s'est appuyé sur la détention du contenu pour éditer des espaces alternatifs ou complémentaires à la diffusion dans lequel l'utilisateur pouvait parier, jouer, acheter,...Le groupe a déjoué les positions dominantes des opérateurs-agrégateurs de chaînes. Le deuxième point sur lequel doivent se concentrer les éditeurs historiques réside dans l'étirement du programme linéaire vers d'autres supports. « Dans un pays anglo-saxon », explique ainsi Pascal Josèphe, président de l'International Média Consultants Associés (IMCA), « un programme de "Thalassa" sur Madère permettrait, en un seul clic sur le site de l'émission, de réserver un billet d'avion, un hôtel, et de se renseigner sur les activités à faire sur l'île... On en est loin en France. »129(*) Soumises à des logiques de séduction dans les rapports qu'elles tissent avec leurs publics, les chaînes seront amenées à approfondir et innover. La place accordée au public dans les mises en scène des messages audiovisuels suit la voie d'un enrichissement et Internet devient un moyen incontournable de cette stratégie salvatrice. Hélène Duccini explique dans La Télévision et ses mises en scène : "la «néotélévision» a désormais pour objectif essentiel de créer une relation avec le téléspectateur."130(*) Cette relation se traduit par une interactivité entre l'émetteur et le récepteur au moyen d'un autre mode d'émission et de réception, lorsque le téléspectateur devient "multimédiacteur" ou "télénaute ». « le téléspectateur accède à un nouveau statut, il devient acteur à part entière du programme audiovisuel, il exerce un pouvoir que la chaîne a consenti à lui laisser. »(ibid). Que TF1, co-producteur et distributeur du film au succès historique Les Ch'tis, lance en parralèle l'édition DVD et une édition numérique sur le net à 12,99€ (visionnable à volonté) marque une rupture avec le passé. Il s'agit dans ce cas d'une prise en compte de la diversité des diffusions et des consommations d'un contenu. Seulement, le point d'achoppement majeur pour les éditeurs historiques réside dans le fait que les coûts de grille ne cessent de baisser, comme leurs audiences. Il ne semble pas être dans l'air du temps du côté des directions de ces chaînes de se lancer dans l'interactivité ou dans une moindre mesure dans une recentralisation de l'actant au sein de l'énoncé. Afin de pérenniser l'émergence des FAI dans le marché des media, il est primordial d'accompagner leurs stratégies globales d'une valorisation qualitative des contenus édités. La volonté de remonter la chaîne de valeur ne doit pas se faire sans garder à l'esprit ce qui a fait la réussite des FAI, à savoir l'adhérence utilisateur. La satisfaction des abonnés aux bouquets de chaînes n'est pas optimale à ce jour. Certes, les FAI sont restreints par des exclusivités auxquelles ils n'ont pas accès, mais ils doivent perdurer dans leur adhérence client. Il semblerait utile dans la composition du bouquet de faire valoir les avis des abonnés autant que les audiences dans la sélection des chaînes. Les FAI doivent continuer à opter pour le post-filtrage, cher à la logique de la longue traîne, plutôt que le préfiltrage, cher à tous les éditeurs de contenus de masse, pour qui la connaissance de l'utilisateur semble à tort innée. Le point d'achoppement pour les FAI serait de reproduire les schémas des éditeurs historiques à l'égard des faire-réceptifs, et d'avoir le sentiment de comprendre instinctivement les besoins des utilisateurs. Les FAI doivent se confronter aux problématiques inhérentes à la pérennité de leur incursion dans le monde des media. La partie suivante, qui clôturera ce travail se penchera sur les limites de la télévision par les FAI. En substance, cela dessinera les contours des acteurs historiques et montrera le rôle essentiel de la linéarisation et de la médiation en tant que socle commun à la société. * 128 Best Seller : terme qui désigne à l'origine les meilleures ventes de livre, vulgarisé à tout type de contenu culturel. * 129 DELAHAYE Martine -29.06.08- « Les défis de la télévision de demain » Le Monde. * 130 DUCCINI - 1998 - « La télévision et ses mises en scène » Nathan Université |