Promotion du travail décent dans l'économie informelle: le role de l'inspection du travail au Burkina Fasopar Edmond Wêdlassida SAVADOGO ENAM Ouagadougou - Inspecteur du travail 2019 |
Chapitre III : Les défis de l'inspection du travail face à l'économie informelleSection I : Les contraintes 57 Section II : Recommandations 58 1 INTRODUCTIONL'un des plus grands défis du monde contemporain reste l'économie informelle. En effet, d'après l'Agence pour l'emploi des Nations Unies, plus de 2 milliards de personnes (61% de la population active mondiale)1 gagnent leur vie dans cette économie. Les pays émergents et les pays en développement représentent à eux seuls, 82% de l'emploi mondial, cependant, 93% de l'emploi informel se situent dans ces pays.2 L'Afrique est le continent le plus concerné par l'économie informelle avec un taux de 85,8%3. En Afrique subsaharienne, elle représenterait 55 % du produit intérieur brut (PIB) cumulé selon la Banque Africaine de Développement (BAD) et occuperait selon une enquête de l'Agence Française de Développement (AFD) révélée en 2006, 90 % des personnes actives au Cameroun et au Sénégal, contre 80 % en Afrique du Sud, 50 % en Ethiopie et moins de 40 % au Maroc.4 Au Burkina Faso, l'économie informelle est l'une des plus dynamiques de la sous-région Ouest-africaine, comme en témoignent dans ses villes et campagnes, la présence d'une multitude d'activités exercées par une multitude d'acteurs qui ne sont pas sous le coup de la loi. Dans une enquête de l'Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), le secteur informel non agricole occupe près de 80% des actifs urbains et sa contribution au PIB s'estime à plus de 32%.5 Les activités de l'économie informelle se caractérisent le plus souvent par « un capital modeste, un peu de main d'oeuvre qualifiée, un accès limité aux marchés organisés et à la technologie, revenus faibles et irréguliers, des conditions de travail médiocres. Elles échappent aux statistiques officielles et aux réglementations publiques. De plus, elles sont en marge des systèmes officiels de protection sociale et de la protection des travailleurs »6. Au regard de l'importance de l'économie informelle dans l'économie du Burkina Faso, l'Etat doit y intervenir pour la redynamiser et l'organiser afin qu'elle soit plus 1 https://www.lepoint.fr/economie/informel-ce-secteur-dominant-de-l-economie-mondiale-03-05-2018-2215415_28.php 2 https://www.latribune.fr/economie/international/deux-milliards-de-personnes-travaillent-dans-l-economie- informelle-777253.html 3 http://www.rfi.fr/emission/20190122-emploi-informel-pays-developpement 4 https://www.monde-diplomatique.fr/mav/143/CESSOU/53893 5 http://lefaso.net/favicon.ico 6 BIT, Rapport du Directeur général soumis à la Conférence internationale du Travail, 78ème session, Genève, 1991. 2 productive. C'est ce qui fait dire à Monsieur SAWADOGO, ex Directeur Général du Secteur Informel au ministère en charge de l'emploi que l'économie informelle est : « une réalité incontournable dans notre environnement économique et social à telle enseigne qu'aucune politique de développement ne peut se concevoir sans en tenir compte »7. Le Burkina Faso a fait sienne cette affirmation en tenant compte de l'économie informelle dans son Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) dont l'objectif global est de « transformer structurellement l'économie burkinabè pour une croissance forte, durable, résiliente, inclusive, créatrice d'emplois décents pour tous et induisant l'amélioration du bien-être social »8. Ce plan vise comme impact l'émergence d'une économie moderne fixée sur un secteur primaire évolutif plus compétitif et des industries de transformation et de services de plus en plus dynamiques, qui pourra permettre de réaliser un taux de croissance économique annuel moyen de 7,7% et créatrice d'au minimum 50 000 emplois décents par an. A l'instar du PNDES, plan mère, plusieurs politiques sectorielles sont mises en oeuvre pour promouvoir le travail décent. Ce sont : la Politique Nationale du Travail (PNT), la Politique Nationale de l'Emploi (PNE), la Politique Nationale de la Protection Sociale (PNPS) et le Plan d'Action National de Lutte contre les pires formes de travail des enfants (PAN). Ces politiques ont été regroupées dans une seule politique sectorielle « Travail, Emploi et Protection Sociale » 2018-2027 adoptée par le Décret N°2018-0499/PRES/PM/MJFIP/MFSNF/MFPTPS/MINEFID du 19 juin 2018 qui vise à contribuer à la promotion de l'emploi productif, du travail décent et de la protection sociale au Burkina Faso dans le cadre du PNDES. Toutes ces politiques constituent une approche intégrée et inclusive de lutte contre l'informalité, comme l'a recommandé la Résolution concernant le travail décent et l'économie informelle en ces termes : « Les gouvernements doivent mettre en place des cadres macroéconomiques, sociaux, juridiques et politiques propices à la création à grande échelle d'emplois décents et d'entreprises durables. Les gouvernements devraient adopter une démarche dynamique pour mettre l'emploi décent au centre des politiques de développement économiques et sociales et 7 Journal L'Economiste du Faso du Lundi 7 octobre 2013. Article de Christian Koné et d'Elie Kaboré : « Secteur informel : un vieux débat remis au goût du jour ». 8 Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) 2016-2020-Transformer le Burkina, Ministère de l'Economie des Finances et du Développement (MINEFID), Page 51 3 favoriser le bon fonctionnement du marché du travail et de ses institutions, y compris les systèmes d'information sur le marché du travail et les organismes de crédit»9. Ainsi, la Politique Nationale du Travail (PNT) se situant en droite ligne des objectifs du PNDES, vise à faire « du Burkina Faso, un pays émergent garantissant un travail décent à tous les actifs et un niveau de compétitivité très élevé à l'ensemble des entreprises grâce au fonctionnement harmonieux du marché du travail à l'horizon 2020 »10. Dans la mise en oeuvre de cette politique orchestrée par le Ministère de la Fonction Publique, du Travail et la Protection Sociale (MFPTPS), l'Administration du travail qui se définit par la convention 150 sur l'Administration du Travail, comme l'ensemble des activités de l'administration publique dans le domaine de la Politique Nationale du Travail (PNT), en est un outil indispensable. (C150 convention sur l'Administration du Travail, article 1) De tous les organes d'administration publique que comprend le système d'administration du travail du Burkina Faso, nous avons jeté notre dévolu sur l'inspection du travail dans le but de comprendre son rôle dans le processus de transition de l'économie informelle vers l'économie formelle. En quoi, l'inspection du travail contribue-t-elle à la lutte contre l'informalisation des emplois et des entreprises au Burkina Faso ? Tel est le fil conducteur de notre recherche à travers lequel nous tenterons de comprendre l'apport de l'inspection du travail dans la promotion du travail décent dans l'économie informelle. Notre étude se structure tout d'abord par un aperçu sur l'état des connaissances sur l'économie informelle et le travail décent ; ce qui nous permettra de mieux situer notre problématique. Ensuite, nous aborderons la partie méthodologique qui consistera au choix des techniques de collecte de données et à l'élaboration de leurs outils. Enfin, nous procéderons à l'analyse des données au cours de laquelle nous aborderons tour à tour : le fonctionnement de l'inspection du travail au Burkina Faso, sa contribution à la promotion du travail décent dans l'économie informelle et ses difficultés rencontrées dans cette tâche. 9 BIT, Résolution concernant le travail décent et l'économie informelle, Point 26, 2002 10 Politique Nationale du Travail (PNT), Edition septembre 2013, page 37 4 |
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