PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIE
Chapitre I : Cadre théorique
Section I : Revue de littérature
Paragraphe I : Economie informelle
A- Conditions d'émergence de l'économie
informelle
Plusieurs facteurs peuvent par interférence expliquer
l'émergence des activités de l'économie informelle selon
les différentes sources scientifiques.
1. La colonisation
L'irruption de la civilisation occidentale par la colonisation
a entrainé un bouleversement notoire dans les pays d'Afrique où
les conséquences au niveau social, culturel et économique peuvent
s'observer. La confrontation de la société occidentale avec les
sociétés d'Afrique Subsaharienne est à l'origine de
l'informalisation des institutions majeures de ces derniers, donnant, de ce
fait, au concept informel, une connotation polymorphe (Gauthier De Villiers,
1994 : 7-21).
Les sociétés du Tiers-Monde sont aujourd'hui
caractérisées de Sociétés hybrides,
c'est-à-dire à cheval entre les sociétés
pré-industrielles et les sociétés industrielles.
L'économie issue de ces sociétés est appelée
économie hybride ou intermédiaire ou dualiste dont le secteur
informel constitue l'illustration la plus parfaite (BALANDIER 1985 : 188).
Catherine COQUERY - VIDROVITCH (1991: 180), dans ce cas,
utilise l'expression d'ambivalence sociale pour désigner le fait que
depuis la colonisation, les néo-citadins en voie de
prolétarisation développent des stratégies de survie en
mêlant à la fois, le mode paysan (qui assure leur reproduction et
une partie de leur subsistance ) et le mode capitaliste occidental qui leur
procure un salaire, parfois insuffisant pour la satisfaction des besoins
ménagers. Elle souligne également que la symbiose secteur moderne
et secteur informel est vécue quotidiennement par les
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citadins de vieilles souches en cours de
prolétarisation en vue de faire face aux insuffisances de revenus
générés par le secteur formel.
Abdou TOURE (1995 : 13-14), en se référant
à l'historien ivoirien Pierre KIPRE, soutient que les petits
métiers ont émergé dans les villes coloniales suite aux
recrutements massifs, au travail forcé, à la
nécessité de payer l'impôt et à l'obligation d'avoir
les moyens pour assurer sa subsistance.
Selon Djik VAN (1986 : 18), certaines activités du
secteur informel puisent leur origine du temps des activités
traditionnelles pré-coloniales comme le tannage, la poterie, le tissage,
... D'autres, cependant sont nées des effets de modernisation
importées depuis la colonisation comme la réparation des engins,
des appareils électroménagers, etc.
2. La croissance urbaine
L'urbanisation est, de nos jours, considérée
comme un phénomène inévitable devant concerner toutes les
parties du Monde. Les pays du Tiers-Monde qui étaient longtemps
aperçus comme enfouis dans leur ruralité, se démarquent
aujourd'hui de cette situation. En effet, sur les 567 millions d'habitants que
comptait l'Afrique subsaharienne en 1995, 176 millions étaient urbains,
soit un taux d'urbanisation de 31% tandis que la moyenne mondiale
s'élevait à 45% (BOCQUIER et al ; 2000 : 1). Cette croissance
urbaine est conditionnée par deux éléments qui sont
l'accroissement naturel et l'accroissement par migration.
L'emploi formel présentant des barrières
à l'entrée pour les néo-citadins, ceux-ci affrontent la
nécessité de se lancer dans les activités
dépréciées et peu rentables de l'économie
informelle en vue d'assurer leurs propres survies et pourvoir aussi aux besoins
de leurs parents restés au village (Dijk VAN 1986 : 96).
3. Les Programmes d'Ajustement Structurel
(PAS)
La plupart des pays du sud ont été
touchés de plein fouet par la récession économique des
années 1980 et 1990 résultant de l'enchevêtrement de
plusieurs facteurs : dégradation du secteur agricole, la
détérioration des termes de l'échange, la baisse des
investissements, l'endettement massif, le chômage recrudescent (ph.
BOCQUIER et al 2000 : 37). A titre illustratif, le Burkina Faso qui avait
une
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croissance annuelle au PIB réel de
4 % entre 1980 et 1988, s'est vu tombé à 1,6% entre 1989 et 1990
(El. WETTA et al 1999 : 3-4).
Le redressement des économies effondrées
était orchestré par les institutions de Bretton Woods que sont le
FMI et la Banque Mondiale dans le cadre du Programme d'Ajustement Structurel
(PAS) dont l'objectif initial était destiné à
accroître la croissance du PIB de l'ordre de 4% par an (CALVES et al 2004
: 2). Le remède des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) visant
à vaincre la crise en restructurant et en privatisant les entreprises
parastatales, en réformant le secteur public et en dévaluant le
franc CFA s'était révélé plus nocif sur la
dimension sociale (Alain MARIE et al 1997 : Ph. Antoine et al 1995).
En outre, les effets combinés de la crise
économique et les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) ont eu pour
corollaire le chômage massif des populations, la
détérioration de la qualité des emplois, le gel des
salaires et le ralentissement des recrutements, les fermetures d'entreprises et
des licenciements exorbitants (CHARMES 1996 : 499). Les populations
subsahariennes durement éprouvées par le prolongement de la crise
n'ont d'autres solutions que de recourir aux activités
économiques moins rentables et instables de l'économie
informelle, favorisant ainsi la pluri-activité des individus et une
amplification dudit secteur au sein des économies nationales (CALVES et
al 2004 : 2, Abdou TOURE 1995 : 45 ).
4. Le système Educatif
La prolifération des activités du secteur
informel est aussi la conséquence de la crise du système
éducatif de la majeure partie des pays au sud du Sahara. L'école
produit annuellement un nombre croissant de déscolarisés,
c'est-à-dire des jeunes ayant quitté prématurément
les bancs sans avoir obtenu le diplôme voulu ou souhaité (UEMOA 2
2004 : 15). Selon le sociologue ivoirien Abdou TOURE, le système
éducatif rejette annuellement dans la rue environ 100 000
déscolarisés pour la seule Côte d'Ivoire (Abdou TOURE 1995
: 52).
Ainsi, l'économie informelle fonctionne comme un
secteur d'absorption pour les déscolarisés et dans une moindre
mesure pour les diplômés qui y reviennent en cas de
difficultés à trouver un emploi salarié ou à
créer un auto-emploi moderne.
Enfin, l'économie informelle fonctionne comme un secteur
de transition pour
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les diplômés qui y passent
quelques temps avant de s'engager dans les activités du secteur moderne
(Abdou TOURE 1995 : 49).
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