II) L'Huissier de justice : une réponse pour la
sécurisation de la date dans le cadre des échanges
dématérialisés.
Cette réponse ne sera pas bâtie ex nihilo ; nous
pourrons dans un premier temps nous appuyer sur le droit positif
québécois et belge (1) avant de proposer une solution qui
pourrait être retenue dans notre droit national (2).
1) La sécurisation de la date dans le cadre des
échanges dématérialisés : les solutions
québécoise et belge.
Ces deux pays connaissent l'Huissier de justice et la
signification « classique » sur support papier, néanmoins ils
ont intégré dans leur « code de procédure civile
» respectif de nouveaux modes pour la transmission de l'information
judiciaire.
L'intégration de ces nouveaux modes a obligé les
législateurs québécois et belge à se positionner
sur la date à retenir dans le cadre de tels échanges.
· La solution québécoise
:
Le Code de Procédure Civile québécois
(L.R.Q. c. C- 25) (35) n'a pas encore
adopté la communication électronique pour la signification de
la copie par
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Huissier de justice directement au destinataire ;
néanmoins, dans certaines circonstances, de
nouveaux modes de communication ont été retenus.
|
Ainsi l'article
|
139 du dit
|
Code, en cas
|
de
|
méconnaissance de
|
l'adresse du destinataire
|
de
|
l'acte, reconnaît
avis public » ;
|
la notion de
|
« signification
|
par
|
Cet avis public
|
qui enjoint
|
au défendeur
|
de
|
comparaître dans un certain délai et qui
l'informe que « l'acte introductif d'instance » se trouve à sa
disposition au greffe du Tribunal, peut être diffusé par voie de
presse ou par tout autre moyen comme des annonces radio ou
télévisées.
Bien que la communication électronique stricto sensu
n'ait pas été retenue, nous sommes quand même fort loin de
la signification « classique » avec support papier ; dans ce cas
quelle est la date de « signification » qui a été
retenue par le législateur Québécois ?
La solution est donnée par l'article 139 in fine :
« La signification au moyen d'une seule publication
vaut et est réputée avoir eu lieu à la date de cette
publication; dans les autres cas, la signification ne vaut qu'une fois faites
toutes les publications, mais elle est réputée avoir eu lieu
à la date de la première. »
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C'est donc la date de publication et de la première
publication s'il en existe plusieurs, qui est retenue ; ainsi par analogie il
est possible d'avancer que c'est la date « d'envoi » qui est retenue
dans le cadre de ces transmissions d'informations judiciaires hors support
papier.
Dans une autre hypothèse, lorsque la partie dispose
« d'un Procureur », l'article 140.1 du même Code
reconnaît la signification d'un acte de procédure au dit Procureur
au moyen d'une transmission par télécopie ;
Pour ce qui concerne la date de signification retenue dans le
cadre de l'utilisation d'un tel procédé technique, l'article 142
interdit les significations par télécopies aux Procureurs le
samedi ou après 16H30 ; si une signification était toutefois
effectuée dans « ces plages » prohibées, la date
à retenir serait celle du « jour juridique suivant » (article
142) : « La signification au procureur d'une partie ne peut être
faite le samedi. La signification par télécopieur au procureur
d'une partie, effectuée après 16 h 30 ou le samedi, est
réputée faite le jour juridique suivant. »
A contrario l'on peut en déduire qu'une signification
effectuée dans les créneaux horaires ou journaliers
autorisés aura pour date celle de l'envoi. Cette analyse pouvant
s'appuyer sur l'article 146.0.1.qui
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en matière de preuve prévoit : « La
preuve d'une signification par télécopieur peut être
établie au moyen du bordereau de transmission ou, à
défaut, d'un affidavit (36) de la
personne qui l'a effectuée. »
Ainsi en droit québécois, dans le cadre de
l'utilisation de moyens de transmission de l'information
judiciaire hors support papier, la date qui peut être retenue pour ce
type de signification est la date d'envoi.
Il en va différemment dans le droit belge.
· La solution belge :
Le Code Judiciaire belge (37)
traite, dans sa première partie relative aux principes
généraux et plus précisément dans son chapitre VII,
des significations par actes d'Huissier de justice ;
Bien que d'application au plus tard le 1er janvier
2009, comme pour notre Code de Procédure Civile pour ce qui concerne la
communication par voie électronique, l'article 42 bis du Code Judiciaire
belge, dans son premier alinéa, reconnaît la validité des
significations par voies électroniques au destinataire de l'acte ;
« Art. 42bis. <inséré par L
2006-08-05/45, art. 6, 008; En vigueur : indéterminée et au plus
tard : 01- 01-2009> Sans préjudice de l'application des
conventions internationales en la matière,
la
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signification peut avoir lieu par
voie
électronique. »
La démarche en terme de dématérialisation
est donc plus avancée dans le droit belge que dans notre droit
positif.
Dans le cadre de ces modalités de signification
dématérialisées, le Code Judiciaire belge fait
référence à une « adresse judiciaire
électronique », notion qui renvoie à nos
développements précédents sur la certitude de la
domiciliation et l'acceptation préalable aux échanges
électroniques ;
Ainsi l'article 36 détermine d'une part dans son
alinéa 3 la notion d'adresse judiciaire électronique: «
Art. 36. <L 2006-08-05/45, art. 5, 008; En vigueur :
indéterminée et au plus tard : 01-01-2009> § 1er. Pour
l'application du présent Code, l 'on entend par : 3° "
adresse judiciaire électronique " : " l'adresse de
courrier électronique, attribuée par un greffe et à
laquelle une personne a accepté ou est réputée avoir
accepté, selon les modalités fixées par le Roi, que lui
soient adressées les significations, notifications et communications. Le
Roi détermine, après avis du comité de gestion et du
comité de surveillance, visés respectivement aux articles 15 et
22 de la loi du 10 août 2005 instituant le système d'information
Phenix, les modalités de création et d'attribution,
d'enregistrement, de conservation et de consultation des adresses judiciaires
électroniques. »
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Et ce même article 36 précise d'autre part dans
son paragraphe 2 l'acceptation préalable et la désinscription
possible :
« Toute personne qui a accepté la
signification, la notification ou la communication à une adresse
judiciaire électronique est présumée y consentir tant
qu'elle n'a pas manifesté expressément son intention de renoncer
à l'utilisation de cette adresse judiciaire électronique ou de la
modifier. »
Ces pré requis légaux posés, qu'en est il
de la date de signification dans le cadre des échanges
dématérialisés ?
L'article 42 bis du Code Judiciaire belge n'a pas retenu
directement la date d'envoi de l'acte par l'Huissier de justice mais la date
à laquelle le prestataire de services, chargé de la communication
électronique, a reçu, de la part de l'Huissier de justice, la
demande d'envoi.
Article 42 bis (in fine) : « La date de la
signification est celle du moment où le prestataire
de services a reçu la demande d'envoi au destinataire,
conformément à l'article 9, § 1er, de la loi du 10 juillet
2006 relative à la procédure par voie électronique.
»
L'article 9 de la loi d 10 juillet 2006 précisant dans son
paragraphe premier :
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« Art. 9. § 1er. Sauf disposition légale
contraire, un document de procédure électronique produit ses
effets au moment où :
Le prestataire de services de communication reçoit
la demande de l'expéditeur d'envoi au destinataire, lorsqu'un tel
prestataire intervient; »
Toutefois il est à noter que cet article 9 dans son
troisième paragraphe évoque la notion du « moment de la
délivrance de l'acte » ce qui peut être une source confusion
avec « la date de signification » tel que prévue à
l'article 42 bis in fine ;
En effet suivant les dispositions du troisième paragraphe
de l'article 9 de la loi :
« § 3. La délivrance d'un document
électronique est le moment où le destinataire peut prendre
connaissance du contenu de celui-ci. Sauf preuve contraire, la
délivrance est réputée accomplie au moment où le
prestataire de services de communication atteste avoir délivré
l'acte, lorsqu'un tel prestataire intervient »
Dans ce cas la date de signification serait celle de la date
de « l'avis de délivrance » et non la date de l'accusé
réception du prestataire de services suite à l'envoi de l'acte
par l'Huissier de justice, tel que cela est prévu à l'article 42
bis in fine précité.
En sus de ce risque de confusion, la procédure
de signification par voie dématérialisée se
complexifie
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en l'absence d'avis de délivrance retourné
à l'Huissier de justice par le prestataire de services dans les
délais légaux ;
L'article 42 bis prévoit en effet que le prestataire de
service doit dans les vingt quatre heures de l'envoi par l'Huissier de justice
informer ce dernier de la délivrance du message au destinataire ;
A défaut de réception par l'Huissier de justice
de « l'avis de délivrance » dans le délai de vingt
quatre heures, ce dernier se doit de signifier sans délai, de
façon « classique » sur support papier suivant les
dispositions des articles 33 et suivants du Code Judiciaire.
Notons que cet « avis de délivrance » traduit
juste le fait que l'acte signifié par l'Huissier de justice a bien
été « déposé » dans la « boite de
courriels » du destinataire par le prestataire de services, mais en aucun
cas il traduit le fait que le dit destinataire ait « ouvert » le
courriel, cet certitude étant apportée par l'accusé de
réception émanant du destinataire de l'acte.
La question de la date de signification n'est pas
impactée par l'absence de retour dans les délais légaux de
l'avis de délivrance puisque l'article 42 bis précité,
conserve le principe général relatif à la date de
signification, à savoir la date réception par le prestataire de
services de l'envoi par
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l'Huissier de justice, (sous réserve des remarques
liées au paragraphe 3 de l'article 9 de la loi).
Toutefois il faudra alors établir un distinguo entre :
- La date d'envoi par l'Huissier de justice au
prestataire de services de l'acte à signifier. - La
date de l'accusé réception de cet envoi par
le prestataire de services (correspondant à la
date de signification suivant l'article 42 bis). - La date de
« l'avis de délivrance » de l'acte
établie par le prestataire de services.
- La date de l'éventuel accusé de réception
du destinataire de l'acte.
- Et enfin, à défaut « d'avis de
délivrance », la date de signification de l'acte faite par
l'Huissier de justice sans délai suivant les dispositions des articles
33 et suivants du Code Judiciaire.
La procédure ainsi instaurée risque de donner
naissance à l'usage à une abondante jurisprudence sur la date
à retenir pour la signification dans le cadre des changes
dématérialisés, avec toutes les conséquences
juridiques que l'on peut imaginer dans ce domaine.
Ainsi le droit québécois reconnaît la
validité de nouveaux modes de transmission de
l'information judiciaire mais que dans certaines hypothèses
à
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savoir : la signification par télécopie lorsque
le destinataire dispose d'un Procureur ou la signification par avis public
lorsque l'adresse du destinataire est inconnue.
Dans ces deux hypothèses c'est toutefois la date d'envoi
qui est retenue comme date de l'acte.
Le droit belge a lui généralisé la
possibilité de signification par voie électronique mais la date
de signification de l'acte, en dehors des risques de confusions et de
contestations, est inféodée à l'accusé de
réception du prestataire de services et la validité de la
signification par voie dématérialisée est
systématiquement dépendante de « l'avis de délivrance
» lui aussi délivré par le prestataire de services.
Entre les cas isolés retenus par le droit
québécois et l'assujettissement au prestataire de services retenu
par le droit belge, une troisième voie existe pour notre droit
national.
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