Chapitre I : La taxe sur la valeur ajoutée et les
droits
d'enregistrement
Les sociétés participantes à la fusion
sont imposées aux différents types des
impôts dont les règles applicables peuvent
être différentes selon le régime fiscal
adopté par chacune d'entre elles. Au cours d'une
opération de fusion, les sociétés
fusionnées se trouvent contraintes de
régulariser certains impôts dont les plus
intéressants sont la taxe sur la valeur ajoutée en
tant qu'impôt indirect (section I) et
les droits d'enregistrement (section II)
Section I : La taxe sur la valeur ajoutée
S'il est un domaine dans le cadre de la fiscalité
des fusions où les règles se
caractérisent par leur grande souplesse, il s'agit bien de
la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA). Les règles en vigueur laissent aux
sociétés en présence la possibilité de
rendre l'opération de fusion fiscalement indolore au
regard de la TVA.
Le législateur tunisien a laissé aux
sociétés fusionnées la possibilité de choisir entre
deux régimes en matière de TVA à savoir le
régime de droit commun (sous section I)
et le régime de faveur (sous section II)
Sous section I : Régime de droit commun
L'opération de fusion entraînant la disparition
de la société apporteuse et le
transfert du patrimoine à la
société absorbante ou nouvellement crée, il
conviendrait au regard de la TVA de tirer toutes les
conséquences de ces apports et
en particulier :
- l'imposition à la TVA de certains
éléments apportés et spécialement le stock de
marchandises ;
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ISCAE 2004-2005
(matériel, équipement,
-
l'imposition
des
biens
mobiliers
d'investissement
outillage,) compris dans l'apport.
Sous le régime de droit commun, l'opération
de fusion peut être assimilée à une
cession, et par voie de conséquence, la
société absorbée devait en principe reverser
une partie de la TVA initialement déduite au titre des
immobilisations apportées. Les
règles de reversement de la TVA différent selon le
type des biens apportés.
S'agissant des biens meubles (matériel,
équipement,..), la TVA à reverser est
calculée par (1/5) un cinquième par
année civile ou par fraction d'année restant à
courir de la TVA initialement déduite. (voir exemple)
S'agissant des biens immeubles (bâtiment), la règle
est la même que celle applicable
aux biens meubles, seule la TVA à reverser sera
calculée par (1/10) un dixième par
année civile ou par fraction d'année du montant de
la TVA initialement déduite et ce
pour la période de régularisation restante. (voir
exemple)
L'application du droit commun en matière de TVA, impose
à la société absorbée de
procéder soit à la régularisation de TVA
initialement déduite sur certains biens soit de
taxer certains apports, autres que ces biens,
soumis à la TVA (stock des
marchandises)
On a pris un petit exemple pour mieux expliquer ces deux points.
EXEMPLE :
Une société S a participé à une
opération de fusion et elle a été absorbée par une
société T.
La société S a apporté au de cette
opération de fusion les éléments suivants :
- un bâtiment acquis le 02/01/1998 pour un montant de
150.000 dt ;
- un matériel acquis le 30/05/2000 pour 100.000 dt ;
- une machine pour un coût de 60.000 dt acquise en 2001 ;
- un stock de marchandises pour un montant de 300.000 dt.
L'opération de fusion a eu lieu le 30/04/2004.
Au terme du régime de droit commun, la
société S est tenue soit de reverser la TVA due sur
les biens meubles et immeubles soit à imposer le stock de
marchandises :
Régime fiscal de fusion des sociétés
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É Reversement de TVA :
9 sur les biens immeubles : bâtiment
Montant hors taxe = 150.000 dt
TVA (18%) = 27.000 dt
Bénéfice de déduction = 27.000*(7/10)
= 18.900 dt
La société a bénéficié de
déduction sur une période de sept ans (de l'année 98
à 2004), il reste
à reverser une TVA sur les trois années restante
Soit une TVA à reverser = 27.000*(3/10)
= 8.100 dt
9 sur les biens meubles :
- matériel : montant hors taxe
TVA (18%)
Bénéfice de déduction
= 100.000 dt
= 18.000 dt
= 18.000*(5/5)
= 18.000 dt
La société a totalement
bénéficié de déduction sur toute la période
légale, en effet, elle n'a
rien à reverser.
- machine : montant hors taxe
TVA (18%)
Bénéfice de déduction
= 60.000 dt
= 10.800 dt
= 10.800*(4/5)
= 8.640 dt
La société a bénéficié de
droit de déduction sur une période de quatre ans (de 2001
à 2004).
Donc il reste à courir une année, au terme duquel
la société est tenue de reverser un cinquième
(1/5) de la TVA initialement déduite.
Soit une TVA à reverser = 10.800*(1/5)
= 2.160 dt
La somme de TVA à reverser par la
société S au titre des biens meubles et immeubles
apportés est de 10.260 dt (8.100+2.160)
É Imposition du stock de marchandises :
Montant hors taxe = 300.000 dt
TVA (18%) = 54.000 dt
Cette charge de TVA est supportée par la
société absorbante ou nouvellement créée qui sera
autorisée à la déduire
ultérieurement.
Régime fiscal de fusion des sociétés
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Si la société absorbée a un
crédit de TVA, il sera déduit du montant de TVA
à
reverser. En d'autre terme, il ne sera réglé que la
différence entre le montant de TVA
à reverser et le crédit de TVA.
Ce régime applicable en matière de TVA n'est ainsi
profitable. De part que la société
absorbée va effectuer un versement de TVA
c'est-à-dire une somme d'argent à
décaisser.
L'adoption de régime de droit commun en matière de
TVA, n'offre pas à la société
absorbée la possibilité de profiter au
maximum de l'opération de fusion en
minimisant ses coûts mais au contraire, il
peut leur engendrer un coût
supplémentaire constitué par le reversement de TVA
initialement déduite.
Vu l'importance des objectifs attendus d'une telle
opération de fusion, le
législateur tunisien a instauré un
régime de faveur en matière de TVA tout en
cherchant à inciter les sociétés à
fusionner et à se regrouper.
Sous section II : Régime de faveur
L'opération de fusion se traduit par un transfert
universel du patrimoine de la
société absorbée au profit de
société absorbante ou nouvellement crée.
Dans ce sens, l'article 9--4--IV du code de
la TVA et droits de consommation
stipule que : « en cas de concentration, fusion ou
transformation de la forme
juridique d'une entreprise, la taxe ou le reliquat de la TVA
réglée au titre des biens et
valeurs ouvrant droit à déduction, est
transféré sur la nouvelle entreprise. »
D'après cet article, la société
absorbée transfère ses droits et ses obligations en
matière de TVA à la société
absorbante ou nouvellement crée. De ce fait, la société
absorbante ou nouvellement crée est autorisée
à déduire la taxe ou le reliquat de la
TVA réglé au titre des biens ouvrant droit
à déduction selon les mêmes règles
adoptées en droit commun. Toute fois, la
société absorbante doit s'engager à
effectuer les régularisations nécessaires
ultérieurement dans le l'acte de fusion
comme si la société absorbée avait
continué à utiliser ses biens.
Régime fiscal de fusion des sociétés
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ISCAE 2004-2005
Les assouplissements introduits par l'administration ont eu pour
effet de gommer
les incidences de la TVA sur l'opération de fusion.
L'administration a en effet admis
que la société absorbée puisse
simultanément :
- être dispensée de régularisation ;
- ne pas soumettre ses apports à l'imposition 1
;
- transférer à la société
absorbante ou à la société nouvelle issue de la
fusion, le
crédit de TVA dont elle dispose au jour de la
réalisation de l'opération.
La société absorbée doit délivrer
à la société bénéficiaire des apports une
attestation
mentionnant le montant de la taxe que celle-ci ayant droit
à déduire.
« L'attestation peut être délivrée par
l'apporteur en société, même s'il n'a pu opérer
aucune déduction au moment où il a acquis
le bien en raison soit de sa situation
personnelle au regard de la TVA (entreprise
exonérée) soit d'une exclusion de droit
de déduction frappant le bien. Mais bien entendu,
le nouveau détenteur ne peut
utiliser cette attestation que s'il est lui-même
assujetti et si le bien ne tombe pas
sous le coup d'une exclusion. »2
Cette attestation doit comporter obligatoirement les mentions
propres à identifier la
société absorbée et la société
bénéficiaire des apports à savoir :
· nom, raison sociale, dénomination sociale de
deux sociétés ;
· la description sommaire des biens ;
· le numéro d'identification des biens ;
· la date d'acquisition par l'ancien détenteur ;
· le montant de la taxe initialement déduite.
Toute fois, la société absorbante peut être
partiellement assujettie à la TVA, dans ce
cas, la taxe ou le reliquat de la TVA qui est autorisée
à être déduite sera déterminée
en fonction d'un prorata déterminé comme suit :
Soient :
1 La taxation des apports reste due cependant en cas
de transmission du patrimoine par un assujetti
redevable au bénéfice d'un assujetti non redevable.
2 MOHAMED MOKDAD MASTOURI : la TVA et droits de
consommation
Régime fiscal de fusion des sociétés
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ISCAE 2004-2005
X = Recette soumise à la TVA
+ Recette afférente aux exportations des biens et
des services passibles de la
TVA à l'intérieur
+ Recette provenant des ventes des produits qui
bénéficiés d'une exonération
+ Recette provenant des ventes des déchets
Y = X + sommes provenant d'opérations
exonérées
+ Recette provenant d'activités situées hors champs
d'application de TVA
+ Les subventions d'exploitation
P = X/Y (prorata en %)
- le montant de TVA à reverser au
trésor est :
· TVA initialement déduite par l'absorbée
* P% (5-n/5) pour les biens meubles
· TVA initialement déduite par
l'absorbée * P% (10-n/10) pour les biens
immeubles
Ainsi, la société absorbante ou nouvelle peut
être non assujettie, dans ce cas, la
société absorbée doit facturer à la
société bénéficiaire d'apport le reliquat de la TVA
initialement déduite et non acquis qui sera par la suite
tenue de le reverser au trésor.
Le choix d'un tel régime en matière de TVA, n'a pas
une incidence importante sur
l'opération de fusion parce que cette opération se
résume dans la plupart des cas à
une opération blanche au regard de TVA. En effet,
la société absorbée et par
application de régime de droit commun, elle est conduite
à reverser une fraction de
la taxe initialement déduite sur immobilisations ou
imposer certains apports mais
réciproquement la société
bénéficiaire des apports bénéficie du droit
à déduction
correspondant.
Lorsque le patrimoine transmis à la société
bénéficiaire des apports est conséquent, il
est clair que la tolérance administrative
entraîne une singulière simplification de
l'opération au plan administratif. En outre, les
sociétés qui fusionnent en tirent
partiellement un avantage au plan de la gestion de leur
trésorerie ; la société n'a en
effet pas de versement de taxe à effectuer. Ce qui
évite un décaissement.
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