Le modèle intégratif multifactoriel comme son
nom l'indique a pour objectif de prédire les issus de santé
à travers une conjugaison de plusieurs facteurs qui peuvent être
immédiates ou distant. Ce modèle à révolution
s'inscrit à la fois dans le grand champ des approches
intégratives (approches biopsychosociales) élaborées au
départ par Engel (1977). Celui-ci s'inscrit dans la continuité et
l'amélioration de l'approche transactionnelle de Lazarus et Folkman
(1984) Désormais, on a évolué de la prédiction des
issus de santé pour la prédiction des issues adaptatives qui
intègrent un champ beaucoup plus large qui va au-delà du domaine
de la psychologie de la santé. Dans ce modèle multifactoriel, la
qualité de vie est influencée par des facteurs présents
avant l'événement stressant (facteurs environnementaux ou traits
de personnalité, par exemple) et par des variables transactionnelles
(stress et contrôle perçus, soutien social et stratégies de
coping). Ce modèle s'inspirant du modèle précédent
développé par Lazarus et Folkman, est basé sur trois
composantes : les antécédents ou prédicteurs qui
regroupent les facteurs socio-environnementaux (événements de vie
stressants, mode de vie, milieu social, etc.) et les facteurs personnels (style
de comportement, antécédents biomédicaux, type de
personnalité). Ces éléments constituent les facteurs de
risque et de pronostic des problèmes de santé. Par la suite, nous
avons les modérateurs ou
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médiateurs qui renvoient aux processus transactionnels
ayant un rôle fondamental en modulant l'effet des facteurs
environnementaux et personnels sur l'état de santé (soutien
social, forme d'adaptation et perception des événements de sa
propre capacité de réaction). Enfin, les critères ou
issues adaptatifs qui sont l'état de santé sur lequel aboutissent
ces processus (qualité de vie, bien-être, etc.) (Fischer &
Tarquinio, 2006). Ce modèle est représenté sur la figure
ci-dessous.
Figure 9 : Modèle intégratif multifactoriel
(Bruchon-Schweitzer, 2002)
En outre, un certain nombre de concepts clés sont
nécessaires à la compréhension de ce modèle. Il
s'agit : des issus prédictifs, des antécédents sociaux,
des antécédents dispositionnels et des processus
modérateurs.
- Les issus prédictifs :
L'issu est considéré dans le modèle TIM
comme étant l'aboutissement des antécédents et des
modérateurs, c'est-à-dire des variables dépendantes que
l'on souhaite étudier ou prédire (Fischer & Tarquinio, 2006 ;
Bruchon-Schweitzer, 2014). Ces issus peuvent être la qualité de
vie émotionnelle et la qualité de vie physique. Elles peuvent
être globales (qualité de vie, bien-être) ou bien
regroupées en domaines (santé physique, mentale, sociale ...).
En population générale, les issues diverses et
variées peuvent être étudiées. Il s'agit entre
autres des facteurs positifs tels que la qualité de vie, le
bien-être, la motivation, l'état de
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santé, la satisfaction, l'implication au travail, la
réussite académique, professionnelle et sportive. Et des facteurs
négatifs ou défavorables tels que la détresse, la
surcharge au travail, le burnout, les symptômes dépressifs et
anxieux, l'échec scolaire, les troubles alimentaires, l'addiction, les
accidents et la maladie. Ce modèle permet donc d'étudier les
facteurs de risques et des pronostics dans plusieurs situations de la vie.
- Antécédents sociaux
:
Les déterminants sociaux sont importants dans la
prédiction des maladies ou des situations de la vie quotidienne. L'OMS
(2011) définit trois catégories de déterminants sociaux de
la maladie (distaux, intermédiaires, individualisés). Selon
Bruchon-Schweitzer et Boujut (2014), ces facteurs peuvent être
généraux comme par exemple le pays, la gouvernance,
l'inégalité socio-économique ; intermédiaires comme
par exemple la communauté, l'ethnie, la religion, les conditions de vie
au travail, le statut socio-économique, l'habitat, l'accès
à l'eau potable ; ou individualisés comme par exemple des
antécédents biomédicaux, les événements de
vie passés, actuels, anticipés et les caractéristiques
sociodémographiques (sexe, âge, statut marital, nombre
d'enfants).
- Antécédents dispositionnels
:
Les facteurs dispositionnels concernent les
vulnérabilités personnelles sur le plan biomédical, de sa
personnalité et de son fonctionnement psychologique (Bruchon-Schweitzer,
2002). Ces facteurs sont impliqués dans certaines pathologies. Par
exemple, l'hostilité est impliquée dans les maladies
cardio-vasculaires, l'anxiété, le névrosisme, la
dépression et l'affectivité négative induisent la
détresse émotionnelle (Bruchon-Schweitzer, & Boujut, 2014).
Ces facteurs dispositionnels ont généralement un impact sur
l'issue car ils doivent être en interaction avec d'autres
éléments du contexte ou d'autres dispositions pour affecter les
issues de santé. Toutefois, certains facteurs de la personnalité
ayant un effet protecteur comme l'optimisme, l'internalité,
l'affectivité sont liés à un faible risque de maladie et
de mortalité. Leurs effets peuvent être direct par rapport
à certaines issues adaptatives comme l'issue émotionnelle (Langaa
& al., 2008)
- Les processus médiateurs
:
Ce sont des processus intermédiaires entre les
antécédents et les issues qui peuvent influencer l'effet des
prédicteurs sur l'issue adaptative. Ce sont des processus cognitifs
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influencés par les antécédents qui
influencent aussi les issues. Ils peuvent également interagir entre eux.
Ces facteurs sont entre autres le stress perçu, le contrôle
perçu, le soutien social perçu et les stratégies
d'ajustement qui agissent sur la régulation de plusieurs systèmes
physiologiques (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014).
En général, on distingue trois types de
processus modérateurs : les voies cognitives et comportementales
impliquent différentes représentation de la santé qui sont
précurseurs des comportements de santé (comportements à
risque et comportements protecteurs) (Fischer & Tarquinio, 2006). Ensuite,
nous avons les voies biopsychosociales par lesquelles les
antécédents et les processus pourraient avoir un impact direct ou
indirect sur la santé. Il s'agit des déterminants sociaux des
facteurs immunogènes (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014). Enfin,
nous avons les voies transactionnelles par lesquelles les
antécédents peuvent influencer indirectement les issues de
santé.
Par ailleurs, le modèle TIM est appliqué dans
plusieurs domaines de la psychologie mais les deux grands axes d'application de
ce modèle restent la prise en charge psychologique et la recherche.
- Application du modèle TIM dans la prise
en charge psychologique des maladies.
Le modèle TIM entrevoit des voies de prise en charge
dans des maladies chroniques comme dans les maladies curables et les maladies
mentales ou d'autres problématiques d'ordre psychologique. Cette prise
en charge est basée sur une invention ciblant les processus dont
l'impact a été largement établi. Les
antécédents sont immuables. Dans cette perspective,
l'intervention vise donc les processus transactionnels afin de modifier l'effet
de l'antécédent sur l'issue adaptative. Les études comme
celle menée chez des patients séropositifs par Simoni, Frick et
Bu Huang (2006) ont montré que les patients ayant reçu une
intervention psychologique (procurer du soutien et encourager à la
recherche du soutien de la famille et des amis) avaient une évolution
favorable et avaient une meilleure adhésion thérapeutique. Cette
expérience a été
- Application du modèle TIM dans la prise
en charge psychologique des maladies.
Les études ont montré que ce modèle
permet d'expliquer et de prédire la santé fonctionnelle à
partir des résultats empiriques à 20%des variances
expliquées et la santé émotionnelle à 60% des
variances expliquées (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014). La plupart
des études menées sur ce modèle montre un effet positif
dans l'explication et la
60
prédiction des issues de santé, des
comportements et autres (Boujut & Bruchon-Schweitzer, 2009 ; Cappe &
al., 2011 ; Cousson, 2000 ; Cousson & al., 2007 ).
Koleck et al. (2005) ont mené une étude sur le
bien-être des médecins généralistes sur un
échantillon de 200 médecins généralistes. Le
modèle adopté pour cette étude comprenait 15 variables au
départ : 6 antécédents contextuels et dispositionnels, 5
transactions (stress perçu, quatre stratégies de coping) et 4
critères d'ajustement (les trois composantes du burnout et la
satisfaction professionnelle). Au bout de l'étude, seules 11 variables
ont été retenues pour la mise à l'épreuve du
modèle final (analyse de pistes). Les résultats montrent un effet
négatif direct de l'ancienneté des médecins sur la
dépersonnalisation et des effets médiateurs. Plus le
médecin est ancien, plus il utilise un coping centré sur le
problème qui a des effets bénéfiques sur l'accomplissement
personnel. Deux facettes du type À (l'implication excessive des
médecins et leur impatience) induisent du stress perçu qui
à son tour, induit de l'épuisement émotionnel.
Une autre étude longitudinale a concerné 410
enseignants suivis pendant une année scolaire (Laugaa, 2005).
L'étude portait sur le burnout chez les enseignants. Les
antécédents (et transactions) ont été
mesurés au 1er trimestre (T1), leur épuisement émotionnel
(burnout) par le MBI au 3e trimestre (T2). Les résultats ont
révélé que certains antécédents contextuels
(événements en termes de fréquence) et dispositionnels
(faible auto-efficacité perçue) avaient un effet direct sur le
critère (épuisement professionnel). Mais cet effet passe
également par certains processus transactionnels. Les
événements de vie induisent un stress perçu
(élevé), qui à son tour accroît l'épuisement.
Le soutien social perçu et l'auto efficacité sont associés
à un coping centré sur le problème. Cette stratégie
atténue l'épuisement. Cette étude permet de comprendre
l'intérêt de prendre en compte des variables de nature
différente dans ce type d'étude. Les variables transactionnelles
n'ont pas qu'un intérêt prédictif, elles éclairent
aussi les chercheurs sur ce qui se passe entre antécédents et
issues.