Ce modèle d'analyse est relativement récent, et
a vu le jour en 1984, grâce aux travaux menés par Lazarus et
Folkman qui s'inscrivent dans une approche cognitive du stress. De cette
manière, ces auteurs proposent une autre façon de concevoir le
stress, en le définissant comme une transaction particulière
entre un individu et une situation dans laquelle celle-ci est
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évaluée comme débordant ses ressources et
pouvant mettre en danger son bien-être (Lazarus & Folkman, 1984).
Ce modèle vient combler les lacunes des anciennes
conceptions théoriques de la santé qui adoptent une approche
causale, basée sur le modèle classique considérant la
santé (ou la maladie) comme des critères à prédire
à partir de certains antécédents. Il s'agissait entre
autres du modèle biomédical, du modèle psychosomatique et
de l'approche épidémiologique. Cette façon de comprendre
et d'expliquer la santé ou la maladie étant réductrice,
Lazarus et Folkman proposent un nouveau modèle d'analyse, qui
élargit l'étude du stress, au-delà des seules dimensions
biologiques, psychologiques et sociales. « Cette perspective
conçoit l'individu comme un joueur « actif » dans
l'interaction entre ces dimensions, par le biais de ses propres choix,
émotions et comportements » (Graziani & Swendsen, 2004).
Dans cette nouvelle conception, la façon de
réagir face à une situation stressante ne dépend ni de
l'individu, ni de l'événement mais résulte d'un compromis
entre les caractéristiques personnelles de l'individu et celles de la
situation. Ainsi, « on ne cherche plus à décrire les
réactions de stress par les événements auxquels le sujet
est exposé (stresseurs), mais par la façon dont il gère la
situation » (Bruchon-Schweitzer, 1994). On s'intéresse plutôt
à la manière dont les personnes réagissent face à
une situation stressante, autrement dit, aux stratégies mises en place
pour faire face à la situation stressante (coping).
D'après le modèle de Lazarus et Folkman (1984),
les facteurs environnementaux, dispositionnels ont des effets indirects sur la
santé qui transitent par des processus transactionnels. Une transaction
entre individus et environnement est l'ensemble des processus (perceptifs,
cognitifs, émotionnels, comportementaux) par lesquels un sujet
placé dans une situation aversive, tente de la modifier et/ou de se
modifier lui-même. Ces processus peuvent moduler l'impact de divers
antécédents personnels et situationnels sur des critères
adaptatifs (santé, bien-être, réussite dans une
tâche,...). Ce modèle a permis de découvrir (ou
redécouvrir) l'importance de certains processus d'évaluation
(stress perçu, contrôle perçu, soutien social perçu)
et d'ajustement (stratégies de coping). On trouvera une
représentation de ce modèle à la figure ci-dessous.
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Figure 8 : Modèle transactionnel de Lazarus et
Folkman (Fischer & Tarquinio 2006)
Selon le modèle transactionnel, l'ajustement à
l'adversité se fait en plusieurs séquences. Il dépend de
plusieurs types de facteurs, certains antécédents (contextuels et
dispositionnels) et d'autres processus transactionnels qui ont des effets sur
les critères (issues). Cependant, ce modèle met en avant le
rôle des processus transactionnels qui se rapportent à trois
séquences : phase d'évaluation primaire (nature de la situation,
gravité, durée, conséquences,...), phase
d'évaluation secondaire des ressources personnelles (contrôle
perçu) et sociales (soutien social perçu) dont le sujet croit
disposer (puis-je contrôler cette situation, qui peut m'aider ?), phase
d'ajustement se caractérisant par les efforts du sujet pour faire face
(stratégies de coping émotionnelles, cognitives,
comportementales). Les issues peuvent être adaptatives (santé,
bien-être) ou non (pathologies) et de nature diverse (somatique,
psychologique, sociale, physiologique,...). Ce modèle suppose des
relations complexes entre les variables qui le constituent. Ces relations
peuvent avoir des effets principaux ou en interaction (variables
modératrices); des effets directs et indirects (variables
médiatrices) et des effets rétroactifs (l'issue, favorable ou
non, induit une réévaluation de la situation et de ses
ressources). Ce qui peut induire de nouveaux processus d'ajustement
(Bruchon-Schweitzer, 2002).
L'intérêt majeur de ce modèle est qu'il
propose un cadre d'analyse qui peut s'adapter à n'importe quel
événement stressant qui peut survenir dans la vie quotidienne.
Bruchon-Schweitzer (2001), décrit l'apport de ce modèle en ces
termes :
« Nous sommes constamment confrontés à
des situations et événements qui suscitent en nous diverses
émotions désagréables (colère, peur,
anxiété, tristesse,...). Ces
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situations peuvent être banales et quotidiennes
(conflits familiaux, surcharge de travail, problème d'argent,...) ou
ponctuelles et sérieuses (maladie grave, décès d'un
proche, accident,...). C'est lorsque ces diverses expériences sont
perçues par l'individu comme menaçantes pour son
intégrité physique et psychique qu'on peut parler de stress
».
Le modèle transactionnel de Lazarus et Folkman (1984)
malgré sa popularité, souffre pourtant de diverses insuffisances
qui ont été constatés au fur et à mesure dans les
études (Bidan-Fortier, 2001). Ce modèle se focalise sur le
rôle des processus d'évaluation et les stratégies
d'ajustement « actuels » et minimise ou occulte le rôle
d'autres déterminants de la santé (antécédents
biomédicaux, environnementaux, socio-économiques et
dispositionnels) dont l'impact sur la santé et la maladie est bien
établi (Marks & 2000 ; Marmot & Davey-Smith, 1997). Partant de
ses limites, les travaux menés par Bruchon-Schweitzer et son
équipe ont conduit à la construction d'un nouveau modèle
explicatif et prédictif de la santé : le modèle
transactionnel intégratif multifactoriel.