II. L'utilité du biculturel en tant que passeur
de frontière A. Les atouts des biculturels
Les biculturels sont souvent considérés comme
étant des éléments clés dans la gestion des
affaires internationales (Brannen et al., 2009 ; Brannen & Thomas,
2010 ; Clausen & Hvass Keita, 2016). Ils peuvent par exemple servir de
relais entre la filiale et le siège, grâce à leur plus
grande sensibilité aux différentes cultures. Selon certains
chercheurs, les employés biculturels possèdent des connaissances
particulières qui les amènent à penser différemment
des employés monoculturels (Abadir et al., 2019). Ils
contribuent ainsi à favoriser la compréhension entre les
institutions, en « traduisant » les informations, les connaissances
et les valeurs échangées entre les deux cultures (Hayashi,
1994).
Certains chercheurs s'intéressent à la
capacité des biculturels à changer de cadre culturel
(Benet-Martínez et al., 2002 ; Cheng et al., 2008 ;
Hong et al., 2000 ; Hong & Chiu, 2001 ; Lönnqvist et
al., 2014). Celui-ci désigne la capacité des biculturels
à passer d'un cadre culturel à l'autre (Clausen & Hvass
Keita, 2016). Le changement culturel est un des éléments
permettant aux individus biculturels de développer leur
créativité, leur flexibilité et leur empathie, ainsi
qu'une plus grande complexité cognitive (Clausen & Hvass Keita,
2016).
La complexité cognitive a été
définie comme étant la « capacité à
interpréter le comportement social de manière multidimensionnelle
(Bieri et al., 1966, p.185). Elle permet de mesurer la manière
dont un individu transforme des informations sociales spécifiques en un
jugement social ou clinique (Buckley & Carraher, 1996).
On note également à travers certaines recherches
que les biculturels peuvent favoriser les engagements intrapersonnels et la
confiance interpersonnelle pour limiter les conflits et encourager le sens de
l'intérêt collectif d'une équipe envers l'efficacité
(Friedman & Liu, 2009).
Gestion des conflits entre siège et filiale :
l'intérêt des individus biculturels Mémoire de Master
2019-20
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Gestion des conflits entre siège et filiale :
l'intérêt des individus biculturels Mémoire de Master
2019-20
B. Les passeurs de frontière
La distance culturelle est définie par Hofstede (2001)
comme la mesure dans laquelle les normes et valeurs communes d'un pays
diffèrent de celles d'un autre. Lors d'échanges entre
siège et filiale, cette notion est donc centrale. En effet, la distance
culturelle au sein d'une organisation peut être source
d'incompréhensions, de malentendus et de quiproquos. De plus, la
distance culturelle peut limiter les dirigeants du siège à cause
de préjugés culturels ou cognitifs (Wang & Wang, 2020). La
maison-mère peut alors avoir du mal à identifier la
stratégie à adopter concernant la filiale (Reilly & Scott,
2016).
Face à cette distance culturelle qui entraine une
incertitude dans les échanges entre filiale et siège, les
multinationales ont tendance à recourir au boundaryspanning. Il
s'agit ici de favoriser la collaboration entre différents groupes
grâce à la création de ponts culturels (Abadir et
al., 2019 ; Balve et al., 2019).
Friedman et Podolny (1992) décrivent les boundary
spanners, ou « passeurs de frontière » en
français, comme des personnes qui facilitent les relations entre
différentes entreprises indépendantes. Selon Mudambi et Swift
(2009), les passeurs de frontière existent également au sein des
organisations, par exemple pour combler les fossés culturels existants
entre filiale et maison-mère.
Pour définir la frontière que les biculturels
sont invités à passer, nous nous appuierons sur la
définition d'Akkerman et Bakker (2011, p.133) : « une
différence socioculturelle conduisant à une discontinuité
dans l'action ou l'interaction ». En effet, il ne s'agit pas tant de
franchir les frontières nationales que les frontières
culturelles.
D'après Schotter et Beamish (2011), les boundary
spanners permettraient de réduire les comportements conflictuels
dysfonctionnels des filiales. Grâce à ces individus, une confiance
intra-organisationnelle entre le siège des multinationales et les
filiales étrangères pourrait se développer. Pour ce faire,
les passeurs de frontière s'appuient notamment sur des experts, des
informations, des référents et la partie informelle du pouvoir
légitime (Schotter & Beamish, 2011). Utiliser des passeurs de
frontière pour résoudre les conflits entraine, toujours selon
Schotter et Beamish, une plus forte probabilité d'externalités
positives.
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