A. Les différentes relations de pouvoir entre le
siège et les filiales
Mense-Petermann (2006) identifie les relations de pouvoir
comme une des principales sources de conflits au sein des multinationales.
Selon l'organisation structurelle du groupe, le poids de la
filiale dans les prises de décisions varie. Les enjeux étant
variables, le rôle du biculturel dans les processus de négociation
variera également.
Perlmutter (1969) distingue quatre stratégies
distinctes dans son modèle EPRG : l'ethnocentrisme, le polycentrisme, le
régiocentrisme et le géocentrisme.
L'ethnocentrisme est un modèle organisationnel
où le transfert de connaissances et de l'apprentissage est
unidirectionnel, allant du siège à la filiale (Pesalj, 2011).
Dans ce cas, le pouvoir décisionnel et l'autonomie de la filiale sont
quasiment inexistants et ne permettent pas aux biculturels d'avoir une
réelle influence sur le siège.
Le polycentrisme est de plus en plus utilisé par les
multinationales, qui s'organisent en réseau pour transférer les
connaissances dans les deux sens, du siège à la filiale ou de la
filiale au siège (Pesalj, 2011). Cette organisation permettrait de
fournir aux multinationales un avantage concurrentiel non négligeable,
puisqu'elles seraient mieux informées sur les différents
marchés. Ce contexte est particulièrement favorable aux individus
biculturels, qui auront un réel intérêt dans la
résolution des conflits.
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Le régiocentrisme est un cas où l'organisation
met en place des sièges régionaux en tant
qu'intermédiaires entre le siège et les filiales. Les
sièges régionaux permettent une adaptabilité relative
à grande échelle et maintiennent une certaine cohérence
dans les stratégies sur un territoire donné. Les individus
biculturels auront ici aussi un intérêt dans la résolution
des conflits, bien que l'instauration d'un siège régional
permette un premier pont entre les frontières.
Le géocentrisme, finalement, tente de combiner les
approches ethnocentriques et polycentriques en standardisant certains processus
organisationnels, tout en s'adaptant aux besoins de chaque filiale. Les
communications entre filiales et avec le siège sont favorisées,
afin d'avoir une vision globale de l'organisation. Cependant, la
complexité de cette structure rend les échanges et les prises de
décisions plus lentes que dans les autres modèles. Les individus
biculturels sont ici également intéressants pour résoudre
les conflits, de par leur adaptabilité et leur ouverture culturelle plus
développées que chez les monoculturels.
Voynnet-Fourboul et Bournois (1999) ont
schématisé les différentes stratégies du
modèle EPRG comme suit :
Figure 1 Structure des entreprises selon
Voynnet-Fourboul et Bournois (1999), d'après le modèle de
Heenan et Perlmutter (1979)
Au-delà de la structure même de la
multinationale, les enjeux de pouvoirs entre le siège et la filiale
peuvent concerner les dépendances hiérarchiques (McShane, 2006 ;
Schotter & Beamish, 2011) ou encore la dépendance aux ressources
(Mudambi & Pedersen, 2007 ; Pfeffer & Salancik, 1978).
Les dépendances hiérarchiques peuvent concerner
la structure du groupe, comme étudié précédemment,
la hiérarchie ou les sources interpersonnelles, telles que la
personnalité, les
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caractéristiques, les expériences et les talents
des membres individuels d'une organisation (McShane, 2006 ; Schotter &
Beamish, 2011).
La dépendance ou non de la filiale vis-à-vis des
ressources influe sur les relations de celle-ci avec le siège. Schotter
& Beamish (2011) ont classifié les différentes filiales en
trois catégories.
- Les Rising Giants sont des filiales explicitement
au centre des stratégies de croissance des multinationales. Elles sont
plutôt dépendantes du siège concernant les ressources.
- Les Rebels souhaitent leur indépendance
totale vis-à-vis du siège. Leur position dans la multinationale
n'est pas aussi centrale que celle des Rising Giants et elles sont
relativement indépendantes au niveau des ressources.
- Enfin les Teflon Subs sont des filiales qui
semblent presque intouchables par leur siège respectif. Elles sont
très indépendantes de leur siège, tant au niveau
organisationnel qu'au niveau des ressources.
Face à ces constatations, nous proposons que
l'influence des biculturels dans les relations entre siège et filiale
dépende directement de la structure organisationnelle du groupe et du
degré d'autonomie de la filiale vis-à-vis des ressources.
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