I.3. La productivité des facteurs de production
comme mesure de l'efficience des exploitations
La notion d'efficience renferme trois concepts, l'efficience
technique, l'efficience allocative et l'efficience d'échelle.
L'efficience technique se définit comme étant la relation
technique qui permet d'obtenir l'output maximal pour une combinaison de
facteurs de production et une technologie donnée. L'efficience
allocative, ou l'efficience par les prix mesure les proportions dans lesquelles
les facteurs de production sont utilisés par rapport à leurs prix
relatifs. Enfin le concept d'efficience d'échelle évalue si une
firme bénéficie de rendements d'échelle croissants,
décroissants ou constants. Par ce concept il est possible
d'évaluer si l'entreprise produit trop ou pas suffisamment par rapport
à sa taille optimale (Chaffai, 1997). A ces trois
éléments, il peut être rajouté le concept plus
récent d'efficience environnementale qui implique l'utilisation optimale
des inputs pour produire en causant le moins possible d'externalités
négatives à l'environnement physique. Il existe de nombreuses
méthodes pour mesurer l'efficience technique d'une entreprise. On peut
les regrouper en deux approches : l'approche frontière et celle qui ne
se réfère pas à la notion de frontière et qui fait
appel aux méthodes économétriques de régression
paramétriques et non paramétriques. La différence majeure
entre ces deux approches réside dans la définition de la
frontière de production. En effet, si elle correspond à la
quantité maximale d'output qu'il est possible de produire pour un
vecteur donné d'inputs, l'approche est dite « frontière
», sinon elle est dite non-frontière.
La productivité des facteurs d'une firme est
représentée par le rapport entre sa production et les facteurs
utilisés. L'analyse de la productivité d'une entreprise renvoie
à deux notions : le progrès technologique et l'efficience
technique. En effet, une augmentation de la productivité totale (ou
globale) des facteurs correspond à une meilleure utilisation des
facteurs, c'est-à-dire à une combinaison d'intrants plus efficace
grâce à l'emploi de techniques ou de méthodes de gestion
plus rationnelles. Le progrès technique est alors le plus souvent
assimilé au taux de croissance de la productivité totale (ou
globale) des facteurs (GUYOMARD, 1989).
En agriculture, les gains de productivité sont devenus
un sujet de grande importance pour les décideurs politiques. Cet
intérêt est principalement lié à la question de la
capacité du secteur agricole à répondre sur le long terme
à une demande accrue de produits agricoles, d'une population
grandissante. Compte tenu de la raréfaction des ressources eau et terre,
ainsi que des facteurs de production, il est nécessaire
d'améliorer l'efficience des exploitations ou leur productivité.
On dit qu'une entreprise réalise des gains de productivité
lorsqu'elle produit un niveau donné de biens en utilisant le moins
d'intrants ou lorsqu'avec un niveau donné d'intrants, elle arrive
à accroitre sa production. On distingue la productivité totale
(multifactorielle) de tous les facteurs de production et la productivité
partielle (unifactorielle) d'un facteur de production donné tel que le
travail, la terre.... Quand seront considérés les facteurs
financiers, il sera alors question de productivité globale des facteurs
(Guilhon, 1978). Dans le domaine de la production agricole, des études
sur la productivité des facteurs ont permis de déterminer
l'efficience
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technique des exploitations. Par exemple l'étude de
Veysset et al. (2015) qui porte sur la productivité des facteurs
variables (consommations intermédiaires) a permis de mesurer
l'efficience technique des systèmes de production bovins viande entre
1990 et 2012. La mesure de la productivité globale des facteurs peut
être ici utilisée comme approche de l'efficience des
exploitations. Il est ensuite possible d'évaluer la croissance des gains
de productivité dans le temps de sorte à permettre des
comparaisons intertemporelles cohérentes des flux économiques
entre les agents. Cet exercice fait appel à une méthode, celle
des surplus.
Dans la littérature, on distingue trois concepts de
surplus : le surplus au sens de la théorie néo-classique, le
surplus de productivité globale des facteurs et le surplus au sens de la
théorie marxiste (Walliser, 1977). Dans cette étude, nous nous
intéresserons au surplus de productivité globale des facteurs
(SPGF). La méthode des surplus, mise au point par le Centre
d'étude des revenus et des coûts (CERC) à la fin des
années 60, est une extension de la notion de facteurs de production et
la généralisation de la notion de productivité. Le surplus
de productivité globale des facteurs (SPGF) est défini comme
l'excès de la variation du volume de la production sur la variation du
volume de l'ensemble des facteurs. L'établissement des comptes de
surplus, qui permet de distinguer les variations de volume et les variations de
prix, exige que l'on dispose soit d'indicateurs de volume soit d'indicateurs de
prix (Templé, 1971). Le SPGF quand il est défini au niveau de
l'entreprise, peut être interprété comme un indicateur de
l'évolution de la productivité de l'entreprise entre les deux
périodes puisqu'il compare les volumes des produits et des facteurs en
les pondérant par les prix de la période initiale. La variation
du SPGF, comme un indicateur de productivité de l'entreprise, peut
ensuite être ventilée, sous forme de comptes de surplus, entre les
différents agents avec lesquels l'entreprise interagit. Le SPGF permet
donc la comparaison de deux comptes d'exploitation successifs d'une entreprise
(Walliser, 1977). L'application de cette méthode implique des
hypothèses sur les volumes et les prix qui peuvent influencer en quelque
sorte les valeurs des surplus trouvées. Cette méthode applicable
à divers secteurs économiques a été
appliquée dans l'étude de Veysset et al. (2017) au secteur bovin
viande charolais. Elle a été utilisée sur une base de
données de 164 exploitations bovins allaitants du bassin Charolais sur
la période 1980-2015. Après avoir évalué
l'évolution de la productivité des facteurs de production, les
auteurs ont déterminé la formation et la répartition des
gains de productivité entre les partenaires de la filière sur la
période considérée.
Dans cette étude, il sera question d'appliquer la
méthode des surplus pour la première fois à
l'échelle de fermes en agriculture biologique. Cela permettra de
déterminer, la formation et la répartition des gains de
productivité dans les filières d'élevage de ruminants en
agriculture biologique dans le Massif Central.
À la suite de la revue de littérature
effectuée et des objectifs de l'étude nous formulons les
objectifs de recherche suivants :
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- L'autonomie alimentaire est déterminante dans
l'obtention de bons résultats économiques pour les exploitations
d'élevage biologiques du MC
- L'intensification des facteurs de production permet d'obtenir
des gains de productivité
- L'accroissement de la taille des exploitations n'est pas
nécessairement corrélé à l'amélioration des
performances économiques des exploitations.
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