La liberté a un corollaire incontournable, la
responsabilité de l'individu, qui constitue l'une des conditions de
l'existence des nations modernes. Liberté et responsabilité vont
de pair. Il n'y a pas de liberté sans responsabilité et la
responsabilité n'est juste que s'il y a liberté. L'homme n'est
responsable que parce qu'il a son libre arbitre. On ne peut, en effet,
être moralement responsable de ses actes qu'à la condition d'en
être le maître et cette condition n'est possible que dans un
régime de liberté.
Chaque homme profite ou souffre des conséquences de
ses actes et des résultats de son travail. Pour que la
responsabilité soit effective, il faut donc un régime de
liberté. Aussi tous les efforts doivent-ils être faits pour tendre
à rendre cette responsabilité de plus en plus effective et
consciente à tous les degrés de l'échelle de la
production. Les libéraux expliquent que dans l'ordre moral, le libre
arbitre et la responsabilité donnent à l'homme son maximum de
force et de puissance. Il en est de même dans l'ordre économique.
Par exemple, pour Joseph Garnier, « l'homme qui est libre d'agir dans son
propre intérêt a plus d'intelligence, plus d'initiative, plus
d'esprit d'invention, plus d'énergie, de persévérance, de
vigilance, d'ordre, de prévoyance dans tout ce qu'il entreprend que
l'homme gêné et entravé et, a fortiori, plus que l'homme
attaché à la glèbe ou asservi ».
Répondre à l'intérêt individuel,
assurer la liberté, encourager la responsabilité de l'individu
conduisent nécessairement à l'existence de la
propriété privée qui doit être respectée et
protégée. D'ailleurs, le degré d'avancement d'une
société s'apprécie par rapport aux garanties
accordées à la propriété individuelle. L'existence
de celle-ci est, pour une nation, l'une des conditions de la liberté.
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Du point de vue de l'équité, la
propriété individuelle est inattaquable car elle est
entièrement due au travail et à l'épargne de ceux qui en
disposent et n'existe que parce que certaines personnes ont accepté de
ne pas profiter d'une consommation immédiate ou ont investi. La
propriété est un fait instinctif antérieur à la
réflexion car elle est nécessaire à la vie de l'homme et
à son développement. Ce n'est donc pas la loi qui a
créé le droit de propriété. Celle-ci ne fait que le
garantir. Sans propriété privée, l'épargne est
inconnue car il n'y a alors aucun moyen de conserver, pour soi-même ou
pour ses descendants, les fruits de son activité.29
Certes, le droit de propriété est à la
base d'inégalités. Mais celles-ci, inhérentes à la
condition humaine, sont à la source des progrès des peuples
à partir du moment où les hommes se sentent eux-mêmes
responsables de leur sort et sont persuadés que seuls leurs efforts sont
susceptibles de les faire progresser dans la hiérarchie sociale. Le
développement parallèle de la propriété personnelle
et de la liberté individuelle a pour conséquence
d'accroître la responsabilité de chacun, de faire
bénéficier davantage les individus de leurs efforts, de les faire
souffrir aussi, de rendre les sociétés, en stimulant toutes les
énergies qu'elles contiennent, plus prospères et plus
progressives.
En somme, pour de nombreux auteurs, le libéralisme
n'est pas un système artificiel, la simple conception d'un homme ou
d'une assemblée, mais le produit de l'histoire, le fruit naturel de
l'humanité.
Il permet de rendre sans cesse meilleure la condition des
plus défavorisés. En effet, après des débuts
difficiles, l'industrialisation améliore la situation des gens puisque
les profits, les taux d'intérêt, les prix diminuent, conduisant
à une augmentation des salaires réels. Ainsi, grâce aux
conditions que nous venons de citer, le libéralisme facilite le
développement des sociétés. En revanche, pour les
libéraux, l'État constitue un frein à l'apparition de ces
conditions, d'où la nécessité de limiter ses
interventions.
29 François Simiand, Critique sociologique
de l'économie, PUF, Paris, 2006, p43
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