Les critiques sur les capacités de l'État, plus
ou moins acerbes, sont légion dans les écrits des auteurs
libéraux. Relevons-en quelques-unes. Par ses actes, il restreint la
liberté, met fin à la responsabilité individuelle,
empêche la volonté d'exercer, étouffe l'initiative
individuelle. Comme il s'agit d'une hiérarchie bureaucratique qui
cherche en permanence à tout contrôler, il est dépourvu de
tout esprit d'invention. Les hommes chargés de gérer la
société ne sont pas infaillibles. 30
Selon le courant libéraliste, l'État n'est pas
un être supérieur, omnipotent, au-dessus de la
société. Il n'en est que le mandataire. Il ne doit
qu'écarter les obstacles empêchant les efforts individuels de
triompher, prévenir les perturbations matérielles, faire
régner le bon ordre, laissant les individus libres sauf quand ils
violent la liberté d'autrui.
En effet, l'interventionnisme s'exerce toujours au profit de
certains intérêts privés contre d'autres
intérêts privés. Les libéraux constatent que
l'État est investi de plus en plus de fonctions et tend à
toujours avantager des individus au détriment des autres alors que les
hommes doivent réaliser eux-mêmes leurs destinées et que
l'État doit simplement ne pas entraver leurs tentatives. Aussi
l'autorité de l'État est source d'oppression et
d'appauvrissement.31
Ces reproches conduisent à des conséquences
majeures dans le domaine économique, à la fois dans les fonctions
de production et/ou de redistribution, où le rôle de l'État
doit être le plus restreint que possible puisque ses interventions ne
créent aucune richesse. Les lois empêchent la libre
répartition des richesses et des revenus, d'où les
privilèges accordés. Pour Leroy-Beaulieu, « l'État
est un mauvais industriel, un mauvais commerçant, un mauvais banquier
», tandis que pour Bastiat, « en voulant organiser le travail et
l'industrie », il ne fait qu'organiser l'injustice.
30 Bernard Manin, Fredrich-August Hayek op cit,
p43-44
31 Bernard Manin, Friedrich-August Hayek la
question du libéralisme, Revue française de science
politique, vol. 33, no 1, février 1983, p. 43-44
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Ainsi, ayant des capacités moindres que celles des
individus pour être de bons entrepreneurs, les pouvoirs publics ne
doivent jamais s'immiscer dans la formation des prix, que ce soit pour imposer
des minima ou de maxima. En tout état de cause, le marché laisse
plus de place à l'efficacité économique que le monopole,
et l'organisation étatique est un appareil de coercition trop routinier,
sans aucune continuité, les majorités défaisant ce que les
précédentes ont réalisé.
De même, l'État ne doit jamais limiter
directement ou indirectement la concurrence. Sinon, il affecte durablement
l'efficacité du système économique. Par exemple, n'a pas
à tenter de sauver des entreprises mal gérées ou qui ne
répondent pas aux demandes du public car ce n'est pas aux contribuables
de supporter une telle décision.
Mais les pouvoirs publics doivent sévir à
l'encontre des dirigeants d'entreprises qui s'enrichissent frauduleusement.
Sur la question du travail, si de nombreuses exceptions sont
envisagées, des considérations générales sont
acceptées. Une trop stricte réglementation trouble le travail,
inspire des espérances illimitées, retire de l'énergie,
amène désordre et misère. Par exemple, si le droit du
travail est nécessaire, le droit au travail est nocif. Au sein de la
fonction régalienne de sécurité figure la
nécessité d'assurer la sécurité du travail, ce qui
est indispensable. En revanche, l'État n'a pas à fixer non
seulement, comme on l'a déjà vu, le salaire minimum, mais
également le salaire en général car celui-ci est la
rémunération d'un bien immatériel comme un autre (le
travail), et son prix doit provenir de la loi de l'offre et de la demande. En
effet, ce n'est pas à l'État d'empêcher que les efforts et
les aptitudes de certains conduisent à des inégalités,
mais à l'initiative privée comme on le verra ci-dessous. Sinon,
il n'y aurait plus de stimulant dans la société et la
civilisation ne progresserait plus.32
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