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Le libéralisme économique comme cause de la concurrence déloyale en RDC.


par Pascal Ntumba Mulenda
Université de Lubumbashi - Licence 2020
  

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3. Les Fondements de l'intervention de l'Etat

Walras a développé une série d'analyses qui relèvent de ce qu'on appelle, aujourd'hui, l'économie publique. Alors même que son économie pure suscitait un intérêt croissant, sa contribution à l'économie publique n'a guère été étudiée et critiquée.44

L'objet de cette communication est de se demander si l'oubli dans lequel est tombée cette partie de l'oeuvre de Walras est justifié.

La conception de l'économie publique que Walras défend repose sur sa théorie économique mais aussi sur ses idées philosophiques et politiques. Il adopte vis-à-

43 Serge Christophe KOLM, op.cit, p82

44 Fabrice MAZEROLLE, Histoire des faits et des idées économiques, éd Marseille, paris, 1989, p18

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vis de l'utilitarisme et de l'individualisme une position critique. L'idéal social ne peut être exclusivement, selon lui, un idéal d'intérêt.

Il reproche aux utilitaires, c'est-à-dire aux économistes qui suivent la tradition de J.-B. Say, d'avoir prétendu fonder leur théorie de la société sur la seule considération de l'utilité. Évoquant les débats que la question de la propriété avait suscités parmi les économistes français, il soutient que l'on ne peut justifier la propriété individuelle de la terre ou du capital en avançant l'idée qu'elle permet d'accroître l'efficacité du système productif. « Le principe d'intérêt n'est fondé ni à s'opposer ni à se substituer au principe de la justice dans une catégorie essentiellement morale comme celle de propriété ».

Certes, Walras voulait concilier l'utilitarisme et le moralisme, en établir une synthèse : il essaie de nous convaincre qu'il faut distinguer l'intérêt relatif qui n'est qu'apparent de l'intérêt idéal qui serait toujours compatible avec la justice. L'exemple qu'il développe laisse toutefois son lecteur perplexe. Il explique qu'il y avait, à Athènes, dix esclaves pour un citoyen. « En raison des circonstances industrielles de l'époque, peut-être que, si tous ces hommes eussent été égaux, comme le voulait la justice, ils eussent été aussi misérables, même plus misérables que ne l'étaient ceux d'entre eux dont les droits étaient méconnus. Et ainsi l'intérêt non seulement des citoyens libres, mais l'intérêt des esclaves eux-mêmes, l'intérêt général en un mot aurait été en faveur de l'esclavage ».

Il n'en demeure pas moins que la logique du raisonnement walrasien conduit à penser que l'on ne doit pas sacrifier la justice à l'intérêt. C'est l'enseignement que Walras semble en tirer : quand il élabore sa théorie de la propriété, il la fonde non sur l'intérêt mais sur la justice, sur ce qu'il appelle « le bon vieux droit naturel ».

Walras rejette la théorie du contrat social car elle conduit, selon lui, à cet individualisme absolu où l'individu apparaît comme la base et le fondement unique des sociétés. « Pour cette doctrine, l'homme... est par lui-même et par lui seul une personne morale ; et le jour où il veut bien consentir à devenir ou à demeurer associé avec d'autres personnes morales, il n'a plus qu'à s'imposer à lui-même le devoir de respecter les droits d'autrui, en échange du devoir qu'il exige d'autrui de respecter ses propres droits ; ce sont les avantages qu'il stipule en retour des sacrifices qu'il consent ».

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Il lui oppose l'idée que la société est un fait naturel ou nécessaire et que l'homme n'existe qu'en société et par la société. Il compare la société à une armée en campagne. « L'individu dans la société, comme le soldat dans l'armée, n'est rien par lui seul et il emprunte la moitié de sa valeur à la collectivité dont il n'est qu'un terme. Il n'y aurait pas plus de société sans individus que d'armée sans soldats ; mais l'individu ne serait pas plus en état d'accomplir sa destinée sans la société et hors de la société que le soldat ne serait capable de livrer bataille à lui tout seul ».45

L'individu est une abstraction, c'est l'homme considéré abstraction faite de la société auquel il appartient et, pour assurer la symétrie, Walras appelle conditions sociales générales, la société abstraction faite des hommes dont elle est formée.

Ce que Walras dit de la société, il le dit aussi de l'État. « L'État n'est pas une collection pure et simple d'individus... et l'intérêt et le droit de l'État ne sont pas purement et simplement l'intérêt et le droit de tous les individus par opposition à l'intérêt et au droit de chaque individu ».

Dans la théorie économique de Walras, il y aura deux sortes d'agents : les individus qui maximisent leur utilité sous la contrainte des revenus de leurs facultés personnelles et l'État qui poursuit ses propres fins et dispose de ses propres ressources puisqu'il est, de droit naturel, le propriétaire des terres. Il pense qu'à son époque l'équilibre entre les individus et l'État est rompu.

Au point de vue politique, il faut assurer la liberté du citoyen ; au point de vue économique, il faut, au contraire, restaurer l'autorité de l'État.

La solution de la question sociale, du point de vue économique, est tant en ce qui concerne la production que la répartition des richesses dans le renforcement de l'État.46

Cette conception de la société et de l'État conduit Walras à défendre un socialisme libéral dont les caractéristiques sont parfois surprenantes. Il soutient que c'est à raison que le socialisme affirme le problème social et cherche à le résoudre. Il pense pouvoir en s'appuyant sur sa théorie des prix et de la répartition montrer dans quels cas

45 Jean Boncoeur et Hervé T., op.cit., P24

46 Idem., p74

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la liberté de l'échange et de la production assure, à la fois, une production abondante et adaptée aux besoins et dans quels cas elle échoue.

De cette analyse, on peut déduire les limites de l'initiative individuelle et de l'intervention de l'État. De la même façon, il soutient que la propriété collective de la terre et la propriété individuelle des facultés personnelles assurent une distribution équitable des richesses et, en reprenant la terminologie qui lui est chère, l'égalité des conditions et l'inégalité des positions. 47

Il en conclut que, scientifiquement, on peut être hardiment socialiste. Ce qu'il reproche aux libéraux, c'est de nier l'existence de la question sociale et de rejeter toute intervention de l'État. Réciproquement, il estime que les socialistes ont tort quand ils cherchent à imposer de façon autoritaire leur solution. « Il est odieux qu'une solution quelle qu'elle soit le problème social, fût-ce la vérité sociale elle-même, prétende s'imposer à nous malgré nous ». En fait de politique, on doit être libéral et attendre que les idées se forment et progressent pour finalement s'imposer.

Les conceptions philosophiques et politiques de Walras ont, sans doute, affecté la façon dont il analyse les questions qui relèvent de l'économie publique. Mais, on ne peut pas rejeter simplement les conclusions qui sont les siennes en soutenant qu'elles reposent sur des idées philosophiques quelque peu surannées. Les libéraux avaient, depuis longtemps, défendu les mérites du Laissez passer, Laissez- faire.

Bastiat avait, avec vigueur, réaffirmé cette thèse et annoncé que « le problème social sera bientôt résolu, car il est, quoiqu'en dise, facile à résoudre. Les intérêts sont harmoniques donc la solution est toute entière dans ce mot : LIBERTÉ. » Le problème est que les libéraux n'avaient jamais proposé de cette assertion une démonstration rigoureuse. Pour l'établir ou la discuter « il faudrait prouver que la libre-concurrence procure le maximum d'utilité ».48

Ainsi, Walras est à l'origine de la théorie de l'optimum. Certes la démonstration qu'il propose n'est pas satisfaisante mais il indique la voie dans laquelle s'engageront Pareto pour établir les deux théorèmes fondamentaux du bien-être.

47 www.universalis.fr

48 MARCEL PRELOT, la science politique, PUF, Paris, 1969, p29

49 www.universalis.fr

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Pour Walras qui se présentait comme un socialiste libéral, l'intérêt de cette approche était de mettre en évidence les situations où l'État doit intervenir pour corriger les échecs du marché. « L'économie politique pure nous apprend », écrit-il « que : la production et l'échange sous le régime de la concurrence... est une opération par laquelle les services peuvent se combiner en les produits de la nature et de la quantité propre à donner la plus grande satisfaction possible des besoins ». Il faut, cependant, distinguer deux sortes de biens : les biens privés qui intéressent les hommes en tant qu'individus et les biens publics qui les intéressent comme membres de la communauté ou de l'État.

Le besoin en produits ou services publics « n'est senti dans toute son étendue que par la communauté ou l'État », seul l'État consomme ces biens et les demande et, pour cette raison même, les entrepreneurs ne les produiront et ne les offriront pas car s'ils ne les lui vendaient pas, ils ne les vendraient à personne. L'État doit lui-même les produire et il pourra s'en réserver le monopole. Telle est l'origine de ce que Walras appelle des monopoles moraux.

Cependant, dans la production des biens privés, la concurrence n'est pas toujours possible. Si, dans une activité, aucun nouveau concurrent ne peut s'introduire alors que le prix de vente excède le prix de revient, la quantité produite est sous-optimale. L'État doit alors intervenir soit pour produire lui-même ce bien soit pour en organiser la production. Les entreprises qui se trouvent dans cette situation sont des monopoles économiques. Ainsi, ce sont les échecs du marché qui justifient l'intervention de l'État.49

Walras a cherché à déduire de son analyse des propositions de politique économique. À la fin du 19ème siècle, un débat s'engagea qui opposait les partisans d'un impôt proportionnel et ceux d'un impôt progressif. Walras écarte l'une et l'autre de ces thèses. C'est l'impôt lui-même qu'il faut supprimer en attribuant à l'État une partie des ressources naturelles. S'appuyant sur le droit naturel, il soutient que les facultés personnelles sont la propriété de l'individu et comme le propriétaire d'une chose est propriétaire du service de cette chose, l'individu est propriétaire de son travail, de son

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salaire ainsi que des produits, notamment des capitaux neufs qu'il a acquis avec son salaire.

Les terres appartiennent, au contraire, à toutes les personnes en commun ; elles sont, de droit naturel, la propriété de l'État. « Ici s'applique le principe de l'égalité des conditions qui veut que nous puissions tous profiter également des ressources que la nature nous offre pour exercer nos efforts ».

Cependant, l'opération à laquelle il faut procéder est complexe. La terre a été appropriée et Walras n'imagine pas que l'État puisse exproprier les propriétaires fonciers sans les indemniser. Il faut racheter les terres et espérer que l'État s'enrichira de la plus-value qui n'a pas encore été escomptée par les propriétaires. 50

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo