L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Fasopar Marou KABORE Université Thomas Sankara - Master 2 2021 |
Paragraphe 2 : L'inobservation des droits de la personne placée en garde à vueImmédiatement après avoir procédé à une arrestation, la police judiciaire doit informer la personne des faits à l'origine de la mesure et justifier celle-ci.La personne placée en garde à vue doit être informée de son droit au silence, les seules questions auxquelles elle a l'obligation de répondre portent sur son identité. En effet, le droit au silence ne suppose pas un silence absolu et le gardé en doit répondre au moins aux questions relatives à son identité. Le gardé à vue doit également être informée de son droit à choisir un avocat. Si elle ne choisit pas un avocat, elle bénéficie nécessairement d'un avocat commis d'office. L'avocat assiste son client dans tous les actes de la procédure et peut s'entretenir avec lui à tout moment, y compris dès l'arrestation453(*). S'il s'agit d'un mineur, celui-ci est immédiatement informé dès le début de la retenue ou de la garde à vue, de son droit à être assisté par un avocat. Lorsqu'il n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses parents ou ses représentants légaux qui sont avisés de ce droit en même temps qu'ils sont informés de la garde à vue454(*).Le droit de garder le silence (A) et le droit d'être examiné par un médecin (B) qui sont les plus fréquemment négligés constituent cependant les droits fondamentaux au cours du placement en garde à vue. A. Le droit au silenceLe droit de garder le silence est un principe reconnu par les instruments internationaux qui signifie qu'on ne devrait demander à aucun accusé de témoigner contre lui-même ou de s'incriminer ou d'exiger de lui une confession sous la contrainte455(*).Cependant on constate que le silence du suspect devant la police est souvent qualifié comme une preuve de culpabilité456(*) et le mis en cause est contraint à dire quelque chose au risque d'être bastonné par les éléments de la police ou de la gendarmerie. Pourtant le droit de garder le silence est un droit fondamental d'une personne faisant l'objet de poursuites pénales.En effet, même si s'exprimer librement est un des droits fondamentaux de l'homme457(*), le droit de garder le silence est aussi fondamental pour la P.P.L. en matière pénale particulièrement dans la phase du procès pénal458(*). Cette prérogative permet de garantir au mieux le principe de présomption d'innocence tout en respectant les droits de la défense. Ainsi, la Cour A.D.H.P. fait observer que le droit à la présomption d'innocence requiert que la condamnation d'une personne à une sanction pénale et particulièrement à une lourde peine, soit fondée sur des preuves solides459(*). Aux termes des dispositions de l'article 14(3) (g) du P.I.D.C.P., « toute personne accusée d'une infraction pénale a doit, en pleine égalité, à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable ». Ainsi, le droit de garder le silence peut s'avérer fructueux pour le mis en examen à titre provisoire en attendant l'assistance d'un conseil. Sous une optique fonctionnelle plus étroite le droit au silence apparaît comme un prélude à une organisation judicieuse de la défense460(*). Dans ce sens, il consiste tout simplement en la possibilité de s'abstenir de s'exprimer avant de prendre contact avec un avocat. Ainsi, en matière pénale le droit du suspect et de l'accusé à garder le silence devant ceux qui les interpellent ou les interrogent est une prérogative destinée à les protéger contre l'auto-accusation461(*) et l'aveu qui est qualifié comme reine des preuves462(*). C'est ce qui fait dire à AYAT Mohammed, qu'en matière de poursuite pénale, le silence est en or, la parole est d'argent463(*). En effet, l'on est maître de ses mots avant de les dire et leur esclave après, et c'est ainsi qu'on ne peut imputer de discours à celui qui se tait464(*). En outre, le droit au silence invoqué et utilisé par le défendeur en procédure pénale peut être un garde-fou contre les abus possibles lors des interrogatoires. Ainsi, l'impératif du respect des droits de la défense est un des soubassements les plus solides du droit au silence465(*). Quel que soit le système juridique où l'on situe la réflexion, le droit au silence peut présenter un intérêt à toutes les phases du procès criminel et son importance semble plus cruciale lors des phases initiales de la procédure car c'est là où se trouve l'entrée du système judiciaire466(*). Ainsi, c'est lors des premiers stades de la procédure d'investigation et de poursuite que les droits de la défense risquent plus souvent d'être atteints467(*). Par ailleurs, le droit au silence permet au suspect et à l'accusé d'éviter de faire des déclarations hâtives ou maladroites susceptibles de leur porter injustement préjudice. Il peut contribuer en quelque sorte à favoriser une justice sereine. En droit comparé, par exemple en Grande Bretagne, la police a la faculté de recueillir les preuves de l'infraction y compris les déclarations des témoins, mais dès qu'elle s'avise à s'adresser à un individu en tant que suspect, elle doit immédiatement l'informer de son droit absolu de ne pas répondre aux questions qui lui sont adressées par l'officier de police468(*). L'enquêteur doit avertir le suspect avant de l'interroger dans les termes clairs suivants : « Désirez-vous dire quelque chose en réponse à cette accusation? Vous n'y êtes pas obligé et vous répondrez seulement si vous le désirez. Mais si vous parlez, tout ce que vous diriez sera consigné et, le cas échéant, pourra servir de preuve »469(*). Le silence du suspect devant la police ne peut pas être retenu contre lui comme une preuve de culpabilité470(*). Actuellement, aux termes des dispositions du Police and CriminalEvidenceAct de 1984471(*), lorsqu'un suspect arrêté n'est pas informé de ses droits, les preuves obtenues à la suite de cette omission et notamment les confessions du suspect peuvent être exclues par le tribunal472(*). * 453 V. Circulaire n°2015-004/MJDHPC/CAB du 5 mars 2015 prévoyant le droit d'être assisté par un avocat dès l'enquête préliminaire. * 454 V. art 516-21 du nouveau CPP. * 455 Commission A.D.H.P., Civil Liberties Organisation, LegalDefence Centre, LegalDefence and Assistance Project c. Nigeria, req. 218/98, 7 mai 2001, §40. * 456 John SPENCER, « La preuve en droit pénal anglais », in La preuve en procédure pénale comparée, pp. 84-103, spéc. p. 91 * 457 V. art. 19 D.U.D.H. et 19 al. 1 et 2 du P.I.D.C.P. * 458 Mohammed AYAT, « Le silence prend la parole : la percée du droit de se taire en droit international pénal », in Archives de politique criminelle,n° 24, 2002 , pp.219-255, spéc. p. 221. Cf http://www.legal-tools.org/doc/6f8a20/, consulté le 18 février 2021 à 18h : 50. * 459Cour A.D.H.P., Oscar Josiah c. République-Unie de Tanzanie, Ordonnance, req. n°053/2016, Arrêt (fond) 28 mars 2019, § 51. v. aussi Mohamed Abubakari c. République-Unie de Tanzanie, req. n°007/2013, arrêt du 20 mai 2016, § 174. * 460 Charlotte Girard, Culpabilité et silence en droit comparé, éd. L'Harmattan, Paris-Montréal, 1997, pp. 71 et ss. * 461 Mohammed AYAT, op.cit., p.221. * 462 Charlotte Girard, op. cit., pp. 27 et ss. * 463 Mohammed AYAT, op. cit. p. 220. * 464Ibid.. * 465 Mohammed AYAT, op. cit., p. 223. * 466 Virginia MORRIS et Michael SCHARF, The International Criminal Tribunal for Rwanda, Transnational Publishers, Inc, New York, 1997, Tome I, p. 472 * 467 Mickael BRASWELL et alii, Justice Crime and Ethics, éd. Anderson Pub. Co, Cincinnati, Ohio, 1991, pp. 57 et ss. * 468 L'esprit profond de cette mise en garde solennelle vise à réduire la tentation de recourir à des méthodes douteuses pour obtenir l'aveu du suspect. L'objet de l'enquête policière se trouvant par là même orienté non vers l'obtention (coûte que coûte) d'une confession mais plutôt vers la recherche de preuves matérielles de l'infraction; des preuves susceptibles de rendre compte de la vérité et éventuellement de confondre le coupable devant le tribunal. * 469 Mohammed-Jalal ESSAID, op. cit., p.223. * 470John SPENCER, « La preuve en droit pénal anglais », in La preuve en procédure pénale comparée, pp. 84-103, spéc. p. 91 * 471 Cf. https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1984/60/contents, consulté le 20/02/2021 à 11:56. * 472P. Allbridge, « ReformMovements in CriminalProcedure and the Protection of HumanRights in England », in Movements to ReformCriminalProcedure and to ProtectHumanRights, R.I.D.P., 64e année, 3e et 4e trimestre, 1993, pp. 1115-1125 et spéc. pp. 1121 et s. Cette exclusion n'est pas automatique; elle est soumise à la discrétion du juge. |
|