L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Fasopar Marou KABORE Université Thomas Sankara - Master 2 2021 |
B. Le droit à un procès équitableLe droit à un procès équitable est essentiel à la protection de tous les droits et libertés fondamentaux435(*), donc un droit fondamental de l'homme436(*). La consolidation du droit à un procès équitable repose sur la garantie du droit d'accès à un tribunal. Ainsi, la Cour E.D.H. dans son célèbre arrêt Golder c. Royaume-Uni du 21 février1975437(*), a affirmé et sanctionné le droit à un tribunal comme l'un des piliers du droit au procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la convention. Par ailleurs, l'arrêt Deweer c. Belgique du 27 février 1980 a confirmé cette jurisprudence en matière pénale438(*). L'accès à un tribunal s'entend d'un accès concret et effectif au juge439(*). Hors, cette exigence présume que le justiciable « jouisse d'une possibilité claire et concrète de contester un acte constituant une ingérence dans ses droits »440(*). Ainsi le droit à la défense inclut le droit à l'assistance judiciaire gratuite lorsque l`intérêt de la justice l'exige441(*). L'assistance judiciaire constitue certes une garantie fondamentale pour un procès équitable442(*) mais rencontre des difficultés à sa mise en oeuvre. Pour lever cette adversité, le système d'assistance juridiquedoit être disponible443(*), accessible et effectif444(*). Autrement dit, afin d'assurer l'effectivité de l'accès au tribunal, l'État a l'obligation de lever la plupart des obstacles qui peuvent entraver cet accès d'où il est nécessaire que l'accès à l'aide juridique et à l'assistance judiciaire soit davantage conforté. Le principe du libre accès à la Justice est d'ailleurs consacré par la Constitution et les lois de la du pays445(*). L'assistance judiciaire devrait être fournie aux personnes accusées ou soupçonnées d'un crime, quelle que soit la nature de ce crime446(*). Pour Djedjiro Francisco MELEDJE, ce droit doit être effectif et accessible à tous car « il est évident que dans la réalité quotidienne, le pauvre ne peut accéder ni à ses droits civils ni à des droits politiques surtout fréquemment dans les pays sous-développés447(*)». Ainsi, dans une affaire récente, la Cour A.D.H.P. a rappelé que la Charte africaine ne prévoit pas explicitement le droit à l'assistance judiciaire, mais qu'il s'agit d'un droit implicite qui relève du droit à la défense448(*) prévu à l'article 7(1) (c) de la Charte et précédemment consacré dans sa jurisprudence449(*). La Cour A.D.H.P. a réitéré le principe selon lequel une personne indigente poursuivie en matière pénale a spécialement droit à l'assistance judiciaire gratuite lorsque l'infraction concernée est grave, et que la peine prévue par la loi est sévère. L'Etat a donc l'obligation de fournir une assistance judiciaire au requérant, en tenant compte de la gravité d'une situation450(*). La Cour a identifié deux conditions cumulatives requises pour qu'un accusé puisse bénéficier du droit à l'assistance judiciaire : l'indigence et l'intérêt de la justice451(*). Hors la personne privée de liberté est vulnérable au regard de la jurisprudence452(*), son indigence pourrait alors plus élevée. * 435 Commission A.D.H.P., Civil Liberties Organisation, LegalDefence Centre, LegalDefence and Assistance Project c. Nigeria, req. 218/98, 7 mai 200, §30. * 436Cour A.D.H.P., Commission A.D.H.P. c. Libye req. n°002/2013, 03 juin 2016, §89 * 437Cour E.D.H., 21 févr. 1975, Golder c. R-U, série A no 18.Après avoir relevé (§ 34) que « la prééminence du droit ne se conçoit guère sans la possibilité d'accéder aux tribunaux », la Cour a énoncé (§ 35) qu'« on ne comprendrait pas que l'article 6 § 1er décrive en détail les garanties de procédure accordées aux parties à une action civile en cours et qu'il ne protège pas d'abord ce qui seul permet d'en bénéficier en réalité : l'accès au juge ». « Équité, publicité, célérité du procès n'offrent point d'intérêt en l'absence de procès », puis a affirmé que « le droit d'accès constitue un élément inhérent au droit qu'énonce l'article 6 § 1 ». Et la Cour de conclure en l'espèce qu'« en répondant qu'il ne croyait pas devoir accorder la permission sollicitée, le ministre a méconnu dans la personne du requérant le droit de saisir un tribunal, tel que le garantit l'article 6 § 1 ». * 438 Cour E.D.H., 27 févr. 1980, Deweer c. Belgique. * 439 Cour E.D.H., 9 oct. 1979, Airey c/Irlande, série A no 32, dans lequel la Cour énonce que « la Convention a pour but de protéger des droits, non pas théoriques et illusoires, mais concrets et effectifs » ; voir l'article de Michel Hottelier, en ligne à l'adresse : http://www.Rtdh.eu. * 440 Cour E.D.H, 4 déc. 1995, Bellet c. France, § 36, D. 1997, p. 205, note Sophie Perez. * 441 Cour A.D.H.P., Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie, req. n°005/2013, Arrêt (fond) du 20 novembre 2015, § 130. Il s'agit de la gravité de l'infraction, la sévérité de la peine éventuelle, la complexité de l'affaire, et la situation sociale et personnelle du défendeur, § 118. ; Mohamed Abubakari c. République-Unie de Tanzanie, req. n° 007/2013arrêt (fond) du 3 juin 2016, § 137. * 442 Rapport PenalReform International, Détention provisoire ; lutter contre les facteurs de risque afin de prévenir la torture et les mauvais traitements, 2013, p.9. * 443L'article 14(3) (d) du P.I.D.C.P. prévoit que toute personne accusée d'une infraction pénale a droit « (...) chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer ». * 444V. Les Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l'accès à l'assistance juridique dans le système de justice pénale, 2012, Principe 2 (les États doivent « garantir la mise en place d'un système d'assistance juridique complet, qui soit accessible, efficace, pérenne et crédible »), Principe 12 (les États doivent veiller à ce que les prestataires d'assistance juridique puissent accomplir leur travail efficacement) ; Principe 7 (les États doivent « s'assurer qu'une assistance juridique efficace est fournie rapidement à toutes les étapes de la justice pénale » et garantir la « possibilité pour toute personne détenue d'avoir librement accès aux prestataires d'assistance juridique »). * 445 V. art. 4 de la Constitution burkinabè. * 446 Cour E.D.H., [GC] Aff., Salduz c. Turquie, req. n°36391/99, arrêt du 27 novembre 2008, § 54. * 447DjedjiroFransisco MELEDJE, « Pauvreté et droits civils et politiques », in Pauvreté et droits de l'Homme, Colloque International de la Ligue Ivoirienne des droits de l'Homme, 18-20 octobre 2007, éd. Harmattan, pp.87-108, spéc.93et ss. * 448 Cour A.D.H.P., Alex Thomas c. Tanzanie, req. n°005/2013 Arrêt (fond), 04 juillet 2019, §118. * 449 Cour A.D.H.P., Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda, req. n° 003/2014, 24 novembre 2017, § 97. V. aussi Cour A.D.H.P., aff.Kennedy OwinoOnyachi et Charles John MwaniniNjoka c. République-Unie de Tanzanie, op.cit. §104. * 450 Affaire Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie, arrêt du 20 novembre 2015, paras 115, 123 et 124. * 451 Cour A.D.H.P., aff.Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie, §118. V. aussi affaire Cour E.D.H., Granger c. Royaume-Uni, req. 11932/86, 28 mars 1990, §44. * 452 V. Cour E.D.H., Tomasi c. France [GC], req. n° 12850/87, Arrêt, 27 août 1992, § 113 ; Cour E.D.H., Salman c. Turquie [GC],req. n°21986/93, Arrêt, 27 juin 2000, §99 ; Cour E.D.H., 3e sect., Demiray c. Turquie, req. n°27308/95, Arrêt, 04 mars 200, §42 ; Cour E.D.H., 4e sect., Berktay c. Turquie, req. n° 22493/93, Arrêt, 1er juin 2001, §167 ; Cour E.D.H., 1re sect., Affaire AbdurrahmanOrakc.Turquie, req.n°31889/96 Arrêt14 mai 2002, §68 ; Cour E.D.H., 1re sect.Affaire Rivas c. France, req. n° 59584/00, Arrêt, 1er juillet 2004, §38 ; Cour E.D.H., 3e sect., Tanli c. Turquie, req. n° 26 129/95 Arrêt, 10 juin 2001, §141. |
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