L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Fasopar Marou KABORE Université Thomas Sankara - Master 2 2021 |
B. Le recours aux alternatives à l'emprisonnementL'usage de la prison devrait se limiter strictement à une mesure de dernier recours à défaut la surpopulation carcérale sera toujours pendante. Les prisons dépensent des ressources et un potentiel humain déjà limités, alors que la majorité des personnes détenues ne constituent pas une menace réelle pour la société331(*). La privation de liberté ne doit plus être considérée exclusivement comme une sanction mais un moyen de réadapter et de réhabiliter le prisonnier en vue de sa réinsertion sociale ultérieure332(*). Cette idée ne remet fondamentalement pas en cause la « réalité de l'enfermement ». Elle affirme seulement que la peine n'a plus une fonction expiatoire333(*), mais répond à la réinsertion sociale que la société attend pour sa sécurité, en conciliant nécessité de punir et volonté de réintégrer socialement334(*). Or pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n'y a d'autres solutions qui consistent à « rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l'extérieur », la société carcérale de la société civile335(*). Il est donc nécessaire de recourir à d'autres peines alternatives à l'emprisonnement. Ces peines concernent les auteurs de délits et non de crimes et visent notamment à prévenir le surpeuplement des prisons, le caractère désocialisant de l'incarcération et le risque de récidive.C'est à juste titre que les règles minima pour l'élaboration des mesures non privatives de liberté (ou règles de Tokyo) ont été instituées336(*). Les peines alternatives permettent non seulement de faire face à l'inflation carcérale, la récidive, mais aussi permettre la rééducation du délinquant337(*). Pour Guy CANIVET, pour résoudre le paradoxe qui consiste à réinsérer une personne en la retirant de la société, il n'y a d'autres solutions qui consistent à « rapprocher autant que possible la vie en prison des conditions de vie à l'extérieur » la société carcérale de la société civile»338(*). La première mesure est relative au travail d'intérêt général (T.I.G.). C'est une peine alternative à la réclusion qui consiste en l'exercice d'une activité non rémunérée accomplie au profit d'une collectivité publique, d'un établissement public ou d'une association339(*) après le prononcé définit d'une peine d'emprisonnement. Elle est applicable en matière correctionnelle340(*) à des conditions341(*) et des obligations342(*) prévues par la loi. Le TIG peut intervenir soit à titre de peine principale343(*), soit cumulativement avec d'autres peines344(*) à l'exception de l'emprisonnement. Le TIG présente des intérêts énormes à la fois sur la réduction du surpeuplement des prisons et la réduction des dépenses de l'État. En effet, cela réduit le coût de la prise en charge des détenus qui est extrêmement cher, sans oublier le profit du travail à la collectivité. En plus du TIG, le stage de citoyenneté peut également être prononcé à la place de l'emprisonnement en matière correctionnelle. En droit comparé, les délits routiers sont sanctionnées par le TIG en France depuis une loi du 12 juin 2003345(*) Par ailleurs, le contrôle sous surveillance électronique ou la détention à domicile pourrait être envisagé pour les peines privatives de liberté dont la durée n'excède pas deux ans ou lorsqu'il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n'excède pas deux ans. C'est une mesure qui emporte pour le condamné, interdiction de s'absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge en dehors des périodes fixées par celui-ci346(*). Les périodes et les lieux sont fixés en fonction d'une activité professionnelle, du suivi d'un enseignement ou d'un stage, de l'occupation d'un emploi temporaire en vue d'une insertion sociale347(*). Le contrôle étant assuré au moyen d'un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l'absence dans le lieu désigné348(*), cette mesure déjà instituée dans certains pays349(*) permet à l'intéressé de continuer à travailler et d'exécuter sa peine en « liberté ». En plus, l'on pourrait recourir à l'exécution des peines pécuniaires comme alternative à l'incarcération pour les courtes peines d'emprisonnement. Il s'agit principalement d'amendes et de jours-amende350(*) pour essentiellement les infractions économiques. Pour Bernard BOULOC, les peines pécuniaires présentent sur le plan criminologique une grande originalité par rapport aux autres peines car les peines privatives de liberté sont souvent corruptrices, surtout lorsque les détenus sont soumis au régime de détention en commun351(*). Ainsi, les peines pécuniaires n'ont pas d'incidences fâcheuses pour celui qui les subit et ces peines sont également très intimidantes, notamment pour les infractions de lucre. Les peines pécuniaires ont non seulement l'avantage d'être fractionnables à l'infini, ce qui leur donne une très grande souplesse, mais aussi en cas d'erreur judiciaire, il est plus facile de réparer les conséquences avec les peines pécuniaires352(*). Outre ces alternatives, les règles de Tokyo prévoient d'autres mesures à l'emprisonnement telles que l'indemnisation de la victime, la condamnation avec sursis ou suspension de la peine, les peines privatives de droits, etc. qui peuvent être prises353(*). Le travail en prison étant une mesure efficace pour la réinsertion du détenu et à la protection des droits fondamentaux en milieu carcéral, il permet une réinsertion sociale est réussie, et le risque de récidive est évité. Les alternatives à l'emprisonnement permettent également d'exercer un contrôle extérieur354(*) qui pourrait combler ce fossé profond qui sépare l'opinion publique des prisons qui « n'apparaissent dans l'actualité qu'au travers d'incidents, de mouvements sociaux, d'évasions ou de mutineries »355(*)et de montrer qu'elles font partie de la société. * 331 Art. 1 de la Déclaration de Kadoma sur le T.I.G. en Afrique tenue à Kadoma, Zimbabwe, du 24 au 28 novembre 1997. * 332 Olivier MONGIN, « Prisons à la dérive », Revue Esprit, n°215, oct. 1995, pp.101-103, spéc. p. 103. Cf. https://esprit.presse.fr/serve-gif/article/10909/103, consulté le 21 mars 2021 à10h : 21. * 333 R. BADINTER, « La Prison républicaine », 1871-1914 * 334 V. Commission européenne, Rapport sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, juillet 1999, p. 6. * 335W. RENTZMANN, « Pierres angulaires d'une philosophie moderne du traitement : normalisation et responsabilité » in Bulletin d'informations pénitentiaires, Conseil de l'Europe, n° 16, Strasbourg, 1992, p. 9. Le contrôle extérieur n'est pas établi « contre » l'institution pénitentiaire, mais « pour », pour l'instauration de prisons dignes d'une démocratie. * 336 V. Règles minima des Nations-Unies pour l'élaboration des mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) adoptées le 14 décembre 1990. * 337 Wilhelm RENTZMANN, « Pierres angulaires d'une philosophie moderne du traitement : normalisation et responsabilité » : Bulletin d'informations pénitentiaires, Conseil de l'Europe, n° 16, Strasbourg, 1992, p. 9. * 338 Guy CANIVET, Le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, juillet 1999, cf. https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/004001169.pdf, consulté le 17 mars 2021 à 16 :03. * 339 V. art. 4 de la loi n°007-2004/An du 06 avril 2004 portant administration du travail d'intérêt général au Burkina Faso J.O. BF n°23 du 03 juin 2004. * 340 V. art. 213-1 du C.P. * 341 V. loi n°007-2004/An du 06 avril 2004, op.cit., Art. 6. Au nombre de ces condition, il s'agit de ne pas présenter une personnalité dangereuse ; n'avoir pas été condamné au cours des cinq années précédent les faits, pour crime ou délit de droit commun, soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis supérieure à quatre mois ; disposer soit d'un domicile fixe, soit d'une adresse certaine ou présenter une attestation délivrée par une personne acceptant d'héberger gratuitement le prévenu pendant la durée de la peine et présenter des garanties suffisantes de représentation et être âgé de seize ans au moins. * 342 Ibid. art. 13. Il s'agit d'accomplir personnellement et sans représentation le travail prescrit ; répondre aux convocations du magistrat chargé de l'application des peines et de la personne déléguée par lui ; obtenir l'autorisation préalable du magistrat chargé de l'application des peines pour tout déplacement qui ferait obstacle à l'exécution du travail d'intérêt général selon les modalités fixées ; recevoir les visites de la personne déléguée par le magistrat chargé de l'application des peines et lui communiquer tous documents ou renseignements relatifs à l'exécution de la peine; se soumettre à la discipline de travail en vigueur dans l'institution d'accueil. * 343 V. art. 213-4 al.1 du C.P.. * 344 V. art.213-4 al.2 du C.P.. * 345 V. art. 131-22 du C.P. français : Lorsque la personne a été condamnée pour un délit prévu par le code de la route ou sur le fondement des articles 221-6-1, 222-19-1, 222-20-1 et 434-10, elle accomplit de préférence la peine de travail d'intérêt général dans un des établissements spécialisés dans l'accueil des blessés de la route * 346 Les obligations du contrôle sous surveillance électronique s'apparentent à celles du contrôle judiciaire dans la détention préventive puisque le non-respect de ces obligations entraine la mise en exécution de l'emprisonnement. * 347 Bernard BOULOC et Haritini MATSOPOULOU, Droit pénal et procédure pénale, éd. Sirey, 16e éd., Paris, 2006, p. 481. * 348 Ce procédé consiste à imposer à la personne le port d'un dispositif intégrant un émetteur pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique. * 349 V. art. 723-7 du nouveau C.P.P. français. * 350 En droit français, la peine de jours-amende est prévue par le C.P. et le C.P.P. français. L'art. 131-5 du C.P. français dispose que «lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine de jours-amende consistant pour le condamné à verser au Trésor une somme dont le montant global résulte de la fixation par le juge d'une contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours. Le montant de chaque jour-amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ; il ne peut excéder 1 000 euros. Le nombre de jours-amende es déterminé en tenant compte des circonstances de l'infraction ; il ne peut excéder trois cent soixante. ». Le défaut d'exécuter entraine l'incarcération du condamné v. art. 131-25 al.2 C.P. français. * 351 Bernard BOULOC et Haritini MATSOPOULOU, op. cit. p.490. * 352 Ibid. Même si on affirme que les peines pécuniaires présentent l'inconvénient de ne pas respecter le principe de la personnalité des peines c'est-à-dire que la famille du condamné doit, en effet, en supporter les conséquences, il faut noter que, les peines pécuniaires, il est à peine besoin de le souligner, sont avantageuses pour le Trésor public, alors que les peines privatives de liberté sont onéreuses pour l'État. * 353 V. principes 8.2 des Règles de Tokyo. * 354 Commission européenne, Rapport sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, juillet 1999, p.8. * 355 Pierre PEDRON, « Administration pénitentiaire : les limites d'une révolution tranquille», R.P.D.P., n°1, janvier-mars 1994, p.41. |
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