WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Faso


par Marou KABORE
Université Thomas Sankara - Master 2 2021
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 : La nécessaire concrétisation de la dignité dans l'univers carcéral burkinabè

La justice ne saurait s'arrêter à la porte des prisons271(*). Le droit au respect de sa dignité étant un principe indérogeable, il ne saurait être restreint par le fait de la privation de liberté272(*). En prison comme ailleurs, les droits doivent être « concrets et effectifs ». Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine273(*). L'ensemble des règles minima pour le traitement des détenus énonce à la Règle 5.1 que « le régime carcéral doit chercher à réduire au minimum les différencesqui peuvent exister entre la vie en prison et la vie en liberté dans la mesureoù ces différences tendent à atténuer le sens de la responsabilité du détenuou le respect de la dignité de sa personne ».

Les droits des personnes incarcérées présentent de nombreuses particularités théoriques, mais leur exercice concret doit également attirer l'attention car les conditions matérielles de détention influent directement sur les droits qui devraient être normalement reconnus à ces personnes274(*).

Pour certains auteurs, si l'on veut tenter de transposer la situation du détenu à celle d'une autre catégorie, la comparaison la plus juste semble être d'assimiler le prisonnier contemporain à un mineur, voire à un majeur sous tutelle275(*). Dans les deux cas, le sujet de droit possède une autonomie juridique réduite et est soumis à un élément extérieur qui peut le contraindre et décider en ses nom et place. Il est indéniable que la prison constitue un instrument d'infantilisation du prisonnier, totalement pris en charge, soigné, nourri, traité, formé, employé...276(*). Le prisonnier est soumis à un traitement, mais ne possède aucun droit de regard sur ce traitement, tout comme l'enfant ne possède que peu de droits sur son éducation.

Le respect de la dignité du détenu suppose l'interdiction de la torture (B) et de tout traitement cruel (A) qui dégrade la personne humaine277(*).

Paragraphe 1 : L'interdiction des traitements inhumains et dégradants

La jurisprudence278(*) et la doctrine279(*) nous enseignent queles traitements inhumains et dégradants constituent une atteinte particulièrement grave à la dignité humaine visant à créer chez la victime des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à l'humilier, à l'avilir et à briser éventuellement sa résistance physique et morale. Que le traitement inhumain est de nature à causer de vives souffrances physiques et morales pouvant entraîner de surcroît des troubles psychiques aiguës280(*).L'interdiction des traitements inhumains et dégradants impose à l'État l'obligation positive de s'assurer que toutprisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité281(*).

Les disparitions forcées282(*), les détentions illégales ou arbitraires sont autant de traitements inhumains et dégradants. La détention au secret283(*), le surpeuplement carcéral, le tabassage284(*), l'insuffisance de nourriture et le manque d'accès aux médicaments ou aux soins médicaux aux détenus, le manque de ventilation285(*) sont autant de traitements qui ne peuvent être qualifiés autrement que de dégradants et inhumains286(*). Le traitement pénitentiaire contemporain implique non seulement le respect de la dignité de l'homme puni, la protection de sa santé physique et mentale, de son développement intellectuel287(*) et sportif, le maintien des liens familiaux et sociaux, mais également la promotion de la resocialisation au rang de véritable droit du détenu288(*). C'est pourquoi à notre avis, le droit à la santé et à l'alimentation (A) et l'interdiction de la torture (B) appellent à beaucoup plus de renforcement dans cette section.

.

Lignes directrices de Robben Island pour la Prohibition et la prévention de la torture en Afrique, juillet 2003

Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 26 novembre 1987

Convention interaméricaine pour la prévention et la répression de la torture du 9 décembre 1985

Sous-comité pour la prévention de la torture institué par le protocole facultatif à la CTCID du 18 décembre 2002

Sous-comité pour la prévention de la torture institué par le protocole facultatif à la CTCID du 18 décembre 2002

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 18 décembre 2002

Nations Unies, Principes relatifs aux moyens d'enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants pour établir la réalité des faits du 4 décembre 2000

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984

Nations Unies, Principes d'éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 18 décembre 1982

Nations Unies, Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, du 27 août au 7 septembre 1990

A. Le renforcement du droit à la santé et à l'alimentation

Il est établi que la condition essentielle de la jouissance du meilleur état de santé est la disponibilité durable d'une alimentation quantitativement suffisante et qualitativement adéquate289(*). On voit alors que santé et alimentation, et corrélativement droit à la santé et droit à l'alimentation, s'influent mutuellement souvent et s'identifient même parfois290(*). Dans la plupart des systèmes pénitentiaires, le droit à la santé et à l'alimentation des P.P.L. ne sont que théoriquement prévus et faiblement mis en oeuvre. Or, en matière de santé des détenus, la responsabilité de l'État est directe et encore plus grande étant donné que la personne est sous sa garde. L'intégrité et le bien-être de cette personne dépendent totalement des autorités291(*).

Cependant, il convient de noter que même si le droit à l'alimentation est un droit fondamental, l'application effective et pratique de ce droit semble être très difficile surtout dans les pays pauvres comme le Burkina Faso. En effet, même en situation de liberté, la plupart des personnes non privées de liberté peinent à s'alimenter convenablement.

Même si pour certains auteurs, la prise en charge sanitaire et alimentaire des personnes détenues incombe à l'établissement pénitentiaire qui en finance le coût292(*), nous estimons que dans notre contexte, le renforcement de ces droits exige une implication des détenus eux-mêmes. Pour ce faire, il faut d'une part instituer le travail obligatoire en prison et d'autre part, mettre en place un service de santé constamment fourni en qualité au sein chaque établissement pénitentiaire.

La prison ne devrait plus un établissement d'inactivité car la population qui s'y trouve est en majorité très jeune293(*) donc capable de travailler. Le travail obligatoire en prison pourrait générer des ressources susceptibles de renforcer l'alimentation et la santé. Il peut s'agir par exemple du travail pénal effectué sous le régime de la régie, c'est-à-dire que l'employeur est l'administration pénitentiaire elle-même, qui fait travailler les détenus pour son propre compte. Il peut s'agir également de la main d'oeuvre pénale. Elle est concédée à un particulier (dit concessionnaire) qui fait travailler les détenus à l'intérieur de la prison, pour son compte, moyennant une redevance versée à l'administration. Cette technique consistera à verser la moitié des sommes dans un compte commun de tous les détenus qui formera ainsi un fond commun pour les soins médicaux. L'autre moitié sera reversée au détenu pour ses besoins alimentaires spécifiques294(*).

Ainsi, plutôt que d'attendre de l'État avec un maigre financement budgétaire alloué par an pour l'entretien des détenus, le travail en prison pourrait aider le détenu à atteindre une autonomie financière afin de s'alimenter convenablement et de soigner. Promouvoir les activités économiques et professionnelles dans les établissements pénitentiaires est donc une mesure qui permet à la fois au détenu de s'entretenir et de préparer sa réinsertion. Au-delà même des ressources financières qui sont générées certains auteurs estiment que le travail permet d'être actif295(*) et donc favoriserait la santé.

La mise en place du service de santé dans les établissements pénitentiaires suppose une dotation en médicaments de qualité et subventionnés, accessible et disponible pour toute personne admise en détention. Le fond commun des détenus évoqué plus haut provenant du travail devra servir à assurer tout besoin de prise en charge sanitaire en cas de maladie de tout détenu.

L'obligation d'assurer des soins médicaux appropriés ne se limite pas à la prescription d'un traitement adéquat : il faut aussi que les autorités pénitentiaires s'assurent que celui-ci soit correctement administré et suivi296(*).

* 271Pierre PEDRON, La Prison et les droits de l'Homme, éd. L.G.D.J., 1995, Paris, préface.

* 272Muriel FABRE-MAGNAN, op. cit. p.7.

* 273 V. art. 10.1 PICDP. En 2014.

* 274LARRALDE Jean-Manuel, « Les droits des personnes incarcérées : entre punition et réhabilitation », Université de Caen Basse-Normandie, Cahiers de la Recherche sur les Droits Fondamentaux (CRDF), n°2, 2003, p.63-76, spéc. p. 73. Cf. http://journals.openedition.org/crdf/7712, consulté 17 mars 2021 à 14h : 34.

* 275Jean-Manuel LARRALDE, « Les droits des personnes incarcérées : entre punition et réhabilitation », Université de Caen Basse-Normandie, CRDF, n°2, 2003, p.63-76, spéc. p. 72.

* 276Ibid. Le directeur de l'établissement pour l'un, le titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur pour l'autre.

* 277 Patrick MISTRETTA, « La protection de la dignité de la personne et les vicissitudes du droit pénal » ; J.C.P., 2005, I, n° 100.

* 278Cour E.D.H., aff.Dougoz c. Grèce, arrêt du 6 mars 200, § 43 et ss. ; arrêt du 19 avril 2001, aff.Peers c.

Grèce, in J.C.P. G., 2001, I, p. 342, § 68 et ss.

* 279 Michel DE SALVIA, Compendium de la Cour E.D.H., Les principes directeurs de la jurisprudence relative à la Convention européenne des droits de l'homme, Vol. 1 jurisprudence 1960-2002, Strasbourg, éd. N.P. Engel, 2003 p. 94 et ss. ; Nicolas VALTICOS, La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'art. 3 de Convention européenne des droits de l'homme, in Cassese Antonio, La lutte internationale contre la torture, Baden-Baden, NomosVerlagsgesellschaft, 1991, p. 121-134 ; Andreas AUER, Giorgio MALINVERNI et Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Les droits fondamentaux, Berne, éd. Staempfli., vol. 2, 2006, p. 152 et ss. ; v. aussi Cour E.D.H., arrêt du 25 avril 1978, aff.Tyrer c. Royaume Uni, § 28 et ss.

* 280 Gilles DUTERTE, Extraits clés de jurisprudence ; Cour EDH, éd. Conseil de l'Europe, Strasbourg, 2003, p. 56 et ss.

* 281 Cour EDH, Aff. Dorneanu c. Roumanie, req. n° 55089/13Arrêt du 28 février 2018, §76.

* 282Comm. A.D.H.P., J.E Zitha et P.J.L.Zitha c. Mozambique, Comm. n°361/08, 23 février au 3 mars 2011, §81. « De l'avis de la Commission africaine, toutes les disparitions forcées violent un large éventail des droits de l'homme : le droit à la sécurité et à la dignité de la personne, le droit de ne pas être exposé à la torture ou à tout autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant, le droit à des conditions humaines de détention, le droit à une personnalité juridique, le droit à un procès équitable, le droit à une vie de famille et, quand la personne disparue a été tuée, le droit à la vie. ». v. aussi Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes du 9 juin 1994

* 283 Cf. Décision de la Commission concernant les communications 48/90, 50/91, 52/91, 89/93, Amnesty International, ComitéLoosliBachelard, Lawyers Committee for Human Rights, Association of Members of the Episcopal Conference of East Africa c. Sudan, §. 54.

* 284 Cf. Décision de la Commission concernant la communication 78/92 Krishna Achuthan v Malawi, 64/92, Amnesty International v Malawi, para. 7.

* 285 Commission A.D.H.P., aff. International PEN, ConstitutionalRights, Interights au nom de Ken Saro -Wiwa Jr. et Civil Liberties Organisation c. Nigeria, req. n°137/94-139/94-154/96-161/97, 31 octobre 1998, § 80 et 81.

* 286 Cf. décision de la Commission A.D.H.P., Civil Liberties Organisation c. Nigéria, comm. n° 151/96, 26e Session ordinaire, 15 novembre 1999, § 27. ; Voir aussi, au niveau international, le point de vue du Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans la communication 253/1987 Kelly v Jamaica , selon lequel le respect de la dignité inhérente de l'être humain requérait la fourniture de soins médicaux, de nourriture et d'installations sanitaires de base durant la détention. Dans sa communication Kalenga c. Zambie, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a souligné en outre que lorsque le Plaignant s'est vu refuser l'accès à la nourriture et à une assistance médicale durant sa détention, la dignité inhérente à l'être humain n'a pas été respectée.

* 287 Il s'agit du droit à l'enseignement qui a été institué comme un droit fondamental du détenu. V. principe 6 des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus du 14 décembre 1990. «Tous les détenus ont le droit de participer à des activités culturelles et de bénéficier d'un enseignement visant au plein épanouissement de la personnalité humaine. » v. aussi MILLY Bruno, « La prison, école de quoi ? Un regard sociologique » édition Le Seuil, 2010/4 n° 135, 2010, p.135-147, spéc. p. 137. Cf. https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-4-page-135.htm, consulté le 27 mars 2021 à 13h :09.

* 288 Jean Marc VARAUT, La Prison, pour quoi faire ?, La Table ronde, Paris, 1972, p. 196.

* 289Abdoulaye SOMA, op. cit. p. 191.

* 290EllyLeemhuis De REGT, Nutrition : Interaction of Food, Health and Care, p. 7 et ss.

* 291 Commission A.D.H.P., International Pen, ConstitutionalRights Project, INTERIGHTS (pour le compte de Ken Saro-Wiwa, Jr.) et Civil Liberties Organisation c. Nigéria, comm. n° 137/94, 139/94, 154/96 & 161/97, 24e Session ordinaire, 31 octobre 1998, §112.

* 292 Pierre PEDRON, op. cit. p.97.

* 293 Burkina Faso, M.J.D.H.P.C., Direction générale des études et des statistiques sectorielles, Tableau de bord statistique 2019 de la justice, éd. 2020, p.63.

* 294Aux termes des dispositions de l'article 247 de la loi n°010-2017/AN portant régime pénitentiaire, « les détenus ont la faculté de renoncer aux vivres ordinaires de l'établissement et faire venir de l'extérieur, à leurs frais, des aliments ».

* 295Sara LIWERANT, op.cit. p. 96.

* 296 Cour EDH, Jasiñska c. Pologne, req. n° 28326/05, arrêt du 1er juin 2010, § 78.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille