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L aprotection des droits fondamentaux des personnes privées de liberté au Burkina Fasopar Marou KABORE Université Thomas Sankara - Master 2 2021 |
Paragraphe 1 : La faible mise à l'épreuve des principes fondamentaux relatifs à la vieL'obligation de protéger la vie des personnes détenues implique de leur dispenser avec diligence les soins médicaux à même de prévenir une issue fatale204(*). La dignité de la personne humaine est, par excellence un principe fondateur des droits de l'homme205(*). C'est pourquoi dans sa Communication 232/99 du 06 novembre 2000, la Commission ADHP a soutenu qu'une violation de [l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus] constitue effectivement une violation de l'Article 5 de la Charte206(*). La protection de la dignité de la P.P.L. suppose tout d'abord que soit respecté le droit à la vie. Considéré comme le « droit suprême » par le comité des N.U.207(*), la Cour I.A.D.H. a aussi affirmé que « lorsque le droit à la vien'est pas respecté, tous les autres droits disparaissent parce que la personne qui en a le droit cesse d'exister »208(*). La cour A.D.H.P. a récemment confirmé cette jurisprudence en jugeant le droit à la vie comme « le fondement dont dépendent tous les autres droits et libertés »209(*). L'obligation de respecter le droit à la vie comprend deux aspects ; le premier négatif interdit l'atteinte arbitraire et le second oblige l'État à prévenir les atteintes210(*). Le droit à la vie des personnes privées de liberté semble être une réalité au Burkina depuis la loi n°025-2018/AN du 25 mai 2018 portant code pénal211(*). La Commission africaine a jugé que la surpopulation carcérale, le manque de nourriture, d'hygiène et de soins médicaux constituent des traitements cruels, inhumains et dégradants212(*) et une atteinte à la dignité humaine. La protection de la dignité de la personne privée de liberté passe alors par l'interdiction des traitements inhumains et dégradants (paragraphe1) et la lutte contre l'inflation carcérale (paragraphe 2). Généralement codifiés et difficilement mis à l'épreuve, ces droits fondamentaux de l'être humain nécessitent une protection active en milieu carcéral. Déclaration d'Arusha sur les bonnes pratiques pénitentiaires, 27 février 1999 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 A. Le droit à la santé faiblement garantiConsacré à l'article 26 de la constitution, le droit à la santé est droit essentiellement théorique. Indépendamment de la privation de liberté, ce droit rencontre des difficultés dans son exercice effectif en situation de liberté encore plus en prison. Pour déterminer si la détention d'une personne malade ne relève pas d'un traitement inhumain et dégradant, trois éléments doivent être pris en considération. Le premier élément est l'état de santé de l'intéressé et l'effet des modalités d'exécution de la détention sur son évolution. Ensuite le caractère adéquat ou non des soins et traitements médicaux dispensés en détention et enfin l'opportunité du maintien en détention de l'intéressé compte tenu de son état de santé213(*). N'étant juridiquement privé que de sa liberté, le détenu demeure titulaire de tous les autres droits, particulièrement de la totalité de ses garanties et droits fondamentaux. Les problèmes liés à la jouissance d'un bon état de santé en prison est une mesure qui aggrave le processus d'exclusion et une atteinte à la dignité humaine214(*) d'autant que la population carcérale présente des risques particuliers215(*). Pourtant, le droit à la santé tel que prévu par les textes n'est une institution théorique. Le droit à la santé tel que prévu par l'article 26 de la constitution n'est qu'un leurre dans la mesure où les soins sont toujours monnayés. Par ailleurs, l'arrêté n°06-064/MJ/SG/DAPRS du 17 mai 2006 portant fixation des modalités d'entretien des détenus qui garantit faiblement ces droits n'est d'ailleurs que théorique dans son application. Ainsi, lors de la soixante-huitième session du comité contre la torture tenue du 11 novembre au 6 décembre 2019, le comité avait dans ses observations relevé une préoccupation assez intéressante en matière de santé des détenus. En effet il s'agit de l'absence de disposition expresse consacrant le droit des détenus à être examinés sans condition par un médecin indépendant ou de leur choix, un tel examen étant soumis à la discrétion du procureur216(*) nonobstant les récentes révolutions législatives. * 204 Cour EDH, Dorneanu c. Roumanie, req. n° 55089/13 Arrêt du 28 février 2018, § 48. V. aussi Cour EDH, 1ere sect. Taïs c. France, req. n° 39922/03, arrêt du 1er juin 2006, § 98. * 205 Jean-Jacques ISRAEL, Droit des libertés fondamentales, éd. L.G.D.J., Paris, 1998, p.337. * 206 Commission A.D.H.P., John D. Ouko c. Kenya, comm. n° 232/99, 06 novembre 2000, § 24. * 207 Comité des N.U., aff.Baboeram et autres contre Suriname, 1995, comm. n°146, 148-154/83, §14.3. Observation générale n°6 : le droit à la vie (article 6), 30 avril 1982, §1. * 208Cour I.A.D.H., aff.Communauté autochtone Yakye Axa c. Paraguay, Arrêt (Fond, Réparations, Dépens), 17 juin 2005, §216 * 209 Cour A.D.H.P., Commission A.D.H.P.c. Kenya, req. n° 006/2012, 26 mai 2017, §152. * 210 Ludovic HENNEBEL, La jurisprudence du comité des droits de l'homme des Nations Unies, le P.I.D.C.P. et son mécanisme de protection individuelle, éd. Bruylant, coll. Droit et justice, Bruxelles, 2007, p.90. v. aussi Abdoulaye SOMA, op. cit. p.180. * 211 En effet, l'article 900-1 du code pénal dispose que « les condamnations à la peine de mort prononcées sous l'empire de la loi antérieure sont de plein droit commuées en peine d'emprisonnement à vie. ». Le 18 décembre 2007, le Burkina Faso avait voté en faveur de la Résolution de l'Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire universel sur les exécutions. Bien avant, le pays était abolitionniste de fait. Ainsi, il est a régulièrement fait partie des pays ayant voté en faveur des Résolutions des Nations Unies demandant un moratoire sur les exécutions. Il a surtout fait partie des cent dix-sept (117) pays qui ont soutenu l'adoption de la cinquième Résolution 62/149 de l'Assemblée Générale des Nations Unies adoptée le 18 décembre 2014 intitulée « Moratoire sur l'application de la peine de mort ». * 212Commission A.D.H.P., aff.Malawi African Association et autres c. Mauritanie, req. n° 91/54, 91/61, 93/98, 97/164 à 97/196 et 98/210, 20e session, 11 mai 2000, §116 et 118. * 213 Cour EDH, Aff. Dorneanu c. Roumanie, req. n° 55089/13Arrêt du 28 février 2018, § 80. * 214Pierre COUVRAT, « Santé et système pénitentiaire. Application et implications de la loi du 18 janvier 1994. Rapport de synthèse du 31ème Congrès de l'Association française de criminologie », R.S.C.,janvier-mars 1997, n°1, pp. 169-174., spéc. p. 169. * 215 Des médecins ont souligné que les détenus constituent une population à risque, particulièrement touchée par les maladies. Aux carences de santé que les détenus présentent souvent à l'entrée en prison, s'ajoutent des troubles spécifiques qui apparaissent liés à l'enfermement. V. Commission européenne, Rapport sur l'amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Paris, juillet 1999, p. 21. * 216 Burkina Faso, comité contre la torture, Observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Burkina Faso, CAT/C/FA/CO/2, 18 décembre2019, p.3. |
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